''L’enfant voulait répondre. Mais sa gorge lui fit comprendre que ses mots ne seraient jamais à la hauteur du silence.''
               
Eto Hachiro
 
''La mort, c’est elle qui vous fait tenir debout. C’est elle qui dicte les actes. C’est elle qui peint le monde. Et elle vous emportera tous.''
               
Querel Sentencia
 
''Je ne ressens que soif et tristesse, la mort est futilité. Je la cherche, peut-être suis-je elle.''
               
Nagate Zetsubō
 
''Udyr, quand tu seras mort, on se souviendra de ton nom. Moi je n'en ai pas, car je ne mourrai pas aujourd'hui. Mais le tien restera gravé dans ma mémoire, et dans celle de tous ceux qui t'ont connu, comme celui d'un homme fort, et digne. Alors va, et éteins-toi avec grandeur, devant tous ces vautours.''
               
Darn Butcher
 
''La nature revivait là où les hommes mourraient, le cycle reprenait son cours normal grâce à l’albinos.''
               
Aikanaro Myrrhyn
 
''Ils ne se battaient pour rien qui n’en vaille la peine. Ils étaient incapables de distinguer ce qui avait de la valeur de ce qui n’en avait pas. Alors pourquoi tant de vigueur à la tâche ? Pourquoi risquer sa vie aussi vainement ?''
               
Alcofrybas Grincebrume
 
''Son regard, depuis toutes ces années, avait appris à parler.''
               
Etan Ystal
 
''Un monde de chaos, de destruction et de malheur, un monde impartial et magnifique, le seul en tout cas, où faire l’expérience de la vie prendrait un sens véritable.''
               
Edwin Gwendur
 
''L’enfer, ce doit être l’enfer : courir pour l’éternité dans un paysage sans fin, sans début. Sans possibilité de repos ou de mort.''
               
Tyrias Marchemonde
 
''Mais sans risque on n'obtient rien, voici ma devise mes amis. Il ne faut pas avoir peur de se salir les mains, il ne faut pas avoir peur de la mort…''
               
Dimitri Morteury
 
''Tomber... Ceci est si abstrait. L'on pourrait se relever plus grand que l'on était.''
               
Yozora Adragnis
 
''Il passa des semaines dans le cachot ayant décidé de s'y enfermer lui-même. Puis, au terme de trois semaines, vous êtes venu le voir et vous lui avez dit : «Les larmes ne sont qu'une faiblesse qu'il te faudra masquer... Si tu veux t'apitoyer, libre à toi, mais, si tu souhaites voir les choses changer, tu le peux toujours. Suis-moi... Mon ami.»''
               
Haar Wilder
 
''Le brin d'herbe ne se soucie guère de ce que font les feuilles des arbres. Mais à l'automne venu, les feuilles ne se suffisent plus entre elles. Elles s'assombrissent, se nourrissant des nuages noirs d'orage. Et alors, elles se laissent tomber sur nous.''
               
Le Peintre
 
''S'il y a bien quelque chose que l'on oublie, lorsqu'une personne est immobile, allongée, rigide, puante à en faire vomir, en décomposition, transportant des milliers de maladies, la peau arrachée et les os jaunes. S'il y a bien quelque chose que l'on oublie, lorsqu'une personne est à six pieds sous terre, devenue la proie des corbeaux, et ses yeux mangés par des fourmis... C'est qu'elle a un jour été orgueilleuse et avide. C'est qu'elle a un jour voulu devenir riche et grande, ou bien qu'elle l'est devenue. Cela ne change rien.''
               
Le Violoniste
 
''La pensée est la liberté, la liberté... Alors, le corps est la prison, le corps est la prison... Il faut casser les barreaux.''
               
Sill
 
''Nous croyons conduire le destin, mais c'est toujours lui qui nous mène.''
               
Setsuna Hendenmark
 
''Fais ce que tu veux avec ces villageois, sauf les laisser en vie.''
               
Kaull Hendenmark
 
''La fuite vers la religion peut être une réponse pour certains. Pour d'autres elle n'est que la simple évidence que l'homme est faible et instable.''
               
Astryl Panasdür
 
''La mort ne cherche pas à s’expliquer, elle ne fait qu’agir, monsieur. Les cadavres ne racontent pas grand-chose, mais vivant, un homme peut en avoir long à dire.''
               
Sanaki Hearthlight
 
''Alors, telle une marionnette cassée que l’on tente en vain d’animer, il se releva, restant digne malgré ses blessures.''
               
Dolven Melrak
 
''Quand le sang coule, il faut le boire. La mort ne frappera pas à votre porte mais s'invitera par vos fenêtres !''
               
Andreï Loknar
 
''Personne ne peut capturer une ombre, personne ne peut la dresser ni se l’approprier.''
               
Jazminsaa Alsan
 
''De la même façon, à l'idée qu'un abruti de scribe puisse teinter ses parchemins de calomnies religieuses, ou pire, me faire porter le titre de héros, je vais préférer m’occuper de l'écriture de ma propre histoire.''
               
Alexandre Ranald
 
''La mort... Si belle et terrible à la fois, elle l'appelait, et l'appelle toujours.''
               
Adam Moriharty
 
''Par nature, j’aime tout. Par conséquence, je me hais…''
               
Samaël Apelpisia
 
''C'est sordide et cruel, mais c'est hélas la réalité de ce monde.''
               
Liam Gil' Sayan
 
''Aujourd’hui sur les terres de Feleth les pensées ne sont plus les bienvenues. Le temps de la renaissance spirituelle est terminé. Le temps où les grands penseurs avaient aidé le monde est révolu.''
               
Héra Calliope
 
''La mort était séductrice ; elle ne montrait que ses bons côtés. La sérénité et le calme absolu : pour toujours et sans violence.''
               
Eurybie Pourrie
 
''J’ai atteint cette espèce de vanité qu’apporte l’ancienneté. Je ne crois plus qu’on puisse m’apprendre quelque chose, et si jamais quelqu’un essaye ou y arrive seulement, je me bloquerais et deviendrais hermétique à tout contact.''
               
Dante Waanig
 
''Je devrais t'attacher, tu deviens dangereux pour toi même !''
               
Jeyra Frozeñ
 
''La beauté des êtres n'était rien. La beauté des choses oui. Mais pas forcement celle que l'on voit avec une paire de rétines.''
               
Akira Satetsu
 
''Le noir. Une étendue sombre en perpétuel mouvement.''
               
Melpomène d'Ambre
 
''Il est des oreilles invisibles qui peuvent entendre jusqu'à nos moindres soupirs et des secrets aux allures anodines peuvent se révéler instruments de destruction et de tourments sans fin...''
               
Cassandre Ombrelune
 
''Le "rien" est tellement plus unique que la peur ou n'importe quel autre sentiment...''
               
Meryle Nightlander
 
''Ce n'est pas le nombre ni la force qui compte, c'est l'envie, la cause.''
               
Luyak Salamya
 
''L'innocence d'un enfant est la plus grande peur de l'homme.''
               
Clause Vaneslander
 
''Quand il lui manque une marionnette pour ses spectacles. Il verrait en vous la chose qu'il cherche.''
               
Jack D'enfer
 
''Il n'a pas de notion réelle du bien et du mal, personne ne lui ayant jamais défini ces mots.''
               
Jim Stocker
 
''Je n'ai vu aucune lumière, aucun goulet, pour sortir du boyau infini et obscur que nous empruntons tous, jusqu'à la promesse d'une nouvelle vie, de la transcendance et de la connaissance. Alors, mes yeux se sont adaptés aux ténèbres.''
               
Shaquîlah Dresdeïorth
 
''Le pouvoir ronge l'homme.''
               
Balthazar Bel
 
''Visiblement, la sérénité n'avait de valeur que si on connaissait également, en comparaison, des moments de troubles.''
               
Dranek Barth
 
''Le faible se faisait tuer, le fort vivait un jour de plus.''
               
Rodany Bleinzen
 
''Le soleil se couchait sur le monde du milieu. Les ténèbres se paraient de leurs plus somptueux apparats pour enfin faire leur entrée.''
               
Rin Mephisto
 
''Et alors il vit le chaos, la désolation, la souffrance le désespoir ambiant. Il rit.''
               
Elrog Aniec
 
''Perdu quelque part, marche vers nulle part.''
               
Kyle Wate
 
''La rose n'a d'épines que pour qui veut la cueillir.''
               
Karin Yzomel
 
''- Je peux vous prédire le genre d'homme qui vous convient !
- Je connais déjà mon genre d'homme.
- Vraiment... Et quel est-il ?
- Les hommes morts.''
               
Naladrial Delindel
 
''Utilise tes pouvoirs seulement quand le noir deviendra invivable.''
               
Zedd McTwist
 
''Tes cauchemars m'ont déjà donné l'encre... À présent, ta peau me donnera les pages !''
               
Conrart Crowlore
 
''Bien des gens se font enfermer dans un cercueil une fois mort, mais rares sont ceux qui naissent dedans.''
               
Dassyldroth Arphoss
 
''Le corbeau frénétique qui vous nargue de sa voix perchée, agite ses ailes damnées, où le reflet d'un mort se penche sur votre âme.''
               
Lust Aseliwin
 
''La vie est un mensonge, la destruction une délivrance.
Passent les marées, soufflent les vents, en vain...''
               
Le Passant
 
''Fauche, tranche et avale, gouffre des âmes. Que se dresse devant toi mille fléaux, et que l’enfer se glace devant ta noirceur.''
               
Lloyd Vilehearth
 
''Des charognards pour la plupart, comme ces corbeaux à deux têtes, venant dévorer le valeureux mort.''
               
Meneldil Tristelune
 
''Nous sommes les bourreaux de la justice et de la paix. Même si ce rôle n'est pas agréable à endosser, nous nous devons de le faire, pour le bien du peuple.''
               
Ezekiel Le Sage
 
''Il me tarde de retourner au combat pour finir empalé sur une pique.''
               
Karl Von Morlag
 
''Montre-moi le chemin de la victoire. Ou guide-moi alors dans les tréfonds de la mort...''
               
Aznan Lauréano
 
''Comment peux-tu supporter ça ? C'est assourdissant ! Tue-le ! Qu'est-ce que ça te coûte ? Tu ne l'entendras plus. Tu seras en paix... Tue-le !''
               
Aïden Sochlane
 
''- Faites taire votre cabot !
- Je ne suis pas votre servante !
- Alors je le ferai taire moi-même !''
               
Rosaly Von Gregorius
 
''Le seul présent que la justice a à vous offrir, est votre mort.''
               
Mirage Morteury
 
''Laissez-moi vous conduire aux carnages.... Tant d'âmes ne demandent qu'à succomber.''
               
Idryss Leeverwen
 
''Le soleil est un bourreau. D'une simple caresse, sa langue enflammée peut calciner n'importe quel être.''
               
Seïren Nepthys
 
''C'est une nuit sans lune. Ou bien était-ce un jour sans soleil ?''
               
ShuiLong Zhang
 
''La vie est un rouage lent et grinçant. Il ne tourne que dans un sens. Celui où tu tombes.''
               
Camelle Elwhang
 
''Et un jour, sur vos lits de mort, bien des années auront passé et peut-être regretterez-vous de ne pouvoir échanger toutes vos tristes vies épargnées à Feleth pour une chance, une petite chance de revenir ici et tuer nos ennemis, car ils peuvent nous ôter la vie mais ils ne nous ôteront jamais notre liberté !''
               
Edouard Neuman
 
''Le temps est la gangrène de l'homme, elle apparait puis vous ronge à petit feu. Pour finir il ne vous reste plus que le présent pour vivre ; le passé s'évapore peu à peu et le futur ne vous intéresse guère.''
               
Asgeïr Aslak
 
''Cueillir la fleur de la déchéance et croquer dans la pomme de la faucheuse, nos vies se résument à cela car après tout, nous finissons à une moment où un autre, tous sous terre.''
               
Violette Dellylas
 
''Le pire n'est pas de mourir, mais de se faire oublier.''
               
Erwan Daermon Do'Layde
 
''Tenter d'oublier, même si c'était impossible. Il aurait aimé se jeter à la mer avec la preuve de son acte immonde. Laver tout ce sang qu'il sentait sur lui. Peut-être même s'y noyer, simplement. Sombrer dans les abysses et les ténèbres, pour toujours.''
               
Mio Raeth
 
''La lumière montre l'ombre et la vérité le mystère.''
               
Aeli Seoriria
 
''Si la vie n'a qu'un temps, le souvenir n'a qu'une mesure. Le reste est silence.''
               
Valt Horn
 
''Dans le noir le plus complet, l'aveugle est la meilleure personne à suivre. Dans un monde de folie, qui mieux qu'un fou pour nous guider ?''
               
Ledha Borolev
 
''Je ne crois pas en la force d'un absent. Celle qui ferait de vos dieux ce que vous pensez qu'ils sont.''
               
Gigantus Corne
 
''Une limite qui n'a été créée que pour être dépassée ? C'est simple, imaginez !''
               
Goudwin Didrago
 
''Voir grouiller tous ces gens, connaître leurs désirs et leurs rêves, voir comment évoluent les sociétés, leurs aspirations et leurs défauts. Comprendre que donc rien n'est éternel, et que tous ces rêves et toutes ces folies disparaîtront de la surface du monde. Se laisser aller, indolent, parce que tout cela ne servira à rien, et qu'au bout du compte le monde reste le monde, seule éternité immuable.''
               
Uridan Sangried
 
''L'Inquisition vous remettra sur le droit chemin. Même s'il faut vous briser les jambes pour ça.''
               
Leevo Shellhorn
 
''N'oublie pas d'avoir peur des morts. Ils sont toujours plus nombreux que les vivants, et un jour, tu les rejoindras.''
               
Moira Brawl
 
''J'avais l'habitude avec ce genre d'individus... Moins vous bougerez, moins vous leur parlerez... et moins ils vous cogneront dessus.''
               
Aoi Haandar
 
''Je souhaite voir votre sang se répandre mollement à la surface d'une eau rendue trouble par les masses de cadavres vidés de leur substance, marcher dans les champs de vos ossements éparpillés, me remémorant à chaque pas votre mort absurde et pathétique, que vos noms ne soient pas contés, que votre souvenir s'éteigne comme s'éteint votre vie fade et misérable, qu'à travers les années, seuls subsistent vos ossements tels de tristes traces blanchâtres dans un paysage noir de guerre, de sang et de folie.
Et que telles cette phrase, vos morts n'aient aucune importance, aucune signification pour quiconque.''
               
Nargheil Eoss
 
''Bénie soit la haine que tu porteras à ton prochain, lave l'Homme des péchés qu'il a commis.
Sois l'épée du jugement qui s'abattra sur cette race impure, souillée par la vengeance et la corruption.''
               
Meiro Fuuchiuse
 
''Notre futur exprime nos actes passés.''
               
Terence Ripper
 
''Rencontre les ténèbres et tu admireras la lumière, dit le voyant.
Contemple la lumière et tu provoqueras les ténèbres, dit l'aveugle.''
               
Tekian Varis
 
''Un général courageux et fier, est celui qui exécute en premier l'ordre qu'il donne à ses hommes.''
               
Danarius Kyrarion
 
''L'art est le sentiment obscur de l'appropriation de l'étrange.''
               
Leroi-Gourhan
 
''La mort nous sourit à tous, et tout ce que nous pouvons faire, c'est lui sourire en retour.''
               
Marc-Aurèle
 
''L'art est la mystérieuse présence en nous, de ce qui devrait appartenir à la mort.''
               
Malraux
 
''L'art est une profondeur creusée dans le visage du monde.''
               
Weischedel
 
''Le néant après la mort ? N'est-ce pas l'état auquel nous étions habitués avant la vie ?''
               
Schopenhauer
 
''Les avocats d'un malfaiteur sont rarement assez artistes pour tourner à l'avantage de leur client la belle horreur de son acte.''
               
Nietzsche
 
''Ôte-toi de mon soleil.''
               
Diogène le cynique
 
''Il y a pas d’œuvre d'art sans collaboration du démon.''
               
André Gide
 
''Ce n'est pas le lieu mais son cœur qu'on habite.''
               
John Milton
 
''Nous sommes les histoires que nous vivons.''
               
Auteur inconnu
 
''La mort est terrible pour n'importe qui. Bons ou mauvais, anges ou démons, c'est la même chose. La mort est impartiale. Il n'y a pas de mort particulièrement horrible. C'est pourquoi la mort est effrayante. Les actes, l'âge, la personnalité, la richesse, la beauté... Tout ça n'a aucun sens face à la mort.''
               
Fuyumi Ono
 
AccueilDernières imagesS'enregistrerConnexion
-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

Partagez | 
 

 L'ordre dans le chaos [Solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptySam 15 Aoû 2020 - 16:54

Ecoute-moi bien jeune frère. Il en dépend de ta vie.
Ce monde n’est pas comme celui qui t’a vu naître. La logique et la raison n’y ont pas leur place. Tout n’est qu’affaire de volonté, tu m’entends? Et ta volonté est forte.
Alors, une fois dans la lande : Marche. Sans te retourner. Quoiqu’il arrive. Fixes-toi un point et marche. Fais-le jusqu’à ce que le sommeil t’empêches de garder les yeux ouverts. Puis continue.
Ces plaines ne sont qu’un test. Un avant-goût de ce que le Vein peut offrir. Chaque pas te rendra plus fort. Ne crains pas la morsure du soleil, car il n’existe rien de tel dans ce monde. Le ciel est perpétuellement gris. Ne crains pas la soif, la magie dans l’air te désaltérera plus sûrement que n’importe quelle gourde. Apprends à côtoyer fatigue, douleur et folie. Ils seront tes seuls compagnons durant ta traversée. Qui, je te l’avoue sans honte, te semblera longue et impossible.
Une fois que les braises auront remplacé la terre, tu devras tendre l’oreille. Dénicher, entre les crépitements des flammes et le sifflement de la roche brûlante : le clapotement des vagues. Cela peut parfois prendre plusieurs jours. Une fois ce son isolé du reste, diriges-toi à l’opposé de ce qui te semblera être sa provenance. Pas dans sa direction, jamais dans sa direction.
Tu ne te rendras compte de ton arrivé qu’au moment où l’eau obstruera ta vision. Tu cligneras simplement des yeux et, l’instant d’après, tu réaliseras que la surface se trouve vingt pieds au-dessus de toi, alors...
J’espère que tu nages vite.


Deux mains blanchâtres percèrent les eaux noires. Un visage pâle, encadré de longs et crasseux cheveux d’ébènes, traversa la surface en perturbant le calme éternel d’un lac impossible. Le démon grogna de douleur en sentant quelque chose le mordre au torse et résista à l’envie de riposter.
Il balaya les environs du regard, à la recherche d’un endroit solide où poser pied. Un petit îlot couverts de joncs et de buissons épineux se dressait au milieu de l’onde morne, unique indice de terre alentour. Les croix de tombes ensevelies pointaient au sein de la végétation hérissée, un avertissement, censé repousser lâche comme curieux, sans doute.
Le démon n’était ni l’un ni l’autre.
Il rejoignit la berge en quelques instants. Son corps aux muscles endoloris par des semaines d’activité ininterrompue s’échoua volontairement sur un millier d’épines aux branches se tordant dans sa direction pour mieux mordre dans la chair.
Alors qu’une pointe végétale longue comme trois pouces s’enroulait autour de son torse pour s’approcher de son nombril, le démon réprima le désir de saisir la lame battant sa hanche pour trancher le végétal ensorcelé. A la place, il se redressa d’un bond, s’arrachant douloureusement à l’étreinte des buissons l’ayant accueillit.
Le démon n’était pas un démon de naissance. Jadis, ce corps puissant, aux muscles apparents et à la peau déchirée par un milliers d’écorchures et de plaies béantes, avait été celui d’un homme de Feleth. D’un garçon de ferme devenu forgeron par chance. Il se souvenait avoir eu un nom, jadis. Un nom d’homme sans histoire pour un homme sans histoire. Mais ce nom, on l’avait banni. Son nouveau monde l’avait renommé, ainsi que ses nouveaux frères.
Le démon répondait désormais au prénom de Decimus. Son nom, il devait le garder secret jusqu’à ce que sa cible le lui demande. Car son nom était autant une arme qu’un étendard, en enfer.
Et c’était en étendard qu’il devait l’utiliser aujourd’hui.

