Mon âme, c'est quoi? [PV KHARAKALA]

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Allongé sur une sorte de banc de pierre recouvert d’une épaisse couche de mousse rigide apparemment artificielle, Vincent Destroy observe le plafond sans le distinguer vraiment. Quand il croit reconnaître un pan de la pierre, il se demande juste après si ce n’est pas plutôt une chauve souris dormant. Etant dans une grotte, la première idée qui lui vient est qu’il y a des chauves-souris. Cette idée est renforcée par une impression qui lui vient de temps en temps, il croit voir bouger quelque chose dans le noir et se raisonne assez vite puisque l’impression disparaît aussitôt.
Pris par un vertige léger et désagréablement persistant, le jeune magicien passe sa main glacé par l’air ambiant sur son front qui, lui, augmente en température. Le son régulier d’une goutte d’eau tombant sur le sol attire soudainement son attention, une goutte d’eau tombant non loin de la jeune femme qui l’observe silencieusement. Sans oser bouger la tête d’une distance, il essaie de suivre la course de la fuite pour en voir l’origine et la trouve assez facilement : c’est un petit, misérable, ruisseau qui prend sa source sur une lézarde du mur qui débouche sur une nappe phréatique d’après le Marionnettiste. Il se demande si la jeune sorcière le sait et ira colmater la brèche, mais une pensée encore plus censée vient l’effleurer : qu’est ce qu’elle fait dans un endroit pareil ? Certes les sorcières ont une réputation assez sombre et délicate, mais il faut reconnaître qu’en tant qu’être vivant, il y a un minimum à se pourvoir et il pense qu’un logement insalubre ne devrait pas en faire parti.
S’impatientant assez rapidement, Vincent tourne son corps vers la médecine des âmes et pose sur elle un regard des plus inexpressifs, loin d’exprimer son profond stresse. Plongeant ses yeux sombres dans les siens, son cœur cherche à s’exprimer. Comment en est- il arrivé là ?

La monture du marionnettiste galopait sans relâche, son cavalier était tenace et sans merci. A chaque fois qu’il sentait l’animal en décélération, plusieurs coups de cravache le faisaient bondir plusieurs kilomètres à la suite. Autour de lui, la poussière du désert formait un immense essaim qui faisait tousser le monteur et le monté. Autour de lui, il n’y avait rien à part de grandes étendus de terres et de poussières, dans un calme et un silence seulement troublé par la cavalcade. Devant lui se trouvait un fugitif qui cherchait à s’échapper en comptant sur la vitesse de sa monture et sa ténacité à vivre libre et sans maître.
Les yeux et la bouche du magicien augmentait en température pendant que la poussière s’infiltrait en lui par tous les orifices ouverts à l’air libre. Sans se démonter, il lève sa main gauche tout en battant sa monture de plus belle, puis récite une formule toute simple permettant de se lier quelques secondes au vent et dissipe sa prison de terre volage. Ce qu’il vit le glaça: un précipice de quelques mètres l’attendait à quelques galops. A sa gauche, sa proie prenait déjà la trajectoire d’un pont et le traversait assez rapidement. Lui, se maudissant d’être si négligeant de sa vue, préfère foncer droit devant pour ne pas perdre du temps à ralentir puis diriger le cheval vers le pont, voulant essayer de passer le vide d’un bond de cheval.
Il augmente la cadence de ses coups, ayant une incidence directe sur la vitesse du cheval, phénomène de l’action- réaction. Ce qui fut bien plus dure c’était de se convaincre qu’il allait survivre à un tel défi. Il essaya aussi de se convaincre qu’il ne pesait rien pour l’animal et qu’il pouvait très aisément le faire, mais sa foi diminua en même temps que la distance se réduisait. Il stoppa net, passant par-dessus le cheval. Heureusement, il s’accrocha de toutes ses forces aux rênes et d’un coup de cravache sur le museau de son sauveur, remonta très vite. Trop vite en fait, la bête galopa en ligne droite jusqu’à fatiguer, Vincent trainant sur la pierre dure et douloureuse. Il ne réussit à aucun moment à lâcher prise, la peur du vide crispa ses doigts à l’extrême. C’est une fois arrêté qu’il finit par se détacher et partir mortifié.

