La noirceur s'était abattue depuis un moment déjà sur Madorass, bien qu'il ne fut que sept heures trente du soir. Il en était ainsi dans la capitale, la nuit tombait bien tôt, comme si l'ombre de Kaull Hendenmark assombrissait sa propre ville. Et pourtant, lorsque l'on passait non-loin du palais royal, que des torches judicieusement placées éclairaient magistralement, on pouvait entendre des rires et de la musique et sentir un doux fumet en provenir. Et simplement pour pouvoir apprécier ce maigre luxe, beaucoup de sans abris s'en approchait une fois la pénombre tombée, histoire de ne pas se faire remarquer des gardes, et encore moins des Capes Blanches. Ces dernières se faisaient en effet un plaisir de débarrasser les environs de la manière la plus cruelle possible.
Quand Marius passa devant le palais, une bonne dizaine de ces voyeurs s'étaient déjà amassés autour des grilles de fer qui empêchaient au commun des mortels le passage vers l'immense palais, qui tenait plus d'une tour géante que de la forteresse. Le Libraire s'arrêta un moment devant le portail du château, comme il le faisait à chaque fois qu'il passait devant, pour une toute autre raison cependant. Son alliance avec les rebelles était inconnue de tous, et il tentait à chaque passage, pendant quelques secondes, de sonder le palais, d'en analyser la vie qui grouillait à l'intérieur. Connaître les changements de la garde, noter les habitudes des domestiques qu'il apercevait. De toutes ses observations, il n'en tenait pas un seul registre écrit, confiant le tout à sa prodigieuse mémoire photographique. Il leva alors les yeux au sommet du palais, à une centaine de mètres dans les cieux. On disait que c'était-là que se trouvait la salle du trône de Hendenmark, une salle ouverte, avec de grandes fenêtres qui lui permettaient, à l'image d'une tour de garde, de voir Madorass dans son intégralité. Cependant, il s'agissait-là principalement de rumeurs de badauds, et même si certaines s'étaient avérées véridiques, ce n'était pas le cas pour toutes.
Après une pause qui ne dura qu'une dizaine de secondes, Marius reprit sa route, empruntant les ruelles de Madorass, des allées sombres et tortueuses qui sillonnaient la cité. Les gardes s'aventuraient rarement dans ces routes labyrinthiques, à moins d'y être réellement forcés. De nombreux coupes-jarrets et mendiants reconvertis en voleurs se terraient dans les plus sombres recoins attendant une future victime. Toutefois, le Libraire n'en tenait pas compte: sa sinistre réputation l'immunisait bien souvent à la cupidité et au désir des truands, qui y songeaient à deux fois avant de l'attaquer. C'était toutefois arrivé une fois, lors de sa première semaine en ville, lorsqu'il s'était égarés dans les ruelles. Un coupe-gorge expérimenté avait pris en chasse le Libraire avant de passer à l'attaque. La dague avait sifflé proche de la gorge, mais un geste rapide de Marius l'avait dévié et elle n'entailla que légèrement son épaule à la place, ne laissant qu'une fine coupure peu profonde. Après quoi, de sa main gauche, il avait saisi le truand à la gorge, puis plongé son regard dans le sien. En moins d'une seconde, ce dernier tomba dans un sommeil hanté par d'horrible cauchemars, sommeil qui dura deux jours. Puis, le Libraire s'était voilé de son pouvoir d'invisibilité et avait quitté l'endroit sans plus tarder.
Cela faisait plusieurs mois déjà depuis cet évènement, mais celui-ci était toujours frais dans la mémoire du Libraire, et il se manifestait à chaque nuit qu'il passait hors de sa boutique. En temps normal, Marius ne sortait que très rarement la nuit, mais c'était-là une exception à la règle. Plus tôt dans la journée, Koako, son corbeau parleur, s'était envolé, afin d'envoyer un message d'urgence au chef des rebelles, puis, comme conclut, l'oiseau et le maître devait se retrouver à un point de rendez-vous fixé depuis bien des lustres. Il s'agissait d'un petit belvédère mal entretenu qui surplombait les champs de la cité, qui s'était érigé sur une montagne. De là-haut, on avait une superbe vue sur les vastes étendues de la région, sauf que le belvédère était à ce point endommagé que plus personne n'y allait. Et pourtant, lorsque Marius y arriva, une petite silhouette s'y trouvait, assise sur un banc. Balayant du regard les alentours, Marius repéra Koako, planqué sur un toit non-loin. Excellent... reste caché pendant un moment. Je vais m'occuper de cela s'il le faut.
Les alentours étaient déserts, et la personne assise sur le banc semblait seule. Il ne restait plus qu'à savoir s'il s'agissait d'un espion, où d'un simple citoyen courageux.

