Heïan leur donna des explications :

-Keira et son père étaient au quartier général ce matin, avec le Commandant. J’ai dû obéir aux ordres ... personne ne doit entrer tant que l’inspection n’aurait pas été complétée et je doute que ce soit court. Il serait préférable pour vous de retourner en ville. Je viendrai vous prévenir lorsque tout sera rentré dans l’ordre. Au fait, Vaënadiel ...

Liam regarda Vaë, qui se pencha vers son père qui murmura :

-Ta boule de poil est dans le grand chêne juste derrière. Je l’ai vu courir sur le toit et y sauter pendant que les soldats entraient dans la maison.

Aussitôt, sa rose sourit à pleine dent et la tension redescendit d'un cran. Meeko était en sûreté, les soldats ne pouvaient donc pas le trouver et Boris était loin maintenant.

- Aller filez! Ouste! Y’à rien à voir !

Et alors qu'ils commençaient à tourner les talons, son père attrapa sa mère par le bras et la plaqua contre lui, les mains sur sa taille, l'embrassant pour la rassurer en lui disant :

-Je vous aime, madame... veillez bien sur les jeunes pendant que je compte les grains de sable se trouvant devant notre demeure.

Liam sourit avec sa rose qui mêla ses doigts aux siens alors qu'ils s'éloignaient de quelques pas, laissant à ses parents leur intimité. Liam avait toujours trouvé cela…merveilleux, l'amour qu'ils se portaient. Un amour éternel comme il n'en existait que dans les contes…

-Ils sont tellement mignons tes parents. Je les adore.

Il regarda Vaë, croisant son regard en souriant, l'embrassant sur les lèvres tendrement. Eux c'était pareil. Il espérait vivement que lorsqu'ils auraient leur âge, ce serait pareil, voire mieux, un amour encore plus fort et qui ne cesserait de croître au fil des ans. Sa mère les rejoignit, rouge, et ils se dirigèrent vers la ville, cherchant une auberge pour boire un coup, pour digérer les informations et les émotions.

Plus loin dans la ville résidait un vieil homme. Sa maison ne se différenciait pas des autres, vue de l'extérieur. A l'intérieur en revanche, c'était autre chose. Des barils d'ingrédients divers, des instruments d'alchimie, des concoctions en tout genre…l'individu encapuchonné toqua trois fois contre la porte de bois qui s'ouvrit d'un coup en silence. Le vieil homme se tourna vers son client en souriant.

-Cela faisait longtemps…dit-il

Keira retira sa capuche.

-Je sais Archibald. Mais je n'ai guère eu le temps en ce moment. Il est de retour.

Le vieil homme montra ses quelques chicots en ricanant.

-Tu es de retour dans le jeu alors…?

-Oui, mais il y en a une autre.

-Hmm…je comprends mieux le but de ta visite. Que souhaites-tu ?

Keira s'installa, croisant ses jambes et secouant sa longue chevelure blonde. Elle sourit, son plan prêt. Les animaux avaient été peine perdue, ils avaient pris un coup d'avance. En même temps, elle avait dévoilé ses intentions à cette sotte d'Elayne. Mais ça, personne ne s'y attendait.

-Je veux qu'il m'aime et que tout le reste souffre.

Archibald fouilla dans ses livres en ricanant de plus belle.

-Le philtre que je vais te préparer est puissant. Veille à bien t'en servir.

-Explique-moi son principe.

-La victime doit en boire. Dans les minutes suivantes, le liquide s'infiltre dans son corps et prend peu à peu contrôle de son cerveau. Tout s'embrouillera et ceux qu'il a aimé deviendront pour lui pire que des insectes et il n'aura plus de considération pour eux, il ne voudra que les écraser.

-Oui c'est une partie de ce que je veux mais comment faire pour qu'il m'aime ?

-Attends petite impatiente ! En contrepartie tu devras me donner une mèche de tes cheveux que j'insérerai dans la fiole. Aussitôt, son cœur deviendra fou de toi. Il t'aimera plus que tout au monde…

Keira sourit, ravie. Exactement ce qu'elle cherchait. Liam serait à elle. Aujourd'hui. Elle prit la fiole après qu'il eut ajouté les cheveux, donna l'argent et avant de partir, il conclut :

-Mais attention. Le philtre n'agit pas éternellement. Il faudra que tu lui en fasses boire tous les jours pour qu'il continue de fonctionner. Et si l'arrêt du philtre est brutal, il risque de plonger dans un coma qui peut s'avérer fatal.

Keira nota bien ses informations dans sa tête et sortit. Elle ne souhaitait pas tuer Liam, au contraire. Elle remit sa capuche et marcha rapidement en ville. Elle cherchait un moyen de le lui faire boire, lorsque l'occasion inespérée se présenta. Il était installé à une table d'auberge, sa mère en face et sa sauvage à côté. Elle y alla à grand pas alors que le serveur repartait avec leur commande. Apparemment, la sauvage ne voulait rien boire. Tant pis.