Revenant au moment présent, le maître des marionnettes racle sa gorge pour en sortir tout obstacle à sa voix, puis lance dans un langage sans défaut :

« Par où je commence ? »

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C'était un charmant début de soirée qui s'annonçait ici, dans les montagnes. L'atmosphère qui régnait dans les montagnes était propice à toute magie, c'était d'ailleurs pour cela que je m'y étais établie, je trouvais non seulement l'endroit sinistrement charmant et à la fois très apaisant. Je m'étais apprêtée à consulter les oracles, lorsque un sentiment de malaise m'envahit tout à coup. Il allait venir. Je me résignai donc à une petite séance de concentration et de préparation, comme à chaque fois que je sentais que quelqu'un allait venir me consulter. Sauf que cette fois-ci, c'était différent.

La pénombre avait maintenant prit le dessus dans l'étendue bleutée d'un ciel limpide, sans aucun nuages ni oiseaux. Il n'y avait aucun bruit dehors, et je savais que le moment approchait. Je me concentrais pour en savoir le plus possible, je m'assis en position du lotus et levai les mains en l'air, prenant une grande inspiration d'air pur. C'est alors que la magie opéra, mes yeux devinrent aussi noirs que les ténèbres et mes sens s'aiguisèrent jusqu'à percevoir chaque brins d'émotion, chaque parcelles de sentiment jusqu'à même ressentir chaque petite étincelles de chagrin. Allé étranger, montre toi. Et ce fut seulement après quelques secondes que j'arrivai à le trouver. Je ne percevais en lui que quelques brides de sentiments, je ne savais pas comment une chose pareille était possible, il fallait que je le vois.

Tout à coup, une sueur froid me parcourue le long de l'échine. Je sortis alors de ma transe et il était là, dans la grotte. Je me levai doucement et scrutai les lieux avec attention. Et il était la, assis sur un rocher recouvert de mousse, il regardait le plafond. De la où j'étais, il ne pouvait pas me voir, mais moi, je le voyais. Il était impatient, déterminé et pourtant, il ne savait pas pourquoi il était là. Je décidai alors de me dévoiler et m'avançai lentement afin qu'il puisse m’apercevoir. Alors, j'étais là, à quelques mètres de lui. Il se leva et s'avança de quelques timidement de quelques pas lui aussi. Je savais qu'il ne croyait pas réellement en mes dons d'empathie, qu'il devait penser que les sorcières n'étaient que de simples folles qui pratiquent la magie sans se rendre compte des effets que cela pouvait avoir, mais il se trompait et avant de commencer à l'aider, il fallait qu'il se résigne à croire en moi. Je décidai donc d'avancer encore, et sans un mot, je me retrouvai à environ un mètre de lui. Il devait bien me dépasser d'au moins deux têtes, il était étonnement fin mais paraissait tout de même bien sculpté. Je plongeai alors mon regard dans le sien, et avant même que je puisse commencer à le sonder, il se racla la gorge et dit d'une voix nette:

« Par où je commence ? » Délicatement, je posai mon index sur ses lèvres afin de l'empêcher de continuer de parler, je voulais qu'il prenne conscience que je pouvais très bien découvrir ses souffrances les plus lourdes comme ses joies les plus apaisantes sans même qu'il prononce un mot. Seulement, avec lui, j'avais beaucoup plus de mal que je ne l'avais escompté. Je n'arrivais pas a déceler de profonds sentiments, c'est comme si, son cœur n'était pas encore envahit par la joie, la colère, la douleur, l'amour... Pourtant, si je ne m'abusais, c'était un humain des plus ordinaires, il ne pouvait pas exister un humain qui n'ai pas le cœur emplie de tout un tas de sentiments plus différents les uns que les autres. Alors je revins à moi, consciente que si je ne pouvais pas lire en lui, j'étais à sa merci. Je m'éloignai brutalement de lui, saisis une dagues - bien que je ne savais pas très bien, voir pas bien du tout m'en servir, mais ça, il ne le savait pas - et pris la parole:

- Je ne sais pas ce que vous faites ici, mais vous avez sûrement du vous tromper en venant dans cet endroit, je vous demande de quitter cette grotte immédiatement. Dis-je sur un ton sec et menaçant. Je devais garder la tête froide et ne pas prendre la situation à la légère, je ne voulais pas finir brûlée comme toutes ces autres malheureuses sorcières, s'il fallait me passer de mes dons d'empathie, et bien je m'en passerais et m'en sortirais coûte que coûte. Une goûte de sueur glacée perla mon front... J'attendais maintenant qu'il réagisse, et qu'il parte sans faire d'histoire, ça valait mieux pour lui, ou à vrai dire, ça valait peut-être mieux pour moi.

