L'intervalle magique [clos]

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Déjà un petit cercle s'agglutinait autour de la table ou officiait Ol'kafranne. Il s'était recouvert le cours de pleins d'étoffes colorés à la manière d'un arlequin de pacotille, et officiait sur une simple planche de bois posée sur deux tréteaux.
Au milieu de celle-ci, un morceau de pierre gros comme un poing.
Avec des gestes d'automates, le démon posait une étoffe dessus, et l'instant d'après, la pierre changeait de couleur, de texture, d'odeur.
Les badauds trouvaient le tour très réussi. Il régalait les enfants tout en éveillant la curiosité des plus grands. Deux voyous s'étaient mis bille en tête de deviner la future couleur de la pierre en pariant l'un contre l'autre, hurlant parfois et échangeant les pièces d'or d'une main à l'autre.

Une charmante domestique tentait d'envoyer des regards coquin à l'être qui n'y prit pas garde, hypnotisé par son propre tour et enivré de son succès. Son visage d'écorché souriait sous les étoffes, sentant couler la sève de la vie dans son corps décharné. La jeune femme décidé de poser quelques pièces sur le rebord de la table, et d'autres l'imitèrent ensuite.

Dans l'euphorie de l'instant, Ol'kafranne décida d'utiliser ces pièces pour son numéro. Il les transforma en métal terne, puis en diamant. Un diamant si pur qu'il attisa immédiatement l'envie dans les yeux de son public.
L'instant d'après, les pièces étaient en ambre.
La statue se demanda si elle renfermait de petits insectes prisonniers de la sève.

Une procession d'individus à moitié nus perturba l'office du prestidigitateur. Ils marchaient en procession, enchainés les uns aux autres. Quelques hommes encadraient le cortège, et fouettaient violemment les trainards. Puis au fond, une enfant haute comme trois pommes suivait en pleurant. Elle portait des sandales trop grandes, et quelques ampoules enflaient ses petits pieds. Les larmes avaient creusé des ruisseaux dans la crasse de ses joues, et sa robe, un sac de jute troué, empestait l'urine rance.
Malgré tout, le spectacle de cette petite suivant sa mère enchainée bouleversa le démon. Il rangea donc ses possessions dans sa besace et se mit en tête de suivre le cortège.
Il claudiqua de sa démarche étrange jusqu'à la fillette, s'en saisit, et la déposa sur sa tête dans un geste d'automate déréglé. Elle ne poussa même pas un cri tant elle était épuisée. Une des esclave jeta un regard interrogateur à Ol'kafranne, tachant d'apercevoir quelque chose sous cet amas d'étoffes bariolées, de voir qui était gentil avec sa progéniture.

Le charlatan d'albâtre se mit au niveau d'un garde, et mima sa démarche, comme un simulacre d'humain. Le répliquant aimait bien apprendre des humains, leurs gestes...il devait apprendre à devenir naturel, devenir comme eux. Vivre à leur manière pour sortir enfin du monde du dessous, rongé par la désespérance et la maladie.
Le garde montra rapidement des signes d'agacement.

Sujet: Re: L'intervalle magique [clos] Ven 16 Sep 2011 - 21:42

Plus il visitait Feleth, plus il se rendait à l'évidence que la race des humains était la plus inutile qu'il lui avait été donné de voir. Et c'était quelque chose dont il s'aperçut avec une certaine exaspération quand il arriva enfin à la cité royale, Madorass. Une grande ville où émanaient les rumeurs et les sonorités d'une ville en effervescence. Elle s'étalait avec une certaine arrogance au-dessus d'une colline, majestueuse, lourde de promesse de gloire et de pouvoir, attirant les voyageurs et les badauds directement à l'entrée avant qu'ils ne déchantent et ne se rendent compte que leurs rêves ne faisaient que s'écraser comme des vagues contre des récifs immenses.