Entrant en douce, elle s'approcha du serveur qui venait de déposer les verres. Le verre d'eau devait être celui de la mère. En revanche le verre de vin devait être celui de Liam. Le pauvre…il devait se remettre de ses émotions…il ne devait pas s'inquiéter. Sa chère Keira veillerait sur lui…

Elle fît diversion pour que le serveur ne pense plus au plateau et renversa la fiole dans le verre de vin. Le liquide était inodore et indolore. Elle se détourna rapidement et ressortit, se fondant dans la foule. Aucun membre de la famille ne l'avait vue. S'asseyant au loin, elle voulait observer les effets de cette potion. Archibald lui en avait donné en assez grande quantité pour tenir une semaine déjà.

A table, Liam était déjà un peu plus rassuré. Meeko était en sûreté et donc Keira avait perdu sur ce point. Pas de trafic d'animaux, son père ne risquait rien. Le serveur revint avec leurs boissons. Melley avait juste pris un peu d'eau, n'étant pas une très grande buveuse d'alcool et lui un verre de vin. Pour digérer encore mieux tout ce qui arrivait. Vaë n'avait rien pris, malgré leur insistance.

Il but pratiquement d'un coup son verre, le savourant. Ils ne parlaient pas, réfléchissant principalement.

-Quand est-ce qu'on pourra rentrer ? Demanda cependant le jeune homme.

-Lorsque ton père viendra nous chercher mon bébé. Bientôt je pense. Répondit Melley.

Liam ne fît qu'acquiescer en serrant la main de sa rose. Il devait être fort et ne pas montrer son anxiété, sinon elle n'y arriverait pas non plus. Il termina son verre en même temps que sa mère et ils se levèrent, voulant se dégourdir les jambes. Ils approchaient de la maison, pour voir ou en étaient les recherches, et Liam se sentait bizarre.

C'était…étrange. Était-ce l'alcool ? Non pas aussi vite, pas à ce point…enfin…il ne savait plus. Dans sa tête tout s'embrouillait. Tout devenait confus et il dût s'arrêter un instant. Vaë s'inquiéta tout de suite, tout comme sa mère. Il les regarda, se sentant encore plus étrange. Il avait envie de…qui était-ce ? Des insectes. Il n'aimait pas les insectes. Celui aux cheveux blancs lui prit la main. Il la repoussa brutalement.

-Lâche-moi vermine ! Ne me touche pas!

Il avait un air dur que personne ne lui connaissait. Vaë était pétrifiée, tout comme Melley qui tenta à son tour de le calmer.
Le résultat fût le même.

-Toi non plus ! Vous me dégoûtez.

Il grimaça, pour bien le leur signifier. Mais il devait les suivre, malheureusement. Parce que quelque chose prenait forme en lui, un sentiment puissant qui apparaissait dans son cœur, mais il ne mettait pas encore de visage dessus. Ils arrivèrent devant une maison, une grande maison. Le chevalier marchait derrière les insectes, leur vue lui donnant juste envie de vomir. Un autre homme était là, souriant en les voyant. Le pire insecte qu'il n'ait jamais vu d'ailleurs.
Comme les deux autres, il le repoussa lorsqu'il voulut le toucher.

Heïan, Melley et Vaë ne comprenaient pas l'attitude soudaine de Liam. Son visage était dur, haineux. Dans ses yeux brillaient une flamme de colère lorsqu'il les posait sur eux. Un regard effrayant.

Dans son cœur, l'image s'était faite plus nette. Cette femme…il devait la trouver. Elle seule pouvait l'éloigner des insectes. Elle seule était une humaine…
Sans un mot, il fît demi-tour, se mettant à courir pour rejoindre celle qui faisait battre son cœur. Même les yeux fermés, il pouvait la trouver. Elle était là, pas loin.

Sur le palier de la maison, sa famille était restée bouche bée et pétrifiée par l'événement.

Au loin, Keira jubilait. Il arrivait enfin à elle…

Incompréhension

Les breuvages furent déposés délicatement sur la table puis la personne responsable de leur table s’éclipsa à l’intérieur de l’établissement aussi rapidement qu’il était venu. Melley avait bu une petite gorgée de ce qui semblait être de l’eau alors que Liam vida presque son verre d’un seul coup sous le regard surpris de Vaë qui finit par ricaner faiblement. Celui-ci brisa alors le silence et demanda à sa mère :

‘‘ Quand est-ce qu’on pourra rentrer ? ‘‘

‘‘ Lorsque ton père viendra nous chercher mon bébé. Bientôt je pense.’’

Regardant ailleurs, Vaënadiel sentit la main chaude se on homme serrer la sienne sur la table et un doux sourire se dessina sur ses lèvres. Liam semblait calme en apparence, mais elle savait que ce n’était pas le cas, car ses yeux disaient nettement le contraire. Ils attendirent tout de même un certain moment et lorsqu’ils eurent terminé de boire le reste du contenu qui se trouvait dans leur verre, le trio se releva et quitta la place. Heïan n’était toujours pas venu les chercher et la journée avançait tout de même. Ils en profitèrent donc pour marcher, empruntant le chemin qui menait vers la villa afin de voir comment le tout se déroulait et si Heïan avait survécu à cette longue attente. À un moment, les pas de Liam se firent plus lents et il s’arrêta. Son visage montrait quelque chose n’allait pas et la druidesse s’approcha davantage de son homme afin de voir ce qui n’allait pas. Il était blême ...