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Un doigt glacé et fin vient délicatement couper le souffle à Vincent en même temps que son début d’emphase. Non pas l’arrêter de respirer puisque sa poitrine se gonfle et dégonfle à grand coup, mais inonder ses lèvres d’un cadenas hermétique à tout souffle d’air, à tout son provenant de sa gorge et de son esprit. Elle pose sur lui regard plein de sévérité qui le laisse encore plus bouche- bée que le contact de son index. Comme par un certain réflexe d’autodéfense de l’esprit, le magicien regarde par-dessus les épaules de la sorcière en colère et remarque qu’il serait si aisé de prendre la porte et de disparaître dans la nuit noire. Sans même oser bouger une seule cellule de son corps, il écoute la sorcière parler de son intonation fluide et hypnotisant :

- Je ne sais pas ce que
vous faites ici, mais vous avez sûrement du vous tromper en venant dans
cet endroit, je vous demande de quitter cette grotte immédiatement.

Reprenant tout à coup un peu de son esprit après avoir senti le vif de la colère de son interlocuteur et une pointe de menace dans sa voix, le manipulateur de pantin retire la main de la jeune femme de devant son visage d’un geste d’une totale désinvolture, puis repart vers son lit de pierre et de mousse pour s’y allonger en un saut tout à fait inutile et grossier. De quoi montrer son manque de zèle à coopérer et sa détermination à rester malgré les protestations. Il ne sait absolument pas pourquoi la sorcière veut qu’il parte, ou plutôt, il ne cherche pas à la comprendre, mais il sait pourquoi il doit rester et lui parler. Il est déjà si peu attentif à lui-même, ce n’est pas avec les autres qu’il va changer.
Vincent croise les bras derrière sa tête toujours allongé, lève un genou en rapprochant son talon de sa cuisse, puis tourne son visage vers elle. Il se demande s’il doit vraiment jouer la carte de l’incruste sans réserve ou la supplier à genoux. Puis se rendant compte que ce serait une trop grande humiliation, surtout que son rang le lui interdit, il lance avec la même désinvolture qu’il a repoussé son index mais avec plus de sincérité dans la voix :

« C’est comme ça que l’on traite ses patients dans le coin ? Je croyais que vous étiez le médecin des âmes, me serais- je trompé ? »

Il ne sourit même pas, car il n’a aucune envie de gâcher le peu d’énergie qui lui reste à jouer au gentil tout beau. L’hypocrisie ne lui va que trop mal, surtout quand il est au plus bas de sa forme physique et de son morale. En fait, combien de distances à t il parcouru pour arriver jusqu’à elle ? Il n’ose s’en rappeler. Depuis que son cheval l’a abandonné, Vincent trouve la fonction des montures de plus en plus importante et comprend pourquoi que de l’avoir dominé fut un tournant dans l’Histoire du monde.
Il ose à peine respirer attendant qu’elle parle. Il n’a jamais fait autant d’impolitesse de toute sa carrière de mercenaire. Son manque d’éducation et de reconnaissance de son hôte le ferait pendre par les pieds à Troy, ses parents doivent se retourner dans leurs tombes. Pourtant, son âme a besoin de sérieuses analyses, il doute de lui et de ce qu’il est réellement au fond e lui- même. Il a besoin de savoir qui il est et où est sa place, elle seule peut l’aider à le découvrir. Pourvu qu’elle n’ait pas de sort permettant de tuer d’un seul regard…