Il était dans ce qu'on pourrait appeler les bas-quartiers de la ville, où les gens étaient vêtus de costumes plus miteux que le sien. Les grandes bâtisses de bois pourri semblaient se pencher vers la chaussée, rendant les rues plus étroites. Mendiants, gardes et enfants perdus s'y côtoyaient comme des animaux égarés. Un fluide épais et sale coulait dans les pavés, et Synëal prenait grand soin de ne pas marcher dedans.

Il avait rabattu son feutre sur son front, cachant partiellement ses yeux afin qu'on ne découvre pas sa vraie nature. Même en plein jour, son regard de félin était visible par quiconque le croisait simplement du regard. Il voulait se faire le plus discret possible, il ne tenait pas à engager la conversation au moindre humain, sous peine que cela finisse dans un bain de sang. Et encore...il se demandait s'il oserait toucher à ces raclures de lépreux puants, ou ces humains dans leurs plates de métal qui renfermaient tous les relents de leur transpiration. Avec une moue de dégoût, il esquiva de justesse une mégère qui lui était arrivé dans le dos pour trottiner vers une petite place. Son coeur se souleva d'ailleurs à l'odeur pénible qu'elle laissa sur son passage. Cependant, il la suivit du regard.

Un peu plus loin, une foule s'était formée autour d'un individu dont on ne voyait que le dessus de la tête, enroulée d'étoffes. Le démon-chardon s'en approcha prudemment, tâchant de rester à l'écart le plus possible. A première vue, le personnage qui attirait tant les regards curieux était un faiseur de tours, une sorte de magicien de pacotille qui ne trouvait que sa passion dans la mensuétude des humains qui lui accordaient un peu de leur temps. Synëal eut une grimace. Ils étaient donc si mièvres?

Et alors, un cortège apparut à droite. Des esclaves en haillon, dont les visages étaient sans nul doute plus tristes que les habitants. L'inconnu à la démarche étrange entreprit de le rejoindre, toujours avec les regards qui le suivaient avec perplexité. Il saisit une jeune fille qui sanglotait, la souleva et la porta sur ses épaules fines. Synëal haussa un sourcil.

La marche des esclaves tourna vers lui, et le démon s'écarta, baissant légèrement la tête, mais essayant de garder dans son champ de vision le curieux individu. Celui-ci avait entreprit d'imiter la démarche rigide d'un garde, ce que ce dernier ne semblait pas apprécier. Ah les hommes et leur orgueil...A peine égratigné, et ils s'effarouchaient. Le surveillant des esclaves posa la main sur la garde de son épée, mais il fut arrêté dans son mouvement par une main immaculée. Celui-ci releva la tête et fit face au démon roux, qui releva le bord de son chapeau d'un doigt, rivant ses yeux acérés dans les siens.

" Je vous le déconseille, gros plein de soupe. "

En feintant la gêne dans une esquisse de sourire, il fit mine de ne pas avoir pu retenir ses mots. Le garde ouvrit d'abord sa bouche d'un grand air stupide, et tira alors son épée hors de son fourreau d'un geste ample.

Le Syrinx eut d'abord une pensée pour les humains enchainés dans le cortège : ainsi, donc, cette race de décérébrés soumettait aussi ses semblables...C'en était à vomir.

Puis une pensée pour l'étranger qui cachait son identité derrière ses étoffes et bandeaux : il semblait être différent des autres, et dégageait une attitude qui ne faisait pas de lui un humain. Son comportement et sa façon de se déplacer le trahissaient. En tous cas, on aurait presque cru qu'il ressentait une certaine compassion pour ces énergumènes. Peut-être que c'était le cas. Il y réfléchirait quand il se serait tiré de sa situation gênante avec le garde, à qui il ajouta.

"Allons, je plaisantais. Ne savez-vous donc pas faire sourire votre face de porc? "

Le démon voulut lui tapoter l'épaule d'un air joueur, mais l'épée qui siffla dans l'air l'en dissuada.

" Reculez, ou je vous tue!" ,s'écria l'humain.