Decimus s’extirpa de la boue sans prêter attention aux innombrables paires d’yeux qu’il sentait se poser sur lui. Où qu’on aille dans le Vein, quelqu’un ou quelque chose observe. Ici plus qu’ailleurs, alors pourquoi s’en offusquer? Une attitude défiante restait plus respectable qu’une prudente, bien qu’indubitablement plus risquée.
Le démon n’avait plus grand chose à voir avec un humain maintenant. Son corps avait triplé en taille et en poids. Sa masse musculaire n’avait cessé de gonfler durant les deux premières semaines ayant suivi son ascension. Ses os s’étaient comprimés, brisés et reformés pour mieux soutenir son nouveau lui. Ses yeux marrons jadis usés par les flammes de la forge avaient prit une teinte rouge suintant de malveillance et pouvaient, désormais, discerner avec netteté les moustaches d’une souris courant dans l’herbe à trente pieds de distance. Sa peau bronzée avait rejeté la marque de l’astre solaire, inexistant dans le Vein, pour reprendre une teinte plus adapté à son nouveau monde. Elle était maintenant d’une pâleur cadavérique et d’une solidité proche du cuir de sanglier. Une longue crinière de cheveux noirs-de-jais descendait le long de son visage anguleux, aux traits durs et tirés. Une double rangée de crocs aiguisés avait remplacé ses dents pourrissantes. Ses mains, assez larges pour enserrer totalement un crâne humain et assez fortes pour le briser d’une simple pression, avaient perdu leurs ongles ébréchés pour se munir d’incassables griffes.

Son voyage, Decimus l’avait commencé sans rien d’autres qu’un pantalon de tissu, des bottes de cuir et l’épée d’un frère. Ses gantelets provenaient de la chitine malléable d’un arachnide aussi long qu’une caravane, l’ayant attaqué par surprise durant son troisième jour de trajet. La longue cape de fourrure noire sur ses épaules, il l’avait conçue avec les restes d’un Ours à trois têtes, aux ergots suintants de venin. Avec ses os et son cuir, Decimus s’était fait une ceinture et une dague. Il avait trempé le fil de la lame dans la toxine des griffes et, depuis, elle en produisait sans cesse d’elle-même. Son corps, pourtant neuf de quelques mois, portait désormais la marque de tant de combats, de chutes et de déchirures qu’il semblait être le vétéran d’un millier de batailles. Une longue entaille traversait son front et ne cessait de se rouvrir depuis le début de la semaine. Le sang noir qui perlait de la plaie ne le gênait aucunement, au contraire. Son goût acide l’aidait à rester alerte, éveillé. Il agissait comme une drogue de combat sur son esprit parfois à deux doigts de se perdre dans la somnolence.

Quelque chose éclata sous sa botte. Un morceau de pierre tombale, manifestement faite en craie à en juger sa fragilité excessive. Il n’y prêta pas la moindre attention et s’enfonça dans le bois jouxtant la berge.
Les arbres étaient aussi noires que l’eau entourant les lieux. Leurs troncs. Leurs feuilles. Jusqu’à leur sève, collante et toxique, qui perlait depuis les hauteurs en une pluie tiède et constante. Decimus ne perdit pas son temps à couvrir son visage. Si la toxicité de la sève était suffisante pour parvenir à mettre à genoux son corps, les émanations le tueraient encore plus sûrement que son simple contact. Une épaisse brume verdâtre se perdait dans les bois, compliquant un peu plus le repérage des lieux. Il avançait à moitié à l’aveugle, ses bronches, insensibles à l’acidité de l’air, refusant même de s’abaisser à provoquer le moindre toussotement. La traversée dura moins d’une vingtaine de minutes. Nulle créature ne l’attaqua, bien qu’un serpent, qu’il avait prit pour un arbre pourrissant, ne se soit mit à siffler et à onduler à son approche. Au final, le reptile l’avait simplement observé marcher, incapable de situer cet intrus dans la chaîne alimentaire, jusqu’à ce qu’il ne parvienne à l’autre bout du bois.
Le Nord de l’île se terminait abruptement. Un simple et fin pique de terre, s’enfonçant progressivement dans les ténèbres d’une eau aussi calme qu’insondable.
Il y avait un trône, au bout du pique. Tourné vers la terre, et non vers le lac. On l’avait taillé dans une pierre noire et lisse, reflétant les calmes reflux de l’onde derrière et l’image du démon face à lui.

Quelqu’un occupait ce trône.

Les ombres l’habillaient. Elle ne portait pas le moindre vêtement tangible et aucune arme ne semblait la protéger. Seules les ombres masquaient son corps en un voile ensorcelé, mouvant et troublant. Tenter de suivre le mouvement du voile était un piège facile auquel Decimus refusait de céder.
La démone l’attendait les jambes croisées et le sourire aux lèvres, l’air aguicheur. Son visage n’avait rien de beau, ses traits étaient grossiers et la magie d’ombre qui la protégeait le répugnait. Il la soupçonnait d’être une syrinx, l’un de ces êtres étranges ayant plus de sèves que de sang dans le corps. Leurs tendances à la magie les rendait retors par nature. Leurs corps n’étaient que des parodies d’êtres de chairs.
“-A quelle partie de cette île es-tu lié?” Entama-t-il, sa main droite posée sur le pommeau de sa lame.
“-Aux joncs que tu as piétiné en arrivant.” Répondit-elle d’un ton narquois.
Les traits de Decimus demeurèrent neutre face à cette accusation. Les plantes étaient faites pour être piétinées. Il ne s’humilierait pas en s’excusant.
“-Je souhaite passer.
La démone s’étira et se redressa. Il remarqua avec horreur qu’une cape de végétaux poussait dans ses épaules alors qu’elle s’approchait de lui.
“-Tu as l’air sur la défensive. Aurais-tu peur?
Decimus s’accorda le droit de sourire. Elle le prenait pour l’une de ces âmes perdues errant de-ci de-là dans le Vein, sans but, sans allégeance et donc sans force.
“-Tu t’occupes du passage.” Affirma le démon.
La syrinx se mit à tourner autour de l’intrus, la cape de végétaux s’accrochant à ses bottes.
“-Peut-être. Mais qu’as-tu donc à m’offrir?
-Le passage est offert aux méritants.
-Je ne connais pas ton nom, tu n’en es donc pas un.
Le sourire de Decimus s’élargit.
“-Mais si, tu le connais.
La terreur qui s’inscrivit sur les traits de la Syrinx, lorsque le jeune démon se présenta, lui sembla délicieuse.

† † †


Le prisonnier refusait de se mettre à genoux. C’était là sa deuxième erreur.
La première aurait dû lui coûter la vie. Mais ses filles étaient joueuses et aimaient faire souffrir les menteurs. Elle les avait laissé l’entourer de chaînes aux pieds de son trône et le préparer au châtiment. Il n’avait pas esquissé le moindre mouvement, sauf lorsque Saskia avait voulu s’emparer de l’épée. Là, le prisonnier s’était hérissé. L’espace d’un court petit instant, elle avait cru, vraiment, qu’il tenterait quelque chose malgré le poids des chaines et la lame sous sa gorge. Mais il s’était ravisé, sagement. Et son épée avait quitté son flanc. Maintenant, elles attendaient toutes, assises ou debout, qu’elle donne enfin son assentiment pour la suite.
Mais l’assentiment ne venait pas. Un doute subsistait. Un doute, qui prenait naissance dans le calme surnaturel de ce jeune chiot impudent. Personne n’était aussi calme sans confiance. Et ce gamin en était garni. C’en était ridicule.
La cacophonie causée par les revendications diverses de ses innombrables filles se stoppa net lorsqu’elle leva la main des accotoirs de son trône.
“-Ton nom. Redis-le. Je veux l’entendre.
Le gamin enchaîné leva le menton, prit un air solennel et prononça d’une voix forte :
“-Mon nom est Decimus Crudelis et je viens ici de la part de mon frère, Ta…
Saskia enroula son fouet autour du cou du prisonnier.
“-Ne prononce pas son nom ici.
D’un claquement de langue agacé, elle intima l’ordre à sa fille revêche de reculer et de le laisser parler. Le prisonnier la remercia d’un hochement de tête et elle le détesta pour l’élégance de sa manoeuvre.
“-Mon frère, Tarcus Crudelis, souhaite vous parler, Impératrice.
Le nom la traversa de part en part aussi sûrement qu’une flèche. Qui était-il, ce morveux, pour raviver ainsi une telle douleur?
“-La Lame d’Arphoss n’a pas de frère. Il n’y a pas d’abysse assez noire pour donner naissance à deux êtres comme lui.” Risqua Prudence, sa fille bien nommée, depuis le trône à droite du sien.
“-Il m’a fait don de son nom pour récompenser mon honneur et mon courage.” Cracha crânement le morveux. “Regardez la lame.
Saskia observa la lame qu’elle avait subtilisé un instant, sans comprendre. La pauvre enfant était trop jeune pour comprendre, fort heureusement.
“-Amène-la moi.

Decimus comprit qu’il avait gagné le droit de se faire entendre à l’instant où les doigts graciles de l’Impératrice vinrent caresser les piques ornant le pommeau de la lame noire. Le noble visage se déforma un court instant dans un accès de froide colère avant de reprendre un air plus neutre. D’une main tremblante, elle confia l’épée à l’unique fille ayant gagné le droit de trôner à ses côtés.
“-Vous la reconnaissez, madame?
-C’est l’un des Jumeaux.” Souffla l’Impératrice d’une voix blanche.
Prudence imita sa mère en allant jusqu’à écorcher l’un de ses doigts contre une pique, comme si elle avait voulu vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un mirage.
“-Alors c’est que tu l’as tué. Ou plus vraisemblablement, qu’il est mort et que tu as pillé son cadavre ! La Lame d’Arphoss ne se sépare jamais de ses armes.
Decimus retint un rire. Il écarta les bras, ou plutôt tenta de le faire, malgré les chaînes entravant ses mouvements.
“-Vous savez bien que c’est impossible. La moitié du Vein aurait déjà rapporté sa mort avec joie.
Un torrent de récriminations diverses se leva aussitôt.
On l’avait placé au centre d’un cercle de trônes innombrables. Chacun était occupé par une femme, sauf celui de Saskia, à droite, qui ne cessait d’aller et venir pour tenter de le châtier. Elle lui vouait une haine toute particulière, sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Peut-être cette démone haïssait-elle tous les êtres extérieur à leur petit cercle de la même manière? Cela ne semblait pas en tout cas pas au goût de tout le monde : Des regards méprisants dirigés non pas sur lui mais sur Saskia ne cessaient de filtrer depuis son arrivée. Une affaire de déshonneur à laver, sans doute. Pour le peu que ça lui importait.
Ces femmes n’avaient aucune espèce d’importance pour sa mission. Son but restait le même : L’Impératrice.
Il risqua un regard dans sa direction.
Elle ne ressemblait pas à une seigneur de guerre. Plutôt à une reine distante avec son peuple, accablée par la fatigue. Elle avait beau cacher sa lassitude derrière un masque d’indifférence, la vérité demeurait visible pour Decimus.
Parce qu’il portait désormais le nom d’un autre souverain immortel mais usé, utilisant à peu près les même stratagèmes pour paraître fort et décidé lorsqu’en lui ne subsistait que doute et accablement.
Cette fatigue, était-ce la croix que chaque puissant se devaient de porter sur leurs épaules? Ou n’était-ce le cas que pour ceux qui, comme Tarcus, s’étaient révélés suffisamment fatalistes pour admettre que l’orgueil resterait toujours une voie sans issue et pavée de souffrance?
Decimus était présent aux pieds du trône de l’impératrice que depuis quelques heures mais, déjà, il sentait poindre en lui cette curieuse et blasphématoire compassion qu’il s’était déjà surpris à ressentir en présence de son seigneur. C’était un sentiment simple, que n’importe quel être simple se devait normalement de ressentir en présence de celle ou celui qui, comme l’Impératrice ou Tarcus, portait sur ses épaules le poids de tant d’espoir et de vies. Elle avait la même manière de se tenir cramponnée à son trône et de toujours garder son épée proche de sa main droite, sur le qui-vive. Un peu plus de deux siècles d’expérience l’avait rendue plus naturelle et détendue dans sa posture mais, de ses beaux yeux rouges filtraient toujours quelques indices d’une peine véritable. Que la vue de l’épée n’avait fait qu'accentuer.
C’était bien normal. Cette même épée l’avait éventré et humilié devant ses propres hommes, deux cent cinquante ans plus tôt, au milieu d’un champ de bataille gargantuesque que seule la terre avide de sang du Vein pouvait se permettre de supporter.

“-La Lame d’Arphoss est stupide si elle croit que cela change quoique ce soit.” Cracha finalement Prudence, une haine robuste s’inscrivant brutalement sur ses traits de Porcelaine. Sa voix était douce, superbe à l’écoute. Contrairement à sa mère, elle n’arrivait pas totalement à étouffer les discussions et les protestations des autres membres de la réunion, mais toutes baissaient tout de même d’un ton à chaque fois qu’elle prenait la parole. Par déférence et non par crainte. “Et je suis désolée pour toi si tu as cru que la seule mention de son nom suffirait à t’épargner la mort.
L’ainée ne mentait pas. La peine dans sa voix était véridique. Elle le pensait sans doute demeuré, naïf, ou simplement ignorant de l’histoire liant sa famille à celle de Tarcus. Pressentant là une bonne occasion de développer un peu plus le but de son seigneur, Decimus se décida à répondre :
“-Monseigneur n’est plus la Lame de personne désormais. Il a brisé son serment.

Le silence total.

Alors, l’Impératrice se leva de son trône d’Obsidienne et son prisonnier réalisa qu’elle était grande. Très grande. Peut-être plus que Tarcus. Sa silhouette longiligne était celle d’une danseuse, d’une très belle danseuse, au visage triangulaire et aux traits élégants semblant avoir été taillé par un sculpteur de talent. Le long manteau, qu’elle portait boutonné et resserré au niveau de la taille par une ceinture de cuir, était d’un rouge sombre du même coloris que ses grands yeux renvoyant un regard à la fois froid et sévère. Comme toutes ses filles, elle avait dédaigné la robe et opté pour un pantalon en serge noire.
Sa démarche n’était pas agréable à regarder. Elle était martiale. Intimidante. Pas celle d’un simple soldat habitué à marcher au pas. Plutôt celle d’un maître d’arme. De quelqu’un ayant l’habitude d’être observé et admiré pour ses capacités meurtrières. Et qui se savait contraint de montrer l’exemple en toute circonstance. Elle marchait rapidement, la main gauche posée, par habitude, sur le fourreau vide battant contre sa fine hanche.
Ses bottes de cuir claquèrent sur le sol d’obsidienne à moins d’un demi-pas de là où il se trouvait. Par déférence, Decimus avait baissé les yeux à son approche.
“-Regarde-moi.
Le prisonnier s’exécuta. Et l’équivalent d’une charrette enflammée tirée par huit boeufs paniqués le heurta au niveau de la joue dans un claquement assourdissant. Il décolla du sol un court instant et ne dû son retour précipité sur la terre ferme qu’à la morsure cruelle des chaînes l’entravant. Sa douloureuse chute se termina dans un concert de craquement osseux et de rires moqueurs de la part de la cour.
“-Ne t’avises plus jamais de mentir sur mes terres.” Siffla l’Impératrice en s’approchant du corps enchainé pour l’attraper par les cheveux et le soulever jusqu’à l’amener à hauteur de son visage. Elle avait retiré l’un de ses longs gants de cuir noir avant de le frapper, dans un élan de coquetterie auquel il ne s’était clairement pas attendu.
“-Je ne mens pas.” Souffla avec difficulté Decimus, encore sonné par la puissance du coup. “Monseigneur Crudelis n’est plus la Lame de personne. Il veut la tête d’Arphoss. Je le jure sur mon honneur.
-Laissez-moi le tuer Mère adorée.” Implora Saskia, quelque part derrière-lui. “Mon fouet veut son sang.
-C’est toi qui veut son sang. Patience, Saskia.
Il y eut des murmures. D’innombrables murmures. Combien diable étaient-elles, autour? Mais le silence revint à l’instant où l’Impératrice s’intéressa de nouveau à lui :
“-Quel stratagème tordu ton maître a-t-il bien pu mettre en place pour venir te faire dire pareilles folies?
Decimus demeura interdit quelques instants, songeur.
“-Votre regard a changé. La haine que vous avez affiché, là. Elle était authentique.
L’étreinte se relâcha. Ses genoux heurtèrent le sol noirci alors qu’elle se détournait pour remettre son gant.
“-Je partage les excuses de Prudence. Tu vas mourir ici, simplement parce que tu es venu à moi porteur de la parole nauséabonde d’un autre. Cela n’a rien de juste. Mais je salue ton courage et ta tenue. D’autres que toi auraient attaqués notre passeuse.
-D’autres que moi sont enterrés sur son île.
Elle ne le regardait plus, occupée qu’elle était à rejoindre son trône, mais il sentit son sourire dans sa réponse.
“-C’est vrai. Et pour ton attitude respectueuse, je vais frustrer mes filles et t’offrir une mort rapide.
De nouveau assise, la régente des lieux leva une main :
“-Pas de fouet Saskia. Seulement l’épée. Un seul coup, net.
-A vos ordres, mère adorée.
Decimus haussa les épaules en se laissant mettre à genoux par l’exécutrice. Cette dernière faisait manifestement partie de ces êtres étranges que l’on nommait “fanatique”. Sa voix tremblait à chaque fois qu’elle s’adressait à sa mère. Inutile d’espérer de la pitié ou de l’hésitation chez pareille créature.
Il attendit qu’elle ne vienne lui murmurer à l’oreille quelques quolibets avant de déclarer :
“-Croyez-vous vraiment qu’il attendait une réponse?
L’épée ne tombait pas. Le silence revint lorsque Prudence prit la parole à la place de sa mère, soudainement figée.
“-Expliques-toi.
-Vous l’avez dit vous-même : La lame ne se sépare jamais de ses armes.
-Sois clair ou souffre, notre temps est précieux.” La douceur de sa voix entrait en conflit avec la violence du message qu’elle passait. C’était presque sacrilège d’entendre une telle beauté proférer une menace.
Decimus se redressa, tirant sur ses chaînes, poussant sur ses jambes pour s’approcher au plus du trône de l’Impératrice.
“-Je devais vous apporter son message et ses respects. Rien de plus.
-Folie…” Souffla la première des filles des cendres en réalisant ce que sa génitrice avait compris bien plus tôt.
“-Monseigneur arrive. Il est déjà en marche. Et il ne sera pas seul.


Dernière édition par Tarcus Crudelis le Mer 20 Jan 2021 - 13:09, édité 3 fois
Revenir en haut Aller en bas

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptyDim 3 Jan 2021 - 3:59

Elle ne cessait de crier. Le son était insupportable. Comment quelque chose d’aussi...Végétal, pouvait pousser des hurlements animaux? Il ne l’avait même pas blessé, simplement enfermée dans une cage de bonne taille, spacieuse, que la magie d’Holvar maintenait à la tête de leur cohorte. Elle ne manquait de rien, si ce n’est de liberté. Et pourtant, la syrinx criait. Sans discontinuer. Depuis le début de la traversée.
Jadis, de tels hurlements l’auraient mis de bonne humeur. C’était la preuve d’un raid réussi. D’une troupe rassasiée, aux appétits apaisés. Les veuves hurlaient souvent ainsi, les premières nuits, avant que le Vein ne leur arrache jusqu’à leur chagrin.
Maintenant, de tels cris ne déclenchaient qu’une chose en lui. Une seule et unique insignifiante petite chose : La migraine.