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Il était allé se rasseoir sur le petit banc de pierre, aucune expression sur son visage. Puis tout à coup, il me tint à peu près ces mots:
- « C’est comme ça que l’on traite ses patients dans le coin ? Je croyais que vous étiez le médecin des âmes, me serais- je trompé ? » Dit-il sans aucune expressions. Cependant, ça revenait, oui, j'arrivais de plus en plus à voir en lui, mais, comment était-ce possible? Il fallait que j'en ai le cœur net. Alors je m'approchai de lui doucement après avoir posé ma dague sur une sorte de pierre qui faisait office d’hôtel pour mes rituels. J'attrapai deux bougie noires au passage, et continuai d'avancer vers lui. Il ne semblait pas broncher, cela était-il bon signe ou non? Je ne voulais pas prendre le risque qu'il m'arrive quoi que ce soit. J'étais sur le point de pratiquer un vieux rituel que ma mère m'avait enseignée, le but était d'ouvrir au sens figuré bien sur, l'enveloppe charnel d'une personne, et ainsi, de ressentir comme si nous étions la personne, chaque émotions qu'elle-même a ressentit dans sa vie. Si le rituel était bien accomplit, je pourrais tout savoir sur cet homme. Le seul défaut de se rituel, est qu'une fois qu'il est achevé, je continuerais pendant un certains temps a sentir ses émotions, même si je ne le veux pas, mais il fallait prendre le risque, j'étais sure que ça en valait la peine.

J'étais maintenant à quelque centimètres de lui. Je ne parlais pas, cela nuisait à la concentration disait ma mère. Alors j’exerçai une pression sur son torse afin qu'il comprenne qu'il fallait qu'il se couche sur le dos. Ce qu'il fit quasi instantanément. Je plaçai ensuite les deux bougie au niveau de ses tempes et en un regard, les allumai toutes les deux. Je plaçai ensuite ses bras le long de son corps en lui faisant signe de se détendre, seulement ça, il avait beaucoup plus de mal. Ses mains tremblaient légèrement, j'utilisai donc mon pouvoir d'empathie afin de lui faire comprendre qu'il ne craignait rien de moi temps qu'il ne me ferait rien. En quelques secondes, il s'était détendu. Le rituel pouvait commencer.

Je commençai par monter à califourchon sur l'étranger, fermai les yeux et frottai les paumes de mes mains pendant quelques minutes, tout en répétant à voix basses une petite incantation d'ouverture de rituel. Une fois que cela fut achevé, il fallait passer aux choses sérieuses. Je n'avais jamais pratiqué ce rituel, mais je me sentais prête. A la dernière seconde, j'adressai un léger sourire à l'étranger et dis:
- Surtout, n'essayez pas de résister. Je croisai alors mes mains sur ma poitrine, pris une profonde inspiration et je rapprochai mon visage de celui de l'homme en expirant bouche ouvert contre la sienne. C'est alors que la magie intervint, un léger filet de fumée noire sortit de ma bouche pour rentrer dans la sienne. C'est alors que des images vinrent prendre possession de mon esprit, et tout un pèle-mêle d'émotions pénétra mon cœur. Je revivais la en directe tout ce que le jeune homme avait subit; ses joies, ses tourments et bien plus encore. Cela semblait durer une éternité pour moi, mais en temps réel ça ne durait pas plus d'une seconde.

C'est alors que je repris mes esprits, les deux bougies s’éteignirent et je tombai aux cotés du jeune homme, sombrant dans l’inconscience la plus totale.

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Vincent voit quelque chose passer sur son visage, une expression fugace et incontrôlée. Il se redresse tout à coup pris d’une méfiance instinctive, il a soudainement envie d’invoquer son automate favori. La sorcière l’observe un moment en silence, comme prise par d’innombrables réflexions quant à la manière dont elle doit prendre le jeune magicien. Quand elle semble avoir pris une décision satisfaisante, elle s’approche de l’incruste avec un calme et une lenteur calculée, ses mains vides attrapent à la volée deux bougies d’une noirceur digne de la tanière. Elle s’arrête à un souffle de Vincent qui reste immobile, attendant de voir la suite.
La main de la jeune femme vient presser avec une tendresse appuyée sur le torse du marionnettiste qui laisse tomber son dos sur la dalle recouvert de mousse en se convaincant en lui- même qu’elle veut finalement l’aider, que le fait qu’elle ait posé sa dague loin d’elle signifie qu’elle n’est plus hostile à sa présence. Pourtant, il cherche dans ses yeux un retour de confiance qu’il veut lui donner et se rend vite compte que la sorcière est complètement ailleurs, bien plus, dans ce qui ressemble à un rituel magique. Quand un mage est en transe, il vaut mieux ne pas le déranger si ce n’est lorsque l’on est en danger. Et il ne croit pas l’être pour le moment.

