Tour de garde. [ShuiLong Zhang]

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La nuit tombait lentement sur Feleth, c'était l'heure pour les rêveurs de regarder le coucher de soleil sur les grandes plaines. Etan lui était à des lieues de cet état d'esprit, c'était l'heure pour lui de sortir de son lit miteux, les yeux endormis il avait l'impression de n'être entré dans le dortoir qu'il n'y a quelques minutes alors qu'il avait pu profiter de trois heures de sommeil, ça n'avait pas de quoi faire rêver la plupart des gens, mais pour quelqu'un de son rang c'était comme lui donner des vacances. Une fois en tenue il sortit de la caserne, ce soir il allait surveiller une partie du rempart est, il réfléchissait durant son trajet, cette partie n'était pas réputée pour être la plus chaude du château, loin de là et la température commençait déjà à chuter dangereusement. Mais du côté positif de la chose il y avait un coin vers la troisième portion de la muraille, une pierre s'était détachée du rempart lors de sa construction et, pour des raisons économiques, on avait décidé de faire sans, ce n'était pas très grave pour la défense de l'endroit et ça donnait de plus un siège assez confortable, confortable pour un garde s'entend.

Il était seul lorsqu'il arriva sur place, aucun moyen pour lui de se souvenir de la personne qui était censée être avec lui, il n'était même pas sur de le connaitre, sûr en tout cas que si ce n'était pas le cas il n'avait aucune envie de le connaitre. Ce n'était peut-être pas tout à fait vrai en fait, il préférait se retrouver avec des gens qu'il connaissait, eux au moins évitaient de lui adresser la parole, par chance c'est un de ceux-ci qui arriva pour assister Etan. Sans un regard vers son camarade le nouveau venu s'appuya sur le bord de pierre et observa la ville en contrebas, si quelqu'un avait vu son regard vide à ce moment il aurait rapidement compris à quel point il estimait le travail qu'il avait à faire comme utile et passionnant, ce qui était le cas d'à peu près tout ses collègues, les patrouilles avaient déjà une utilité limitée, mais les rondes de garde étaient sûrement la pire chose dans la catégorie ennuyante. De temps à autre les deux soldats se détachaient du mur, faisaient un aller-retour vers l'autre bout de leur portion du chemin de garde et retournaient s'assoir, la soirée s'annonçait longue comme toutes les autres. Les lumières de la ville remplaçaient peu à peu celle du soleil offrant un spectacle assez beau aux deux hommes blasés par des années de service.

Deux heures avaient déjà passées, les gardes étaient réglés comme des horloges, se levaient en même temps, revenaient en même temps, seuls les endroits qu'ils regardaient différaient, mais qu'ils regardent d'un côté ou de l'autre de la muraille rien ne bougeait. La moitié de leur temps de faction était presque écoulé et déjà le silence régnait sur la ville qui s'endormait ou cuvait son alcool, sûrement rien ne se passerait aujourd'hui, comme tout les autres jours.

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Le voyage avait été long. En tout cas plus long que Shui ne l’avait prévu. Sans doute la fatigue et la lassitude avaient allongé le trajet. Et l’attaque de brigands de grand chemin n’avait surement pas aidé. Mais la démone n’avait pas voulu s’arrêter ou prendre de pause, sans doute parce que s’il elle l’avait fait elle n’aurait pas pu s’empêcher de repenser aux évènements qui s’étaient produits à Beolan. Quelle défaite honteuse tout de même… Et pourtant elle s’était quand même retenue d’entacher la mémoire du Général. Qu’est-ce qui lui avait pris ? En temps normal, elle ne s’embarrassait pas de scrupules mais la… Il fallait croire qu’a force de vivre au milieu des hommes son cœur s’était ramolli et elle éprouvait de plus en plus des sentiments humains qu’elle aurait reniés autrefois dans le Vein parmi les siens comme de la compassion par exemple. Elle ne savait pas dire si cela était bien ou mal mais en attendant elle était souvent prise de mélancolie ces derniers temps et ca c’était mauvais. Elle avait qui avait renie son passe et sa famille se voyait de nouveau confronté avec les souvenirs de son histoire. Il fallait croire que malgré tout, elle n’arrivait pas oublier. Était-ce du remord, de la culpabilité ?