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La gamine avait compris que l'homme au joli chapeau était une sorte d'ami. Il semblait vouloir aider, s'opposer à l'énervement de l'humain en distillant quelques paroles apaisantes et amusantes. Peut-être cela éviterait-il que le vilain garde ne s'énerve de nouveau contre sa maman, qui n'avait aucune raison d'être vendue à un quelconque marché aux esclaves. Elle avait juste refusé d'offrir ses faveurs à ce porc empestant l'urine et à l'haleine de houblon. Mais ça, la petite l'ignorait.
Elle ne voyait que les deux gentils messieurs, le magicien boiteux et l'homme roux et rigolo ; mais aussi l'épée à l'éclat terne menaçant le héros nouveau venu.
Il fallait faire quelque chose. Aucun innocent ne devait souffrir à nouveau par la faute de cet individu.
Un bond depuis la tête de Ol'kafranne lui permit de rejoindre maladroitement celle de Synëal. Elle cala prestement ses petites jambes autour du coup du démon et tendit ses minuscules bras vers le méchant garde.

-"Vous voudriez tuer une petite fille? "

La statue, qui avait observé agir la gamine avec l'intérêt qu'un druide aurait pu porter à un animal blessé, se mit à grincer d'une horrible façon lorsque celle-ci eu parlé. Ce devait être une rire hideux qui ressemblait au bruit d'une lourde porte dont les gonds n'aurait pas été huilés depuis des siècles.
Un forgeron et un quincailler sortirent de leurs offices pour voir d'où provenait ce bruit immonde, mais ne purent que focaliser leur attention sur un garde, qui, dans LEUR quartier, menaçait une gamine et son père.
Il ne faudrait pas grand chose pour que la situation tourne au vinaigre.

Le simulacre d'humain s'approcha doucement de Synëal pour glisser dans la poche de celui-ci ce qui devait être un bonbon à la fleur d'oranger. Un geste à la signification aussi lourde de sens pour Ol'kafranne, qu'hermétique pour n'importe qui d'autre.

Sujet: Re: L'intervalle magique [clos] Mer 21 Sep 2011 - 20:45

La situation menaçait de s'envenimer, et de l'électricité semblait courir dans l'air. Les autres gardes du cortège encerclaient désormais les deux étranges individus, dont l'un d'entre eux se voyait à son tour chevaucher par la petite fille. Synëal, sans se retourner, pouvait entendre les piques des lances braquées dans son dos, et les cris qui tambourinaient sourdement dans ses oreilles. Il soupira, mais leva la tête avec un sourire vers l'enfant calé sur ses épaules, qui s'amusait déjà avec son chapeau. Etaient-ils assez dignes pour baisser leurs armes de peur de blesser l'enfant?...Ce n'était vraiment pas le cas. Visiblement, les humains enchaînés ne valaient rien à leurs yeux et ils étaient prêts à les tuer pour faire règner l'ordre. Enfin, plutôt, le pseudo-ordre que ces rats désignaient comme légitime. Le démon jeta un regard aux alentours, ses yeux de félin virant à une teinte sombre et menaçante. Sur le coup, il avait une féroce envie de déchiqueter tous les hommes en armure autour de lui. Une vague aura de fureur s'élevait aux alentours comme une brume acide invisible...Du moins aux yeux des humains.

Mais au même moment, l'inconnu se mit à parler de sa voix métallique et éraillée, semblable à celle du grincement d'une fourchette. Il releva les pensées de Synëal, faisant remarquer aux gardes qu'ils ne pouvaient pas être prêts à passer à l'acte sans prendre le risque de tuer un enfant.

Tout d'abord, les personnes présentes semblaient s'être figées d'effroi ou de surprise, lorsque l'emmitouflé eut pris la parole. C'était une sonorité peu commune, et, aussi évident que cela puisse être, inhumaine. Les commerçants pointaient leur tête hors de leur boutique, perplexes, mais avec les traits tirés comme si la situation les concernait. Le Syrinx devina qu'en général, les gardes royaux n'étaient pas les bienvenus dans les quartiers, et qu'un rien pouvait monter les habitants contre eux...Il suffisait de mettre le feu aux poudres...Mais comment agir sans être pris le combat? Bien qu'il aurait été ravi d'éviscérer tout le monde, il serait plus intelligent de le faire plus subtilement, et qui plus est, autrement que par sa main. Il y avait des tas d'autres doigts qui rêvaient d'arracher les yeux des autorités royalistes...