Il souffle un coup pour se calmer. Les deux bougies viennent se placer sur les côtés de sa tête, Vincent voit à l’œuvre les pouvoirs de la sorcière qui les allume par sa seule pensée. Ce n’est donc pas du toc cette histoire, elle a vraiment des pouvoirs, comme lui. Il est un peu plus rassuré, mais pas assez. C’est le contact de la main du médecin des âmes sur son bras placé le long de son corps qui le calme pour de bon. Il respire doucement par le nez et laisse son esprit se vider de toute pensée. Pour la première fois de sa vie, il ne réfléchit plus.

Appuyant sa main ouverte sur son torse, elle lève une jambe et la passe par-dessus le corps de Vincent puis s’assoit sur son bas ventre dans un automatisme maîtrisé. Il ressent quelques tremblements de sa part, mais ils passent assez vite ; lui- même tremble légèrement en sentant le corps léger et glacé épouser sa taille lorsqu’il se met à l’aise en quelques basculements contrôlés, jetant un rapide coup d’œil irrésistible sur ses jambes blanches nues, de part et d’autre de la roche. Ses yeux se ferment sans pour autant cesser de s’agiter sous leurs paupières. Une voix qu’il entend caverneuse, comme venue de loin, finit d’achever ses remparts :

- Surtout, n'essayez pas de résister.

Il n’a pas envie de lui résister. Sans la voir, il sait qu’elle fait des gestes avec ses bras et sent le corps de la jeune femme bouger sur lui. C’est lorsque la bouche de la sorcière rencontre la sienne qu’il ouvre subitement les yeux et se sent pénétré par un souffle chaud et puissant qui maintient son esprit dans un flou total avec la puissance d’un carcan métallique. C’est à la fois la chaleur du souffle et la douceur de ses lèvres qui maintient un lien direct entre les sens de Vincent et le monde extérieur durant le très bref moment de flou. Une fois finit, elle se redresse rapidement, les yeux à demi-clos, puis s’effondre contre Vincent, les cheveux de la jeune femme viennent recouvrir entièrement le visage du marionnettiste.
Le patient n’est pas très loin de l’état du médecin, son corps refuse d’abord de bouger car il y a inadéquation entre la volonté de son esprit et le résultat, comme-ci une agitation intérieur bouche les voies du cerveau. Plus le temps passe, quelques minutes pour être exact, plus il se rend compte qu’elle est bien plus lourde qu’elle n’y paraissait. Il pourrait forcer son propre corps à obéir, mais il sait qu’il réagirait comme un automate dysfonctionnant, qu’un mouvement brusque en résulterait et la ferait tomber lourdement sur le sol. Il attend donc une heure que tout redevienne comme avant, espérant que la mousse sera toujours aussi moelleuse avec deux corps empilés sur elle.

Ses muscles devenant sien, Vincent dresse son buste en tenant de sa main droite la tête de la sorcière contre sa poitrine, son bras gauche autour de sa taille, juste en bas de son dos. Elle dort, son corps se meut au rythme de sa respiration régulière et calme, dont le souffle monte jusqu’en bas de son menton. Comme pris d’un capricieux élan, il laisse choir la tête de la jeune femme en arrière puis rapproche son visage du sien. Il est marrant de remarquer à quel point une sorcière endormi peut ressembler à une princesse dans le même état. Peut- être qu’il faudrait que… Vincent sourit intérieurement en se rappelant qu’il hait ce genre d’histoire, puis se lève, la femme dans les bras et la pose délicatement à sa place, sur le tapis de mousse.