Depuis un bon moment, parmis les ombres des gens et des bâtiments, Shyner marchait silencieusement. Elle venait tout juste d'arriver à Madorass et comme jamais elle n'était venue, elle faisait sa petite touriste. Elle déambulait dans la capitale depuis environ deux heures et elle avait déjà réussi à faire les poches de trois passants. Elle allait venir plus souvent à Madorass décidément!

Après sa longue marche, la blonde s'assit sur un petit banc à côté d'un belvédère sal. Elle observait la vue qui s'offrait à elle: magnifique. Elle s'appuya sur ses mains et laissa ses grands yeux bleu claire vagabonder un peu partout. Elle n'était pas une grande admiratrice des grandes villes, mais ce n'était pas si désagréable que ça le soir venu.

Ce fut des bruit de pas qui la sortirent de ses pensées. Elle leva les yeux et vit un homme s'approcher d'elle. Il n'avait pas l'air d'un garde, ni d'une cape-blanche ce qui rassura la jeune fille. Shyner lui fit un petit sourire avant de lui adresser la parole.

-Bonsoir, la vue est magnifique d'ici, non? dit-elle en reportant son attention à la vue qu'elle avait de Madorass

Spoiler:

Tiens, cette personne était une femme au final.
Marius aurait eu tendance à penser le contraire, surtout au beau milieu de la nuit dans un quartier misérable. Bien entendu, le Libraire savait bien que des femmes pouvaient être aussi farouches que bien des hommes, parfois même plus. Il restait néanmoins avec cette vieille idée que les femmes sont plus vulnérables que les hommes, d'où la nécessité de les protéger et de les combler - après tout, ne sont-elles pas le salut de l'humanité? La présence de cette curieuse demoiselle l'importunait tout de même, au même titre que la présence d'un homme l'aurait importuné. Il n'était pas ici pour socialiser, mais bien pour récupérer Koako et s'assurer que rien ne lui était arrivé.
Toutefois, un autre point l'intriguait malgré lui: qui était-elle exactement pour se tenir là où bien peu vont? Elle devait être nouvelle dans la ville, car peu de gens tentent d'ouvrir une discussion avec le sinistre, et ô combien inquiétant Libraire. Et voilà qu'une dame inconnue de tous lui adressait la parole, sous la lueur de la lune. Comme les choses pouvaient être curieuses parfois.

« Certes », répondit Marius après un long silence éloquent. Il observa un moment le paysage qu'elle désignait. Et en effet, la vue sous l'éclairage de la lune, pleine ce soir-là, était à couper le souffle. Les champs de blé aux gerbes d'or s'étendait de tout leur long sur les plaines, paresseusement bercé par une douce brise du nord. Au loin, on voyait les lueurs d'un village briller comme un feu de joie, tandis que de petites lumières, comme des chandelles, se déplaçaient à travers les champs. C'était les gardes de Hendenmark, qui empêchaient les intrus de s'emparer d'un peu plus de blé, ou de légumes. À cette vue, Marius repensa au palais et aux festivités qui s'y déroulaient chaque nuit. Pendant que l'aristocratie et que les riches sympathisants du régime royal s'empiffraient gaiement, la plèbe, elle, mourrait de faim, cherchant à se procurer un peu plus afin de combler leurs estomacs grondant. D'où l'utilité des gardes dans les champs.
Marius, pour sa part, était bien chanceux, car il n'avait pas un grand appétit et ne mangeait que pour se sustenter. Toutefois, c'était le thé qui le maintenait éveillé parfois, car il ne dormait pas beaucoup. Bref, n'importe quel médecin se serait aperçu du mauvais régime de vie du Libraire, mais lui n'en tenait pas compte. Tant qu'il pouvait travailler et se concentrer sur ses projets, tout allait bien.

« Il est rare que quelqu'un ose monter sur ce belvédère moisi, reprit-il. Il est si vieux que le poids d'une plume suffirait à le faire s'écrouler. Tout le monde le sait dans le quartier. »

Le Libraire remarqua alors les oreilles légèrement pointues de la demoiselle. Une elfe, tiens tiens... Puis, il nota également l'arc et les deux lames. Une combattante... non, pas assez protégée... une éclaireuse serait plus approprié.
Où une voleuse?