‘‘ L-Liam ... est-ce que ça va ? ‘‘

Devant lui, Vaënadiel alla chercher sa main pour la serrer dans la sienne, mais il la claqua brutalement pour la forcer à s’éloigner. Mais ... qu’est-ce qu’il lui prenait tout à coup ?! Ses sourcils s’affaissèrent et elle retenta de l’approcher lorsqu’il cracha d’un ton tranchant :

‘‘ Lâche-moi vermine ! Ne me touche pas! ‘‘

Ver ... vermine ? Liam venait de la traiter de vermine ? Elle sentit son coeur cesser de battre dans sa poitrine et son souffle se coupa d’un coup alors que son teint déjà pâle le devint encore plus. Vaë n’osait même plus bougé tellement elle était sous le choc. Est-ce qu’il blaguait ? Melley fronça les sourcils, passant à côté d’elle afin d’approcher son fils et de l’apaiser, mais le résultat fut le même.

‘‘ Toi non plus ! Vous me dégoûtez. ‘‘

La jeune femme aux cheveux de neige fit un pas derrière et lui tourna dos avec l’aide de Melley qui avait entouré ses épaules d’un bras. Elle était choquée et ne comprenait pas pourquoi Liam agissait ainsi soudainement alors qu’un peu plus tôt il lui avait souri et avait serré sa main. La confusion régnait dans son esprit comme jamais auparavant et elle cherchait désespérément une réponse qui ne lui parvint jamais. Marchant en silence, les deux femmes ouvraient la route en silence alors que le chevalier marchait bien loin derrière. Heïan était toujours là et il se redressa à la vue de sa femme, leur souriant.

‘‘ Voyons, fiston. Pourquoi tu piques cette tête ? ‘‘

‘‘ Monsieur Heïan ... il ... ‘‘

Comme Heïan s’approchait de son fils, celui-ci lui donna une violente poussée sur le torse de ses deux mains pour le garder à distance. Fronçant les sourcils, le paternel regarda sa progéniture avec un regard mauvais. Il voyait la haine dans les yeux de Liam... une haine profonde et qu’il ne comprit pas d’ailleurs. Derrière, Vaënadiel se sentit devenir molle et elle commençait à trembler, à avoir peur de ce qu’elle voyait. Elle allait ouvrir la bouche pour dire quelque chose lorsque Liam fit demi-tour brusquement, aux pas de course. Sans réfléchir, la nordique se lança aussitôt à sa poursuite.

‘‘ VAËNADIEL ! ‘‘

Mais elle ignora le cri d’Heïan qui fut soudainement mort d’inquiétude, serrant la main de sa femme dans la sienne. Tout était en train de s’envenimer soudainement et il était persuadé que ce n’était pas lui fruit du hasard si cela venait de se produire. Liam repoussant brutalement sa douce ainsi que sa propre famille ? Il avait toujours été doux comme un agneau et jamais n’avait levé la main sur les siens.

Courant toujours à vive allure, prenant garde pour ne pas trébucher, Vaë suivait Liam jusqu’à ce qu’il s’arrête devant un immense manoir entouré de somptueux jardins. Liam était là, et semblait attendre quelque chose jusqu’à ce qu’elle voit une femme qui lui semblait familière; Keira. Son sang ne fit qu’un tour dans ses veines lorsqu’elle la vit approcher son homme ... son loup et ... C’était trop et elle tourna les talons pour déguerpir en vitesse, les yeux obstrués par ses fichues larmes encore une fois. Elle se mordit la langue jusqu’au sang et sur le chemin du retour elle croisa les soldats qui s’en retournaient au quartier général, ayant terminé leur inspection, sans remarquer qu’Elayne était elle aussi sur le chemin du retour. D’un coup brusque, la druidesse ouvrit la grille du portique, de la porte d’entrée et s’affala dans les escaliers en pleurs. Mais pourquoi ?! Heïan avait sursauté, venant tout juste d’entrer et s’agenouilla à côté de Vaë qui se camouflait derrière ses cheveux.

‘‘ Vaë ... ? ‘‘

‘‘ Il ... est parti rejoindre Keira ... ‘‘

Et sans qu’on n’essaie de la toucher ou la consoler, elle gravit l’escalier en un temps record pour s’enfermer dans sa chambre. La jeune femme était littéralement chamboulée. Une foule d’émotions la traversait à ce moment et plus que jamais elle avait envie de mourir. Elle était en colère, triste, se sentait seule ... d’un geste impulsif, elle arracha le bijou que Liam lui avait offert pour le lancer contre le mur où il se fracassa en mille miettes. Elle hurla puis se laissa tomber à genoux regardant avec horreur ce qu’elle venait de faire. Meeko avait les poils dressés sur le dos et paniquait sur le lit. Derrière elle, la porte s’ouvrit et Elayne entra, essoufflée et son coeur battant la chamade dans sa poitrine. Elle n’avait jamais vu Vaë dans cet était, elle qui souriait sans cesse même lors des mauvais moments.

‘‘ Laisse-moi! ‘‘

La druidesse se leva en titubant puis sortit ses vêtements de fourrures et quelques autres qu’elle mit dans un sac de cuir à la grande surprise de la soeur de Liam.

‘‘ Mais que se passe-t-il ?! ‘‘

‘‘ JE M’EN VAIS ! JE RETOURNE CHEZ MOI ! ‘‘

Sans le vouloir, Vaënadiel bouscula Elayne pour dévaler le couloir, Meeko à ses trousses.

