À la veille d'un jour nouveaux, les ombres s'étendent. [ PV.Chïra ]

Sorcière sucrée ________________ ________________

Dans la boutique aux stores à demi clos où chaque mouvement soulevait avec lui un panache de poussière qui venait briller dans les rais de lumières striant l'air, Vincent Tyren ressentait, chose inhabituelle, de l'anxiété. Il avait amené pour la première fois sa fille adoptive à Madorass avec lui.
C'était une nouveauté pour elle, une grande ville. Il tenait à ce que cette première fois ne fut pas la dernière, mais pour cela, il fallait que ce simple séjour lui plaise. C'était d'ailleurs pour cela qu'il lui avait proposé de se rendre dans le quartier marchand le plus actif de tout Feleth. Hormis, peut-être, le marché ouvert de Beolan, à évoquer au passé. Il jeta un œil en direction de sa fille. Celle-ci le remarqua presque instantanément et délaissa l'étrange cadran d'ivoire qu'elle examinait pour lui sourire chaleureusement. Elle s'était émerveillé de chaque détail depuis qu'ils étaient arrivés, c'était, après tout, la première fois qu'elle voyait tant de personnes de tous les horizons. Il savait pertinemment que seule son éducation et sa patience l'empêchaient de le bombarder de question en tout temps et sur tout. Son angoisse n'avait pas de raison d'être, Vincent en avait conscience. Mais il était aussi nouveau pour lui de faire visiter que pour elle de visiter, que pouvait-il y faire ?
Constatant qu'il la fixait depuis un certain temps maintenant, Ornelia reposa l'objet dont les écritures étranges avaient attiré son attention à sa place et fit signe à son père en direction de l'extérieur. Celui-ci acquiesça rapidement et se dirigea en même temps qu'elle vers la sortie.
Ils saluèrent tout deux le vieil elfe qui gardait la boutique d'un air absent et sortirent dans la rue.
Le silence presque religieux qui régnait dans la boutique fut immédiatement remplacé par les cris des marchands de rue, le piétinement des pavés de centaines d'acheteurs et les divers bruits ambiants d'une ville vivante. Ornelia s'étonna encore de l'efficacité des vitres enchantés de l'elfe sûrement plusieurs fois centenaire. Elle sentit son père lui attraper la main et la tirer gentiment vers l'avant. Elle répondit au signal et tous deux se mirent de nouveau à suivre le flot de pèlerins venus rendre leur saint or sur l'autel d'un comptoir usé. Les passants leur lançaient des regards étranges, et Ornelia savait pertinemment pourquoi. Une jeune fille à peine sortie de l'adolescence au bras d'un homme dont la beauté empêchait le décompte des années, le rêve de ceux qui avaient pris pour habitude de regarder toutes les femmes sauf la leur et de celles qui n'avaient jamais connu la reconnaissance de leur beauté ailleurs que dans l'argent. Un malaise profond s'installait autours d'eux et Ornelia s'en délectait. Son père n'en était sûrement pas conscient, il n'avait jamais été très adroit en ce qui concernait les rapports entre êtres humains. Mais avoir son bonheur malsain personnel convenait parfaitement à la jeune-femme. Si les citadins étaient si facile à lire et aisés à troubler, il se pourrait bien que ses visites soient plus fréquentes qu'elle ne le pensait d'abord. Si seulement les rues de Madorass n'étaient pas un tel labyrinthe.
Le père et la fille visitèrent ainsi plusieurs autres établissements et rentrèrent dans le manoir au Nord de la cité qui, selon les dires de son guide, était une sorte de location commune qui servait lorsque lui ou l'un de ses collègues devaient voyager à Madorass pour le travail. La mention dudit travail fit tiquer Ornelia, mais elle ne réagit pas outre-mesure, elle savait qu'il était inutile de poser la question une énième fois.
Tous deux se posèrent, firent un compte rapide de leurs achats, planifièrent le lendemain une visite à un noble que Vincent connaissait de longue date et vaquèrent à leurs occupations nocturnes.
Ce ne fut que quand, couchée à l'horizontale sur le grand lit qui occupait le centre de sa grande chambre, elle repensa à la journée qu'un détail qui, jusque là lui avait échappé, resurgit à sa mémoire. Depuis son arrivée, ou presque, une sensation de froid étrange lui hérissait l'échine. Elle se sentait observée. Et depuis un moment.
Qui pouvait donc avoir affaire avec elle au point de faire peser sur son dos un tel regard oppresseur ? Elle n'était pas effrayée par ce qui devait certainement être un homme tombé fou-amoureux, mais quelque chose de bien plus grand semblait rôder autours d'elle. Quelque chose qui changerait certainement son quotidien monotone près des ruines.
Elle frissonna une seconde fois et une épaisse brume noire vint la couvrir, s'étalant peu à peu sur le sol de la chambre et dissipant son angoisse.
Ornelia put enfin s'installer sous les couvertures et dormir paisiblement. La brume veillait.