La jeune femme écouta le son du vent qui fouettait les champs de blé, elle le savourait dans ses longs cheveux blonds qui dansaient légèrement. Elle ferma les yeux un court moment pour mieu savourer ces douces sensation et se retourna pour sourire à pleine dent à l'homme qui se tenait près d'elle.

Elle l'écouta attentivement lui répondre et elle esquissa un petit rire enfantin, si le poids d'une plume pouvait briser cet endroit, que venait-il faire ici, lui, avec ses grands habits qui devait peser des tonnes!?

-Et bien, s'il était si fragile, il aurait du se briser au moment même où j'ai poser le pied dessus, dit-elle, toujours avec son air d'enfant.

Elle tapota l'espace libre sur le banc après s'être poussée un peu en regardant l'inconnu. Elle l'invita d'un signe de tête à la rejoindre avant de reprendre la parole.

-Je m'appelle Shyner Perion et, je ne suis pas du cartier. Voilà sans doute pourquoi je n'étais pas au courant de ce petit détail, déclara la blonde en plongeant ses grands yeux bleu dans ceux de l'homme. Vous, quel est votre nom?

Marius ne savait comment se comporter dans les circonstances. Habituellement, les gens l'évitait et ne l'invitait pas à s'asseoir à côté d'eux. Et pourtant, voilà qu'une demoiselle, étrangère qui plus est, l'invitait d'un geste à la rejoindre sur un belvédère qui ne tenait en place que péniblement. Le Libraire analysa l'information. Était-ce là une invitation innocente, ou une tentative de meurtre, qui serait parfaitement camouflé en accident si le belvédère en venait à tomber? Et pourtant, d'un autre côté, Marius était curieux de mieux connaître cette femme téméraire. Sondant ses sentiments magiquement, il ne ressentit aucune animosité, ce qui eut tôt fait d'éliminer la tentative de meurtre du registre des possibilités. Puis, haussant les épaules, le Libraire se décida et posa le pied sur le belvédère, vers Shyner.
Le premier pas sur la structure moisie parut sûr, et l'ombre d'un instant, Marius se dit qu'il était possible qu'on aie exagéré sur l'état délabré du belvédère. Ce ne fut qu'au second pas, où toute la structure gronda d'un bruit inquiétant, que les espoirs du Libraire s'envolèrent. Qu'est-ce qu'il était en train de faire là? C'était du suicide que d'aller sur cet amas de bois pourri, et pourtant, presque malgré lui, il en fit un troisième, plus discret. Le banc n'était plus qu'à trois autres pas, il pouvait le faire.
Il pouvait être étrange, voir amusant, de voir la situation actuelle: Marius, avec son visage inexpressif, calculait à chaque fois où il pouvait posé le pied, sans crainte d'une chute qui lui serait fatale. Après tout, il n'avait jamais appris à se changer en corbeau, comme son maître le faisait si souvent. Et c'est dans ce genre de circonstance qu'il se maudissait intérieurement de n'avoir jamais appris cette technique, qui lui serait fort utile en ce moment. Oubliant ses craintes, il posa le pied une quatrième fois vers l'emplacement où le bois était le moins abîmé. Ensuite, un cinquième pas, qui fit à nouveau grincer la structure, et il arriva finalement à destination après une sixième enjambée. Il se tenait maintenant face à la demoiselle, qui se présenta:

« Je m'appelle Shyner Perion et, je ne suis pas du quartier. Voilà sans doute pourquoi je n'étais pas au courant de ce petit détail. Vous, quel est votre nom? »

Marius s'installa à côté d'elle et inspira à fond, chassant toute image de chute de son esprit. Il y était arrivé et préférait ne pas penser qu'il lui faudrait faire le chemin inverse après. Pour l'instant, il souffla un coup.

« Marius Azelan, lâcha-t-il tout simplement. Je suis propriétaire d'une librairie à l'écart du marché. » Il attendit un peu avant que les règles élémentaires de la politesse ne lui reviennent à l'esprit. « Enchanté », ajouta-t-il.

La jeune femme lui renvoya la politesse avec un fin sourire sur ses lèvres.