Vorasha, bien moins patient que lui, frappa de l’épaule dans les barreaux de la cage, vitupérant comme à l’accoutumée :
“-Cette fichue salade ne va-t-elle donc jamais fermer son clapet?
Plus il passait de temps avec ce lézard que les esclaves de la cité nommaient “Le Dangereux”, moins Bark parvenait à le comprendre. Son esprit chaotique, où intellect et instinct se disputaient constamment pour dicter ses actions, le rendait difficile à atteindre lors d’une conversation. Il ne s’exprimait -dans la plupart des cas- que pour défier, insulter ou établir un plan dans le but de tuer quelque chose ou quelqu’un. Ce n’était pas pour autant une brute irrécupérable puisque parfois, lorsque sa soif de sang s’apaisait, le saurien pouvait faire montre d’une clarté d’esprit surprenante pour une créature de sa trempe.
Cela prouvait qu’il n’était pas stupide. Et rendait donc son comportement habituel encore plus incompréhensible.
“-Elle hurle pour s’annoncer, je pense.” Expliqua-t-il en vérifiant que la passerelle de lianes continuait à s’étendre sous leurs pas.
Leur ascension avait débuté l’heure d’avant, lorsque Tarcus était revenu de ses “négociations” avec la Syrinx en portant cette dernière à bout de bras, son gantelet gauche fermement refermé sur la nuque de la future prisonnière. Courageuse, elle avait tenu tête au seigneur de l’Ost en lui refusant le passage, alors, en réponse, il l’avait enfermée dans une cage et menacée de mettre le feu à l’île entière. La menace, il l’avait proféré d’un ton calme. Détaché. De la même manière qu’il aurait annoncé l’heure de la journée ou parlé du mauvais temps.
L’escalier de végétaux s’était formé dans la minute d’après. Un énorme et long escalier, prenant la forme d’une passerelle de lianes, de ronces et de feuilles, s’étendant à chacun de leurs pas, en direction des falaises de pierres noires se dessinant à l’horizon, disparaissant parfois dans des nuages de poussières soulevés par un vent froid et mauvais.
Bark avait émis des réserves, au début, lorsque la cohorte entière, forte d’une centaine des guerriers les plus forts et puissants de l’Ost, s’était avancée pour traverser. Selon lui, une syrinx aussi facilement capturable n’aurait pas dû, ou en tout cas pas pu, déployer une passerelle de cette taille et surtout d’une telle solidité. Elle était désormais longue d’une demi-lieue et continuait de s’étendre sans faiblir jusqu’aux sommets de plus en plus proche.

Tarcus avançait à la tête du groupe, seul. D’un pas empressé paraissant, comme toujours, courroucé. Au fur et à mesure de l’avancée de ses plans, son seigneur se réfugiait de plus en plus dans la solitude et la réflexion. Les demandes et revendications innombrables des non-moins innombrables recrues s’étant présentées aux portes de la ville le rendait agressif. Susceptible. Prompt à la colère et à la violence décomplexée. Mais son nouveau rang de seigneur lui interdisait de céder si gratuitement à ses bas instincts. Alors, il se réfugiait dans la solitude. Ces dernières semaines, après le départ de Decimus et pendant la préparation du voyage jusqu’aux terres de l’Impératrice, Tarcus n’avait accepté la compagnie que de deux êtres : La frêle Comtesse Sheïla, qu’il avait par la suite chargé de surveiller la ville et ses habitants durant son absence. Et le sinistre Deydreus Mograine, dernier représentant des défunts cavaliers, qui avait accepté, avec son détachement habituel, de surveiller la Comtesse elle-même.
Ni Vorasha, son plus vieux frère de bataille, ni Holvar, son mage et prophète, ni même Bark lui-même, n’avaient pu échanger un mot avec Tarcus durant toute cette période. Le seigneur de la cité volée avait cessé de participer aux duels d’entraînements quotidiens qu’il avait pourtant lui-même instauré. A la surprise générale, le cavalier de la Pestilence, lui, était venu plusieurs fois croiser le fer avec eux. Durant quelques éreintantes demi-journées de passes d’armes, Deydreus avait plaisanté avec Vorasha en faisant preuve de juste assez d’ironie et de défiance pour apaiser l’impatience et les inquiétudes du Saurien. Puis il avait longuement échangé avec Holvar et Bark au sujet des préoccupations de Tarcus, sans prendre la peine de leur mentir ou de passer sous silence l’irritabilité grandissante du seigneur démon.
Sur le moment, le garde-araignée n’avait pas réussi à savoir si cette démarche lui avait plu ou non. Le porte-peste n’était pas un individu facilement appréciable. Les paroles comme les actes glissaient le long de son indifférence sans jamais l’affecter, en temps normal. Pourtant il avait presque paru amical avec eux durant ces après-midi. Et, trois semaines plus tard, Bark ne savait toujours pas si cette attitude avait été franche.
Les yeux du garde-araignée dérivèrent pour aller s’échouer sur les eaux noires en-dessous de la passerelle. Le lac paraissait si lointain vu d’ici… Difficile d’accepter que seule une épaisse couche de branches et de feuilles le séparait de ses insondables profondeurs.
“-Bark.” Fit une voix puissante et autoritaire devant lui. Quelques battements de coeur plus tard, le désigné réalisa qu’il s’agissait de celle de son seigneur lui-même.”Rejoins-moi s’il-te-plait.
Les huit pattes du garde se mirent en branle, hérissant, de par leur simple apparence, la moitié des guerriers présents sur place. Bark rejoignit le dirigeant de la cohorte en se plaçant avec humilité à un demi-pas derrière lui.
“-Tu connais l’histoire de l’Impératrice?” Demanda Tarcus, sans prendre la peine de se retourner ou de freiner son allure.
“-Je sais que vous l’avez affronté, il y a longtemps. Et je sais pour quel motif.
-C’était dans une autre vie. Cela me paraît si loin. Je ne nourris nulle haine à son égard. Au contraire, je la respecte.
-Je le sais monseigneur.
Un grondement d’animal s’extirpa du heaume cornu. Le garde-araignée manqua de saisir la hampe de sa hallebarde à son écoute. Il avait déjà entendu Tarcus émettre ce genre de son, et jamais ça n’avait été lors de circonstances réjouissantes.
“-Bark, si tu tiens à conserver ta place, cesse de m’appeler “monseigneur”. Tu es mon frère. Ne commences pas à t’exprimer comme cette vermine complaisante d’Holvar.
-Mes excuses, Frère.
-J’ai l’impression que mon nouveau statut vous a tous rendu amnésique. Vous étiez tous à mes ordres, bien avant que je ne brise le serment. Jamais je n’ai entendu “seigneur” durant cette période, lorsque nous pataugions dans la boue côte à côte en traquant les ennemis du roitelet. Qu’est-ce qui a changé? Est-ce que le statut de félon rend plus respectable?” La tempête n’était pas passée. Elle couvait, simplement. Ses nuages menaçant couvraient des éclairs de fureurs menaçant de s’abattre sur lui à chaque instant.
Et Bark comprenait l’origine de cette colère.
Tarcus avait choisi les lieutenants de sa rébellion en se basant sur des décennies de combats partagés et des liens fraternels s’étant forgés durant ces périodes de troubles. Si le Seigneur de l’Ost avait souhaité des adeptes serviles s'aplatissant au moindre froncement de sourcils, il n’aurait eu qu’à se tourner vers les cultes démoniaques s’étant formé un peu partout sur ses terres.
Tarcus souhaitait garder des frères autour de lui. Pas des soldats. Des frères. Honnêtes. Droits. Fiers.
Bark rougit en réalisant à quel point il s’était humilié en devenant, sans s’en rendre compte, l’un de ces nombreux chiens serviles infestant chaque armée depuis l’aube des temps. Jamais, le garde-araignée n’aurait cru pouvoir un jour se compter parmi eux, et pourtant...Face aux capacités toujours plus impressionnantes de son frère de bataille, Bark avait facilement cédé à la tentation de se croire forcé à l'obéissance. L’élément déclencheur, ça avait été, sans l’ombre d’un doute, le pacte conclu avec les Anges.
De ses huit yeux, l’hybride démon-araignée avait pu observer la poignée de main entre Aurélius et Tarcus. Un pacte sacrilège pour beaucoup des plus vieux guerriers des deux camps. La portée et la défiance de cet acte était inimaginable. Bark aurait été bien incapable d’y penser, et son code d’honneur, peut-être trop strict, l’aurait de toutes façons empêché de le faire.
Tarcus n’avait même pas cillé. Nulle hésitation. Nul regret. Les mots avaient été prononcés avec netteté et franchise.
A partir de cet instant, Bark, comme beaucoup si ce n’était peut-être Vorasha et Deydreus, avaient cessé de considérer La Lame d’Arphoss comme un frère. Seuls les plus grands étaient capable de défier ainsi les traditions pour s’inscrire dans l’histoire sans faiblir.
Et à cet instant précis, il avait, sans le vouloir, abandonné son rôle d’ami fidèle.

“-Pardon, mon frère.
Quelque chose, dans la posture de Tarcus, changea. La sensation de danger imminent s’apaisa et Bark se décida à cesser d’être sur ses gardes.
“-N’en parlons plus. Que sais-tu d’autres au sujet de L’Impératrice?
-Je sais que c’est une femme fière. Et qu’un millier de femmes la suivent en se prétendant être ses filles.
-Les Filles des Cendres, c’est leur nom. Je n’ai aucune idée de combien sont réellement de son sang mais je sais qu’elles se teignent toutes rituellement les cheveux en blancs pour rejoindre sa “famille”. Elles vivent et meurent pour sa gloire. Même la plus jeune représentante de sa famille se doit d’être une duelliste accomplie. Il n’y a pas “d’apprentie” là-bas, seulement des maîtres tentant de gagner encore en maîtrise.
Un doute s’insinua dans l’esprit du garde-araignée alors qu’il comptait les guerriers derrière-eux.
“-Pourrions-nous les vaincre?
-Une confrontation mènerait les deux camps à un massacre. Nos hommes sont habitués aux guerres. Elles sont habituées aux duels. En terrain ouvert, nous aurions l’avantage...Théoriquement. Mais ce n’est pas ce que je souhaite. Je veux ses maîtres d’armes. Notre armée manque de discipline.
-Si je puis me permettre mon frère, tu es optimiste. Nos guerriers ne suivront jamais les ordres de femelles.
Le seigneur des traîtres sembla s’amuser de cette observation.
“-Si c’est là l’unique problème auquel nous risquerions d’être confronté, je ne serais pas aussi préoccupé. Elle me hait, Bark. Et par extension, elles me haïssent toutes.
L’hybride acquiesça. Bien des guerriers réagissaient ainsi après une défaite ne leur ayant pas coûté la vie. Le déshonneur de l’instant, la rage et la douleur des jours d’après...Le responsable de tout cela devenait le catalyseur d’une haine farouche et tenace qu’aucun acte et aucune parole ne pouvait effacer. C’était souvent la preuve d’une grande fierté mal placée. Avec ce qu’on disait de l’Impératrice, Bark s’était attendu à une réaction plus noble de sa part. Elle baissait dans son estime.
“-C’est...Après sa défaite, que les Filles des Cendres ont été formées. Ce n’est pas le nom originel de sa confrérie. Ce nom, elles l’ont adopté par défiance, parce que les premiers à l’avoir employé, ce sont ceux qui, comme moi, ont participé à la défaite de leur “mère”. Les Cendres font références au lieu de la bataille, dans les Terres Calcinées. Et au monumental bûcher où nous avons jeté les corps des vaincus, à la fin. Ca n’a rien d’honorifique, plus un quolibet. Mais avec sa défiance coutumière, elle a rejeté leur nom initial et s’est accaparé celui-ci. Maintenant, bien peu, dans le Vein, use encore des “filles des Cendres” comme d’une insulte. C’est sa plus grande force. Transformer sa honte en force. Je l’ai défaite, je l’ai humiliée, je l’ai blessé gravement et pourtant maintenant elle préside une cour de démones indépendantes, puissantes, à la haine aussi aiguisée que leurs lames. Je respecte cela.
Tarcus reprit sa marche. L’hybride sur ses talons fit signe à la cohorte derrière-eux -qui s’était immobilisée à l’instant où leur maître avait cessé d’avancer- de continuer.
“-Je ne comprends pas.” Avoua-t-il après un court instant de flottement.
“-Quoi donc?” Le ton de Tarcus était désormais celui de la conversation. Même si sa démarche demeurait la même.
“-Si elle a transfiguré la honte, pourquoi te hait-elle toujours?
-Vorasha ne t’en as jamais parlé?
-Je n’échange pas beaucoup avec notre irascible frère. Sa conversation n’est pas très plaisante.
D’un hochement de tête, le seigneur démon lui indiqua sa compréhension.
“-Elle me hait et me respecte à égale mesure, car c’est ainsi que son peuple, qu’elle a défié en continuant à vivre mais aussi en créant une confrérie, a toujours fonctionné. Elle me hait parce que la lame que j’ai enfoncé dans son ventre en brisant ses hanches, l’a forcée à prendre ce chemin.
Les huits yeux de Bark s’écarquillèrent alors qu’il devinait la conclusion de Tarcus.
“-Elle te hait parce que c’est une Seïrdan.
-L’une des plus vieilles représentantes de cette famille incompréhensible. Le déshonneur de sa défaite l’a rendue infréquentable. Alors elle s’est créé une autre famille, ce qui viole une autre règle des Seïrdan.
-Tu prends des risques en souhaitant la rallier à notre cause.
Le rire de Tarcus fut aussi sec que bref.
“-Les Seïrdans sont une bande de parias trop imbus d’eux-mêmes pour se rendre compte que l’union fera toujours la force. Un bon bretteur n’est rien face à dix milles soldats. C’est pour ça qu’aucun d’eux n’a jamais réussi à la tuer. En cela, nous sommes semblables. Elle chasse les vieilles valeurs pour tenter d’en instaurer de nouvelles. Et c’est là-dessus que je compte jouer.
Bark demeura silencieux le reste de la traversée. Son esprit vif tenta d’anticiper les prochaines heures, les premiers échanges entre l’Impératrice et le maître de l’Ost. Quelle attitude allait-il falloir adopter ? Avant toute chose, Tarcus avait fait passer l’ordre de ne jamais tirer une lame sans en avoir reçu l’ordre directe, mais si les tensions montaient, un imbécile pouvait brandir son arme par réflexe. Il allait falloir les surveiller. Même Vorasha.
Surtout, Vorasha.

L’entrée du domaine de l’Impératrice n’était rien de plus qu’un plateau de roche noire, pentu, se terminant abruptement en un précipice menant à une chute vertigineuse vers les eaux ténébreuses en contrebas. L’accès était contrôlé et constamment surveillé par une dizaine de filles des cendres. Les vents destructeurs du Vein rendant toutes constructions élaborées impossibles, les gardes étaient regroupées sur le long piton rocheux s’étant formé à moins d’une vingtaine de mètres de l’entrée, là où les rebords du plateau se rejoignaient en un pic aiguisé et menaçant. En temps normal, ces gardes n’étaient là que pour percer la masse nuageuse de leurs regards d’aigles pour ensuite, au choix, soit prévenir leurs soeurs, soit directement accompagner le nouvel arrivant auprès d’elles.
Pour l’heure cependant, même si les gardes du pic étaient toujours en place pour surveiller l’approche des intrus, quatre centaines de tueuses, lames au clair, s’étaient rassemblées au bord de la falaise en un rang impénétrable de pointes et de mépris.

Prudence se tenait derrière ses sœurs. L'aînée des filles de l’Impératrice demeurait immobile, patiente, ses deux mains jointes dans le dos. Moins impressionnante que sa mère, elle dépassait tout de même d’une tête chacune des démones présentes devant elle. Ses bras étaient nus, elle ne portait aucun casque et seul un ensemble de cuir clouté aussi noir que la roche à ses pieds lui servait de protection. Le long sabre incurvé battant sa hanche, indubitablement ensorcelé, vibrait d’impatience en sentant l’inquiétude de sa propriétaire poindre à travers les battements de son cœur.
Trois sœurs l’encadraient. Elles avaient étalé un mélange de sang et de cendres sur leurs visages comme à chaque fois qu’elles avaient dû partir en guerre. “Les élues” était leur désignation. Une épaisse couche de sang noir entourait leurs yeux et s’étirait ensuite en une pointe, de plus en plus courte, traversant leurs pommettes et descendant sur les joues pour s’arrêter le long de leurs fines mâchoires. Une peinture rituelle et intimidante évoquant un souvenir ancien, celui de la formation de la confrérie, lorsque leur mère adorée au visage encore souillé de cendres et de sang, avait prit sa décision entre deux hurlements de rage, alors que sa fille Prudence s’acharnait à recoudre son ventre déchiré. Les élues portaient chacune une faux aussi longue qu’un homme, enchantée pour trancher à travers la roche, le métal et la chair. Les surcots noir et blanc, sans manche, qu’elles portaient étaient encore alourdis par le poids d’une cotte de mailles s’arrêtant au coude, d’aspect rustique, rentrant en conflit avec les traits gracieux de leurs porteuses. La finesse de leurs doigts étaient masquées par de longs gantelets griffus fait d’un acier sans défaut. Trois couronnes de huit piques luisant d’un blanc nacré finissaient d’achever leur panoplie. La rumeur courait que chaque pics se devait d’avoir goûté au sang ennemi à la fin des combats sous peine de couvrir de déshonneur sa porteuse.
Les élues composaient la garde personnelle de l’Impératrice, qui, sous les conseils avisés de Prudence, avait choisi de ne pas être présente ici-bas. L’ainée des Filles des Cendres parlerait en son nom, et en bonne mère, elle lui avait confié ses meilleures guerrières.
“-J’entends les cris de porte-ombre. Ils ne sont plus très loin.” Souffla l’une des guerrières dans les rangs.
“-Bien.” Répondit Prudence en avalant difficilement sa salive. “Comment va le prisonnier?
Saskia, à l’avant de la formation, lui répondit en tirant sur la laisse de chaine qui la reliait au concerné, immobile et à genoux.
“-Il ne renâcle même pas. Doux comme un agneau.
-Garde-le bien en vue. Et tranche-lui la gorge au moindre faux-pas de leur part.
-Bien compris.
Prudence prit une longue inspiration. L’ainée avait conseillé à sa mère de ne pas venir puisque ses sentiments nés de sa rancoeur envers Crudelis auraient indubitablement joué en sa défaveur, cependant…Maintenant qu’elle se trouvait ici, sur le pied de guerre, entourée de ses soeurs, Prudence réalisait que son propre esprit était troublé.
Pire, elle qui avait toujours été l’apaisante voix de la raison parmi ses soeurs, devait maintenant faire face à une douloureuse vérité :
Elle le haïssait aussi. Son sang de Seïrdan bouillonnait dans ses veines à la simple mention de son nom.
Après tout, le déshonneur de l’Impératrice était aussi le sien. Elle avait choisi d’abandonner le combat pour tirer le corps meurtri de sa mère hors de portée du monstre qui l’avait brisé. En tant que fille aînée et commandant de l’armée rebelle, Prudence aurait pu reformer les rangs des insurgés, au moral brisé par la défaite de leur générale. En usant de son autorité naturelle, de son ascendance, de sa condition de Seïrdan, de maître d’arme...Et en appelant à la vengeance.
Seulement...Sans son intervention et la débandade chaotique l’ayant suivie, Tarcus aurait décapité sa mère pour planter sa tête au bout d’une pique. Dans le meilleur des cas.
Elle ne regrettait pas sa décision. Mais elle n’en haïssait pas moins le monstre l’ayant obligée à la prendre.
Deux longues lianes vertes s’enfoncèrent dans le sol au bord du précipice. Un épais réseau de ronces, de feuilles et de branches se développa rapidement entre-elles, assurant le passage des intrus sur les terres des Filles des Cendres. Prudence se pencha au-dessus de ses soeurs et plissa les yeux pour mieux fixer les nuages en contrebas.
Il n’y eut rien durant une dizaine de battement de coeurs, puis une paire de cornes d’acier s’extirpa de ce néant laiteux en le dispersant par la même occasion.
La bataille avait eu lieue deux siècles auparavant. Mais le souvenir du heaume cornu était resté vivace. Tout comme cette lueur malfaisante que ses deux fentes vomissaient perpétuellement.
Le propriétaire du heaume continua son approche. En l’espace d’un souffle et deux clignements d’oeil, il avait franchi quatre des vingt pas le séparant de la terre ferme.
La vue de l’armée qui l’attendait ne semblait même pas le troubler. Le démon n’avait pas esquissé le moindre sursaut ou mouvement de recul, pas un seul indice de doute ne troublait sa démarche.
Derrière, les nuages dispersés laissaient entrevoir la cohorte de guerriers belliqueux qui l’accompagnaient. Ils étaient nombreux. Pas assez pour les déborder, mais assez pour que plusieurs centaines de sœurs ne meurent en défendant leur terre, si jamais un conflit se déclenchait.
Les élues se rapprochèrent discrètement de Prudence et formèrent un triangle de protection qu’on disait impénétrable.
Les yeux de Prudence s’attardèrent sur la lame que le chevalier noir portait et commença à douter de cette rumeur. Mais qu’importe. Il n’était pas question de flancher maintenant, alors que tout devait encore se jouer.
“-Pas un pas de plus, Tarcus !” Avertit-elle, d’une voix qu’elle espérait forte et autoritaire.
Et avec une certaine satisfaction, la démone réalisa que l’intrus, comme sa cohorte, s’était immobilisé.