Avant que Shui ne s’en rende compte, elle était arrivée devant le palais royal, exténuée. Tandis que son cheval ralentissait, elle se redressa et s’étira en baillant sur sa monture. Elle s’était probablement assoupie en rentrant dans la ville. La démone frotta ses yeux engourdis par le sommeil et sauta de sa monture pour s’avancer vers le couple de gardes qui siégeaient devant l’entrée du palais, les bottes pleines de boue et la cape tachée du sang des bandits. Par hasard, son regard rencontra celui d’un des gardes et Shui ne put s’empêcher d’éclater de rire en voyant la figure morne du jeune homme. Un vrai zombie. M'enfin elle pouvait toujours rire, elle devait sans doute avoir l'air affreuse elle aussi après avoir chevauché toute la journée. Heureusement sa capuche recouvrait entièrement son visage. Elle regarda son cheval, ou plutôt le cheval qu’elle avait « emprunté » a l’auberge dans laquelle était restée à Beolan. Elle n’avait pas envie de s’embarrasser d’un animal, un cheval c’était beaucoup de soins quand même. Et puis d’habitude elle voyage a pied, la elle en avait juste eu besoin parce qu’elle devait se hâter de faire son rapport au Roi. Aussi décrocha-t-elle un sac accroché à la selle du destrier et posa une main sur l’épaule du garde, une main qu’elle fit glisser le long du bras de la sentinelle jusqu'à sa paume qu’elle ouvrit avant d’y poser la bride du cheval.

- Je te le donne. S’il ne te plait pas, tu n’as qu’a le vendre et acheter un présent pour ta femme ou ta maitresse, je m’en fiche. L’acte était certes généreux mais son ton était aussi glacial que le contact de sa main. Petit cadeau pour l'avoir fait rire. Puis, au moins il n'aurait pas perdu sa nuit a rester la planté comme un piquet sans rien faire. Voila qui risquait sans doute de l'occuper pendant un moment. Decidement quelle bonne âme elle était ! Elle se recula et se tourna vers le second garde.
- Auriez vous l’obligeance de faire ouvrir cette porte ? Je dois voir Notre Majesté sur le champ.

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Les quartiers résidentiels s'éteignaient peu à peu tandis que l'emplacement de chaque bar de la ville se signalait par une lumière encore bien présente. Une légère buée s'envolait à chaque respiration des deux hommes qui semblaient figés, peut-être par le froid. L'heure de la relève était venue et deux nouveaux gardes prirent bientôt place à l'endroit où se situaient les anciens, recommençant le même manège sourd. Il n'était cependant pas temps pour Etan et son camarade d'aller se coucher, ils parcoururent les étroits couloirs du château pour ressortir plus bas aux environs d'une porte menant à la ville, c'est là qu'ils allaient finir leur nuit. La porte ne s'ouvrit que pour les laisser prendre leur poste et se referma immédiatement après sans un bruit.
Il faisait un peu plus chaud à cette hauteur, mais rien de bien significatif si ce n'était que les quelques bâtiments aux alentours coupaient le vent d'Est qui rafraichissait les nuits de Madorass. Contrairement à leur affectation précédente ils n'avaient ici par à marcher et devaient se contenter de remuer leurs jambes sur place pour ne pas céder à l'engourdissement. Rien ne brisait le silence, même les rires des buveurs ne parvenaient pas à leurs oreilles tant la ville leur semblait loin et petite face à la grandeur du palais. Un léger bruit commença cependant à se faire entendre, au fur et à mesure qu'il s'amplifiait on pouvait discerner que c'était celui des sabots d'un cheval battant le pavé, il se dirigeait vers le château. Une silhouette féminine le chevauchait, elle semblait avoir parcouru une longue distance au vu de son allure fatiguée, les deux hommes la regardèrent avancer sans le moindre mouvement, ils auraient pu être des statues qu'ils auraient semblé plus vivants.

La descente de cheval du cavalier permit aux gardes de remarquer la cape blanche qu'elle portait, ce n'était donc pas n'importe qui qui arrivait à cette heure au château, un grand éclat de rire sorti de sa gorge alors qu'elle regardait un des gardes, Etan ne devait pas non plus avoir un air très respectable, aucun garde n'en avait un face à un membre de l'unité d'élite du royaume. Les rumeurs disaient qu'ils n'étaient pas vraiment normaux dans leur tête et celles-ci semblèrent se confirmer, le cheval qui avait emmené la femme au palais venait de changer de main pour des raisons plutôt obscures, alors que son camarade regardait le cheval sans trop comprendre Etan vit la femme s'approcher de lui avant de lui ordonner de faire ouvrir la porte. Après l'avoir salué avec toute la déférence recommandée il leva la tête vers le ciel et tapa un coup sur la porte, plus haut un troisième homme reçu le signal et la porte s'ouvrit toujours sans bruit. Alors que les battants s'écartaient lentement Etan se demandait pourquoi une simple cape ouvrait tant de portes, rien ne prouvait que la femme appartienne bien à ce groupe de soldats, n'importe qui arborant une cape blanche pouvait s'introduire de nuit dans le palais du roi, vu comme ça la situation était assez étrange, seulement qui oserait s'opposer à une cape blanche ou à quelqu'un qui pourrait l'être ?