HRP:

L'éclaireuse ________________ ________________

Traînant dans son sillage un sac bien plus lourd qu'elle, la jeune femme essayait de se frayer un chemin à travers a foule. Emmitouflée sous une épaisse capuche, elle était venue refourguer quelques babioles sans grande importance au marché noir. Déballant le contenu de son bagage sur l'étale de son contact, elle remarqua la présence d'une personne qui ne lui était pas inconnue. Oubliant quelques secondes son petit trafic elle l'observa du coin de l’œil. Intriguée, elle interrompit ses magouilles pour aller voir ça de plus près.

-Et j'en fais quoi de ton fourbie ?

-Mets ça de côté je reviens !

Noyait dans la masse, elle suivit l'homme qu'elle avait reconnu quelques minutes auparavant. Pister les membres de l'arcane ne faisait pas partie de son travail, mais la curiosité l'avait emporté. A l'angle de la ruelle, elle nota qu'il n'était pas venu seul. La jeune fille qui se pavanait à son bras paraissait terriblement jeune. Fréquentait il les bordels de Madorass ? Là n'était pas la question ! Cette nouvelle venue attisait sa curiosité et elle passa le reste de la journée à les espionner. Les intérêts de l'Arcane pouvaient être mis à mal si un individu venait à les vendre à une quelconque source. Hélas son champ d'action était limité en journée, ses attributs physiques l’empêchant d'agir à découvert. Ne voulant prendre aucun risque elle attendit la nuit pour passer à l'action.

Le nez collé à la fenêtre, la Tieffeline ne vit rien de plus que de la buée. Ne pouvant en rester là, elle souleva délicatement le loquet extérieur, et s'introduisit dans la chambre de la jeune fille. Tapis au sol, elle attendit quelques secondes puis releva son minois face à la démone. Pour plus de sécurité, elle agita vigoureusement la main devant les yeux clos de l'inconnue. Celle-ci dormait effectivement à point fermé. Rassurée, Chïra se dirigea sur la pointe des pieds vers la commode encore entrouverte. Elle voulait en apprendre un peu plus sur cette étrange demoiselle et décida donc de fouiller dans ses affaires. La tête la première elle plongea dans le tiroir, jeta un tas de vêtements par dessus son épaule avant de dégoter une paire de chaussettes. Ses mains se glissèrent au travers alors qu'elle reniflait une chemise à plein poumons.

*Quelle est donc cette obscure magie... ? *

Prisonnière, elle essayait de se dégager des menottes de laine, mais les contorsions n'y faisaient rien. Ces objets sortaient tout droit du Vein ! Paniquée elle heurta le coin de la table étouffant son cri de douleur dans un corset. A force de gesticuler la tieffeline n'était plus qu'une boule de tissus, confortablement piégée parmi les étoffes.

CRAC

Ce bruit lui glaça le sang, la démone avait du se réveiller avec tout ce raffut. Prise de court, elle resta cachée sous le tas de vêtements. Le plan aurait pu fonctionner si sa queue n'avait pas décidé de jouer bande à part, trônant fièrement au dessus du monticule.

Sorcière sucrée ________________ ________________

Ornelia se frotta les yeux pour la énième fois dans l'espoir futile que le spectacle auquel elle assistait disparaitrait. Et pour la énième fois, elle soupira en constatant que l'appendice qui remuait de manière effronté hors de son linge était aussi réel qu'il fut possible de l'être.
La chose qui s'était apparemment empêtrée de manière spectaculaire dans le piège que la brume, rodant toujours sur le sol de la chambre, lui avait tendu était sans nul doute un démon. La présence seule de la queue n'expliquait pas sa certitude, mais Ornelia en aurait juré. Elle le savait, sans savoir comment.
Un son étouffé parvint de la créature, rappelant deux faits à la sorcière. Premièrement, il lui fallait découvrir pourquoi un démon s'était introduit dans sa chambre. Deuxièmement, elle ne pourrait jamais savoir si le démon en question s'asphyxiait avant de le lui dire.
Sur sa commande, le piège qui maintenait l'inconnu en place se dissipa lentement. La queue s'arrêta aussitôt de remuer, mais le tas de linge ne bougea pas pour autant. Le démon pensait-il vraiment être resté inaperçu ? Pouvait-on croire avoir été libéré par hasard ?
Si c'était le cas, alors ce démon ne devait sans-doute pas présenter une menace bien grande. Et rien n'empêchait Ornelia de s'amuser un peu au dépend de celui qui l'avait réveillé au beau milieu de la nuit.
La brume vint remplir le vide qu'elle avait laissé en quittant son lit pour s'approcher de la queue qui s'était remise à remuer paisiblement. On le la confondrait pas longtemps, mais ce serait sûrement suffisant pour surprendre l'effronté. Il ne lui fallait maintenant trouver qu'un endroit où se cacher en attendant... Le bruit du linge tombant au sol l'arrêta net dans ses calculs. Elle se retourna aussitôt et constata que l'intrus était en fait une intruse, et que cela ne changeait rien au fait qu'elle n'avait pas prit le temps d'enfiler autre chose que les sous-vêtements avec lesquels elle avait dormi.
Tant-pis pour la surprise.