Liam courait toujours vers cet appel puissant. Cette femme l'appelait. Elle seule savait ce qui était bon pour lui. Elle seule était vraie.
Il courut à en perdre son souffle et ne s'arrêta qu'une fois devant la somptueuse maison qu'était celle de la femme. De grands jardins, une pelouse bien entretenue, une maison parfaite.

Il se mit à attendre, patient, sachant qu'elle approchait de lui. Et enfin elle apparut. Une merveille aux cheveux d'or, longiligne et intelligente. La femme parfaite. Elle s'approcha de lui et il lui sourit, la laissant caresser sa joue d'un geste tendre.

-Tu es là mon cœur…dit-elle d'une voix plus que sensuelle pour lui.

-Je ne partirais jamais plus…répondit-il.

Elle l'embrassa alors farouchement, et il savoura, profita comme jamais. La femme parfaite…
Il ne se doutait pas le moins du monde de ce qu'il était en train de faire. Le philtre agissait réellement bien.

A la villa, c'était l'incompréhension totale. Vaë avait décidé de partir, de retourner chez les siens. Heïan et Melley paniquaient, ne voulaient pas qu'elle parte.

-Vaënadiel reste je t'en prie…il doit y avoir un problème. Tu as bien vu à quel point ce changement a été brusque ! Il y a un souci et il faut que l'on aide Liam ! Ne pars pas…

Mais rien à faire. La jeune nordique était résolue à s'en aller. Melley en avait le cœur brisé. Elle se colla à Heïan, ne retenant pas quelques sanglots.

-Heïan, pourquoi ? Qu'a-t-il fait pour souffrir à ce point ? Pourquoi lui ? Pauvre Vaënadiel…que faire !

Elle s'en voulait d'être impuissante. Elayne était à l'étage, réfléchissant. A coups sûrs, c'était Keira. Elle ne voyait personne d'autre pour faire ce genre de chose. Liam ne serait jamais allé de plein gré jusqu'à elle de la sorte.

Chez les Orson, Liam embrassait Keira comme un fou. Et elle, elle était plus qu'heureuse. Elle avait réussis. Il était à elle, pleinement. Pour bien être sûre de le garder, il fallait qu'elle tombe enceinte…ainsi les règles de bourgeoisies le forcerait à l'épouser. Le rêve…enfin…
Elle le fît entrer, le présentant rapidement à ses parents et l'entraîna en haut dans sa chambre.

-Mon cœur…tu as du souffrir avec eux non ?

-Les insectes ? Je ne sais pas comment j'ai fait pour supporter leur présence aussi longtemps mon amour.

-Heureusement je suis là maintenant…

-Oui…

Il lui caressa la joue, regardant ses yeux bleus, ses longs cheveux blonds qui cascadaient, son corps qui donnait envie.
Pourquoi ne l'avait-il pas vue plus tôt ?

Elayne, Heïan et Melley regardèrent partir Vaënadiel le cœur gros. Ils avaient tenté de la retenir. Elle n'avait pas voulu. Mais Melley ne le voulait pas. Elle ne voulait pas que cela se passe ainsi ! Se dégageant d'Heïan, elle courut vers la jeune femme à la chevelure de neige et lui agrippa le bras, la forçant à s'arrêter.

-Vaënadiel, attends. Je t'en prie, ne pars pas. Il doit y avoir une explication, tu connais Liam comme moi, jamais il n'aurait agit de la sorte dans son état normal. Il doit y avoir quelque chose en-dessous. Il faut réfléchir et enquêter. Reste, je t'en prie.

Elle regardait la jeune femme, la suppliant du regard. Liam n'allait pas bien et faisait une connerie magistrale sans s'en rendre compte. Vaënadiel se devait de rester pour les aider à retrouver le chevalier. Le vrai chevalier et non celui qu'elles avaient vue plus tôt.
Vaënadiel accepta au bout d'un moment et toutes deux rentrèrent dans la villa et Heïan referma la porte une fois tout le monde à l'intérieur. Ils s'installèrent autour de la table, du thé et des pâtisseries devant eux pour qu'ils n'aient pas faim. Même si avec tout ça, ils ne risquaient pas d'avoir faim.

-On va enquêter. Papa est dans la garde. Je suis une ancienne amie de Keira. Je suis sûre que c'est elle qui à tout manigancé. Comme le baiser au bal. Excuse-moi encore Vaë…

Elle inspira et reprit :

-Il faut trouver ce qu'elle lui a fait, et trouver l'antidote ou la solution.

Melley approuva et dit à la nordique :

-Tu vois ? On va tout faire pour le récupérer. Tu devrais le sentir, qu'il t'aime non ? Ne fais pas de bêtise Vaënadiel. Je ne le dis pas juste parce que je suis sa mère. Je le dis parce qu'entre vous deux, il y a exactement le même lien qu'entre mon mari et moi. Il est fort et éternel.

Mais Vaë ne semblait pas convaincue et son visage n'était que tristesse, incompréhension et douleur. Ils continuèrent à discuter, Elayne voyant comment ils pourraient agir pour remonter la piste, Melley et Vaë écoutant patiemment, Heïan ajoutant des éléments.

