PROLOGUE :

Aujourd’hui je suis vieux. Quand je regarde et que j’écoute mes élèves, je me demande si ça n’a pas toujours été le cas. Pourtant j’ai des souvenirs, de beaux souvenirs. De vieux souvenirs, de quand je ne l’étais pas. A cette époque, jamais je n’aurais imaginé être un jour de ceux qui sont la mémoire vivante de la tour. Je me rappelle encore les sempiternels sermons de mes professeurs lorsque, dans mes jeunes années, je provoquais de petits cataclysmes dans le cadre de mes études personnelles. Qui aurait cru que, de toutes mes observations, je finirais par retirer un art magique différent ? La Théorie des Harmoniques, voilà ce qui me valu, finalement, la considération de mes pairs.

J’étais le seul, à l’époque, à utiliser mes recherches et pour cause ! Qui d’autre qu’un inconséquent dans mon genre aurait pu vouloir lancer des sorts autrement que comme ils étaient censés l’être ? Toutefois, il apparut rapidement que cette façon de pratiquer la magie permettait de faire face à un éventail de situation toujours plus large ! Je finis par enthousiasmer certains de mes pairs, au point que je réussis à monter mon propre cours, ouvert aux élèves, et même aux apprentis de la tour. Le plus compliqué a été d’adapter mon enseignement aux capacités de mes élèves : fort peu connaissaient plusieurs domaines de magie, et moi-même n’avait que de vagues notions hors des sorts élémentaires.

Je crois pouvoir affirmer qu’enseigner m’a beaucoup appris. Cela m’a permis d’améliorer mes notes, et de continuer à perfectionner ce qui, je le pense, n’est encore qu’un balbutiement grossier dans l’art de modification des sorts. Si d’autres continuent mon œuvre, je ne doute pas un instant que mes découvertes et mes réflexions pourront menés chacun à une meilleure maîtrise de la magie.

Mais assez de tous ceci ! Vous qui me lisez, vous n’êtes sûrement pas là pour entendre un vieux bougre à moitié aveugle comme moi radoter sur son passé. Ce que vous avez dans les mains est un manuel, le premier manuel de Théorie des Harmoniques. Dans ce manuel, j’ai essayé de mettre toute ma volonté, tout mon désir d’informer les jeunes mages des infinies possibilités que nous offrait la magie, de la façon d’exploiter cette multitude, et des dangers qu’il y a à s’y essayer sans considération. Bien que sur ce dernier point, je ne pense pas être celui qui devrait faire la morale, ce serait malvenu.

Tournez ces pages, mes chers, et découvrez mon monde ! L’ouvrage est découpé en plusieurs chapitres. Le premier s’attarde à expliquer la structure des sorts. Le second étudie la façon d’augmenter ou d’atténuer la puissance d’un sort : c’est la base, et la plupart des magiciens et sorciers en sont capables ; mais c’est pourtant un point de départ important de cet art. Le troisième chapitre, lui, commence à parler de la conversion des sorts. Le quatrième, de la modification formelle. Le cinquième, enfin, vous renseignera sur l’art de combiner conversion et modification, afin d’obtenir d’un sort tout ce qu’il a à vous proposer.
Je vous souhaite une bonne lecture.

CHAPITRE 1 : De la structure des sorts

Les tenants de ce cours sont basés sur la théorie magique des sources, qui enseigne que toutes les magies n’en étaient qu’une au début des temps. Pour plus de détails, nous vous renvoyons aux ouvrages concernés, et nous ne nous attarderons que sur notre propre sujet : la structure des sorts.

Que ce soit par des incantations ou des rituels, la préparation de tous sort passe par deux étapes : le regroupement d’énergie magique, puis la mise en forme de cette énergie, ce qui donnera son effet au sort. L’art des Harmoniques repose sur la modification partielle d’une de ses étapes. Les plus doués peuvent modifier un sort après l’avoir lancé, mais il est préférable de l’altérer par avance, afin d’éviter les mauvaises surprises. Pour illustrer nos propos, nous allons nous attarder sur le sort le plus reconnu, bien que très basique, des mages : la boule de feu. Incontournable de la profession, ce sort demande néanmoins suffisamment de technique pour qu’il soit un exemple parlant.

