[PV Humphrey Dempsey] Familièrement votre.

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En cette nuit si spéciale, la lune formait un parfait croissant d'argent, baignant les sous-bois de sa lueur pâle et surnaturelle. Le même motif ornait chaque joue de Cathubodua, signifiant son allégeance à l'astre nocturne et absorbant son pouvoir céleste. Cette nuit, elle n'était vêtue que de sa houppelande, son bâton dans une main, sa bague magique dans l'autre. Tous les symboles de son pouvoir et de sa suprématie de sorcière !

« En cette nuit et en cette heure, moi Cathubodua, je t'appelle ! » Tonna sa voix rocailleuse, chargée de pouvoir magique. « Que la porte des mondes s'entrouvrent, viens à moi maintenant, Belphégor ! »

Traçant dans l'air immobile les signes cabalistiques ayant fait leurs preuves, Cathubodua se concentrait intensément sur l'image du démon qu'elle voulait voir se matérialiser via la faille devant elle : un chat, un chat noir. Faisant appel à tous ses pouvoirs, à toute sa sorcellerie, son art, la femme en habit de plumes tentait de faire venir à elle son familier.
Campée au centre d'un large pentacle creusé dans le sol et comblé de gros sel ensorcelé, placée devant un autel lui-même situé juste en face de la faille dimensionnelle qu'elle avait repéré quelques temps auparavant, Cathubodua attendait.
Ses pouvoirs étaient déployés autour d'elle, tourbillonnaient sauvagement, répétant en écho son invocation au monde démoniaque.

La chèvre était là, attachée à un piquet fiché dans le sol, hors du cercle protecteur, dans l'éventualité plus que probable où le démon, une fois invoqué, réclamerait un sacrifice. Elle espérait que la soif du démon ne serait pas trop intense, ne disposant que de cette créature à l'heure présente. Elle répugnerait en effet à sacrifier une de ses précieuses corneilles...

*Précédemment, un simple lièvre avait suffit. Mais on est jamais trop prudent... et cette fois, celui-là devra rester avec moi, il faut donc que je m'assure de son allégeance... Espérons que cela fonctionnera...*

Et son regard se posa sur l'autel, où une coupe d'obsidienne luisait froidement au clair de lune. Elle servirait à recueillir le sang sacrificiel, ou encore à sceller le pacte avec le démon. Une fiole de potion de son crû ainsi qu'un poignard d'argent entouraient le récipient, posés sur un tissu de soie rouge brodé de symboles consacrés.

Tout était près, tout était propice, nul doute que de l'autre côté, quelqu'un ou quelque chose allait répondre à son appel.

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Près d'un cloaque mystérieux dans le Vein, en pleine nuit...

L'eau endormie et purullente stagnait dans un grand silence. D'infimes filets éthérés montaient de la surface, comme d'invisibles serpents qui se dressaient devant nous. Tout était comme baigné d'une nappe de plomb. J'étais depuis longtemps habitué à l'air vicié du Vein, mais pas à son...poids si spécifique. Tout cela pesait sur ma fourrure sombre aux reflets argentés sous la lune partiellement dévorée dans les ombres célestes. Mon bienfaîteur était silencieux ce soir-là. D'ordinaire, il s'avérait être une vraie pipelette, intarissable sur des sujets philosophiques qui me dépassaient totalement. Chaque jour, il en trouvait un autre, et chaque jour, je découvrais de nouvelles facettes de sa personnalité. Je découvrais aussi la mienne, étrangement. Cela faisait plusieurs années que je n'étais plus un chat normal, mais intérieurement, je devenais comme tous ceux que je tuais, je devenais comme ceux qui me commandaient. J'étais plein de choses à la fois mais je restais Humphrey Dempsey. Enfin sa voix graveleuse perça le silence ostensible du Vein placide.

« Que penses-tu de la deuxième chance, Humphrey? »

Je continuai d'admirer béatement le cloaque, ayant plus l'air d'un chat intrigué par l'explosion semi-muette des bulles à la surface de l'eau croupie, qu'un chat méditatif.

« Elle ne doit être donnée qu'à ceux qui le méritent, je suppose. »

Il émit un léger grognement, vaguement satisfait de ma réponse. C'était une question rhétorique. Je lui avais simplement répondu par politesse. Le silence retomba entre nous, comme le couperet d'une guillotine.