Liam, lui, ne pensait pas du tout aux siens. Pour lui, ils n'existaient plus ou presque plus. Des insectes c'était tout. Il l'embrassait toujours et elle se faisait déjà entreprenante, glissant ses mains sous sa chemise. Une part de lui, une toute petite, petite part, encore lucide, lui envoya de faibles ondes de prévention. Des ondes lui disant qu'il était pris. Que son cœur appartenait à quelqu'un d'autre. Qu'il devait arrêter et lutter contre le philtre. Mais malheureusement cette partie était trop minime pour avoir une quelconque influence sur le cerveau de Liam.
Il finit bien vite sur le lit de son âme sœur, fût encore plus vite nu sur elle. Elle avait un corps de rêve qu'il ne se priva pas de toucher et d'embrasser. Il s'unit à elle, doucement et elle gémissait de bonheur.

Enfin…enfin il était en elle. Enfin elle était avec lui…et bientôt, elle serait enceinte…si ses calculs étaient bons, c'était la bonne période…

Adieu...

La jeune femme descendait l’escalier rapidement après avoir laissé Elayne en plan. En bas, Melley et Heïan s’approchaient d’un pas pressé pour s’arrêter devant la dernière marche qui donnait sur l’étage principal de la villa. Meeko grimpa alors jusqu’au cou de sa maîtresse et s’enroula dans son cou comme il avait toujours eu l’habitude de faire. La mère de Liam semblait mal; ils l’avaient certainement entendu hurler qu’elle s’en retournait chez elle. De toute manière, il n’y aurait que dans les montagnes où elle cesserait de voir le monde s’écrouler sous ses pieds ou les gens voler les gens qu’elle aimait. Melley s’approcha un peu de Vaënadiel qui avait stoppé brusquement sa course vers la sortie. D’une voix douce elle lui dit :

‘‘ Vaënadiel reste je t’en prie… il doit y avoir un problème. Tu as bien vu à quel point ce changement a été brusque! Il y a un souci et il faut que l’on aide Liam ! Ne pars pas… ‘‘

Baissant les yeux, la druidesse leur cacha son visage et hocha négativement la tête. Il fallait qu’elle s’en aille, car elle ne supporterait tout simplement pas de voir cette femme pendue au cou au cou de son homme, celui auquel elle s’était donné corps et âme. Elle en avait assez vu, avaient assez souffert ces derniers mois avec la mort de sa famille et maintenant c’était Liam. C’était terminé... finis... elle voulait rentrer chez elle et rester auprès de son frère qui était le seul à vraiment tenir à elle.

‘‘ Pardonnez-moi... je... ne peux pas. ‘‘

Le passage lui fut libéré et la jeune nordique tourna la poignée, regardant une dernière fois les parents de Liam qu’elle appréciait tellement. Ils étaient si chanceux... Se forçant, Vaënadiel leur offrit un sourire avant de les remercier silencieusement pour ensuite sortir dehors en refermant la porte derrière elle. L’allée lui prit une éternité à traversée et elle se retrouva dans la rue, son sac de cuir sur le dos. Voyant tout ça et se sentant totalement impuissant, Heïan entoura les épaules de sa bien-aimée de ses bras en se collant à son dos. Il essuya les larmes qui perlaient sur ses joues, partageant sa peine.

‘‘ Heïan, pourquoi? Qu’a-t-il fait pour souffrir à ce point? Pourquoi lui? Pauvre Vaënadiel… que faire! ‘‘

Voir Vaënadiel partir comme ça à cause des agissements de son fils le portait à se questionner. C’est à ce moment que sa femme se dégagea de ses bras pour se précipiter dehors. Dans l’embrasure de la porte, il vit Melley prendre le bras de la jeune femme et l’arrêter brusquement. La druidesse ne s’était pas retournée immédiatement, poussant un long et profond soupir avant de retourner vers elle. Chacun de ses membres tremblait. Pourquoi l’empêchait-on de partir? Il n’y avait plus rien à faire... ce qui lui restait de force pour garder la tête haute s’était volatilisé avec Liam, lorsqu’elle l’avait vu embrasser cette shriekaht (salope).

‘‘ Vaënadiel, attends. Je t’en prie, ne pars pas. Il doit y avoir une explication, tu connais Liam comme moi, jamais il n’aurait agi de la sorte dans son état normal. Il doit y avoir quelque chose en dessous. Il faut réfléchir et enquêter. Reste, je t’en prie. ‘‘

‘‘ Madame Melley... ‘‘

Réfléchir... elle n’arrivait plus à réfléchir alors comment le pouvait-elle?! Tout ce qui se passait la détruisait totalement et elle n’avait qu’une seule envie : fuir. Oui, fuir tous ces problèmes au lieu de les affronter, car elle était lâche au final... une vraie lâche. Melley la regardait, lâchant son bras pour venir chercher ses deux mains et l’approcher d’elle. Vaë cacha son visage dans la chevelure de la mère de celui qui l’avait quitté pour une autre et laissa aller sa tristesse, acceptant enfin de rester pour un temps indéterminé. On l’entraîna alors vers la villa et Heïan referma la porte derrière les femmes alors qu’Elayne était venu les rejoindre au salon où ils s’étaient tous installés. La jumelle de Liam avait pris place à ses côtés et tenait la main de la nordique dans la sienne pour lui faire savoir qu’elle était là pour elle, brisant le silence. Il fallait agir rapidement et elle savait très bien que c’était un coup monté de Keira. Le problème était qu’il fallait qu’ils trouvent la source de tout ce manège et d’y mettre fin avant qu’il ne soit trop tard. La tête basse, Vaë regardait ses pieds et caressait machinalement Meeko de son autre main.

