Sur les grandes plaines de Feleth, se trouvaient nombres de collines, plateaux et grandes étendues. Sous l’astre matinal, on pouvait voir la frêle ombre d’une chose. Cette chose montait sur l’une de ses collines. Arrivée en haut, la chose s’assit, reprit son souffle puis démarra à nouveau sa marche.

Du haut, Igor pouvait voir les quelques villages qui sillonnaient dans le vaste vallon que formaient les collines. Cette fois-ci il ne cherchait plus la compagnie humaine, il la fuyait et donc continua son chemin sur le haut des collines pour aller au-delà de cette chaîne montagneuse. Enfin, arrivé au bout, la chaleur connaissait son couronnement et la divine lumière tenta d’arrêter le périple du fol homme.

Puis, Igor put admirer la vue désertique de ces collines rocailleuses et sèches ; lui qui venait de fouler les vastes hauteurs herbeuses et riches de larmes divines. Il s’en réjouit. En effet, qui serait assez insouciant pour se hasarder dans les chemins de l’enfer ? Comment allait-il se nourrir et boire ? Il ne le savait pas et se souciait peu de ces choses pour le moment.

Il entreprit enfin de fouler les sentiers fissurés et de continuer son périple. En réalité, Igor souhaitait se rendre à Madorass en attendant de se faire oublier quelque temps à Venill, ville où il commit le crime d’un capitaine appartenant aux groupes rebelles de la ville. Certes le Royaume ou la garde royale n’allaient pas s’en plaindre cependant les rebelles étaient possédés d’une amère rancune lorsqu’il s’agissait d’éliminer un ennemi des rebelles. Igor se fichait de tous ces problèmes politiques mais ne souhaitait pas être tué, Venill serait la ville où il serait reconnu en tant qu’Ombre.

Après quelques heures, le soleil était devenu bénédiction dans ces étroits chemins qui devaient mener vers Madorass. Igor, à la vue d’un rocher assez plat, s’assit dessus et contempla l’interminable suite du chemin. L’horizon n’était couvert que par de nouvelles collines et aucune issue. Malgré son apparence presque inhumaine, Igor ressentit la sécheresse de sa gorge. Où allait-il trouver de l’eau ? Cette fois-ci il s’en souciait, sachant qu’il ne pourrait pas atteindre la citadelle de Madorass sans avoir de vivres. Alors son regard vide se plongea dans une sombre ouverture.

Igor prierait pour qu’ait lieu une averse, il pourrait au moins s’hydrater. Son regard épris se dirigeait à présent vers le ciel.

- « Songes, je vous prie et implore la grâce du Céleste, qu’en mon sang versé, la délectation vous satisfasses » dit Igor en guise de supplication.
Puis, prenant sa lame, il se coupa un morceau de peau du bras, le saisit, l’ingéra, mâcha férocement la chair et avala la viande en son sein.

La fin de la journée ne tardait plus et Igor n’avait toujours pas but…

Le ciel était sombre, la nuit était tombée et tout espoir de survie s’était enfumé… A l’abri de la caverne, Igor alluma un feu pour se réchauffer. Les lèvres tremblotantes, il songeait et se demandait ce que renfermait cette profonde grotte. Alors, il prit un morceau de bois sec, préalablement prit pour le feu de camp, et l’enflamma grâce au foyer déjà présent. Il s’était fait une torche mais avait prit un autre bout de bois en plus pour s’assurer de ne pas se retrouver dans le noir et perdu à tout jamais.

Les pas lourds, il s’engouffre peu à peu. La grotte continuant dans les profondeurs, Igor avait de plus en plus froid. Soudain il entendit l’écho d’un éboulement. D’où cela pouvait-il venir ?

* Je n’aime pas trop ce genre de surprises… *
Ne trouvant rien d’intéressant, et ne voulant pas s’enfoncer davantage dans cette sinistre caverne pour s’y perdre, il décida de rebrousser chemin et de rentrer bredouille. Il revint sur ces pas et au moment même où il retrouva la faible lueur de son feu de camp, sa torche, usée, s’éteignit. Puis, arrivé près du feu, il s’aperçut qu’en réalité il n’était plus seul. A côté du feu se trouvait un homme assoupi et Igor se méfia. Etait-ce cet homme qui avait provoqué l’écho de l’instant précédent ? Quoiqu’il en soit, que faisait un homme ici ? Igor s’imaginait déjà au pire et se préparait à une attaque du corps inerte. Il s’approcha du feu, s’assit et regarda l’homme. L’homme avait dû venir avec des provisions ou alors il était fou ; Igor n’allait pas se gêner et si l’inconnu s’interposer, il le tuerait. Igor se pencha vers l’homme et put voir une sacoche accrochée au ceinturon. De sa maigre main, il voulut s’emparer de la sacoche mais lorsqu’il eut atteint, l’inconnu se réveilla et saisit sa main.

-« Que faîtes-vous ?! Et que venez-vous faire ici ? » questionna l’inconnu en s’interposant brusquement.

Igor le regarda, prit d’un air d’innocence, et dit d’une façon peu sûre :

-« Eh bien… Il semble que vous soyez dans mon camp. Oui, mon camp… Donc ce serait plutôt à vous de me dire ce que vous faîtes là cher… Cher qui ? »
Le regard de l’homme tentait de déceler les desseins et vices que pouvait renfermer l’esprit d’Igor, puis il dit plus sereinement :

-« Vous me voyez navré de vous avoir surpris… Je me présente Arn de Beolan. Je suis un mage. Et vous qu’êtes-vous ? »

-« Igor d’un modeste village nommé Bosom situé dans les vastes plaines de Feleth. Je ne suis qu’un simple voyageur et tente de rejoindre désespérément Madorass, faste cité du Royaume » répondit Igor avec zèle.
Les yeux gris perçants du mage scrutaient l’arme d’Igor et d’un ton perplexe, il affirma :

-« Vous semblez fort bien équipé pour un simple voyageur. Cette arme ne me laisse pas indifférent et je peux ressentir son étrange pouvoir. »
Igor, hargneusement, regardait le mage et proféra :

-« Et vous, où se trouve votre bâton ? Ah ! Vous me ferez rire longtemps présomptueux mage, vous et votre savoir absolu. Maintenant partez vertueux singe et allez trouver refuge ailleurs, ou mourez. »

Le mage se leva et s’enfonça dans l’obscure étreinte de la nuit. Igor se leva à son tour et tentait de percer l’obscurité pour voir où allait donc pouvoir aller l’insouciant. Il ne vit rien. Soudain l’air froid se glissa sur l’ensemble de son corps et il entendit les murmures de la nature. Puis le tumulte de l’eau qui frappait le sol sec se fit entendre. Igor laissa échapper un rire et se précipita à l’extérieur de l’abri. Les bras, écartés, étaient levés vers le ciel ; sa bouche béante tentait d’approprier la moindre goutte possible ; Igor se laissait tomber et sur les genoux il cria. L’écho se fit entendre durant plusieurs secondes et il bénit le Ciel.

-« Pluie que j’accompagne aux songes que m’attribue le rêve, je vous rends grâce et m’attribue votre générosité. »
Igor revint à l’intérieur de la caverne, auprès du feu, se réchauffer. Enfin, il s’assoupit…

La nuit passa. A l’aurore le camp était vide et Igor avait déjà reprit la route vers Madorass.