-Vous avez une librairie!? Vous en avez de la chance, j'ai toujours rêvé d'avoir ma propre boutique, s'exclama-t-elle en dévisageant presque le prénommé Marius. Un jour, je viendrai à votre librairie, j'adors lire!

À vrai dire, la petite Shyner était folle des livres. Elle les dévorait tous à une vitesse folle et chaque fois, elle en redemmendait. Ses livres préféré était ceux qui parlaient de l'histoire des trois monde, car oui, elle connaissait l'existence du Vein et d'Adyril. Elle était tombé par hazard sur un livre traitant de ce sujet et depuis, elle cherchait à en savoir plus sur les deux autres monde et même à trouver une de ces fameuse faille pour y entrer.

-Oui, un jour, j'aurai une petite écurie où les gens pourront s'offrir une belle monture de qualité pour un prix raisonnable, conclut-elle en laissant ses grands yeux bleu claire vaguabonder sur le ciel étoilé.

Spoiler:

Marius écouta Shyner sans dire un mot, puis acquiesça tout aussi silencieusement. Pourvu toutefois qu'elle soit plus normale que mes derniers clients! Marius ne trouvait rien à redire à ce genre de commentaire, et même si, certes, lui aussi était un grand lecteur, il ne voyait aucune raison de s'extasier ainsi sur son amour des livres. Après tout, s'il n'aimait pas les livres, jamais il n'aurait ouvert une librairie.
Certes, la librairie était également une couverture pour des activités beaucoup moins orthodoxes, telles que la sorcellerie et la lutte contre la répression de Hendenmark, mais le Libraire n'était pas suffisamment suicidaire pour aller le crier sur tous les toits. Qui plus est, il avait déjà eu affaire à des Capes Blanches, et l'expérience lui avait suffi. Ô ciguë, comme je t'ai aimé à cet instant!
Du coin de l'oeil, Marius observa encore un peu son interlocutrice. Une jeune femme, fort jolie certes, mais aussi armée qu'une légion. Il ne savait comment aborder cette étrange demoiselle, car si la présence de lames le rendait suspicieux, l'arme la plus puissante que puisse posséder Shyner restait sa féminité, car Marius ne savait jamais comment se comporter en présence d'une femme - excepté pour l'évincer de sa boutique, là, il était très doué. Toutefois, à l'exception d'un pli au front, rien dans son allure ou dans son regard inexpressif ne témoignait de ce malaise intérieur.

« Je suppose que vous trouverez votre bonheur dans ma boutique » souffla-t-il lentement, pesant chacun de ses mots. Il était si rare qu'il soit dans une position aussi inconfortable (car il les évitait habituellement) qu'il ne savait comment se comporter. Après tout, ses contacts avec les femmes avaient été si rares...

« Oui, un jour, j'aurai une petite écurie où les gens pourront s'offrir une belle monture de qualité pour un prix raisonnable. »

Tiens, drôle de changement de sujet! se dit le Libraire, sceptique. Analysant les émotions de Shyner, il ne perçut ni moquerie, ni cynisme. Perdu dans son raisonnement, Marius cru entendre mentalement un ricanement de la part de Koako, qui semblait avoir percé la faiblesse de son maître et qui s'en amusait. Celui-là, se dit le Libraire, il ne paie rien pour attendre!
Ce qui ne fit qu'amplifier l'amusement de l'oiseau.

La blonde toisa son vis-à-vis, il n'était pas très bavard, dommage. Shyner elle, adorait faire connaissance avec les gens, d'ailleur si elle ne l'avait pas fait, jamais elle ne serrait venu à Madorass. Un petit sourire vint fendre les lèvres délicate de la demi-elfe lorsqu'elle vit les yeux de Marius observer ses amres. Disont que, la jeune femme oubliait souvent ses armes et par la même occasion, qu'elles intimidaient souvent les gens qu'elle croisait.

-Ne vous inquiettez pas, ces armes ne me servent que pour chasser ou me défendre contre les capes bla... dit-elle en se coupant au tout dernier moment.

Ce qu'elle était bête! Si ça se trouve, ce Marius était un allié de ces tueurs et comme elle venait de lui dire qu'elle ne leur faisait pas de faveur, il allait probablement la dénoncer ou quelque chose du genre. Elle se mordit la lèvres inférieure en se maudissant de millier de fois mentalement. Atrocement inquiette, elle regarda attentivement la réaction du libraire qui n,en était peut-être pas un, finalement.