‘‘ On va enquêter. Papa est dans la garde. Je suis une ancienne amie de Keira. Je suis sûre que c’est elle qui a tout manigancé. Comme le baiser au bal. Excuse-moi encore Vaë… ‘‘

Ses yeux aqua se levèrent vers Elayne qui était dépitée, mais elle n’avait pas à s’excuser pour tout ça. S’il fallait que ça arrive, c’est que les dieux le voulaient ainsi. Prenant une profonde inspiration, la brunette poursuivit alors en déclarant :

‘‘ Il faut trouver ce qu’elle lui a fait, et trouver l’antidote ou la solution. ‘‘

Vaë porta ses yeux d’Elayne vers Melley et avait gardé le silence depuis qu’elle était entrée dans la villa. Rester ici lui faisait horriblement mal et sa gorge était constamment serrée. Pourquoi étaient-ils si convaincus que Keira était dans le coup? Ils ne l’avaient pas vu de la journée...

‘‘ Tu vois? On va tout faire pour le récupérer. Tu devrais le sentir, qu’il t’aime non? Ne fais pas de bêtise Vaënadiel. Je ne le dis pas juste parce que je suis sa mère. Je le dis parce qu’entre vous deux, il y a exactement le même lien qu’entre mon mari et moi. Il est fort et éternel. ‘‘

Leur lien ? Il n'existait plus maintenant à ses yeux... Liam était allé voir ailleurs après avoir changé littéralement de camp, reniant même sa famille. Elle ne le reconnaissait plus, ce n’était plus l’homme avec qui elle avait passé ces deux derniers mois riches en émotions. Une partie d’elle lui disait que quelque chose clochait, mais l’autre se refusait catégoriquement d’y croire. Gardant son mutisme, la druidesse ne fit qu’écouter, sans réellement écouter les échanges qu’il y avait entre Heïan et sa fille principalement.

‘‘ Vaë ‘‘

‘‘ Oui... ? ‘‘

‘‘ Avez-vous vu Keira aujourd’hui, où remarquer quelque chose d’étrange pendant la journée? ‘‘

‘‘ Non... après être venus ici, nous nous sommes rendus à une auberge pour passer le temps. ‘‘

‘‘ Bien... et ensuite, qu’avez-vous fait? ‘‘

‘‘ Rien, nous sommes revenu après que madame Melley et Liam eurent terminé leur verre. ‘‘

‘‘ Et peu de temps après il s’est mis à se sentir mal et se comporter étrangement, c’est ça? ‘‘

Vaënadiel ne fit qu’acquiescer d’un signe de tête alors que le regard lavande d’Heïan se posa sur sa femme puis sa fille en fronçant les sourcils. Ils avaient une piste pour commencer l’enquête et entre temps, le capitaine avait bien l’intention de mettre Keira sous surveillance et ça, ce serait une belle mission pour Omar. Heïan devait continuer son travail habituel pour ne pas s’attirer de quelconques soupçons et Elayne serait ses yeux et ses oreilles une fois qu’elle serait en cours. De toute manière, la blonde se trouvait dans chacune de ses cours. Melley elle, serait son deuxième bras et veillerait à ce qui se disait entre les commerçants puis qu’elle travaillait toujours à la boutique de Serra qui s’obstinait pour y rester quelques heures par jours, tout comme Naëlyah.

‘‘ Bien ... demain, nous serons sur le coup et nous devrons agir rapidement, mais discrètement. Il faut trouver la cause de ce renversement, car il y a réellement quelque chose que cloche. ‘‘

‘‘ Parfait ! ‘‘ S’exclama Elayne tout en se redressant. ‘‘ Viens, Vaë ... tu as besoin de te reposer un moment. ‘‘

La soeur de Liam entraina donc la jeune femme à la chevelure de neige jusqu’à l’étage supérieur et allait poser la main sur la poignée de la porte de la chambre de son frère lorsque Vaë fit un bond derrière. Elayne comprit qu’elle ne désirait pas retourner dans la pièce et il était peut-être préférable de ne pas non plus la laisser seule pour aujourd’hui, ni pour la nuit. Ainsi, Elayne l’attira avec elle dans sa chambre et lui prit son sac qu’elle déposa sur son bureau. Vaë s’asseya sur son lit et la brunette vint la rejoindre, lui brossant les cheveux doucement.

‘‘ Ça s’arrangera, Vaë... ça s’arrangera... bientôt. ‘‘

La jeune femme ferma les yeux, triste et ne dit rien. Elle se laissa dorloter puis se coucha en boule sur l’immense lit d’Elayne qui caressait ses cheveux en souriant doucement. Vaë ne trouva pas la force suffisante pour lui répondre et ferma les yeux, serrant Meeko contre elle avant de s’endormir. Son sommeil était agité et le lendemain elle se réveilla en pleurs. Son coeur battait la chamade alors qu’elle tâtonnait sa poitrine pour chercher le pendentif que Liam lui avait offert... rien. Comme une gifle, le souvenir lui revint en tête; il était en mille morceaux dans la chambre... sur le plancher... Elayne s’était réveillé et avait serré la jeune femme contre elle pour l’apaiser, mais c’était peine perdue. Il s’était passé quelque chose que ni l’une ni l’autre ne pouvait expliquer, mais qu’elles avaient senti. Melley toqua puis entra s’asseyant aux côtés de deux jeunes femmes et les serra toute les deux dans ses bras alors qu’Heïan était parti au quartier général. Ce ne fut pas bien long qu’il fît signe à Omar de le suivre dans son bureau.