Aux pieds de Saskia, Decimus tentait de réprimer l’appréhension torturant son corps et son esprit alors que le dénouement de sa mission avait lieu sous ses yeux. La démone en armure s’était complètement désintéressée de lui, sa fragile attention étant désormais accaparée par l’intrus de fer et d’acier défiant son armée de sœurs sans crainte. S’il l’avait voulu, Decimus aurait pu jouer de l’inattention de sa gardienne pour s’emparer de son arme et se libérer mais tels n’étaient pas ses ordres.
Il devait attendre.
“-Ta mère n’est même pas venue, pas vrai?” S’amusa Tarcus, en contrebas.
Le seigneur démon se tenait debout, bras croisés, à moins d’une dizaine de pas de plusieurs centaines de tueuses alignées. Et cet état de fait ne semblait guère le troubler outre mesure.
La voix de Prudence traversa les rangs pour descendre jusqu’aux oreilles de l’intrus :
“-L’Impératrice ne souhaite pas te voir. Je dirige ici.
Le rire lointain de Vorasha se fit entendre. Saskia et la quasi-intégralité du premier rang se hérissèrent à son écoute. La fierté les rendait susceptibles.
Le heaume de Tarcus se tourna dans sa direction. Quelque chose dans sa posture changea. Sa vision le dérangeait.
“-Prudence, j’ai du respect pour toi. Mais rien de plus. Ce n’est pas pour toi que j’ai fait tout ce chemin.
La douce voix de Prudence se teinta de mépris.
“-Ce respect n’est pas partagé, Lame. Nous souhaitons te voir quitter ces terres au plus vite. Libère Porte-Ombre et vas-t-en pour ne jamais revenir et personne ne sera blessé.

Les yeux flamboyants du heaume cornu parcoururent les rangs des soeurs. Il fit un pas, puis un autre, et toute l’armée rassemblée se tendit presque imperceptiblement. Presque.
Son attitude n’était pas vraiment basée sur la défiance, mais sur une sorte de curiosité malsaine. Tarcus agissait comme un loup solitaire et affamé face à un jeune chien de berger. Peut-être souhaitait-il simplement évaluer le courage de ce nouveau protecteur.
“-Que fait-il?” Risqua une jeune sœur, manifestement confuse. Saskia se retourna pour la réprimander du regard tout en tirant vicieusement sur la chaîne la reliant au prisonnier.
Decimus ignora la brûlure du fer autour de son cou, fasciné par l’approche de son Seigneur et Frère, qui semblait plus détendu ici, ainsi debout face à un mur de lames, qu’il ne l’avait jamais été dans son trône.
“-On dit que cet endroit est un refuge pour tous ceux qui rêvent de changement et la mort d’Arphoss.” Récita-t-il, d’une voix amusée.”Me serais-je, par tout hasard, trompé de destination?
Il y eut du mouvement, derrière les lignes des défenseurs. Elles s’écartaient, toutes, pour laisser passer un quatuor de guerrières imposantes. Parmi ces dernières se trouvait Prudence, aussi belle et gracieuse qu’à l’accoutumée. Decimus ne connaissait pas les autres, mais les faux qu’elles portaient sur le dos ne laissaient que peu de doute quant à leur spécialité.
Une fois extirpée de la masse, l’ainée des filles de l’Impératrice se détacha aussi de sa garde rapprochée pour rejoindre la passerelle végétale et marcher d’un pas rapide, dépourvu d’hésitation, pour se planter à moins d’un mètre de Tarcus. Il y eut un court silence, principalement dû à la surprise paralysant les deux camps, durant lequel Decimus pu prendre la pleine mesure de la différence entre l’Ost et les filles des Cendres, parfaitement représentée ici, par le face à face entre ces deux dirigeants.


Elle n’était que grâce. Son éducation, sa culture et sa noblesse émanait de sa posture altière et de la façon qu’elle avait de dévisager avec défiance ce maître de guerre aux allures de bourreau. Son corps de danseuse était fin, agile et beau, même ainsi, orné de cet accoutrement de combat. On ne pouvait la détester, seulement l’admirer et l’aimer.
Lui n’avait rien de noble, rien de “royal”. Il portait avec lui l’odeur du sang, la promesse de la ruine et des flammes. Les visages tordus de douleur qu’on avait gravé sur son plastron évoquaient la crainte naturellement, mais nul respect. Son corps, enfermé dans une forteresse de fer, était aussi long que large. Il paraissait disproportionné face à cette femme longiligne qui était obligée de lever la tête pour l’observer. Sa puissance irradiait volontairement, intimidante, provocatrice. On ne pouvait l’aimer ni l’admirer, car ces mots n’avaient aucun sens pour ceux qui, comme lui, ne semblaient vivre que pour la guerre.
Et pourtant, aujourd’hui, c’était Tarcus Crudelis, seigneur d’un Ost de félons, de pilleurs et de meurtriers, qui venait en négociateur alors que Prudence la bien nommée ne rêvait que de planter la tête de cet intrus au bout d’une pique.
L’ironie de la situation arracha un sourire à Decimus.

“-Aucun de vos guerriers ne ressortira vivant d’ici si je donne l’ordre, Lame.
Il sentit le sourire de Tarcus à travers sa réponse :
“-Aucun de mes guerriers n’a pour but de se battre, aujourd’hui. Sauf peut-être Vorasha.
La mention du Saurien déclencha un malaise certain chez Prudence. Un malaise qui se répandit par la suite dans les rangs de ses sœurs, aussi sûrement et rapidement qu’un feu d’été dans un champ. Decimus savait que Vorasha avait été présent lors de la bataille ayant vu naître les Filles des Cendres, mais rien de plus. Qu’avait-il bien pu y faire, pour que toutes ces démones réagissent ainsi.
“-Qui amènerait celui-qui-hante-les-eaux par temps de paix?” Articula Prudence en tentant vainement de masquer son mépris.
“-Qui refuserait à Vorasha quelque chose qu’il désire de tout cœur?
-Si tu ne sais pas te faire obéir de tes hommes…
Tarcus se laissa aller à un rire amusé tout en se détournant pour laisser à la fille de l’Impératrice la pleine vision de la tête de la cohorte. Vorasha s’y trouvait, ramassé sur lui-même, fixant la scène à la manière d’un alligator de l’Ouest Felethien. Deux longs filet de baves pendaient de chaque côté de sa gueule entrouverte.
“-Regardes-le, petite fille. Vorasha n’a jamais été sous les ordres de personne. Et il ne le sera jamais.
Mais Prudence n’avait même pas daigné détacher son regard du seigneur de l’Ost.
“-Je sais très bien à quoi ce...Cette bête, ressemble. Tu ne me feras pas croire qu’il n’agit pas selon ton bon plaisir. Ça a toujours été le cas.
-Vorasha décide ce que bon lui semble, je n’ai jamais eut beaucoup d’influence sur lui.” Mentit avec désinvolture Tarcus. “Mais là n’est pas la question. Tu sais que je ne peux pas partir. Alors je vais passer.

Et il se mit en marche.
Decimus se tendit, tout comme un bon demi-millier de gardes en armures, et deux centaines des meilleurs soldats de l’Ost. Vorasha et Bark reprirent également la route en prenant soin de garder leurs armes rengainées. Le jeune démon vit la bouche de l’Hybride aux côtés du Saurien se tortiller dans une étrange mou alors qu’il murmurait quelque chose à l’attention de son frère à écailles. Tarcus ne les attendit pas. Alors que Prudence le fixait de ses yeux écarquillés, il parvint jusqu’au mur de lame et ne se stoppa que lorsque trois faux entrecroisées ne se posent en travers de son chemin.
Tous retinrent leurs souffles alors que les élues l’encerclaient.
“-J’ai entendu parler de vous.” Avoua le seigneur de l’Ost.
Une élue se glissa dans son dos, la lame de sa faux levée au-dessus du crâne de l’intrus.
“-On dit que la seule qui vous surpasse ici n’est autre que l’Impératrice. Maintenant, savez-vous ce qu’on dit à mon sujet?
Une deuxième glissa son arme près du cou du beau parleur. Du coin de l’oeil, Decimus remarqua que Vorasha avait de plus en plus de mal à garder ses pattes griffues loin des poignées de sa lame.
“-Tu ne passeras jamais, Tarcus. Ne vois-tu pas que c’est folie ?! Tu vas déclencher une guerre !” Hurla Prudence, toujours figée là où le seigneur de guerre lui avait faussé compagnie.
“-La seule chose que je demande, c’est le droit de passage et une audience auprès de ta mère.” Lui répondit Tarcus en détournant doucement du doigt l’une des faux, sans grand succès. “La guerre, il n’y a que toi qui peut la déclencher, ici.
Court silence. Bark et Vorasha étaient à moins de trois pas de leur seigneur lorsque la voix de Prudence se fit de nouveau entendre.
“-Mes soeurs !
Quatre cent démones se mirent en posture de combat telle une seule et même entité. Le souffle du Saurien était si fort que même de là où il se trouvait, Decimus pouvait le sentir.
“-Laissez-les passer.
Les rangs s’ouvrirent. Tarcus les traversa au pas de course.
Puis ce que le jeune démon craignait depuis le début arriva. Saskia pesta et dégaina son arme pour se jeter sur Vorasha.
La hampe de la faux d’une des élues la frappa au milieu du heaume. Elle tomba sur le dos et la lame de celle qui l’avait stoppé se posa contre son cou alors qu’une autre se chargeait de sectionner les liens du prisonnier. Le Saurien témoin de la scène éclata de rire en continuant sa route. Puis Decimus salua sa libératrice et entreprit de rejoindre ses semblables.
Revenir en haut Aller en bas

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptyMar 19 Jan 2021 - 16:25

La traversée se révéla longue. Le domaine de l’Impératrice s’étendait sur plusieurs lieues de roches noires et de montagnes escarpées. Les falaises d’obsidiennes n’avaient jamais été facilement praticables, au contraire, et Decimus en vint vite à regretter son précédent passage, lorsqu’on l’avait assommé et transporté, inconscient, jusqu’aux pieds de l’Impératrice. La moindre aspérité sur le chemin était capable d’ouvrir une botte de cuir aussi sûrement qu’une lame aiguisée et le vent transportait des particules qui se plantaient dans la chair et s’enfonçait plus profondément à chaque nouvelle bourrasque.
Tarcus continuait d’ouvrir la marche, surveillé de près par les Élues, qui le suivaient sans oser l’encercler. Derrière le seigneur démon se trouvait ses plus fidèles partisans : Vorasha, Holvar, Bark et Decimus, tous gênés par l’aspect de plus en plus cérémonieux que prenait la traversée. La cohorte de l’Ost s’étendait derrière eux, avec, à quelques pas sur ses flancs, des centaines de soeurs n’attendant qu’une erreur de la part des étranges intrus pour déclencher une boucherie sans précédent. Pour le jeune démon, qui avait passé deux journées entières en leur compagnie, l’attitude singulière qu’elles adoptaient en présence des tueurs de l’Ost paraissait...Trop calme et respectueuse pour être honnête.
Prudence avait cédé. Elle avait même semblé...Confuse? Pour une Fille des Cendres aussi haut placé, une telle chose aurait dû représenter la disgrâce. L’ainé s’était faite coiffée au poteau, ridiculisée, prise à son propre jeu.
A la place, quatre cents tueuses fières et belliqueuses avaient accepté d’ouvrir leur rang pour laisser passer l’être ayant jadis mutilé celle qui avait façonné leur ordre.
C’était trop simple.
“-Tu scrutes trop autour de toi, Decimus.” Le reprit Bark alors qu’effectivement, son regard allait s’échouer sur l’une des deux murailles de lames passives entourant la cohorte derrière-eux.
“-C’est parce que je ne suis pas à l’aise.
-Je le vois bien. Personne ne l’est.
Holvar rit à cette remarque en amenant l’une de ses mains gantées à hauteur de son visage étrange. Le demi-masque corbin qui masquait la partie gauche de son visage semblait sourire autant que lui.
“-Je ne vois pas pourquoi, la situation est parfaitement sous contrôle après tout. Absolument tout se passe comme prévu.
Decimus hocha la tête.
“-C’est bien ce qui me dérange.
Le demi-masque se tourna dans sa direction. Au rictus satisfait que le mage arborait, Decimus compris qu’on attendait de lui qu’il développe.
“-Je veux dire, Prudence a cédé trop vite, non?
La main gauche d’Holvar se crispa dans un spasme incontrôlé et le jeune démon tenta de ne pas se laisser décontenancer par cette manifestation étrange. L’usage de la magie pouvait laisser des traces.
“-Prudence n’a rien cédé. C’est une mascarade. Je l’ai compris, tu l’as compris…
-Même Vorasha l’a compris.” Lança à la volée Bark, avant de s’étonner de l’absence de réplique.
Le Saurien s’était écarté de quelques pas sur la gauche du reste du groupe pour humer l’air, manifestement autant courroucé que confus.
“-Qu’est-ce qu’il y a?
-Je ne suis pas sûr.” Les crocs de Vorasha se découvrirent alors qu’il inspirait de nouveau.”J’ai entendu comme...Des aboiements. Mais je ne sens rien.
Bark demeura interdit. Decimus acquiesça, comprenant de quoi il était question.
“-Le vent porte et déforme les sons ici, frère.
L’hybride et son vis-à-vis écailleux hochèrent la tête avant d’échanger un regard que le jeune démon eût tout le mal du monde à interpréter comme autre chose que de l’inquiétude en bonne et due forme.
Holvar, pour sa part, repris son exposé comme si de rien n’était.
“-Prudence n’est pas une femme qui se laisse dépasser par ses ennemis. Elle n’est pas aussi bonne combattante que Saskia ou la Dame Écarlate, et ça n’a jamais été son rôle. Elle sait diriger. Elle sait anticiper. Elle sait établir des plans.
-Alors nous marchons tout droit dans un piège.” En déduisit sombrement Decimus avant de poser son regard sur le dos de leur seigneur à tous. “Ca n’a pas l’air de beaucoup le déranger.
Le mage haussa les épaules.
“-Dans certains esprits, le doute n’a tout simplement pas sa place. Monseigneur Crudelis continue parce qu’il est certain de pouvoir l’emporter, qu’importe les plans de Prudence et sa Mère. Nous allons vivre un instant mémorable, mon garçon.” La langue de serpent d’Holvar franchit ses lèvres pour goûter les bords osseux du masque fondu à son visage. “Une scène d’anthologie, qui restera gravée dans l’histoire du Vein pour des siècles et des siècles.
Decimus lui accorda ce point sans rien ajouter. Oui, Tarcus les amenait effectivement vers les lieux d’un évènement risquant bien de devenir “historique” pour le Vein et son étrange chronologie, seulement…
Ledit évènement pouvait très bien être nommé par d’autres, plus tard, comme “le jour de la chute du Bras Droit d’Arphoss”.

† † †

Bien loin de là, dans le monde du milieu ; une créature rongée par le désespoir d’une jalousie incestueuse l’ayant conduite sur le chemin de la folie, fixait de ses yeux éteints les remparts en reconstruction d’une ville-esclave ayant jadis été florissante.
Jadis. Avant son règne. Et celui de son seigneur.
Tout comme sa régente, Dahomah n’avait plus rien à voir avec son ancienne incarnation : Les hautes demeures aux jardins florissants de lâches et richissimes marchands avaient été démantelées ou détruites, leurs matériaux récupérés pour renforcer un peu plus les défenses de la ville.
Ses resplendissantes églises, toutes vouées au culte du panthéon felethien, étaient désormais en ruines et...Corrompues. Des corps écorchés, couverts de mouches et de larves, se balançaient au bout de chaînes reliées à leurs toits décrépits. La mousse et la maladie avait infecté jusqu’à la roche des bâtiments, alimentant un peu plus les ténèbres de nouveaux cultes sacrilèges venus remplacer la lumière des anciens. Chaque nuits, des dizaines d’êtres vêtus chichement et couverts de bubons, venaient s’y rassembler pour prier la venue de la peste et du fléau.
On avait barricadé les trappes menant aux caves et aux entrepôts dans l’espoir de contenir les choses s’y dissimulant le jour. Des choses qui couinaient, grognaient, pleuraient et griffaient avec une férocité et une sauvagerie qu’aucun être issu de ce monde n’était capable de porter.
Les habitants en eux-même, jadis souriant, heureux de vivre à l’abris des horreurs de l’extérieur, n’étaient désormais plus qu’un attroupement de brebis tremblantes tâchant de vivre le plus silencieusement et modestement pour ne pas déranger les préparations de leurs maîtres retors.
Des maîtres venus d’un autre monde. Un monde d’une sauvagerie égale à la leur. Engagé dans une guerre si terrible que, malgré leur toute puissance, ils avaient dû venir se réfugier ici. S’établir ici. A l’abri des regards de leurs confrères démoniaque, pour établir un plan à la portée si grande qu’un esprit mortel ne pouvait l’imaginer.
La Comtesse alla enfouir ses mains dans la soie de sa robe noire, le tissu se déchira sous la pression inhumaine des doigts griffus. En tant que régente, elle avait dû assister aux réunions de son seigneur et de ses frères. Elle savait donc de quoi il était question. D’un roi. Un “roitelet” comme l’avait qualifié l’être divin qui était venu à la table de son seigneur. Un conquérant sans désir de conquête, ayant soumis à sa volonté tous les puissants de son monde avant de disparaître sans laisser de trace et sans donner la moindre instruction. Un imposteur, que le Maître considérait comme le plus grand traître que sa terre n’ait jamais vu naître.
Elle frissonna sans que son expression ne change. Elle avait gardé les traits d’un visage humain après son “changement”. Mais ce n’était plus qu’un masque maintenant. Sans émotion, sans expression. Parfois, sa bouche parvenait encore à s’étirer dans un discret mais ô combien inquiétant sourire, laissant entrevoir une étincelle de vie, de conscience humaine. Une étincelle qui menaçait de s’éteindre à chaque instant. Ca aurait dû être repoussant. Mais la beauté qui émanait de ses traits figés était celle d’une tentatrice. Son corps aux formes sublimes invitait à la luxure, à la tentation. Cela n’avait rien de naturel. Le Vein l’avait transformée ainsi. L’aura qui l’entourait faisait fondre le coeur des hommes et plier leur volonté. Les mortels s’agenouillaient à ses pieds sans remarquer les griffes ornant ses derniers ou la pâle langue fourchue franchissant parfois ses lèvres charnues. C’était un don, une récompense, pour sa nouvelle loyauté. Pour elle, qui avait jadis souffert toute sa vie d’humaine à convoiter un homme qui n’avait d’yeux que pour sa femme...Elle pouvait désormais se nourrir de la chair soumise de séïdes terrassés par sa beauté, ne bronchant même pas lorsque ses crocs se refermaient sur eux.
Une âpre vengeance, qui ne parvenait pas totalement à lui faire oublier ce frère qu’elle avait tant aimé et qu’elle avait pourtant fini par...Assassiner.
Au début, dans l’espoir de noyer son chagrin dans les plaisirs de la chair, Sheila s’était souvent retirée dans ses appartements avec l’un de ses fidèles. Mais la chaleur des corps mortels ne lui procuraient plus qu’une faim dévorante l’empêchant de savourer...Tout le reste. De frustration, elle les avait dévoré pendant l’acte pour ensuite se recroqueviller comme une araignée tout au fond de son lit, sous les draps souillés de sang, et sangloter jusqu’au matin.
Maintenant, La Comtesse se contentait de noyer sa souffrance dans celle des autres. Comme n’importe quel autre démon de l’Ost qu’elle servait.