—Oh non. Tu reste couchée toi.

Accompagnant ses paroles, la brume s'étendit en une rapide déflagration en direction de la démone et du tas de linge sur lequel elle trônait, la délogeant en l'envoyant promptement se heurter à la commode qu'elle avait dévalisé. La porte de la chambre s'ouvrit avec fracas pour laisser entrer Vincent Tyren, arme au poing, et le laisser sortir aussi vite, propulsé contre le mur.
La brume se dissipa après qu'Ornelia ait enfilé son accoutrement habituel, laissant les deux intrus avec un fort mal de tête et une sorcière très frustrée.

—Des explications maintenant ? Ou alors je passe directement à la phase suivante qui comprend une mort lente et douloureuse ?

HRP:

L'éclaireuse ________________ ________________

Patiemment la tieffeline restait à couvert parmi le linge. Aucun bruit alentour..elle pouvait sortir le nez. Surgissant du tas tel un diable dans sa boite, elle jeta un œil en direction du lit. L'inconnue semblait toujours dormir paisiblement. A pas de loup, elle se faufila à travers tout ce bazar, quand une main invisible l'expulsa telle une mal propre. Atterrissant lourdement contre le mur, elle mit quelques secondes à comprendre que la jeune femme était en réalité réveillée. Les fesses au sol le long du mur, elle reprit ses esprits. Sonnée, la créature ne pu lui répondre sur le coup. Heureusement pour elle la venue de son disciple calma le jeu. Époussetant ses épaules, la jeune femme se redressa face à la petite sorcière. Elle ne manquait pas de piquant ! Néanmoins, elle la fuyait du regard, honteuse de s’être faite prendre la main dans le sac.

-Oui des explications seraient la bienvenue ! C'est qui celle la ? Pourquoi avez vous quitté le manoir ?

Le but même d'un secte était l’endoctrinement, et le suivi de ses partisans. L'éclaireuse soupçonnait le dénommé Tyren d'une quelconque malversation. La fuite d'informations serait extrêmement préjudiciable pour leur ordre. L'arcane agissait dans l'ombre et une mise à la lumière n'était pas envisageable. Les bras croisés, les sourcils froncés la jeune femme attendait une explication qui tardait à venir. Marquant son impatience, la tieffeline tapa du pied.

-L'oeil noir sera ravie d'entendre ce que vous avez à me dire, je vous conseille de parler....comme le dit si bien cette petite garce....je peux passer à la phase suivante...

Sous la menace, le démon fit craquer sa nuque de façon intimidante, mais manqua de rester bloquée. Vérifiant que personne n'avait noté cette faiblesse elle bomba le torse pour rouler des mécaniques.

Sorcière sucrée ________________ ________________

Hmph ! Pour qui se prenait-elle ? Rentrer par effraction dans sa chambre et fouiller dans ses vêtements ne lui suffisait pas ? Il fallait en plus qu'elle exige des explications de sa part ?!
Et pourquoi son père ne disait-il rien ?

— Ornelia. Laisse-nous.

Elle ne savait pas trop ce qu'elle attendait, mais de toute évidence, être chassée de sa propre chambre n'en faisait pas partie.

— Quoi ?
— Les choses ne devaient pas se passer comme ça. Je viens de perdre en un instant tous les plans que j'ai mis des mois à concevoir. Alors maintenant, tu va gentiment quitter cette chambre et attendre dans la pièce à vivre tandis que je m'expliquerais avec mademoiselle.

Il plaisantait. Il devait forcément plaisanter...
La façon dont il la fixait dissipa ce doute immédiatement.
Ornelia avala sa salive avec difficulté, elle s'était attirée une fois la colère de son père adoptif, c'était assez.
Elle se dirigea vers la sortie en baissant la tête mais un bruit attira son attention. L'intruse se retenait de rire ! La sorcière accéléra le pas et quitta la pièce en claquant la porte derrière elle.
Le silence revint dans la chambre. Si on ignorait l'hilarité silencieuse qui secouait la démone.
Vincent Tyren l'aida en soupirant à se relever avant de s'incliner respectueusement.