Il se passa ensuite quelque chose d'étrange. Le faiseur de tours s'approcha de lui et glissa quelque chose dans sa poche. Le Syrinx leva sur lui un regard interrogateur puis sortit le petit objet rond de sa veste. Une friandise à la couleur orangée...Qui sentait fort l'orange aussi.

Il lui aurait offert une dague, il aurait compris. Il lui aurait soufflé un plan d'attaque pour échapper au fer de l'ennemi, aussi. Mais un bonbon? La gamine se mit à glousser et le lui arracha des mains. Synëal eut un léger sursaut de surprise, mais sourit. Il lui laissa bien gracieusement. Mais un milicien planté derrière le démon attrapa la petite fille par ses haillons et la tira violemment en arrière, la projetant par terre. Elle se mit aussitôt à pleurer. Le démon se retourna vivement et le revers de son poing entra en contact de la ferraille du casque du garde, qui se vit fracasser la mâchoire sèchement.

Sa colère venait d'exploser. Et pas que la sienne, les ruraux, outrés par la violence du garde, commençaient à encercler le petit cortège. Même les esclaves préfèrèrent battre en retraite. Finalement, à cause d'un geste malencontreux, la situation prenait une tout autre tournure. Oubliant son poing endolori, Synëal récupéra le bonbon, puis souleva la fillette pour la porter contre lui. Il recula de quelques pas...Qu'allait-il se passer maintenant?

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Décidément, cet homme au chapeau plaisait beaucoup à au prestidigitateur. Il était un genre de héros sorti de nulle part, qui semblait vouloir lui aussi défendre la veuve et l'orphelin. Peut-être le sort de la gamine et de sa mère avait fait sourdre en lui quelque sympathie, et il semble très normal de s'interposer.
Il venait de frapper le garde qui avait eu un geste téméraire. Ces gens en armures ne semblait pas aimer les blagues, l'humour, "ce qui ne suit pas le plan". Ce jour devait être mauvais pour eux.

Ol'kafranne hésita sur la conduite à tenir, il ne pouvait imiter personne et devait prendre seul une décision, ce qui n'avait rien d'aisé. Il voulait sauver la gamine et sa mère enchainée, mais sans forcément que chaque personne présente soit éviscérée. Cela laisserait ensuite l'opportunité aux Capes-blanches et venir interroger la populace à loisir, à cause de cette simple petite mutinerie, qui serai vue comme un mouvement des rebelles. Mais ceci, le démon l'ignorait.
Peut-être devrait-il faire semblant de ne pas connaitre le rouquin? De cette façon il pourrait partir sans anicroche, il n'avait rien fait, lui, Ol'kafranne.

* Quelle pensée de pleutre ! * s'invectiva-t-il intérieurement.

Il avait été une archange, il voulait racheter sa place dans le monde du dessus, et donc faire face au problème. La statue se décida enfin. Elle se saisit de la bourse de pièces d'or qui avaient servi à faire son tour de magie un peu plus tôt, et la lança en l'air après l'avoir éventrée de ses griffes. Ol' avait tout changé en pierres précieuses, et chacun de ses joyaux représentait un sacré magot pour qui s'en saisirait.
Les yeux de tous les badauds reflétèrent l'éclat des gemmes, et un garde tenta même d'en attraper un en vol, sous l'œil acéré du capitaine. Il fallait le comprends, gagner quelques années de son salaire minable en un seul geste faisait chavirer son sérieux et sa loyauté envers le roi.

Avant que le contenu du petit sac de cuir éventré ne touche le sol, tout le monde jouait un ballet ridicule, les bras levés vers l'espoir d'attraper un peu du magot. Les gens se bousculaient, les passant s'étaient mêlés aux gardes dans cette ruée vers l'or inopinée. Plus personnes ne prêtait attention aux esclaves ou aux démons, et même le garde à la mâchoire cassée avait lâche son arme pour avoir sa part du butin.