“-Comtesse.” Salua la gigantesque créature mi-homme mi-taureau qui composait sa garde. Elle ne se rappelait jamais de son nom et l’appelait donc “chose” les trois quarts du temps, l’offense manifeste passait à travers lui sans jamais le toucher, pour la plus grande frustration de sa maîtresse. La seule chose qui intéressait “chose” c’était sa sécurité. Et il détestait la voir ici, assise au bord de la plus haute tour du donjon, à la merci des vents et, surtout, de sa propre mélancolie. Même un corps aussi renforcé que le sien ne résisterait pas à une chute d’une vingtaine de mètres se terminant sur les pics rocheux parsemant le flanc Est du château.
“-Vous ne devriez pas être là.
-J’ai le droit d’aller où je le souhaite, Chose. Je suis la régente, tu te souviens?
Les gigantesques narines couvertes d’anneaux de fers se gonflèrent alors qu’un grognement de frustration s’échappait de la gorge bestiale.
“-C’est bientôt l’heure de votre audience avec le clan des Briseurs de Chaînes. Le Cavalier souhaite vous indiquer qu’il vous faudra faire preuve de fermeté et de clairvoyance. Aucun de vos...Subterfuges, ne pourra le séduire lui, ou l’un de ses lieutenants.
L’agacement qu’elle ressentait se transforma en une colère froide. Mentionner le Cavalier suffisait à la rendre bien souvent folle de rage. Mograine était certainement l’être qui la terrifiait le plus de l’Ost, et ce n’était clairement pas un hasard si Tarcus avait demandé à son vieil ami de rester ici pour “assister et conseiller la régente”. Ici, “assister” signifiait “surveiller” et “conseiller” impliquait “ordonner”. Sur le papier, la famille dirigeante se tenait toujours à la tête du peuple de Dahomah. En réalité, Sheila ne faisait qu'obéir aux ordres d’un antique et terrifiant pestiféré. Ce qui l’offensait le plus, pourtant, restait le fait que Tarcus ne lui fasse pas assez confiance pour ne pas placer un garde-fou dans son dos. N’avait-elle pas suffisamment fait ses preuves ces derniers mois, à superviser la construction du camp, à rassurer et apaiser les âmes des brebis mortelles appelant constamment à la rébellion? C’était un traitement injuste, frustrant. La Comtesse n’avait pas eu le courage de protester, pourtant. Mais chaque jours, son ressentiment se faisait plus fort. Elle était décidée à en parler à Tarcus...A son retour.
Si il revenait.
L’idée la traversa une fois de plus : “Et si il ne revenait pas?” Un froid glacial s’empara de son corps tout entier alors que l’hypothèse se développait. Si Tarcus mourait, qu’adviendrait-il de sa place en tant que Régente? Resterait-elle à jamais sous les ordres de cet être suffisant qui la terrifiait à chaque apparition? Combien de temps avant que Mograine n’en ait assez et décide de prendre officiellement sa place? Elle n’avait aucune idée de l’ambition du chevalier de la peste. A travers son masque d’indifférence, rien ne perçait. Son cœur -s’il battait encore- demeurait illisible. Comment prévoir les coups d’un être dont on ne comprenait ni ne savait rien?
Elle n’aurait aucune chance contre lui.
“-Chose?
-Ma Dame.
-Quand crois-tu que notre Seigneur reviendra?
-Quelques semaines, tout au plus. Peut-être un mois. Comme il l’a prévu.
Aucun doute ne perçait dans le ton bourru de la créature. Comment pouvait-il être aussi sûr du succès de la mission de son maître? N’avait-il pas écouté lorsque Tarcus avait énoncé les risques qu’il prenait en s’engageant sur cette voie? Ils étaient innombrables !
“-Vous vous inquiétez?” L’interrogea la bête en faisant preuve d’une clairvoyance inattendue.
“-Énormément.” Il n’était pas difficile d’avouer la vérité à une brute de cet acabit. La finesse et la faiblesse de certains sentiments ne pouvait tout simplement pas l’atteindre.
“-Hrmph. Ayez confiance en Lui.
-Elle le hait et avec raison si j’en crois leur passif. Et elle a eu deux siècles pour alimenter cette haine.
-Le Sans-Père haïssait tout et tout le monde. On l’appelait “celui-qui-hante-les-eaux” jadis. Jamais un être n’a pu s’approcher de son territoire dans le Vein sans finir sous ses crocs. Et maintenant il marche aux côtés de notre Seigneur, en tant qu’ami fidèle. Ayez confiance en Lui.
Le discret sourire de la Comtesse refit surface. Son amusement soudain parvint presque à chasser ses inquiétudes.
“-Compare-tu vraiment une stratège hors-pair doublé d’une combattante d’élite à une bête aussi primitive que Vorasha, Chose?
-Oui. Et maintenant vous tremblez moins et souriez plus. Venez Ma Dame, il est l’heure de votre audience.

† † †

“-N’y-a-t’il donc rien, aucune force, capable de te tenir éloigné de moi, Tarcus?
Les ongles noirs frappaient avec agacement contre la roche de l’accotoir du grand trône. Tarcus se tenait seul au milieu de la cour des Filles de Cendre, encerclé par des dizaines et des dizaines de répliques plus modestes de la place de l’Impératrice. Chaque siège était occupé par d’hautaines formes longilignes et silencieuses, affichant toutes un regard méprisant dirigé sur celui qui était venu défier leur mère avec tant d’assurance, aujourd’hui. La cour en elle-même n’était qu’une plaine de roche aux couleurs de l’ébène, rendue parfaitement lisse, dépourvue de la moindre aspérité, par les sortilèges et la volonté inébranlable de leurs propriétaires légitimes.
Les membres de la cohorte de l’Ost observaient la scène de loin, séparés de leur maître par des dizaines de rangs de guerrières, lames au clair, leur interdisant toute proximité avec leur dirigeant. Seuls Vorasha, Decimus, Holvar et Bark avaient obtenu un passe-droit leur permettant d’au moins voir ce qui se passait de l’autre côté du mur de lames et de piques formé par l’armée de l’Impératrice.
Les généraux de la Cohorte l’avaient laissé derrière-eux sans hésitation, leur loyauté allant d’abord à leur seigneur et maître puis ensuite à la cause qu’ils poursuivaient. Ils avaient une fois de plus traversé les rangs serrés de tueuses impassibles pour rejoindre les bords de la cour où les attendaient les trois élues porteuses de faux. De leurs doigts griffus et sans le moindre mot pour accompagner le geste, les gardes de l’Impératrice leur avaient désigné quatre sièges vides, excentrés et suffisamment à l’écart par rapport aux restes des convives pour qu’ils puissent parler et échanger entre-eux sans qu’on ne les entende. Une invitation que Vorasha avait balayé d’un grondement en restant debout, les bras croisés, son regard reptilien fixé sur le chevalier noir au centre de l’attention.
Decimus l’avait imité. Bark avait simplement haussé les épaules après avoir considéré d’un coup d’oeil amusé la place qu’on lui proposait, cherchant à savoir s’il s’agissait d’une sorte de blague de la part de leur hôte si peu communicative, puis, dans l’absence d’une réponse directe, il avait accroché sa hallebarde à la poche de toile dans son dos pour adopter une attitude à la fois neutre et observatrice. Holvar s’était révélé être le seul à prendre suffisamment ses aises pour oser poser ses coudes sur le sommet rocheux du siège. Un grognement de la part du saurien l’avait pourtant vite dissuader de poursuivre ses pitreries et le mage avait fini par se tenir droit à son tour pour observer l’échange des deux seigneurs.
Un échange étrange, à la fois long et anxiogène, qui parvenait à rendre nerveux même l’impassible Bark.

“-Bonjour, Sélène.
Un torrent de murmures pour la plupart scandalisés se déversa aussitôt, à la simple mention d’un nom oublié de beaucoup. Prudence fit la moue, affichant la même expression qu’aurait prise la femme d’un riche marchand d’esclave en croisant un serf dans la cour de sa demeure.
Decimus en déduisit qu’il y avait eu offense. L’usage du nom de l’Impératrice devait être réservé à un contexte particulier, sans doute très restreint, et Tarcus avait donc dû commettre un impair en le prononçant dès les premiers instants. Aux vues de l’attitude de la fille ainée cependant, l’offense ne semblait pas gravissime. Son auteur semblait plus se ridiculiser lui-même que vraiment insulter son interlocutrice.
Le messager refusait de croire que son frère n’avait pas délibérément commis cet impair. Il connaissait les prénoms de la moitié des femmes importantes rassemblées ici-bas, avait interrogé des centaines de voyageurs, rassemblé des milliers de renseignements sur les us et coutumes des filles de cendres au cours des derniers mois. Une chose aussi simple n’aurait pas pu lui échapper, alors...Dans quel but s’humiliait-il ainsi, dès les premières paroles?
“-Ton amour pour la provocation enfantine ne semble pas s’être tarie avec le temps.” Il y avait de l’amusement dans la voix de l’Impératrice et elle...Souriait?
Decimus porta la main à son menton pour se gratter nerveusement l’amas de plaies en phase de cicatrisation qui le traversait.
“-Nous sommes tous trop vieux pour changer nos habitudes.” Répliqua le Chevalier noir.
Il avait modulé sa voix pour qu’elle porte effectivement le poids des années. Elle semblait moins assurée, plus fragile, presque tremblante. Du coin de l'œil, Decimus remarqua le sourire qui ornait le visage d’Holvar. Manifestement, son esprit retors saisissait quelque chose qui échappait au messager.
"-Nous assistons à une scène d'anthologie mon garçon." Le demi-masque d'os était tourné vers la scène, mais l'oeil visible d'Holvar le regardait lui. "Elle restera gravée dans le Vein, d'une manière ou d'une autre, car deux de ses plus grands seigneurs se rencontrent ici. Observes bien."
Il acquiesça en tentant d'ignorer les regards plein de mépris filtrant en direction de son interlocuteur. Decimus, contrairement à presque tous les membres de l'Ost, n'arrivait pas à se résoudre à haïr Holvar. Certes, c'était un sorcier, un tortionnaire et un sadique avec ses ennemis. Mais le mage était aussi un érudit confirmé, passionné, ayant dédié une grande partie de sa vie à l'étude de l'histoire du plus chaotique des trois mondes. Tout comme Tarcus, sa vision d'un Vein "perfectible" l'avait mené sur la voie de la sédition et les promesses de son nouveau seigneur l'avait rendu aussi fidèle que Vorasha ou Bark. Mais il restait un mage. Et les guerriers de l'Ost n'aimaient pas la magie. Pas encore en tout cas. Holvar était persuadé que cela changerait avec le temps. Le messager, lui, n'en était plus aussi sûr. Et il trouvait cela injuste.
Lors de son ascension, Decimus avait pu profiter des conseils avisés de Bark, des rares et déroutantes visites de Tarcus mais, surtout, des enseignements d'Holvar sur les us et coutumes des démons, sur l'existence des trois mondes et de la genèse de la rébellion s'étant muée en une véritable armée indépendante. Les traits d'esprits du mage au masque d'os tombaient souvent juste et sa conversation était assez intéressante et profonde pour le distraire des horribles souffrances que ses os en pleine refonte lui avaient fait endurer.  Pour cela, quoiqu'en pense ses frères plus vieux, Decimus s'était juré de rester reconnaissant envers l'érudit démoniaque.
Une promesse facile à tenir en de tels moments, lorsqu'Holvar, emporté par sa passion de l'histoire de son monde, se livrait à un monologue de plus.
"-La dernière fois que ces deux-là se sont vus, c'était il y a deux cent cinquante-sept ans au milieu des flammes des plaines de cendres. L'histoire est bien connue : Prudence, sa plus fidèle fille, a choisi d'abandonner toute possibilité de victoire pour sauver sa mère aux pieds de Tarcus. Ce que l'on raconte moins cependant, c'est que c'est Tarcus lui-même, qui a proposé à la fille éplorée de sauver sa mère."
Une masse de muscle et d'écailles interrompit le mage en approchant une gueule hérissée de crocs de son masque d'os.
"-Tu récites l'histoire comme si tu y avais été, mage. Mais je ne t'ai pas vu dans nos rangs. Étais-tu de l'autre côté ?"
Vorasha accompagna son hypothèse d'un grondement de mauvaise augure.
"-Je n'ai fais que récolter des informations ici et là." Répondit Holvar, sans se laisser intimider. "Je n'étais même pas encore né au moment des faits."
Vorasha secoua la tête. Méprisant, il enchaîna :
"-Alors silence et écoute la voix de ceux qui y étaient."


Dernière édition par Tarcus Crudelis le Mer 20 Jan 2021 - 18:47, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptyMer 20 Jan 2021 - 13:02

Les histoires et les chansons parlent toutes du haut de la colline en flamme où le duel est censé avoir lieu. Ils disent que Tarcus et elle dominaient le champ de bataille et que tous pouvaient apprécier leur passe d'armes.
Il n'y avait même pas de collines. Ils se sont battus dans la boue cendreuse, au milieu de leurs meilleurs combattants. Le combat n'a pas stoppé autour d'eux. J'ai continué à tuer les hommes que Prudence m'envoyait tout comme elle a continué de tuer les miens. Il y a eu une pause, bien sûr. Mais pas pendant leur duel. Après.
On parle souvent de la supposée grâce noble qui émanait de leurs coups. Certains osent même qualifier cela d'une danse. Je suis sûr que tu fais partie de ces imbéciles, mage. Mais moi j'ai vu la vérité. Et vous pouvez tous la deviner, d'ailleurs, puisque vous avez tout comme moi vu Tarcus se battre. Est-il un danseur? Non. C'est un tueur. Et c'est en tueur qu'il l'a vaincu.
Elle était rapide,  décidée et précise mais il était solide, endurant et fou de rage. Elle l'a entaillé quelquefois, sans qu'il ne flanche. C'est la façon de faire de l'Impératrice. L'usure, la fatigue. Les Seirdans adorent ce genre de petits jeux. Ils humilient leurs proies tout en s'assurant de garder la maîtrise de la situation. Et puis, quand finalement le perdant est exsangue, que tout danger est écarté, ils l'achèvent.
Évidemment, ça ne marche pas avec tout le monde. Pas avec ceux que la douleur et la colère rendent simplement meilleur.
Il lui a brisé le visage d'un coup de pommeau,puis il a enfoui l'entièreté d'une des épées dans son bas ventre.
Là, tout le monde autour s'est arrêté. Même moi. Même Prudence. Le chuintement qui a suivi, lorsqu'il a retiré sa lame en l'éventrant, on l'a tous entendu. Il a couvert les paroles que Tarcus lui a murmuré alors qu'elle s'écroulait à ses pieds.
Un soldat en armure dorée s'est jeté sur notre frère avant qu'elle n'ait eu le temps de toucher le sol. Tarcus l'a attrapé par la gorge et a serré jusqu'à ce que la nuque se brise, puis il a appelé Prudence en jetant de côté ce pauvre abruti.
Elle était en face de moi. Assez proche pour que je puisse voir mais aussi sentir ses larmes. J'ai retenu mon bras. Nous l'avons tous fait. Les soldats de l'Impératrice comme les nôtres.
"-Elle vit encore." A dit notre frère. Il souriait en contemplant le sang qui recouvrait sa lame.
Prudence ne l'a pas cru. La moitié du contenu du ventre de sa mère était visible à l'œil nu. Elle s'est agenouillée et a vérifié d'elle-même.
"-C'est impossible.
-Deux choix s'offrent à toi, fillette. Continue le combat et tes hommes feront de même. Rallie les. Puis je te tuerais. Le corps de ta génitrice servira de passe-temps à mes hommes. Ils ne prendront même pas la peine de la recoudre avant de la besogner."
La gamine l'a défié en récupérant la rapière de sa mère pour la pointer sur son torse :
"-Nos hommes sont plus nombreux.
-Et leur moral est brisé. Il n'y a que toi qui peut les rallier, pas vrai? Mais si tu fais ça, ta mère meurt.
-Je pourrais aussi te tuer et la sauver.
-Non. Tu ne peux pas me tuer. Mais tu peux la sauver."
Elle a compris en même temps que moi.
"-Non…
-Ordonne la retraite. Nous les pourchasserons et les tuerons tous. Sauf toi et elle. Tu as ma parole.
-Tu n'as aucun honneur !
-Si. J'en ai. Et c'est pour ça que je ne t'ai pas tranché la tête."
C'est ce qu'il a dit. Tout ce qu'il a dit. Puis il s'est détourné d'elle, simplement. Tarcus savait quelle décision allait prendre Prudence. Alors j'ai compris.
J'ai compris pourquoi il avait tant tenu à mener une charge qui nous avait beaucoup trop coûté au cœur de leurs lignes. Tarcus savait qu'elle serait trop fière pour éviter une confrontation directe, mais ce n'était pas que cela.
Il n'avait jamais eu pour but de la tuer durant tout ce temps. Seulement la mutiler. Assez pour que sa vie soit en jeu mais pas assez pour la condamner sûrement. Ce dilemme qu'il a imposé à Prudence n'avait rien d'honorable, rien de spontané. C'était un calcul. Un plan. Qui impliquait une chose qu'un simple guerrier comme moi n'avait même pas pris la peine d'imaginer : nous étions en train de perdre. Notre armée était moins organisée et usée par le rythme de cette campagne qui avait déjà duré trop de temps.
Si Prudence avait rallié à elle ses hommes, si elle n'avait pas ordonné la retraite, nos hommes auraient flanché avant les leurs et nous aurions été submergé.
Mais elle a fui. Les formations se sont rompues dans la panique et la confusion. Nous les avons tous tués. Jusqu'aux derniers.

Le Saurien se tu, pensif, et ses crocs se découvrirent un peu plus dans un rictus sauvage. Manifestement, ses propres souvenirs, pourtant vieux de deux siècles, étaient encore assez vifs dans son esprit pour raviver sa sauvagerie.
Decimus risqua un coup d’œil en direction des élues, discrètes mais toujours à leurs côtés. Elles ne cillaient pas. Toute leur attention semblait accaparée par le duo de seigneur en pleine conversation. L’histoire contée par Vorasha n’avait eu nulle emprise sur elles. Avec une certaine honte, il constata que ce n’était pas son cas. La voix grave du Saurien géant l’avait complètement sortie des négociations entre l’Impératrice et son Seigneur.
Il s’était vu au milieu de l’antique mêlée, pacifié par l’apparente mise à mort de la générale ennemie, à scruter et tenter de comprendre les calculs simples et froids d’un vainqueur sans pitié ni noblesse.
Lorsque Tarcus agissait en véritable souverain, mu par la volonté de donner au Vein un ordre et un but, il devenait presque facile d’oublier pourquoi son nom était murmuré avec crainte par des milliers d’êtres. Son seigneur paraissait parfois noble et magnanime, à l’image de certaines figures légendaires de l’histoire felethienne. Mais cela ne restait qu’un vernis appliqué à la hâte, car son âme appartenait au Vein. Des millénaires de duels, de mises à morts et de festins sanglants l’avaient façonné pour devenir l’un des plus grands prédateurs d’un monde composé presque uniquement de prédateurs. Les flammes de cet enfer ne l’atteignaient pas, puisqu’il en faisait partie intégrante.
Alors, à quoi s’attendait-il? A ce que la mutilation, l’humiliation d’une femme aussi belle et noble que l’Impératrice, répugne un être tel que Tarcus Crudelis? C’était précisément ce genre d’acte qui l’avait rendu populaire auprès des siens !
Decimus avala difficilement sa salive en réprimant un juron. Quelque chose dans sa gorge le brûlait. Des bribes de souvenirs de sa vie humaine menaçait de poindre pour venir altérer son jugement et la vision de celui qui lui avait offert l’ascension et l’immortalité. Le jeune homme qu’il avait jadis été n’aurait jamais pu admirer un monstre que le démon Decimus vénérait.
Bark posa sa main sur son épaule. Il écarquilla les yeux. L’urgence de l’instant présent chassa ses songes en bannissant les vestiges de son ancien lui tout au fond de son esprit.
“-Concentres-toi. Nous approchons du dénouement.