Mais quelque chose rugit alors. Une voix gutturale féminine et imposante déferla en moi, comme le tonnement d'un orage. Je fus alors pétrifié, les griffes sorties de mes pattes pour m'accrocher au sol. Mais ce fut au tour de mon bienfaîteur de s'exclamer à son tour, les yeux se tournant vers moi, les pupilles luisant comme un phare au milieu de la nuit.

« QUI OSE INTERPELER MON MANDATAIRE AINSI? SI C'EST UNE FARCE, ALORS TAISEZ-VOUS À JAMAIS! »

La voix de mon maître eut le don de me statufier encore plus. Je le fixai avec mes grands yeux jaunes, incapable de bouger le moindre coussinet. Je ne savais pas quel miracle il avait entendu la voix dans ma tête, mais il réussissait à répondre par le même moyen, allant de front face à la volonté extérieure qui se déployait en moi. Pour la toute première fois depuis notre rencontre dans ce fameux manoir, j'entr'apercevais son vrai visage de démon...Une abomination au-delà de toute description physique, une horreur au-delà de toute peur connue... Mon poil se hérissa et je me retrouvai les pattes antérieures cambrées, le postérieur relevé, comme si je cherchais à réfugier ma tête dans la boue. Mon pauvre cerveau de félin était proche de l'implusion, tant la voix de mon bienfaîteur était intense, atroce et écrasante. Et le démon de maîre qui continuait à gronder :

« JE ...SUIS...CELUI QU'ON NOMME LE TÉNÉBREUX...LE DÉVOREUR DE MONDE ET VOUS ENTRAVEZ MES PROJETS! !»

Je ne pouvais pas expliquer ce qui suivait, mais un curieux maléfice m'indiquait alors le portail le plus proche, et m'aguichait afin que je m'y approche le plus possible pour y entrer. Cependant, les serres de mon bienfaîteur étaient encore profondément ancrées en moi...Il appartenait désormais à l'inconnue de réussir à les décrocher.

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Cathubodua s'était attendue à une réaction négative voire envahissante de la part de « l'autre côté », mais pas à cette intensité, ni même d'une source aussi... prestigieuse ?... que celle qu'elle devait subir actuellement.
Pendant un instant, elle ne sût quoi dire. Cette déclaration l'avait prise de court, et le passage qu'elle était sensée maintenir ouvert manqua se refermer sur sa stupeur imbécile.

* Idiote ! Il se trouve que le démon que tu invoques appartient déjà à quelqu'un !! Réagis, ou crains la colère de ce maître comme la dernière des gourdes !! *

Raffermissant son emprise sur le portail et sur son charme d'attraction, Cathubodua respira un bon morceau d'air glaçé avant de répondre d'une voix moins impérieuse, plus nuancée :

« Dévoreur de monde, Ténébreux seigneur démon, je n'avais pas conscience d'invoquer l'un de vos sujets... mais ce chat m'intéresse, plus encore : j'ai besoin de lui pour accroître ma force et mon pouvoir ! Dois-je pactiser avec vous afin de pouvoir m'associer à lui ? »

Consciente des risques qu'elle prenait en étant pas des plus humble et obséquieuse devant son puissant (ou bien le prétendait il seulement ?) interlocuteur, elle faisait le pari que ce dernier la respecterait mieux si elle ne s'abaissait pas à cela avec lui et jouait la carte de la franchise et du marchandage. Elle espérait cependant que ce démon était sensible à ce genre d'attitude et d'arguments, sinon, elle allait probablement payer le prix de son audace.

* Il serait bon que je m'assure du type de puissance auquel j'ai affaire, car si je me confronte à trop forte partie, j'y laisserai plus que des plumes, cela ne fait aucun doute... *

Prudente, elle testa patiemment la nature du lien inter-dimensionnel qui s'était tissé entre elle et la chose qu'elle tentait d'amener dans son monde, remontant à la source du pouvoir communiquant avec le sien... tout en continuant de visualiser le chat noir, ce chat aux yeux jaunes et au pelage lunaire... un familier, qui devait lui appartenir !
Grâce aux pouvoirs conférés par la lune en croissant, et s'étant placée sous les signes adéquats, le rituel lui permettait de développer une empathie circonstancielle, capable de jauger ou du moins d'approcher le potentiel magique des entités qu'elle avait « face » à elle.

Spoiler:

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