‘‘ Que se passe-t-il par tous les dieux, Heïan ? ‘‘

Le capitaine ferma la porte derrière son collègue et l’invita à s’assoir sur une chaise alors que lui s’asseya sur le sien de l’autre côté du meuble de bois massif, l’air grave.

‘‘ Une dispute de jeune qui tourne au vinaigre et qui prend une ampleur trop grave pour être ignoré... ‘‘

‘‘ Tu veux dire? Sois plus clair. ‘‘

‘‘ J’ai besoin de toi, mais personne ne doit être au courant de quoi que ce soit. Je veux que tu surveilles Keira Orson. Je veux savoir où elle va, ce qu’elle fait et avec qui elle est dans les moindres détails. Mon fils nous a reniés pour se jeter dans ses bras hier... mademoiselle Orson désirait avoir Liam pour époux, or, il a refusé et est parti découvrir le monde. ‘‘

‘‘ Il vient tout juste de revenir si je ne me trompe pas ... les Orson sont des gens influents Heïan. Tu sais aussi bien que moi qu’ils détestent qu’on leur refuse quelque chose! Peut-être que ton fils a changé d’avis non? ‘‘

‘‘ Mon fils n’aurait jamais hurlé sur sa mère ni même bousculé son père. Sa petite amie est en charpie à l’heure qu’il est et personne ne comprend ce soudain changement de caractère. Il nous déteste, je l’ai vu à ces yeux alors que quelques heures plus tôt, tout allait à merveille. ‘‘

Omar soupira et baissa la tête avant de regarder son chef en fronçant les sourcils. Cependant, il lui fit un sourire malicieux qui laisse présager le pire pour Heïan qui lui demanda :

‘‘ Que veux-tu ? ‘‘

‘‘ Une augmentation de mon salaire, chef ‘‘

‘‘ ... bien puisque ton aide me sera plus que bénéfique. Je peux toujours t’accorder ce bonus. ‘‘

‘‘ Tu vas voir, mes yeux de lynx ne perdront pas cette petite pimbêche une seule seconde, mais ensuite je veux quelques jours de congé! ‘‘

‘‘ Accordé. Maintenant au travail! ‘‘

‘' Oui mon Capitaine! ‘‘

Omar lui foutit une claque derrière le dos qui lui fit perdre son souffle aussitôt. Une fois la porte refermée, Heïan eut un sourire de satisfaction et termina de rédiger des rapports avant de débuter son tour de garde avec quelques-uns de ses hommes ainsi que des nouvelles recrues. Pendant ce temps, Elayne était retourné en cours et aucunes de ses anciennes compagnes de classe n’osaient lui porter attention, chuchotant entre elles. La brunette tentait de s’en soucier le moins possible et gardait l’oreille grand ouverte à une éventuelle fuite d’informations. En fin de journée, une cloche tinta et les bourgeois quittèrent l’établissement. Melley attendait sa fille avec Vaënadiel qui se faisait bien petite à ses côtés.

‘‘ Comment vas-tu, soeurette? ‘‘

Ce surnom surpris Vaë qui leva les yeux vers Elayne qui lui souriait, finissant par lui en arracher un, aussi petit fût-il. D’une voix basse, la druidesse répondit :

‘‘ Un peu mieux... merci. ‘‘

‘‘ Oh! Vous ne savez pas quoi les files! ‘‘ S’exclama Keira qui avait vu la petite famille à moins de trois mètres d’elle. ‘‘ Liam est trop... hm! Un homme comme je les aime! Ah et ce corps... ouh, j’en ai encore des frissons...! ‘‘

Elayne déglutit et reporta aussitôt son attention sur Vaë qu’elle s’empressa d’éloigner des lieux avec l’aide de sa mère. La druidesse avait tout entendu bien sûr, n’en avait pas perdu une goutte... elle avait tout compris et cela ne fit qu’ajouter un peu de noirceur sur son coeur qui se refermait déjà.

‘‘ Ne l’écoute pas ... elle ne veut que te réduire en miettes. ‘‘

‘‘ C’est déjà fait ... elle a réussi. ‘‘

Elle se détacha de Melley et Elayne pour continuer la route seule, le visage caché par l’ombre de sa longue chevelure. Entrant dans la villa, Vaë monta d’un pas lent à l’étage et alla dans la chambre d’Elayne pour récupérer son sac. Fouillant dans ses affaires, elle sortit la chemise qu’elle avait volée à Liam et qui lui servait de vêtement de nuit. Elle porta le tissu jusqu’à son visage puis se releva, ordonnant à Meeko de la suivre. Vaë ouvrit donc la porte de la chambre et lança la chemise sur le plancher avant de descendre l’escalier alors que Melley et Elayne la regardaient en silence.