La mimique d'humain en profita pour tirer Synëal par la manche, qui portait la gamine, pour l'attirer dans une ruelle perpendiculaire et plus calme. En passant, il coupa les liens de l'esclave qui semblait être la mère de la gamine, pour leur permettre de vivre une vie plus paisible. Et surtout de ne pas finir chiée par un lion après un passage éclair dans une arène.

Sujet: Re: L'intervalle magique [clos] Dim 9 Oct 2011 - 10:55

Le démon fixait le garde avec lueur folle dans les yeux. Rien ne lui aurait plus fait plaisir que de l'éviscérer sur place, malgré le regard innocent de l'enfant. Tous ces humains en conserve lui procuraient un sentiment tel de dégoût tel qu'il commençait à se sentir souillé, à vouloir jeter ses vêtements, voire à les rouler dans le purin afin d'en faire partir l'emprise purullente de ces macaques. Ses doigts se crispaient dans ses mains à tel point que son ongles s'enfonçaient dans sa chair.

Les habitants voulurent s'en prendre au garde que le démon avait rétamé, mais les miliciens les firent battre en retraite provisoirement en brandissant la pointe de leur lance vers eux, jouant de celle-ci pour les dissuader. Synëal jeta un coup d'oeil circulaire. Il y avait désormais ceux qui étaient en colère, et ceux qui se retrouvaient démunis, tentant de maintenir un ordre précaire sans avoir recours à la violence. Sa propre fureur laissa maintenant place à sa répugnance habituelle. Il continua de reculer avec l'enfant, et ce fut la bonne décision. Les mendiants, les saoûlards, les commerçants, les pick-pockets finirent par déborder les barrières fragiles de la milice pour leur bondir dessus, les désarmer et les rouer de coups. L'un des gardes trouva la mort alors qu'un gamin lui écrasa une grosse pierre dans la tempe. Ce dernier s'effondra juste à côté de Synëal, qui trotta loin de la foule, mais il fut bousculé par un humain ventripotent, qui avait coincé les têtes de deux gardes dans ses coudes, et tonitruait d'une voix forte à qui voulait l'entendre qu'il était le plus fort et qu'il ne valait mieux pas l'approcher, mais une Cape Blanche lui perça le dos d'un coup de lance précis.

Ol'kafranne eut alors une ingénieuse idée. Il dégaina une bourse de pièces d'or et la jeta dans les airs. Dans un geste habile, il l'ouvrit de ses griffes. Et ce ne fut pas de la monnaie qui tomba mais une pluie de petits cristaux qui avaient encore plus de valeur que les pièces elles-mêmes. La bagarre s'intensifiait encore plus, les humains se montaient littéralement les uns sur les autres.

Le démon roux fit volte-face pour s'enfuir de là, mais l'inconnu entouré de draperies le tira par le bras dans une autre direction, avec la mère qui suivait de près Synëal. Ils se retrouvèrent tous les quatre dans une ruelle à l'écart de l'émeute. L'être bizarroïde avait déjà détaché les liens de la génitrice de la fillette. Le Syrinx déposa cette dernière par terre, et se tourna vers son compagnon d'infortune. Il s'en approcha de quelques pas, l'oeil méfiant et intrigué.

Qui êtes-vous donc? Enlevez donc ces chiffons. »

Un ordre, ou plutôt une sorte de faveur. Le Syrinx était très curieux.Et il ne supportait pas de ne pas voir l'identité de quelqu'un d'aussi intriguant. Il lui sentait une aura piquante et familière, comme s'il pouvait reconnaître sa nature entre milles. Mis à part qu'il ne savait vraiment laquelle était-ce. L'enfant avait déjà sauté dans les bras de sa mère, en poussant un cri aigu, ravie d'être sauve. Avec une sorte de pincement au coeur, le démon regarda cette démonstration d'affection avec une lueur furtive de compassion. Il détourna rapidement le regard pour se concentrer sur son interlocuteur, attendant une réponse spontanée.