Leçon 1 : de la quantité d’énergie nécessaire

Comme vos autres professeur vous l’auront appris, à chaque sort suffit sa quantité de magie. La plupart du temps, il s’agit plus d’un standard qu’autre chose, mais dans des cas extrêmes et/ou particuliers, les effets eux-mêmes d’un sort peuvent changer par ce seul facteur. La quantité de magie optimale pour un sort connu vous sera toujours donnée par votre professeur, ou un ouvrage spécialisé. Quand vous en ignorez les risques, évitez de modifier la quantité de magie d’un sort, surtout en état de stress : les conséquences pourraient être gravissimes. Pour ceux qui s’en sentent le courage, une compilation des expériences de ce type, conduites pendant 10 ans sur une large gamme de sorts élémentaires de base, sont disponibles à la bibliothèque : il s’agit des « notes sur la modification des sorts, proto-recherches », qui retrace toutes mes bêtises de jeunesse. Autant éviter que la tour subisse à nouveau cela, étant donné que les informations ont déjà été recueillies.

Lors de la création d’un sort inédit, ou pour lequel vous n’avez pas d’indication, je ne peux que conseiller la prudence. Variez la quantité de magie que vous concentrez, et soyez attentifs aux réactions de votre corps, ainsi qu’à celles de l’énergie magique. Entraînez-vous avec un sort de boule de feu : sans le lancer, variez la quantité magique réunie. Vous vous familiariserez assez rapidement avec cette sensation que tout est à sa place, sensation qui ne se manifestera que lorsque que l’amont d’énergie sera optimal. Apprenez à reconnaître ce moment clé, car il sera toujours le point de départ d’un sort, que vous le lanciez normalement, ou que vous souhaitiez le modifier à l’aide de l’art des Harmoniques.

Leçon 2 : de la mise en forme de cette énergie

Plus subtil, l’art de détecter la mise en forme n’en est, à l’heure où j’écris ces lignes, encore qu’à son balbutiement. Manipuler ce facteur permet d’assurer la mutation d’un sort, alors que le précédent facteur se doit de toujours atteindre des valeurs très précises si l’on souhaite faire autre chose qu’une explosion. C’est avec la découverte de moyens de modifier la mise en forme que la Théorie des Harmoniques a démontré son inépuisable richesse et pris son essor.

C’est dans ce cas très précis de la manipulation structurale du sort lui-même qu’intervient la théorie des sources. Selon cette théorie, la magie était précédemment une et unique, mais aujourd’hui séparée en plusieurs sources, auxquelles correspondent les formes élémentaires de la magie, et bien plus : le feu, l’eau, l’air, la terre, la vie, la mort, les ténèbres, la lumière, etc. Seraient tous des composantes d’une ou plusieurs sources. Aussi, préparer un sort d’un élément fait appel à l’énergie d’une source particulière. A partir de là, on considère que faire appel à un élément particulier donne une structure distincte à l’énergie de cette source, une structure qui peut être changée pour rajouter ou modifier les effets d’un sort, voir l’élément même auquel votre sort se rattache : une boule de feu peut ainsi devenir une boule de roche, par exemple, ou un rayon incandescent.

Bien évidemment, le cours que vous allez suivre se base sur un peu plus de subtilité que cela. Cependant, on observe plusieurs « types » de structures, qui se retrouvent, selon différentes variantes, au sein de chaque source. On observe ainsi des éléments « en angle de pointe », « en angle de toit », « en arrondi de cloche », « en arrondi de bosse »,  « en plat », qui s’entremêlent selon différentes modalités, principalement « en répétition », « en écho », « en charge ». Chaque élément regroupe différent éléments de structure, agencés selon différentes modalités de structure. Un sort mineur d’yeux de la tapisserie, mis au point par les théoriciens des sources, permet de contempler ces structures : et il existe des artefacts à même de vous fournir la vision nécessaire.

De fait, la justesse des propos peut être remise en cause parce qu’elle se base sur une théorie magique particulière, et que les outils qui permettent de s’en assurer sont créé par les théoriciens eux-mêmes. Toutefois, étant donné les résultats obtenus, on ne peut guère douter de l’efficacité du procédé. Peut-être découvrirons-nous, un jour, un autre moyen de modifier les sorts, mais à l’heure actuel celui qui est exposé dans ce manuel reste le plus sûr et efficace.
Avec suffisamment de doigté, même le plus malhabile des mages est apte à modifier une structure. Certaines séquences structurales correspondent à des effets particuliers du sort. Encore une fois, je vous renvoie à un autre ouvrage, « Références des structures et de leurs rôles », écrit par Elion de Norioth, qui fut un élève brillant puis un collègue respectable lors de mes recherches.