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Pfff même pas un remerciement. Ca lui réussissait bien d'être gentille avec les humains pour une fois. Le type à qui elle avait offert son beau destrier s'était simplement contenté de la regarder avec de grands yeux ronds. En même temps... Les gardes n'étaient pas réputés pour la vivacité d'esprit. Ah le gentil bougre. T'inquiètes pas va, ShuiLong comprend que tu es un être intellectuellement inférieur à elle. C'est pas ta faute si tu es obnubilé par ma beauté et ma présence de démone fondamentalement parfaite, héhéhé. Tandis que les lourdes portes du palais s'ouvraient lentement, Shui replaça ses longs cheveux en arrière avec un regard qui traduisait bien la condescendance qu'elle pouvait ressentir vis-à-vis des gardes. Une fois que l'entrée fut ouverte, elle s'avança de quelques pas puis se stoppa subitement pour se tourner vers le deuxième garde, celui qui avait fait ouvrir les portes :

- Sauriez-vous par le plus heureux des hasards si le Roi est dans ses appartements ?
Oui elle était subitement prise d'un doute. Après tout, il arrivait parfois que le Roi s'exile de temps à autres dans sa maison à Venill, loin des affaires royales. Toutefois elle doutait qu'un simple garde soit au courant d'une telle information. Enfin on ne savait jamais... Et qu'il y soit ou qu'il n'y soit pas, ça ne l'empêcherait pas de passer une bonne nuit de repos dans ses appartements à elle. Plus tard elle donnerait son rapport au Roi, mieux ce serait. Après tout, les nouvelles n'étaient pas fameuses...
Mais un frisson parcourut la démone qui fit immédiatement volte-face. Au loin, une autre silhouette s'avançait, une silhouette vêtue d'une cape blanche. La démone rencontrée à Beolan ? Possible, elle aussi avait sans doute un rapport à faire au Roi. Shui fronça les sourcils et vint à la rencontre de l'individu. Sans un mot, il essaya de la contourner mais c'était sans compter l'intervention de la démone qui posa une main sur son épaule et l'intercepta pour pouvoir observer son visage. Ce n'était peut-être pas forcément poli mais bon, elle avait envie de le faire et c'était tout. Le visage qu'elle entraperçut sous la cape était celui d'un jeune homme quelconque et ne lui disait rien du tout. Deux crocs luisants dépassaient de sa bouche. Y'avait-il tant de nouveaux que cela chez les Capes Blanches ? Et surtout des vampires ? Shui n'avait pas la prétention de connaître tous ses collègues mais celui-là ne lui disait rien qui vaille. Peut-être parce qu'elle haïssait les vampires... D'un grand geste de bras, sa main fut repoussée :
- J'ai affaire avec le Roi ! Laissez-moi passer.
Ah voilà donc quelqu'un de tout aussi poli qu'elle. Un plaisir.
- Olà, l'ami, doucement. Cela tombe bien, je dois moi aussi voir le Roi. Allons-y ensemble, voulez-vous, hum ? En baissant les yeux, elle aperçut des tâches de sang partiellement effacées sur la cape du jeune homme, comme si on avait tenté de les effacer à la hâte. Ah décidément ces brigands de grands chemins sont de plus en plus nombreux ces derniers temps vous ne trouvez pas ? Sans doute le type devait trouver Shui bien trop causante à son goût puisqu'elle put clairement entendre un claquement de langue agacé sortir de la bouche de son interlocuteur. Agréable ce type.
Un bruit de lame qu'on dégaine la fit bondir en arrière. Un mince filet de sang jaillit de sa hanche droite. C'était juste cette-fois, heureusement elle avait prévu l'attaque. Un assassin déguisé en Cape Blanche, ce n'était pas la première fois. Mais celui-ci semblait bien habile. Un sourire cruel se dessina sur les lèvres de la démone qui dégaina un sabre et fonça vers l'ennemi. Les deux épées s'entrechoquèrent, tandis que d'autres insurgés jaillissaient des buissons alentours, armés jusqu'au coup. Quelques flèches en direction des gardes chargés d'activer les portes. Quels que soient l'origine de ces rebelles ou leurs attentions, ils étaient très peu malins pour s'attaquer de front au château en si petit groupe. Alors que les rebelles s'approchaient et que Shui s'apprêtait à bondir sur l'assassin, il esquiva et changea soudainement de stratégie pour tenter de s'engouffrer entre les portes qui se renfermaient.

Hors Jeu:

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