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C'était une expérience pour le moins fascinante. Oui, c'était éprouvant, il fallait faire preuve d'une grande volonté et ne pas être trop fragile psychologiquement, mais je savais que je pouvais le faire, je savais que j'étais prête, et j'avais réussi.

Au début, j'ouvrai difficilement les yeux et sentis une légère douleur au niveau du cœur. Comment cela était-il possible? Je vins à trouver appuis sur mes coudes, cherchant du regard le jeune homme qui m'avait permis de me mener mon rituel à bien. Mais où était-il? Je me levai tant bien que mal, et me dirigeai vers l'endroit ou je rangeais mon grimoire, un épais bouquin en cuir et cadenassé, ainsi que toutes mes potions et autres ingrédients magiques. Il n'était pas la. Après tout, il devait sans doute traîner à l'air libre, c'était une expérience à la fois éprouvante pour la sorcière, mais aussi pour le patient en général, et je doute qu'il ait aussi bien tenu le choc que moi... Enfin, après tout je m'étais endormie. Je décidai donc qu'il fallait que je me purifie de toute pensée négative et positive, et pour cela, il y avait quelque chose de bien plus efficace que la magie, l'eau de roche. Je me dirigeais vers une sorte de grande salle ou l'eau avait creusé dans la roche, ayant ainsi crée un grand bassin d'eau fraîche et limpide. J’ôtais ma robe et en un saut plongeai dans l'eau. A ce moment là, j'avais l'impression que tous mes malheurs étaient derrière moi, oui, j'avais beau être une démone, je n'était pas à proprement parlé habitée par le mal. Je pouvais aussi ressentir la bonté, bien que ce sentiment me dérange, ainsi que la colère, la jalousie et encore l'am... Non, je n'avais encore jamais ressentis les affres de l'amour. Ce n'était pas pour moi, l'amour détruit les sens et vous fait oublier qui vous êtes vraiment. Et puis après tout, qui voudrait d'une démone accro à la magie noire? Je doute qu'un jour un homme ne soit intéressé par moi. Dans un sens, ça m'attristait car mes parents, eux, ont réussi à vivre une vie parfaite, alliant magie et amour, et dans un autre sens, j'étais bien contente de ne pas avoir été frappé par l'amour.

Cela faisait maintenant de longues minutes que j'étais dans le grand bassin, et je m’inquiétais de ne pas avoir de nouvelles de mon étranger, était-il partit de peur? Si tel avait été le cas, j'avais très clairement surestimé la force de son esprit. Mais je sentais qu'il était tout près, mais où? Je décidai alors d'écourter mon moment de plaisir, et d'aller mettre un peu plus d'ordre dans mes effets magiques. En un éclair, je fis naître un feu en moi, ce qui eut pour effet de me sécher de la tête au pied. Je remis ma robe, et me dirigeai maintenant vers la pièce principale de la grotte.

Et il était là.

Nous nous regardions maintenant dans le blanc des yeux, et je sentais que le moment de tout lui révéler approchait. Mais il y avait quelque chose qui me troublait. Son cœur. Je m'approchais alors de lui d'un pas moyennement lent et avec une certaine réticence, je ne voulais pas prendre le risque de le froisser, ou alors d'avoir eu un pressentiment sur quelque chose de totalement absurde, auquel cas, je perdrais toute crédibilité et il s'en irait en parlant de moi comme une simple sorcière savant allumer des bougies par la pensé. J'étais maintenant à son niveau, je pris une grande inspiration en évitant son regard, et posai ma main à l'endroit où devrait se trouver son cœur:
- Votre cœur, où est-il? Dis-je timidement, toujours en évitant son regard. Devais-je lui dire ce que j'avais vu lorsque j'étais dans mon état de transe? Devais-je lui révéler l'existence de cette carte, de cet endroit enfouit sous les ruines? Je me mordillai la lèvre, ne sachant que faire. Pour la première fois de ma vie, le doute était ancré au plus profond de moi. Mais c'était dangereux et je crois que le fait d'avoir lu entièrement en lui avait fait naître un sentiment nouveau, celui de l'attachement, oui, en quelque sorte, j'étais attachée malgré moi à cet étranger.