Il devait avoir de bonnes raisons de se cacher...ou pas d'ailleurs. Peut-être n'était que l'un de ces zigotos qui aimaient raconter des balivernes sur des quêtes qui n'ont jamais existé, se faisaient passer pour des héros balafrés à cause de monstres légendaires. Il était de même tenté de porter sa main à sa capuche et de la lui arracher au cas où celui-ci serait réticent.

Là, un garde se présenta à l'entrée de la ruelle et les aperçut, braquant sa hallebarde vers eux.

« Hey, vous là-bas! »

Sans aucune autre forme de procès il se rua vers les quatre réfugiés. Mais Synëal, une lueur mauvaise dans le regard, s'avança tranquillement vers lui. Le milicien arriva à sa hauteur et lança sa pointe en avant, que le démon esquiva, avant de la briser d'un coup de son avant-bras. Le fer vola en l'air, le Syrinx l'attrapa habilement et le lui enfonça d'un geste sec dans le milieu du front. Le sang gicla, l'humain se figea dans une expression de souffrance, puis s'écroula en arrière, la bouche béante.

« Bon, plus tard, les formalités, on devrait déguerpir loin d'ici. »

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Déjà la mère et l'enfant partait en courant dans la ruelle. La statue avait offert un morceau de ses étoffes à l'esclave fraichement affranchie en guise de vêtements. Les remerciements furent plus que bref, car le démon ne voulait pas qu'elles voient la mort proche du garde dont Syneäl s'occupait. Mission accomplie.

Maintenant, il faudrait jongler avec la curiosité du rouquin, qui allait revenir d'un instant à l'autre du bout de la rue. Celui-ci semblait vouloir connaitre l'identité de Ol'kafranne. Le démon bouillonnait intérieurement. Il n'avait jamais eu a se présenter à personne, jamais, jamais, jamais, jamais.

* Veut-il mon nom? Ma dénomination? Ce que je suis...? Que suis-je? Une archange....? *

Il rêvassa trop longtemps pour prendre une décision quant à son identité. L'homme au chapeau fut de retour très vite.

« Bon, plus tard, les formalités, on devrait déguerpir loin d'ici. »

Une parole de sage. Les cris provenant de la rue principale ne semblaient pas s'apaiser pour le moment, et l'idée que des gardes pouvaient rappliquer n'enchantait guère Ol'kafranne. Pas au niveau de la sécurité ou de l'anonymat, mais Synëal voudrait surement lui faire la peau avant de souhaiter le raisonner.
D'ailleurs, peut-être aurait-il pu éviter d'assassiner froidement cet homme...?
La statue lui en toucherait deux mots à l'occasion. Ce n'était pas gentil d'occire les gens comme ça. Rien de mignon et doux dans ce terrible geste.

L'ex-archange observa le côté de la rue par lequel ils partiraient dans un instant. Elle filait relativement doit sur plusieurs centaines de mètres avant de bifurquer sur la droite. Très étroite à la base, les maisons à encorbellements finissaient pas presque se toucher après le troisième étage, installant la nuit en plein jour. Au milieu, coulait un égout à la couleur douteuse et dont l'odeur rappelait cette d'un charnier faisandé en plein soleil. Seul un clochard trop aviné pour se rendre compte de l'aubaine qu'il ratait dans la rue adjacente était assis sur le seul, avec pour seule compagne une bouteille aussi vide que son regard.
Plus loin sur le côté gauche cette allée oppressante, pendait une enseigne d'une taverne dont la tourte était la spécialité.

La mimique d'humain fit un signe de tête vers ce panneau qui semblait fait du bois d'un bateau croupissant au fond de la mer. La mousse qui s'était installée dans ce climat humide et stagnant ressemblait à s'y méprendre à des algues.
Personne ne viendrait chercher quelqu'un dans un gourbi pareil de peur d'attraper la lèpre.
Il se dirigea donc vers le bâtiment sans vérifier que l'autre démon le suivait, puis y pénétra.

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