La lourde épée quitta les mains de l’Impératrice pour aller se planter dans le sol aux pieds du Seigneur de l’Ost. L’impact créa une fissure dans le sol noir lorsque la pointe perça à travers pour s’y enfoncer jusqu’à la garde.
“-Je te rends ta lame. Je l’ai suffisamment vue comme ça. C’est la seule chose que tu obtiendras de moi.
Tarcus hocha la tête sans pour autant se baisser pour ramasser l’offrande.
“-Je ne suis pas venu ici pour récupérer cette lame.
Les yeux rouges de la maîtresse se chargèrent d’un millier de pointes qui transpercèrent son invité d’un unique regard sans qu’il ne bouge.
“-Tu m’as déjà insulté une fois, Tarcus Crudelis. Une fois de trop. Ne mets pas ma patience à l’épreuve en recommençant.
-Je ne veux pas t’insulter, je veux t’offrir la vengeance que tu souhaites.
Le rire cristallin qui s’échappa de la gorge de l’Impératrice parvint à tous les surprendre. Tous, sauf lui. Il s’était attendu à pareil mépris. Tout comme il s’attendait au déluge de colère qui suivrait immanquablement. Dans sa propre salle du trône, avec l’aide des conseils avisés de Deydreus, le Chevalier Noir avait imaginé un millier de scénario différents pour ce jour-ci, si important pour la suite de ses plans.

L’exercice avait été fastidieux. Épuisant. Mais nécessaire. Chaque jour, son esprit volatile s’était cloisonné puis reforgé pour devenir moins sauvage, plus froid, élaboré. Ce n’était pas la première fois que les circonstances le forcaient à chasser sa propre nature pour le faire devenir quelque chose que le Boucher en lui méprisait, mais l’exercice, ces derniers mois, commençait à devenir redondant. Le pire, c’était qu’une partie de lui se surprenait à apprécier la torture intellectuelle qu’il impliquait. Les stratagèmes alambiqués comme les paroles à double ou triple sens lui venaient de plus en plus naturellement, chassant la spontanéité du courroux qui avait été sa signature pendant des siècles.
Le monde du milieu et sa populace de petits rats faiblards et calculateurs commençaient-ils à l’influencer ? Ou la faute venait-elle simplement de ses responsabilités de plus en plus nombreuses?
Les deux solutions lui inspiraient un dégoût assez puissant pour l’empêcher de dormir, parfois. Mais qu’importe, la fin avait toujours justifié les moyens.

Le rire prit fin. Avec toute l’élégance dont elle savait faire preuve, l’Impératrice se leva de son trône pour venir se placer face à Tarcus. Là, elle se baissa pour attraper la lame par la poignée, la tourner en direction de son invité et coller sa sombre pointe dans le plastron de ce dernier.
“-Tu te souviens du mouvement que tu as fait après avoir déchiré ma chair avec elle?
Le Seigneur de l’Ost s’accorda le droit de sourire en saisissant l’arme par la lame et la faire glisser de quelques centimètres, la rapprochant de sa hanche gauche.
“-Je l’ai planté ici, exactement. Puis j’ai tourné le poignet et effectué un demi-cercle à l’intérieur, vers le bas, en évitant la colonne vertébrale.
Il vit dans l’oeillade de son ancienne rivale une étincelle de mauvaise augure. C’était l’éclat de la tentation. L’idée et l’envie de lui faire payer en lui rendant la douleur et l’humiliation qu’il avait causé, quelques siècles plus tôt. Certaines des Filles des Cendres s’étaient levées de leurs sièges, invitant, simplement par l’attitude qu’elles affichaient, leur mère à céder à cette tentation.
Prudence en faisait partie.
La pression de la pointe se fit plus forte. Le fer du plastron crissa.
“-Est-ce que tu regrettes ce que tu as fait, Tarcus?
L’interrogé secoua la tête.
“-Pas un seul instant. C’était un beau combat.
L’honneur avait toujours été sa faiblesse. Elle ne pouvait vivre sans, même après toutes ces années passées à vivre à l’exil. L’honnêteté de la réponse l’empêcha d’exercer sa vengeance.
L’honnêteté, oui. Et le fait que Vorasha se tenait à moins de cent mètres de sa fille aînée, Prudence.
L’impératrice se détourna, gardant l’épée dans l’une de ses fines mains. L’arme pesait une quinzaine de kilos, pourtant elle la portait comme s’il s’était agi d’une aiguille aussi légère qu’une plume. Elle s’éloigna de quelques pas, incapable de se détendre suffisamment pour retourner s’assoir.
“-Ton messager ment bien, il prétend que le chien aveugle que tu es a choisi de trahir son maître indolent.
-Decimus ne ment pas. C’est la vérité. Et tes espions te l’ont sans doute déjà confirmé.
-A moins qu’ils n’aient changé de camp et qu’ils te servent, toi, désormais.
-Si tu pensais sérieusement que mon allégeance allait toujours à Arphoss, tu aurais planté cette épée dans mon torse depuis longtemps.
Court silence. Elle réprima un nouveau rire en couvrant sa bouche de sa main libre.
“-Tu n’aurais même pas franchi la frontière.
-Alors tu sais pourquoi je suis là.
-C’est de la folie. Comment peux-tu imaginer une seule seconde que nos deux camps puissent consentir à une alliance? Mes filles rêvent de ta mort et les tiens rêvent de la mienne.
-Mes hommes rêvent de la même chose que moi.” Corrigea Tarcus, en reprenant un ton plus autoritaire, exempt du moindre doute.
Un long soupir souleva le long corps de la mère d’un millier de démones.
“-Vas-y. Expliques-toi. Je sais que tu en meurs d’envie.

Alors Tarcus hocha la tête et s’exécuta.
“-Nous rêvons de tuer Arphoss. Pas seulement son corps, mais aussi son souvenir. Nous voulons effacer sa trace de l’histoire du Vein. Créer un avenir pour notre monde qui ne sera pas fait d’un chaos indescriptible, de duels vides de sens et de morts inutiles. Nous rêvons d’un monde du dessous unifié sous une seule et même bannière. Nous souhaitons rendre les victoires du roitelet plus insignifiantes qu’elles ne le sont déjà, au point que chacun d’entre-nous finira par l’oublier. Car c’est la seule manière de lui faire payer son indolence et le déshonneur qu’il nous a tous causé avec son indifférence, sa lâcheté.
J’ai passé plus de deux millénaires à arpenter ce monde. Deux millénaires à voir des rois et des chefs de guerre lever des armées pour les jeter contre celles de ceux qui discutaient leur autorité sans jamais “s’abaisser à créer des alliances”. Le Vein est un gigantesque cimetière parsemé de tombes anonymes remplies de cadavres aux idéaux creux. Les autres mondes ont évolué. Adiryl et nos cousins si “purs” nous voient comme une bande de primates sous-évolués. Les Felethiens nous ont oubliés. Ça suffit. Notre peuple mérite mieux. Notre espèce mérite un but. De l’ordre, Sélène. C’est de ça que le Vein a besoin. De l’ordre, dans tout ce chaos.

L’Impératrice le fixait comme s’il s’était transformé en un amas d’un millier de serpents venimeux. Elle cligna des yeux, posa la lame au bas de son trône, puis alla se rassoir.
Autour d’eux, les filles des Cendres comme les membres de l’Ost tentaient difficilement de mesurer la portée de telles paroles. Pour ceux qui accompagnaient Tarcus, c’était la première fois que leur seigneur synthétisait ses pensées et l’idéal vertigineux se cachant derrière. A part dans le cas de quelques rares privilégiés, personne ne s’était préparé à cela.  
Un courant d’air porta jusqu’aux oreilles de Tarcus les échos d’un aboiement bestial provenant de partout et nulle part à la fois. Il fronça les sourcils en se forçant à se recentrer sur la silhouette assise de son interlocutrice.
“-Tu as finalement complètement perdu l’esprit.
-Au contraire, je n’ai jamais eu l’esprit aussi clair.
-Tu me proposes de bouleverser la nature même de notre monde. De notre espèce. Et de le faire en m’alliant avec mon pire ennemi. Si ce n’est de la folie, qu’est-ce donc?
-De l’ambition.
L’Impératrice avait l’air soudainement lasse. Son esprit à la vivacité indiscutable avait dû batailler avec un millier d’idées et de possibilités contradictoires depuis l’annonce de l’arrivée de sa némésis, et voilà que Tarcus venait de lui jeter au visage un bon millier supplémentaire.
“-Ça sera tout pour aujourd’hui.” Déclara-t-elle d’une voix forte, agacée, proche du point de non-retour. Le Chevalier Noir opta pour le silence. Certaines décisions étaient simplement longues à prendre.
L’Impératrice se leva de son trône et s’en écarta pour passer derrière.
“-Vous êtes libres de rester ici dans l’attente d’une réponse. Mais elle pourrait prendre la forme d’une guerre. Ou il pourrait ne pas y avoir de réponses du tout.
-Bien sûr.” Consentit-il, d’un hochement de tête.
Alors qu’elle s’apprêtait à quitter sa propre cour, la maîtresse des lieux marqua un arrêt, durant lequel sa vision dériva jusqu’à sa fille ainée, qui la fixa à son tour, alors que les trois élues quittaient la surveillance des généraux de l’Ost dans le but de rejoindre leur dirigeante.
“-Tarcus?” Cracha-t-elle d’une voix fatiguée.
“-Sélène.” Répondit-il, peinant à dissimuler un amusement dont l'origine lui était inconnue.
“-Le jugement. Le pardon. L’abnégation. Ça n'a jamais été mon domaine ni celui de mes filles. Tu le sais?
-Je le sais, Sélène.
-Alors peut-être que tu comprendras ce qui va suivre.” Un écran de pure ténèbre se superposa à la silhouette de l’Impératrice pendant quelques instants, puis disparut en emportant avec lui mère comme fille.
Revenir en haut Aller en bas

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptyMer 17 Nov 2021 - 12:11

D’autres aboiements, plus proches, se firent entendre. Les rangs de sœurs armées rengainèrent leurs lames, se dispersèrent et disparurent, une à une, de la même manière que leur mère avant elles.
La cohorte de l’Ost, débarrassée du seul obstacle la séparant de Tarcus, s’avança comme un seul être.
Tarcus leva une main dans leur direction alors que les aboiements se faisaient de plus en plus nombreux, agressifs et, surtout, proches.
“-Decimus.” Fit le Chevalier noir.
Le messager s’avança d’un pas.
“-Retiens ton bras et celui de notre armée.
Le premier molosse apparu en sautant par-dessus une colonne de trônes située sur le flanc droit du Seigneur de l’Ost. C’était une créature aussi longue que large, à la gueule garnie de crocs suintants de venin noirâtre. Ses muscles étaient tellement saillants et développés qu’il semblait dépourvu de cou, comme si son énorme tête avait été directement implantée entre deux épaules bien trop épaisses, sur lesquels on avait en plus fixé un plastron de cuir brun, orné de piques d’aciers gris aussi longs qu’une main humaine.
Cela n’avait rien à voir avec un chien ordinaire, même selon les standards très large du Vein. Cette chose, aussi haute qu’un cheval de trait, possédait les traits d’une demi-douzaine des espèces les plus féroces du monde du dessous. C’était le résultat d’innombrables croisements monstrueux, effectués dans l’unique but de créer le chien de guerre parfait, une machine à tuer plus fidèle et dangereuse que n’importe quel trébuchet, catapulte ou bélier.
Et un seul être, dans le Vein, pouvait se targuer de se faire obéir par pareille création.
“-Protégez votre souverain !” Hurla Bark en comprenant que ses craintes se concrétisaient, alors même qu’une masse de muscles et de métal sortait de l’ombre du plus grand des trônes.
Vorasha s’élança en premier. La gueule grande ouverte, le gigantesque reptile dépassa au pas de course un Tarcus immobile et pris de cours, pour se jeter sur ce nouvel adversaire lame en avant.
Vorasha, que les natifs du lac des âmes perdues surnommaient “Celui-qui-hante-les-eaux”, que ses adversaires assez chanceux pour encore respirer insultaient discrètement en usant du quolibet “le sans-père”, et que les habitants arriérés de la ville-esclave Dahomah avaient simplement fini par connaître sous le surnom de “Le Dangereux”, écrasa sa monstrueuse arme sur ce nouvel intrus en usant de toutes ses forces, de tout son poids et de toute son expérience pour l’anéantir dès le premier coup. Decimus l’avait déjà vu renverser une caravane de marchands et la paire de bœufs qui la tirait d’une charge semblable. L’impact avait été tellement fort que les occupants humains du véhicule étaient morts avant même de toucher le sol, six mètres plus loin. Après avoir vu cela, le jeune messager de l’Ost s’était imaginé que rien ni personne ne pourrait imaginer résister à la sauvagerie du Saurien. Un avis que beaucoup de ses semblables plus vieux partageaient, Bark compris.

Ce nouvel intrus mis fin à ses illusions d’une manière si brutale qu’elle parvint à surprendre même le Chevalier Noir.

On lui avait attribué des dizaines de noms, surnoms, titres et grades, tout au long de ses innombrables siècles d'existence. Il avait refusé la plupart, les avait lui-même précipité dans l’oubli en menaçant, brisant ou tuant tous ceux ayant eu l’audace de les prononcer. En cet âge, beaucoup le considérait comme un mythe, une légende irréelle, car il n’avait jamais été l’un de ceux qui, comme Tarcus, aimaient rappeler son existence, son nom ou ses faits d’armes.
La légende racontait que son courroux éternel était issu du coeur de dragon noir qu’il avait dévoré encore chaud, après l’avoir arraché du poitrail de son possesseur exsangue. Que l’amour d’une nymphe l’avait rendu fou. Que les cerbères qui l’accompagnaient toujours étaient ses frères, déformés par les vents du Vein. Qu’il avait dérobé et reforgé l’armure d’un capitaine ange des vieilles légions pour la faire sienne.
Que de la lave coulait dans ses veines.
Que dix milles têtes avaient été tranchées par ses soins.

Alasker. Le Juge. Voilà les deux seuls noms que ce monstre millénaire acceptait de porter.
Des fentes de son heaume d’acier gris ne s’échappaient nulle lueur, car ses yeux étaient faits de ténèbres pures. Ainsi engoncé dans une armure aussi lourde que son corps, il était aussi haut et large que le reptile face à lui.
Mais la comparaison s’arrêtait là.
La hache dans ses mains se leva au moment de l’impact, sa hampe d’obsidienne allant directement à la rencontre du fer ennemi. L’impact évoqua le fracas d’une avalanche balayant sous-bois comme village. Le golem ne recula pas sous la force du coup. Il se contenta simplement d’encaisser, impassible, avant de répliquer.
En projetant son crâne casqué en plein milieu du museau du reptile.
Ce qui s’avéra le plus contre-nature, le plus douloureux, pour tous les témoins de la scène, vint dans la suite. Ou plutôt l’absence de suite. De riposte. Vorasha le sans-père ne répliqua pas. Il ne pouvait pas. Sa gigantesque carcasse tomba à la renverse et demeura au sol, immobile. Mort ou inconscient, un ichor rouge vif s’écoulant de sa gueule entrouverte, aux dents brisées.
Bark n’hésita pas un seul instant, son sens du devoir de garde royal se mêlant au juste courroux qu’il éprouvait face à l’humiliante défaite de son rival et frère d’arme. Ses huit pattes le projetèrent en avant, sur le chemin du monstre d’acier et, dans une économie de mouvement experte, que le Messager considérait comme inégalable, il frappa. La pointe hérissée de la hallebarde, lancée à une vitesse impossible pour un esprit mortel, se vit pourtant instantanément déviée par les mâchoires de deux molosses s’étant apparemment matérialisés sur le flanc droit de l’attaquant. Le poids de la paire de cerbères emporta l’arme du garde royal loin de sa cible originelle et, au lieu de lutter inutilement, l’araignée abandonna aux chiens son outil de mort en optant pour un autre :
Sa bouche s’ouvrit dans un chuintement humide de mauvais augure. Ses mâchoires s’écartèrent, mais aussi la peau de ses joues, qui se replia de la même manière qu’un parchemin qu’enroulerait un érudit empressé, jusqu’à ses oreilles, laissant derrière-elle un trou béant d’où s’écoulait un ichor noir et caustique, qu’il cracha en direction de l’intrus.
Alasker fit montre de la même absence de doute que son adversaire en esquivant la projection. Il passa simplement en-dessous, d’une agile roulade qu’un être aussi imposant et lourd n’aurait tout simplement pas dû pouvoir effectuer. Le bruit du métal raclant la roche se révéla presqu’aussi insupportable que le coup d’épaule qui suivit. Plusieurs côtes, dans la cage-thoracique du noble Bark, éclatèrent sous l’impact. La puissance du coup le souleva de terre sur quelques mètres, au beau milieu d’une rangée de trônes.
Holvar, qui s’était pourtant avancé en même temps que ses confrères pour rejoindre Tarcus, s’écarta finalement du chemin de la calamité, accompagnant son geste d’une petite révérence qui resterait, plus tard, bien longtemps ancré dans l’esprit de ses frères d’armes témoins de la scène. Alasker le dépassa sans même lui accorder un regard.

Decimus avait déjà reculé jusqu’aux rangs désorganisés de l’Ost pour ordonner aux chefs de groupe de retenir leurs hommes, de ne pas intervenir, lorsque le choc final eu lieu.
Il faisait dos à la scène lorsqu’Alasker arma son coup pour le diriger vers la nuque du Seigneur de Dahomah. Aussi l’esclave mortel converti en guerrier immortel ne vit pas, mais perçut avec une netteté terrifiante, l’impact qui brisa la spallière et déchira le gorgerin de son maître.
S’ensuivit un instant de flottement durant lequel Decimus s’efforça de ne pas céder à la panique, malgré les regards déconfits qu’affichaient les soldats face à lui. Lentement, il se retourna, son courage vacillant.
Pour voir deux géants se faire face, sans un mot. Le fer de la hache du plus large disparaissant dans la ferraille censée protéger le cou de l’autre, plus grand, immobile, imperturbable.
Et vivant. Le coeur de Decimus manqua un battement.