Mais ça ne changeait absolument rien. Si je décidai de lui révéler tout ce que j'avais vu, il partirait. Seulement, dans ma vision, il y avait toujours quelque chose de plus ou moins flou à coté du jeune homme, comme une sorte de tâche sombre qui le suivait et l'épaulait lorsque besoin était. Qu'est ce que cela pouvait bien être? Je ne le savais pas, mais si cela était quelque chose de mal, je me devais de le prévenir.

Seulement, ne me prendrait-il pas pour une folle? Mon dieu, faites que non.

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En posant pied à terre, Vincent ne s’était pas rendu compte à quel point ses jambes étaient devenues lourdes. La marche la lui apprend, son pas est difficile et mal assurée. De plus, il lui suffit d’un mouvement pour que le monde extérieur tourne et l’intérieur s’agite comme s’il voulait lui ressortir par les yeux. En se dirigeant vers l’encadrement de la porte, il sent comme un tangage permanent pendant que ses pieds se lèvent puis retombent sur le sol. Si l’on pouvait le voir à ce moment-là, on le croirait venant du fond des océans, essayant de s’adapter à la terre. Lorsque son buste cherche sa droite, le bas va à gauche, alors que la tête se précipite en arrière comme pour équilibrer le tout par une force transversale forte. Après ce qui lui parut une éternité, Vincent pose son épaule contre un bord de l’encadrement, puis souffle comme après une nage plutôt longue. Il transpire à grosses goutes, tenant à peine sur ses jambes de plus en plus lourdes. Pourtant, il est toujours debout, attendant de s’en remettre même un peu, avant de se diriger vers la sortie.

Il en profite pour essayer de se rappeler où elle est, utilisant les brides de souvenir de son arrivée. Comment avait-il osé enfreindre ainsi les règles de la bienséance pour pénétrer l’antre d’une femme ? Lui- même doute en avoir une raison suffisante, mais la ferme impression que la sorcière n’aurait pas eu de mal à se débarrasser de lui devant l’entrée. Il se rappelle avoir ressenti une force indescriptible qui encerclée la grotte, qui n’avait d’essence nulle part, ni dans le bien, ni dans le mal. Seulement une force assez importante pour que Vincent la ressente et ait envie d’entrer pour en distinguer la source.
Ne sentant plus aucun de ses muscles en branle, le magicien se relève d’un appui d’épaule à peine contrôlé et se remet sur ses deux solides jambes bien ancrées. Devant lui se trouve un mur très large dont on ne distingue pas la fin ni à droite ni à gauche, alors qu’il lui- même est en plein milieu d’un chemin droit et perpendiculaire à la direction de sa vue. Il s’engage sur la voie de gauche, ne sachant pas où débouche la droite.

Un soupir de soulagement finit d’atténuer l’ensemble des ses maux de tête, rien n’est plus revigorant pour lui qu’un vent frais et doux à la fois. La grotte n’est pas perché haut sur la montagne, sûrement pour que tout individu voulant lui parler n’ait pas plus de difficulté que cela, mais l’on sent comme un vertige léger car devant soi s’étend un ensemble de collines fait entièrement de pierre et de poussière, comme celle où Vincent est. Le soleil au loin n’est déjà plus qu’un fin filet de lumière en disparition, le mage s’assoit par terre et regarde les derniers rayons disparaître dans un au revoir lumineux et orangée. Quand enfin plus aucune lumière n’éclaire le monde, avant même que les étoiles ne se lèvent, Vincent rentre à l’intérieur retrouver la sorcière endormie.

"- Votre cœur, où est-il?"

Elle pose une main timide et blanche sur la poitrine de Vincent qui ne sursaute même pas. Sa question fut un murmure à son oreille, une invitation dissimulée. Se confier à elle n’allait pas lui rendre ce qu’il a perdu, qu’elle devine si elle est si douée !

« Mon cœur n’est plus où vous croyez, mais vous avez raison, il est bien quelque part, très loin de moi en ce moment. Qu’avez-vous vu ? »

Il changea brusquement de sujet dans l’intension de ne plus avoir une telle interrogation, mais il se doute qu’elle reviendra à la charge tant qu’il resterait avec elle, n’est- elle pas celle qui parle aux cœurs ?

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