— J'aurais aimé que vous puissiez rencontrer ma fille adoptive dans de meilleures conditions... Mais les choses étant ce qu'elles sont, je vais devoir vous demander une faveur plus tôt que prévu. Puis-je cependant vous demander ce qui me vaut l'honneur de votre présence ?

Il était rare pour Vincent Tyren de vouvoyer ou même de montrer du respect, mais quand on fait parti d'un ordre aussi puissant et secret que l'arcane, certaines traditions s'imposaient d'elle mêmes. Surtout quand la personne, ou démon, devant vous était désignée comme future dirigeante du Monde et pouvait ordonner votre destruction d'un geste de la main.
Et il avait fallu que sa fille agresse l'élite de l'arcane... N'était-il donc pas possible qu'un seul de ses plans ne se déroule sans s'effondrer sur lui-même aux moments cruciaux ? Comment allait-il pouvoir justifier l'entrée de sa fille dans l'organisation maintenant ?
Il leva les yeux sur l'air amusé qu'arborait la démone, par expérience, il savait pertinemment que cela ne présageait rien de bon. Et son mal de tête avait décidé du meilleur moment possible pour arriver.

L'éclaireuse ________________ ________________

Irradiant d'arrogance, la tieffeline regarda la jeune femme s'éloigner la tête basse. Adieu insolence.
D'un air ravi elle accepta l'aide de Vincent avant de lui faire face les bras croisés. Surprise par tant de révérences, elle courba un sourcil, puis se détendit. Enfin ! Enfin, on la traitait avec tous les égards du à son rang ! Il n'en fallait pas plus, pour que ses chevilles doublent de volume. S'étouffant presque dans sa propre complaisance, elle du essuyer le filet de bave qui coulait le long de son menton.

-Votre fille adoptive … ? C'est donc ça l'odeur...humain et démon sous le même toit...intéressant...

Sans même demander la permission, elle parcouru la chambre à la recherche des affaires de la jeune fille congédiée. Ayant trouvé ce qui s'apparentait à une nuisette, elle porta le bout de tissu au niveau de son museau avant de se laisser enivrer par cette senteur du Vein.

-On garde des petits trésors pour soi, Vincent ? On les garde loin de l'Arcane …. ?

La pièce de lingerie tournoyait autour de son index, brassant l'air ambiant d'une douce brise. Suspectant l'humain d'une quelconque entourloupe elle se posa en inquisitrice, évitant par la même occasion de répondre à ses questions.

-Je ne pense pas que ma présence soit à justifier..

Louchant à présent sur le morceau de tissu, elle lui demanda le plus naturellement du monde.

-Une fille...Ou une compagne... ?

Voyant son interlocuteur changer de couleur, elle lui jeta la nuisette à ses pieds.

-Allons ! Je suis sûre que vous avez une bonne excuse ! Je suis toute ouïe !

Mêlant le geste à la parole, elle sauta sur le lit qu'occupait la démone quelques minutes auparavant.

Sorcière sucrée ________________ ________________

Vincent Tyren paniquait. C'était une chose rare. Quand on avait affronté les monstres qui se terraient dans les ténèbres de Feleth pendant aussi longtemps que lui, on avait tendance à ne plus être facile à surprendre. Cependant, en quelques secondes, la tieffeline avait réussi à le déstabiliser plus qu'il ne cru possible.

— Sûrement vous n'insinuez pas... parvint-il à marmonner, que je puisse faire passer mes désirs avant le bien de l'arcane.

La tieffeline ne sembla pas réagir. C'était bien ce qu'elle entendait, et il avait intérêt à lui donner rapidement une très bonne raison.
Une chance qu'il ait, justement, une excellente raison.

— Si c'est ce qui vous inquiète, inutile de vous en faire plus longtemps. Ma fille sera ma plus belle offrande à l'Oeil Noir.

C'était vrai, jusqu'à présent, Vincent avait rendu à l'arcane beaucoup de services, sa position noble le lui permettait, tout comme son ancienne carrière de mercenaire. Mais Ornelia représentait un atout qui pourrait se révéler extrêmement précieux. Elle était puissante. Il s'en était assuré, commençant peu à peu à lui donner les leçons qui lui sauveraient la vie, tant sur un champs de bataille que dans un salon mondain. Mais elle avait plus que ça, c'était un joker inestimable. Il avait vu les dégâts qu'elle pouvait causer lorsqu'elle ingérait du sucre, bien qu'il n'en connaisse pas la raison, et avait déjà prévu plusieurs assassinats massifs en l'utilisant.
Mais pour cela, il fallait qu'il puisse lui faire rencontrer l'Oeil Noir et pour l'instant, les choses ne semblaient pas vouloir tourner en sa faveur... Sûrement la tieffeline ne s'opposerait pas à son projet. Ou du moins, il espérait.

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