“-Tu es vraiment le fils de putain le plus arrogant et confiant qu’il m’ait été donné de voir.” Gronda la brute en retirant sa hache du trou qu’elle avait creusé pour en essuyer le fer taché de sang.
Tarcus ne porta pas la main à son cou tout de suite. Mais lorsqu’il le fit, ce ne fut pas pour vérifier la profondeur de sa plaie, simplement pour estimer les dégâts sur son armure.
“-Tu me dois une nouvelle spallière.
L’humour de la remarque toucha la brutale créature alors qu’elle se détournait pour rappeler ses trois cerbères. Un ricanement aux allures de fin du monde souleva son épaisse carcasse.
“-Je lui avais dis que tu ne tirerais pas ton arme de son fourreau.” Soliloqua-t-il alors que le plus gros des chiens venait s’asseoir à ses pieds. De l’énorme gueule hérissée de crocs s’extirpa un sifflement intimidant évoquant le croisement étrange d’un crocodile, d’un chien de guerre et d’un serpent.
“-Le Juge ne tue que ceux qui le défient.” Cita Tarcus avant de retirer son heaume.”Et que ceux qui le méritent. Mais malgré tous mes péchés et mes erreurs, je reste celui que j’ai toujours été.
-Pour l’instant.
-Je servirais toujours le Vein.
Le ton de l’affirmation n’invitait pas à la discussion. Tarcus jeta son heaume à Holvar, qui l’attrapa au vol difficilement, puis cracha un flot de bile acide au sol. Le liquide vermeil qui s’écoulait de la plaie de son cou semblait en pleine ébullition. Il fumait, et des bulles brûlantes se formaient à sa surface pour éclater en projetant des gouttelettes corrosives autour d’elles.
Alasker se retourna pour lui faire face et scruter, au travers des fentes de son casque, le visage de son interlocuteur.
Le Seigneur de l’Ost affichait un regard se voulant neutre, alourdi par la fatigue d’un voyage interminable et par le poids d’une tâche défiant la réalité d’un monde gouverné par le chaos depuis sa création. Ses traits, déjà sévères en temps normal, semblaient désormais simplement incapable d’afficher la moindre joie. Le sourire qu’il arborait jadis constamment, d’un champ de bataille à l’autre, s’en était allé. En lieu et place demeurait deux fines lèvres closes, rassemblées en un rictus étrange, à mi-chemin entre le mécontentement et le dégoût de tout ce qui l’entourait. Paradoxalement, son regard d’un jaune surnaturel s’était pacifié, assagit, au point d’en devenir soutenable. Le vice et la cruauté qui en débordait jadis l’avaient abandonné, tous deux remplacés par la détermination d’une ambition non pas dévorante mais froide, maîtrisée.
Balayé, le fou de guerre, chien d’Arphoss, arpentant les champs de batailles la bave aux lèvres à la recherche de nouveaux crânes à offrir à son maître indolent. Disparu, le Boucher avide de souffrance et de sang, capable de passer des jours entiers à torturer des âmes innocentes pour le simple plaisir de trancher la chair et faire couler les larmes.
Disparu. Oui.
Ou bien caché.
“-Pour combien de temps encore penses-tu que le Vein sera ta seule préoccupation, petit seigneur?” Gronda Le Juge sans cesser de détailler son interlocuteur. “Si Sélène aligne effectivement ses idéaux avec les tiens. Que vos armées se mélangent. Que ses guerrières apprennent la discipline aux tiens. Combien de temps avant que d’autres seigneurs n’entendent parler de l’alliance entre le briseur de serment et l’Impératrice ? Combien de temps avant que des petits chefs de clans ambitieux ne viennent s’humilier à ployer le genoux face à ton trône? Combien de temps avant que tu n’y prenne goût ? Sais-tu combien de rois autoproclamés ont simplement oublié leur but initial?
Les mâchoires du seigneur de l’Ost se serrèrent dans un étau de colère contenue.
“-Il n’y a pas un seul démon ici qui ne soit mieux placé que moi pour comprendre de quoi il est question ici, Juge. J’ai passé deux siècles à voir mon roi se perdre dans sa propre mélancolie parce qu’il était faible. Je ne le suis pas.” L’intonation avait changé pour cette dernière affirmation. Chaque mots avaient été prononcés lentement, gravement, comme s’il s’agissait plus d’une condamnation qu’autre chose.
“-L’essence même du Vein, de notre monde, c’est le changement.
-Ma détermination est restée la même.
-Mais tes motivations ont changé.
-Non. J’ai toujours servi le Vein. J’ai toujours œuvré pour le Vein. J’ai servi Arphoss, j’ai tué et j’ai condamné en son nom parce que je pensais qu’il apporterait quelque chose au Vein.
-Tu as servi, tué et condamné parce que tu aimais ça.
Tarcus balaya l’affirmation d’un revers de main.
“-Et alors? N’est-ce pas ton cas également? N’est-ce pas la nature de chaque démons ici-bas?

Autour d’eux, l’indécision se mêlait à la surprise. Les soldats de l’Ost piétinaient, sans savoir sur quels pieds danser, tandis que Decimus s’efforçait de rester auprès d’eux pour maîtriser les impulsions des plus brutaux. Holvar s’était discrètement approché de Vorasha pour vérifier qu’il respirait encore et, après en avoir eu la confirmation, le tortionnaire avait fait signe au Messager que tout allait bien. Bark demeurait pour sa part interdit, avachi contre un trône, il attendait que son corps se répare de lui-même avant d’entreprendre quoique ce soit d’autre, mais le regard qu’il dirigeait vers Le Juge du Vein ne laissait rien présager de bon.
Tel un banc de requins cisailleurs des Eaux Sombres, les Cerbères d’Alasker tournaient autour de Tarcus et de leur maître, sans cesser de gronder et d’aboyer. La bave qui s’échappait de leur museau formait une longue traînée corrosive, puante, fumante et sifflante dans leur sillage. Decimus trouvait le bruit encore plus insupportable que l’odeur de cadavres en décomposition émanant de la salive. Ce sifflement étrange, plutôt discret au début, ne faisait qu’empirer alors que le sol rocheux de la cour résistait à la morsure de l’acide, refusant de céder ou de se creuser face à l’impur mucus des créatures. Ce boucan lui rappelait son ancienne vie, à la forge, lorsqu’il plongeait l’acier brûlant dans l’eau froide en tentant de ne pas faire attention à la douleur remontant le long de ses bras jusqu’à sa colonne vertébrale. Ce n’était pas un bon souvenir. Dans ces moments-là, il arrivait presque à ressentir, de nouveau, le choc du marteau contre le fer et l’enclume. La morsure du froid dans son dos. Et du feu sur ses mains. Oui. Il se rappelait.
Les regards suffisants de son maître. Et de ceux d’à peu près tous les habitants de Dahomah. Tous, sauf...Sauf…
Quelque chose d’indéfinissable le traversa, déclenchant un frisson de malaise dans tout son corps. Avec horreur, le jeune démon remarqua qu’il s’agissait d’un sanglot, qu’il ravala difficilement.
Le souvenir de cheveux blonds, d’une odeur de lilas et d’yeux verts, en amande, lui revint, pénétrant son esprit et ses défenses avec la force d’une flèche en plein cœur.
Il avait banni ses souvenirs. Tous ses souvenirs. Et pourtant le sien résistait. Pourquoi? Parce qu’il avait choisi d’être ainsi pour elle? Parce qu’elle l’avait, indirectement, conduit sur cette voie?

“-Ton ancienne vie disparaîtra avec le temps. Avait dit son futur frère en fixant les tentacules s’échappant de l’entrée du sous-sol de la ville. Toute ta vie d’homme ne sera plus qu’un rêve, un cauchemar fugace, que ton nouveau cœur finira par rejeter avec dégoût.”
Il s’était tenu à genoux dans la boue souillée d’ichor rougeâtre, faible, vaincu, pitoyable. Toute sa concentration accaparée par un unique et simple objectif : ne pas vomir. Contenir le choc.
“-Mais tu te souviendras de ce que tu as vu. Tu te souviendras de l’horreur contenue dans ses murs. Elle te poursuivra jusqu’à ta mort. Où jusqu’à ce que tu apprennes à l’apprécier. Prie pour que ça soit le cas, un jour.
-N'êtes-vous censé me convaincre?”
La réponse, cynique, suffisante, s’était échappée de la bouche de Tarcus entre deux rires dépourvus de la moindre joie.
“-Tu n’es qu’un homme. Pourquoi devrais-je me fatiguer à jouer avec les ombres pour te convaincre, toi, ou n’importe lequel de tes semblables ? Je te dis la vérité. Tu ne peux que l’accepter. C’est ainsi.”
Une réponse franche, provenant d’un démon souillé de dix-mille péchés. Cela ne lui avait pas semblé important, à l’époque. Rien ne lui avait semblé important, à ce moment. Excepté une chose. Une promesse.
“-Aucun mal ne lui sera fait?
-Mais elle restera sous ma surveillance, aussi longtemps que je le jugerais nécessaire.
-Bien.
-Cela pourrait être toute sa vie.
-Tant qu’elle ne souffre pas. Qu’elle respire. Et que jamais elle ne rejoigne ce...Cette abomination. C’est tout ce qui compte.”
Du corps caparaçonné filtra un souffle méprisant.
“-Une affirmation fausse, formulée à la va-vite, pour l’amour d’une créature qui n’a pourtant jamais partagé ta couche. Tu me rappelles ces moines tremblants aux bénédictions et aux promesses vaines.
La plupart des hommes de foi de Dahomah n’avaient jamais été du genre à trembler, encore moins à bénir et à promettre. Ils prenaient, et c’était tout. Sans jamais se soucier du bien-être de leurs prochains. Jusqu’à ce que Tarcus et ses sbires ne décident de les crucifier à leurs propres temples, en tout cas.
“-Nos moines ont bien changé, semble-t-il.
-Pas les vôtres. Ceux-là ne savaient même pas pourquoi ils priaient. Je parle de ceux de l’ancienne cité.” La voix du seigneur démon avait un instant perdu son agressivité naturelle, comme emportée par ses propres souvenirs. Son regard s’était tourné vers le lointain. Vers les piques des murailles en pleine reconstruction. En tout cas jusqu’à ce qu’il ne réalise que le serviteur à ses pieds le regardait.
“-Qu’importe. Avait grincé Tarcus, en accompagnant ce mot d’un revers de main, un geste qu’il répéterait plus tard, face à Alasker, le Juge, dans des circonstances bien différentes.. Ta décision est-elle prise?”


“-Decimus?
Le présent l’appelait. Quelqu’un l’appelait. Dans les rangs de l’Ost. Les premiers rangs. Une créature hérissée d’excroissance osseuse et coupante traversant sa peau sombre, pourtant aussi épaisse qu’un cuir de sanglier. Son visage était celui d’un homme et d’une chauve-souris, entremêlés de la plus horrible manière. Il connaissait son nom. Thorogg.
“-Nous pouvons l’avoir. Nous sommes assez nombreux. Nous pouvons faire tomber Le Juge. Imagine la gloire qu’en tirerait l’Ost.
Le groin hideux du guerrier se retroussa alors qu’un sourire mauvais dévoilait ses dents jaunes.
Decimus secoua la tête.
“-Quelle gloire? Deux cents têtes contre un guerrier et ses chiens? Où est la gloire là-dedans?
-Tu n’es pas obligé de donner l’ordre. Laisse-moi le faire.
Les autres soldats autour de la forte tête commencèrent à s’agiter. Le messager rendit son rictus à la créature.
“-J’admire ton courage et ta détermination Thorogg, mais pour que l’Ost profite vraiment de la gloire de cette mise à mort, il faut quelque chose de plus marquant qu’une simple charge à cent contre un. Tu me suis?
La créature s’approcha d’un pas du jeune démon, ses pattes aux articulations inversées raclant le sol de leurs griffes acérées. Elle prit un air de conspiratrice en baissant sa tête pour l’amener au niveau de son supérieur.
“-Tu as un plan?
-Oui. Car vois-tu, je pense que si nous abattons Le Juge de cette manière, un demi-millier de soeurs vont venir réclamer vengeance. Mais il y a un moyen de faire cela sans bafouer leurs règles.
-Comment?” Les yeux noirs de la bête pétillaient.
“-Un duel, bien sûr.
Les rangs s’immobilisèrent subitement. Le sourire de Thorogg s’effaça.
“-C’est simple, tu prends sa tête lors d’un duel à mort et nos hôtes salueront même l’exploit, qu’en dis-tu? C’est le seul moyen de ne pas déclencher une guerre ouverte, et mon frère t’accueilleras même parmi ses proches conseillers.
-Je vais rejoindre mon poste.” Siffla la créature, trop fière pour admettre sa défaite. “Notre seigneur n’aimerait pas être interrompu, je pense.
Decimus acquiesça, toujours souriant, puis reporta son attention sur le dialogue de deux légendes vivantes.

“-Tu ne vas pas me tuer.” Prononça lentement Tarcus, sans bouger.
Le juge, occupé à essuyer le sang sur le fer de sa hache à l’aide d’un chiffon déjà bien trop rougi, haussa ses larges épaules.
“-Je n’ai pas encore décidé.
-Ce n’était pas une question.
Il n’y avait pas grand chose, dans ce monde, qui parvenait à la fois à irriter et à inquiéter le seigneur de l’Ost et ses plus proches lieutenants. Mais le rire rauque, désinvolte, du Juge en faisait très certainement partie.
“-Et qu’est-ce qui te permet d’affirmer cela?
-Je respire encore. Tu hais Arphoss. Sélène hais Arphoss. Et elle aime le pouvoir.
Court silence. Le golem d’acier planta la hampe pointue de sa hache dans le sol. A la surprise générale, l’arme s’enfonça dans la roche sans opposer la moindre résistance. Puis il porta ses deux mains à son heaume pour le retirer.
De ce heaume simple, sans fioriture aucune, à l’acier gris-bleu, s’échappa un visage marqué, couturé de cicatrice et à la pâleur caractéristique de celles et ceux passant leur existence sous plusieurs couches de métal renforcé. Aux traces de lames, de griffes et de dents s’ajoutait également un important réseau de veines noires parcourant son faciès pour se regrouper autour de ses yeux d’encre, d’où aucune lumière ne s’échappait.
Une unique et longue mèche de cheveux blonds partait du centre de son crâne pour tomber devant son oeil droit, le masquant partiellement. Ce qui semblait être la tête d’une vis ou d’un clou, profondément enfoncé dans le crâne du démon, était visible près de la racine de ses cheveux. Son nez aquilin était traversé en son milieu par la trace d’une griffure ayant mal cicatrisée. Et partout, le long de sa mâchoire carrée, se dessinait le début d’une barbe blonde à l’allure de pelage animal.
Il cracha un glaviot aussi noir que la bave de ses animaux et, sans prendre la peine d’essuyer l’écoulement caustique le long de ses lèvres à la chair gonflée, déformée, déchirée et recousue par des siècles de combats, vint se poser devant l’intrus des falaises d’Obsidiennes.

Face à lui, Tarcus et son visage parfait, imberbe, dépourvu de la moindre cicatrice, ses yeux jaunes de reptile au sang-froid, sa longue chevelure, aussi immaculée que celle de ses hôtes, son nez droit, qu’aucun choc n’avait jamais réussi à tordre ou à écraser, passait presque pour un jeune prince innocent.
Presque.
“-Tu crois pouvoir prédire mes décisions, petit seigneur?[/b]” Gronda la bête d’acier, et ses chiens reprirent son grondement.
Le seigneur désigné tiqua avant de tendre une main gantée en direction de son interlocuteur.
“-Non. Je crois pouvoir te trouver une place dans mon armée.

Un silence assourdissant.

Alasker considéra la main tendue comme s’il s’était agi de la queue d’un scorpion géant. Quelque chose, dans son regard, étincela. De la défiance. Teintée de respect.
“-Jamais je ne serais dans ton armée, Boucher.
-C’est dommage.
-Mais je vais t’accompagner. Pour te surveiller. M’assurer que tu ne trahiras pas tes convictions. Telle est ma fonction.
Revenir en haut Aller en bas

Tarcus Crudelis

Le bras droit d'Arphoss

________________

Tarcus Crudelis
________________


Race : Démons communs (majeur)
Classe : Lame démoniaque
Croyances : Le Vein
Groupe : Serviteurs d'Arphoss [Démons]

Âge : Quelle importance?

Messages : 35

Fiche de Personnage : Les origines de la Lame.


L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  EmptyMer 17 Nov 2021 - 12:50

Le seigneur et ses conseillers décidèrent qu’établir un campement trop proche de la cour de l’Impératrice s’avèrerait être un manque de respect évident. L’Ost s’installa donc dans une crevasse, à quelque lieues des trônes, que les éclaireurs avaient estimé “facile” à défendre en cas d’une trahison de la part des filles des cendres. Ladite Crevasse s’étendait sur plusieurs dizaines de mètres dans une pente raide, sous la surface de la montagne, et se révélait assez large pour que même les plus imposants de l’armée démoniaque puisse passer sans craindre d’être gênés dans leurs mouvements. Elle menait à un réseau de grottes et de tunnels creusés par la faune locale et manifestement abandonnés depuis longtemps puisque ni les éclaireurs, ni la magie d’Holvar, ne parvinrent à détecter le moindre signe de vie en-dessous.
Une fois les tours de garde établis et un rapide repas ingéré, le camp devint très vite silencieux. Il n’était pas luxueux, loin de là. La plupart dormaient à même le sol, peu concernés par le froid, la saleté ou les insectes rampants surgissant de chaque recoins sombres dès qu’une torche était éteinte. La vie dans le Vein était dure et créait des êtres tout aussi durs. De plus, le voyage s’était révélé long. Decimus s’était endormi sitôt allongé. On avait proposé des lits à Vorasha et Bark, toujours en phase de récupération après le combat les ayant opposés au Juge. Le Saurien avait éclaté de rire et l’hybride s’était amusé de la proposition avant de se tisser une toile au fond d’une des grottes. Ils dormaient tous deux du sommeil du juste, désormais. Holvar avait disparu sans un mot après la fin des “négociations” de la journée en faisant preuve de son habituelle et irritante révérence exagérée. De tous, il était le seul que Tarcus aurait voulu voir brisé par le Juge. Mais comme d’habitude, sa lâcheté naturelle lui avait fait choisir la voie de l’évitement.
On ne pouvait pas lui en vouloir. Aucun de ses sorts n’auraient pu ne serait-ce que noircir l’armure d’Alasker. Quelque chose chez lui affaiblissait la magie alentour. La rendait inutile. Non-létale.
Un pouvoir dangereux et rare qu’il n’avait vu que deux fois dans sa vie. Il serait un atout de choix, une fois bien dirigé.

Tarcus s’était enfoncé le plus loin possible dans les tunnels souterrains. Suffisamment loin pour ne plus avoir à entendre les ronflements et les messes basses des quelques couche-tards. Sa grotte, toute en largeur, avait comme particularité d’être inondée en son centre par un fin filet d’eau chaude tombant du plafond. L’écoulement avait formé un petit bassin et creusé la roche au fil des années, assez profond pour que Tarcus puisse s’en servir pour se débarrasser de la crasse accumulée par des semaines de marche à travers les landes du Vein.
Le plus lent fut sans conteste le début, lorsqu’il se décida à retirer son plastron pour découvrir le sang séché recouvrant son torse. La Syrinx lui avait jeté un sort, juste avant la traversée, lorsqu’il l’avait empoignée. Pas assez douloureux pour le stopper ou l’empêcher de serrer d’avantage son ridicule petit cou, mais assez pour que sa propre chair en pâtisse. Des centaines d’épines de ronces avaient poussé à travers sa peau, à l’image d’une réaction allergique particulièrement singulière. A la main, il avait retiré les quelques dizaines de pointes ayant réussi à échapper à la dissolution au contact de l’ichor rougeâtre qu’elles avaient fait verser.
Une fois débarrassé des pointes, le Seigneur Démon s’était intéressé à l’acier de sa spallière, pulvérisé par la hache du juge, qui s’était enfoncé dans la viande de son épaule. La chair s’étant régénérée par-dessus, le démon majeur, agacé et impatient de pouvoir enfin se reposer, dû s’entailler à la va-vite pour retirer l’acier tordu et le jeter dans un coin de la grotte.
Et lorsqu’enfin, le seigneur de l’Ost put s’accorder le plaisir tout relatif de rincer son corps endoloris, une voix familière, dans son dos, vint lui arracher brutalement toute opportunité de repos.

“-Tu ne fais pas très “seigneur”. Ainsi, accroupis dans une flaque.
Un long soupir filtra de ses lèvres closes. Il fit volte-face pour retenir un juron entre ses dents en découvrant la svelte silhouette de la maîtresse de ces terres.
“-Et dire que mes sentinelles sont censées surveiller les environs.” Se désola Tarcus alors que l’intrus s’enfonçait un peu plus dans la grotte.
Elle portait toujours la même tenue, mais son long manteau était désormais ouvert sur une courte veste de lin au travers de laquelle dépassait ce qui avait l’air d’être une cotte de maille usée. Le fourreau qui pendait à son flanc n’était plus vide. La poignée dorée et étrangement stylisée d’une rapière en dépassait. La vue de ce dernier accessoire l’amusa tout particulièrement.
“-On dit que l’acier de cette lame est souffrant. Malade. Empoisonné.
La détentrice de l’arme mentionnée porta son dévolu sur un renfoncement dans la paroi, à mi-hauteur d’homme, et alla s’asseoir contre en croisant les jambes. Tarcus discerna la forme d’une courte dague dans sa botte gauche.
“-Sais-tu par quoi elle a été empoisonnée?
Le sourire de Tarcus se fit cruel.
“-Je le devine.
-Ton sang. Lorsque Miseria a mordu ta chair, son acier ne s’en est jamais remis. J’avais beau l’essuyer, la nettoyer, rien n’y a fait. Ton sang s’est répandu tout le long de la lame. Il l’a dévoré. Ton sang rongeait ma lame. Je ne pouvais y voir qu’un symbole de plus de ma défaite. De rage, j’ai ordonné à Prudence de la jeter dans les plus profondes eaux du lac.
-Elle t’a désobéi, bien sûr.
-Ma fille est sage. Plus que je ne le suis, puisqu’elle m’a conseillé de te mettre à mort en usant d’Alasker comme d’une distraction. Elle a fait fondre l’acier pour le faire reforger. Ton sang et l’acier l’ayant fait couler se sont entremêlés. Et de ce mélange…
Brusquement, l’Impératrice tira l’arme de son fourreau.
“-Est né ceci.
Tarcus contempla l’étrange création. La lame, un peu plus longue qu’un bras d’homme, se terminait en une pointe effilée d’où goûtait un liquide huileux, épais et manifestement corrosif. L’acier de l’arme avait perdu le teint argenté ayant été sa signature, deux siècles auparavant, pour devenir jaunâtre. La noblesse martial qu’elle avait jadis représenté avec fierté s’était lentement fânée pour finalement pourrir. Aux yeux de Tarcus, l’arme n’avait plus rien de respectable. Sa première itération illustrait parfaitement la confiance infaillible de Sélène envers ses compétences de duellistes. Une lame droite. Légèrement décorée. N’ayant besoin de rien d’autre qu’un fer solide pour parvenir à ses fins. Cette abomination était née d’une défaite amère. Son fil vomissait du poison, l’allié des faibles et des mauvais combattants, incapables de tuer par eux-même.
Incapable de fixer davantage une telle abomination, le Seigneur de l’Ost releva les yeux pour découvrir que son invitée surprise le dévisageait.
“-Est-ce du dégoût que je lis sur ton visage?
-Tu avais raison de vouloir la jeter. Cette arme ne vaut plus rien. Elle n’est qu’une perte de temps.
-Crois-tu?” Un rire cristallin, bien trop doux pour que Tarcus n’abaisse sa garde, s’échappa de la bouche souriante de l’Impératrice. Elle porta la main à l’arrière de son crâne, au niveau de la longue épingle d’argent maintenant sa longue chevelure dans un sévère chignon. L’acier de la pointe glissa et les cheveux se déroulèrent pour tomber sur ses épaules dans une grâce presque surnaturelle. L’Impératrice se redressa pour s’avancer, Miseria dans une main et l’épingle dans l’autre, qu’elle tenait à la manière d’une dague.
“-Vous, les mâles. Vous n’avez jamais eu la force d’affronter une défaite. Vous ne savez qu’oublier et recommencer. Jamais continuer.
Tarcus grimaça en chassant le souvenir d’une lame abandonnée dans un puits sans fond, à l’aube de sa vie de serviteur d’Arphoss. Alors que la longiligne silhouette continuait de s’approcher, de plus en plus menaçante, il se leva à son tour.
“-Je n’oublie pas. Je n’oublie rien. Je continue. Comme cette lame.
Le sourire du Seigneur de l’Ost se reforma brutalement alors qu’il attrapait à la va-vite ses lames jumelles pour se tenir face à son interlocutrice de plus en plus hostile. Alors que les souvenirs, toujours frais, de leur duel lui revenaient en tête, Tarcus remarqua une chose : Une coquetterie morbide, puérile et inattendue. Elle avait pris soin de relâcher sa chevelure dans le but évident de rappeler à son adversaire d’antan l’apparence qu’elle avait le jour où il l’avait humilié. Quelle attendrissante attention.
“-Et pourtant, actuellement, tu m’as surtout l’air de penser à recommencer la même erreur qu’il y a deux siècles.” Grinça-t-il en pointant sa lame droite en direction du bas ventre de Sélène, qui s’immobilisa en écarquillant les yeux.
Alors que ses paroles résonnaient dans la caverne, le vieux démon remarqua son propre changement de ton. L’excitation d’un tel défi faisait ressurgir le prédateur en son cœur, l’animal assoiffé de mort, qui n’avait que faire des apparences et des tournures de phrases sophistiquées. La fatigue l’empêchait de continuer à jouer son rôle de félon éduqué, réfléchi et indulgent. L’essence même de ce qu’il était ; sa nature profonde, sauvage, cruelle, grattait les parois de son esprit. La faisait saigner. Et le goût de son propre sang lui rappelait à quel point celui des autres était bon.
Cette voix. Sa voix. A cet instant. Portait en elle la même violente défiance que celle que Sélène avait entendu sur le champ de bataille ayant été témoin de sa perte, deux siècles auparavant. C’était la voix du Boucher de Feleth. De la première Lame Démoniaque. La voix du bras droit d’Arphoss.
Et Sélène, au vu de l’expression de son visage, avait perçu ce changement de la même manière que lui. Sa posture changea. L’Impératrice n’était plus simplement menaçante. Elle se mettait en garde.
“-Tu es toujours le même.
L’ancienne Lame d’un roi déchu s’avança, une épée dans chaque main, en direction de sa vieille adversaire.
“-N’approche plus.” Le défia-t-elle. Tarcus lui répondit par un ricanement moqueur en cessant d’avancer pour commencer à lui tourner autour à la manière d’un fauve face à une proie blessée mais toujours dangereuse.
“-Je sais à quoi tu penses. Tu es venue ici dans le but de discuter. De chercher une faiblesse pour l’exploiter lors de notre prochain échange “officiel”. Mais tu m’as découvert sans mon plastron. Loin de mes hommes. Et même si ton esprit te hurle de continuer à jouer le rôle de cette noble mère toujours sage, ton cœur de guerrière s’emballe. La vengeance t’obnubile. Elle envahit tout, enflamme ton corps, incinère ton esprit, ta retenue. “Et si j’arrivais à le vaincre, cette fois?”, tu ne sais pas d’où vient cette idée. Mais elle est forte. Trop forte pour être ignorée. Alors tu t’es avancée et maintenant tu es confuse, parce que tu as trouvé exactement ce que cette partie de toi voulait, et tu ne sais pas si la suite va te plaire.
Tarcus écarta les bras, exposant ainsi son torse à la première frappe. Il l’entendit souffler longuement. La pointe poisseuse de Miseria tremblait à quelques dizaines de centimètres de son cœur.
“-Tu as le poison maintenant. Sans mon armure, il pourrait me faire tomber. Mais il y a deux siècles, j’étais déjà meilleur que toi. Et cela fait combien de temps que tu n’as pas tiré ta lame contre autre chose qu’une de tes petites filles admiratives?
-Tarcus. Recule. Je ne me répéterai pas.
L’intéressé s’y refusa. Il laissa tomber l’une de ses lames au sol.
“-La grotte est assez exiguë. Tu es plus rapide que moi. Plus agile. Moins large. Je serais désavantagé. Tu y as pensé aussi, n’est-ce pas? Et aux répercussions? A mes hommes traversant les falaises d’obsidiennes en quête de vengeance dans le cas de ta victoire? A Vorasha, enragé, reniflant les vents à la recherche de la senteur si particulière de ta fille Prudence? A Decimus et Saskia s’affrontant à mort, au milieu de nos armées s’entredéchirant au nom de la vengeance, dans l’indifférence d’un Vein inchangé?
La pointe de la Lame vint effleurer la peau du démon, creusant un sillon d’avertissement entre la troisième et la quatrième côte. Les flammes du regard de Tarcus se fixèrent sur l’arme ayant fait couler une fois de plus son sang. Le poison, délivré en petite quantité, lui déclencha un spasme de souffrance qu’il eût tout le mal du monde à réprimer. Ravalant un juron, il persista dans son monologue.
“-Ce n’est pas ce qui te retient. Tu n’es pas une si bonne mère que ça. La mort de quelques-unes de tes filles signifie peut-être quelque chose pour toi, mais moins que la perspective d’un nouvel échec. Tu sais ce qu’il impliquerait.
- Je suis déjà morte.
-C’est exact.Mais ce n’est pas la mort qui t’inquiète. C’est le déshonneur." Le sourire de Tarcus se fit plus vicieux. “Et tu sais que je te déshonorerais beaucoup avant de te tuer, même éventré, ton corps me faisait de l’effet, déjà à l’époque.
Le fer jaune s’enfonça dans la chair pâle avec une rapidité et une aisance obscène. Enragé par la soudaine attaque, Tarcus attrapa par les épaules celle qui venait de le transpercer pour l’écraser contre la parois derrière. La tête de l’Impératrice heurta par trois fois la roche coupante de la grotte. Elle n’hurla qu’au cours des deux premières fois. A la troisième, son esprit dévoré par la douleur l’arracha à la violence de la réalité en la plongeant dans l’inconscience. Elle glissa le long de la grotte et resta là, sans bouger, le corps trop endoloris pour ne serait-ce que respirer. Tarcus eût tout juste le temps de retirer l’aiguille enfoncée dans son poumon avant de vomir un sang rouge vif et de la rejoindre au sol.

Au réveil, Decimus eut le déplaisir de découvrir que la masse de muscle que composait Alasker se trouvait à moins d’une dizaine de pas de son lieu de repos. Le titan, assis sur une roche aussi large que lui délimitant l’entrée de la crevasse, aiguisait sa hache à l’aide d’une pierre luisante d’une aura écarlate tout à fait intrigante. Deux de ses cerbères étaient à ses côtés. L’attention de l’un d’eux portait d’ailleurs dans sa direction. Il tenta d’ignorer ses grondements d’avertissements et s’avança de quelques pas, fasciné par l’apparence de la pierre.
“-Ferme la, Ghoro. Il n’est pas notre ennemi.” Fit simplement Alasker, sans cesser son entreprise. La bête se tue aussitôt.
Decimus prit cela comme une invitation à s’approcher davantage. Ce qu’il fit.
“-C’est un cœur de Salamandre géante de l’Est Felethien.
-Je n’ai jamais entendu parler d’une telle créature.
L’énorme carcasse fut soulevée par un court concert de grognement rauques censés évoquer l’amusement. Les deux bêtes de guerre se mirent à fixer leurs maîtres, manifestement toutes aussi incapables de comprendre cette attitude que l’inconnu approchant.
“-C’est parce que tu es trop jeune. Tu as quel âge, gamin?
-Ma renaissance date de quelques mois.
Alasker se racla la gorge.
“-Tu as eu une vie avant cela. Ne commence pas à faire comme lui. Tu n’es pas né dans le Vein. Quel âge tu avais ?
Je ne sais plus, aurait-il voulu dire.
“-Trente-et-un an.
-Hum. La dernière Salamandre Géante est morte il y a exactement sept cent trente trois ans.T’as pas mal de retard.
Le Juge décida finalement de se retourner pour faire face à son jeune interlocuteur. Les bêtes s’écartèrent un peu, dérangées par ces mouvements abruptes. L’une d’elle se leva pour disparaître dans les montagnes.
“-Je n’arriverais jamais à savoir comment il fait pour systématiquement emmener des gosses avec lui. Cette guerre concerne les vieux et les fous. Tu n’as même pas connu l’époque de l’armée d’Arphoss.
Decimus haussa les épaules, mal à l’aise. Que dire ? Que ses motivations étaient toutes autres? Qu’il s’était engagé sur cette voie pour sauver quelqu’un qu’il aimait? Qu’il commençait à croire que Tarcus et son idéal n’étaient pas si repoussant que cela, alors même que son esprit de démon nouveau-né n’avait pas la moindre idée de l’étendue de ce que tout impliquait?
“-A quoi ressemblait ces salamandres?
Lorsqu’Alasker souriait, ses dents se découvraient et les cicatrices sur ses joues tailladées semblaient se gonfler, s’animer, comme si des vers de chair grouillaient en-dessous. C’était l’inverse même d’un sourire avenant. Pourtant, la franchise qui en émanait avait quelque chose de presque réconfortant.
“-Tu es déjà allé à Venill?
Ça n'a pas d’importance. Aurait tranché Tarcus.
“-Oui. J’accompagnais mon maître quand je travaillais à la forge.
Le Juge hocha la tête.
“-Elles étaient aussi longues qu’une caravane de marchands. Et deux fois plus larges. Il y avait un orifice au-dessus de leurs deux pattes avant qui vomissait du magma lorsqu’elles se sentaient en danger. J’ai essayé de capturer une paire de juvénile. Ça n'a pas bien marché.” Il accompagna cette conclusion en pointant du doigt l’imposante griffure à la naissance de son nez.
Vorasha apparu des profondeurs du réseau de grottes, Bark sur les talons. Les deux “conseillers” de Tarcus échangeaient manifestement une nouvelle série de quolibets. Alasker grimaça en les fixant et il lâcha sa pierre pour venir gratter l’arrière du crâne de son chien restant.
“-Les reptiles et les insectes font de très mauvais animaux de compagnie. Impossible à apprivoiser correctement.
Le jeune messager se mit à danser d’un pied sur l’autre, mal à l’aise.
“-Vorasha et le garde royal ne sont pas des animaux.
-Nous sommes tous des animaux. Surtout dans le Vein. Sélène et Tarcus peuvent bien jouer à celui qui pète le plus haut pour l’instant, dès que les choses se gâteront, ils seront les premiers à venir se vautrer dans la fange, avec plus d’empressement que le plus enragé de mes cleb’s.
Decimus jeta un regard en direction de la bête flattée. Les crocs qui dépassaient de sa gueule devaient faire la longueur d’un index humain.
“-Charmante créature.
-Ne sois pas sarcastique, ça ne te va pas. Y’a encore trop de lait qui coule de ton nez, attends d’être vieux et aigri pour ça. Tu trouves franchement que Tok ici présent à une moins belle gueule que les abrutis avec qui tu partages ce camp? Oublies ces conneries sur l’honneur des serments et la fraternité et regarde-les." Ordonna le juge, en pointant le fer de sa hache vers le camp de la crevasse, plus bas.
Le jeune démon s’exécuta. Ses yeux rouges balayèrent les environs, à la recherche de mouvement. Là, deux porteurs de lances aux lèvres absentes et aux visages couverts d’écailles noirâtres, occupés à fixer de leurs yeux reptiliens le balancement du fessier d’une tieffeline à la peau écarlate et aux cornes recourbées disparaissant dans ses cheveux parcourus d’éclairs. Ici, un amas de ronces sans véritable forme serpentant le long du sol et des parois pour faire des insectes grouillant dans les environs son petit déjeuner. Plus loin, une troupe de guerriers humanoïdes imberbes, recouverts de scarifications rituelles, rassemblés autour d’un feu sur lequel brûlait une chair d’origine inconnue mais excitant suffisamment leur appétit pour qu’une bave épaisse goutte de leurs mentons.
“-Tu les trouves plus nobles que des animaux?
-Certains le sont.” Rétorqua Decimus en pensant à Bark, avant de se rappeler de la technique qu’il avait tenté d’user contre Alasker. Jamais il n’avait vu son faciès si imperturbable se déformer d’une telle manière auparavant.
Alasker s’amusa de l’hésitation soudaine dans son attitude.
“-Des bêtes. Tarcus et tes frères de batailles en sont parfaitement conscients. En cela, ils se mentent moins que Sélène et ses filles. Pourquoi tu ne l’acceptes pas toi aussi?
Parce que j’ai besoin de croire en quelque chose. Souffla une petite voix dans sa tête.
“-Je ne sais pas.
Alasker fronça les sourcils en le dardant d’un air sévère pendant quelques instants.
“-Hé bien cherche. Pour trouver ta place dans une meute, il faut d’abord avoir conscience que tu te trouves dedans. Ca me paraît...Heu...Fondamental.
-De quel côté vous êtes?
L’abrupte question le fit sursauter. D’autant plus qu’elle provenait de sa propre bouche. Le regard du Juge se fit plus doux. L’amusement était perceptible dans ses yeux.
“-De celui du Vein, fiston.
-Et le Vein est du côté de Tarcus ou de l’Impératrice?
-J’essaie de le découvrir. Pas toi?
Soudainement, la naissance d’une clameur. Le retour d’éclaireurs empressés enjambant la barrière naturelle de roche délimitant l’accès à la crevasse. Le boucan de centaines d’âmes marchant au rythme d’un seul pas.
“-DEBOUT, LARVES.” Gronda Vorasha en remontant vers la surface, accompagné d’une demi-douzaine de guerriers hérissés de piques et de lames, Holvar faisait étrangement partie de ses accompagnateurs. "PRÉPAREZ-VOUS AU COMBAT !
La voix courroucée du mage de la cohorte peinait à s’élever ne serait-ce qu’à moitié aussi fort que le reptile, mais un courroux et une indignation véritable était clairement perceptible à travers sa voix :
“-Votre seigneur a disparu ! Trahison ! Aux armes!”
Le cœur de Decimus ne fit qu’un tour. Il se leva pour se diriger vers la surface et découvrir les rangs de soeurs alignés, dirigés par une Prudence aux joues écarlates.
“-Oh merde.
Alasker vint se placer à ses côtés et lâcha un long chapelet de jurons qui aurait fait pâlir un malfrat des bas-fonds de Madorass.
“-Alasker ?
-Parle vite, fiston.
-Je vais avoir besoin d’aide pour éviter une guerre.

Le camp des Filles des Cendres encerclait les eaux claires et bouillonnantes d’une énorme cuvette creusée par les sorts des plus talentueuses des sœurs. C’était un imposant réseau de centaines de tentes faites de peaux et de tissus entremêlés, toutes teintes de nuances de rouges et de bleus, constamment éclairées par la magie lumineuses d’innombrables scarabées luminescents, emprisonnés dans des sphères de verres flottant au gré des vents magiques du Vein. Les étrangers, aussi grossier dans leur surnom que dans tout le reste, l’appelait “Le Nid des Lumières” alors que les sœurs lui préféraient “Miroitement”, en référence aux reflets de l’eau renvoyant les lueurs des scarabées esclaves. En temps normal, le camp était à toute heure la source d’un milliers d’éclats de rires et de chansons, car les Filles de L’impératrice aimaient défier le Vein et sa nature chaotique en osant pratiquer toutes les formes d’arts sur leur territoire. Des tableaux de peintures entamés, des sculptures, des instruments de musiques et d’innombrables livres encadraient l’entrée de chaque tentes, que des esclaves serviles passaient leur existence à entretenir et soigner pour remercier les cruelles et superbes créatures détenant les clés de leurs chaînes. Chaque année, des centaines de ces pauvres ères, simplement fautifs d’avoir traversé le territoire de l’Impératrice, finissaient par mourir sous les coups de leurs maîtresses impitoyables, mais aucun n’avait jamais cherché à s’enfuir. On racontait qu’elles les ensorcelaient. Que les Filles des Cendres brisaient leur esprit pour s’assurer de leur éternelle servilité. Une théorie que personne n’avait jamais cherché à vérifier.
“-Mère a disparu.
A l’entente de ces mots, Prudence avait poussé un profond soupir. A la fois las et courroucée, elle avait repoussé d’un coup de coude le mignon enchaîné à son lit et endormi contre elle pour bondir hors de sa couche, saisir sa cotte de maille et son sabre d’un seul geste avant de se vêtir à la va-vite. Derrière les peaux de la tente royale, à l’entrée, Saskia, en larme, l’avait informé de la situation. Leur mère adorée s’était volatilisée. Les élues parcouraient le camp de long en large en psalmodiant rituellement les paroles d’un triste chant. Durant toute leur vie, elles n’avaient vécu que pour protéger l’Impératrice, et une telle disparition ne pouvait qu’être, dans leur prisme de vision, de leur faute. Leur activité suspecte avait tôt fait d’attirer le regard de leurs autres soeurs, qui s’étaient mises à suivre le trio dans un cortège silencieux et inquiet. Bientôt, le camp, si bruyant et débordant de vie à l’accoutumée, s’était presqu’entièrement tût, et seul le chant funèbre des élues sans mère osait encore percer le silence.
Deux heures de recherche infructueuse plus tard, le choc de la disparition avait cédé la place à une juste colère, car cette disparition ne pouvait signifier qu’une chose et une seule :
La trahison.
La guerre.
Peut-être même la mort de leur mère adorée.
Et Prudence, portée par la colère d’un millier d’orphelines éplorées et revanchardes, avait pris la tête de l’armée de l’Impératrice disparue.
Revenir en haut Aller en bas

Contenu sponsorisé



________________


________________



L'ordre dans le chaos [Solo]  _
MessageSujet: Re: L'ordre dans le chaos [Solo]    L'ordre dans le chaos [Solo]  Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

L'ordre dans le chaos [Solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Feleth :: Le Vein, le monde du dessous :: Lac des âmes perdues :: Falaises d'obsidienne-