‘‘ Merci pour tout. Vous allez me manquer. ‘‘

‘‘ Vaë... ‘‘

‘‘ Je vais bien... je m’en retourne auprès de mon frère. Il me manque. ‘‘

La druidesse les serra fortement dans ses bras, aucune larme ne coulant de ses yeux qui semblait aussi froid et inébranlable que la glace elle-même.

‘‘ Adieu... prenez soin de vous. ‘‘

Elayne ne fut pas capable de regarder Vaënadiel s’éloigner par la fenêtre sans éclater en sanglot tellement elle était en colère contre Keira. Le soir venu, Heïan était revenu à la maison et on lui apprit la nouvelle concernant le départ de la petite nordique. Désemparé, il soupira profondément en secouant la tête. Était-il déjà trop tard? Il n’était cependant pas question d’abandonner les recherches. Liam reviendrait et peu importe combien de temps cela allait prendre.

Vaënadiel avait quitté Beolan depuis un moment, s’attardant une dernière fois devant ce splendide paysage. Fermant les yeux un instant, la druidesse tourna dos à son passé et marcha d’un pas régulier dans le long sentier qui descendait la montagne dans laquelle était construite la cité. En fin de journée, elle fut suffisamment loin et sentit une présence familière. L’ours débarqua à sa droite, la faisant sursauté et se colla contre elle. Caressant son museau, elle était heureuse de le revoir.

‘‘ Nous partons mon gros... je retourne chez moi. ‘‘

Boris rugit et la força à embarquer sur son dos avant de se mettre à courir. La jeune femme s’agrippait solidement à sa fourrure, cachant son visage dans celle-ci et ferma les yeux, se laissant porté tout simplement par la bête. Au soir, l’ours fourcha dans la forêt et s’asseya en bordure d’une rivière dans laquelle il donna des coups de patte. Quelques poissons vinrent s’échouer sur la terre ferme et il n’en garda qu’un seul qu’il traina dans sa gueule, regardant fixement sa maîtresse de ses énormes yeux noirs. Le souffle de la bête poussait ses cheveux vers l’arrière à chaque respiration... elle n’avait pas faim.

‘‘ Merci, mais je n’ai pas faim... mange-le toi. Je te le laisse. ‘‘

Laissant échapper le poisson, l’ours poussa un long hurlement en ouvrant toute grande sa gueule. Vaë avait compris le message et dut se faire un feu de camp, car il était hors de question qu’elle mange ce poisson cru. Satisfait, Boris se coucha juste derrière elle et lui servit d’appuis alors qu’elle regardait les flammes dansées lentement. La brise était fraîche et elle commençait à grelotter.

‘‘ Liam... ‘‘ Murmura t-elle pour elle-même alors que Meeko se faufilait dans ses bras.

L’ours lui leva une patte et l’attira vers lui comme s’il prenait soin de son ourson, ce qu’elle était à ses yeux. Couché en boule contre la bête, ses doigts enfouis dans sa fourrure, Vaë ferma les yeux. Une seule larme coula sur sa joue... une seule alors que sommeil la gagnait avec force. Le lendemain matin, elle se remit en route, grimpant sur le dos de Boris qui en faisait fuir plus d’un sur la route.

À Beolan, Omar n’avait rien de particulier à dire à Heïan et celui-ci jura en frappant de son poing contre son bureau. Habituellement il était d’une patience à toute épreuve, mais maintenant ce n’était pas le cas. Les choses empiraient et il fallait faire vite. Faisant les cent pas dans son bureau du quartier général, Heïan réfléchissait. Ni lui, ni Elayne n’avaient d’autre piste, même après avoir interrogé l’aubergiste qui avait servi sa femme, son fils et Vaë le fameux jour. Celui-ci ne se souvenait pas de la femme, savait seulement qu’elle était camouflée par un capuchon où il n’avait vu que des lèvres rosées. Sauf que ce n’était pas assez comme preuve... Ce fut ainsi la journée suivante aussi et l’autre d’après. Pas de nouvelles de leur fils et Vaënadiel était parti depuis 2 jours et demi. Ils espéraient fortement que rien ne lui soit arrivé et qu’elle était en bonne santé.

Spoiler:

Liam était comme sur un petit nuage. Il planait littéralement. Bien sûr, c’était dû au philtre, mais selon lui ce n’était qu’à cause de la présence de la blondinette qui faisait chavirer son cœur. Il ne la quittait pas d’une semelle et obéissait aux moindres de ses ordres et envies farfelues. Elle le réveillait en pleine nuit avec le désir brûlant et il s’abandonnait, totalement.

Keira, elle, était plus qu’heureuse. En plus d’avoir Liam, elle brisait la sauvage. La ridiculiser devant tout le monde à l’école lui avait procuré une immense satisfaction. Et le pire, c’était que ce qu’elle avait dit était vrai. Liam était un homme tel qu’elle les aimait, musclés, tendres et délicats mais sachant ce montrer fougueux. Bien après l’acte elle conservait des frissons.

Ses parents étaient heureux de voir leur fille rayonner, ne se doutant pas le moins du monde qu’elle avait piégé Liam. Pour eux, le garçon s’était rendu à l’évidence et était revenu. Déjà deux ans plus tôt elle l’avait désiré mais comme un lâche il était parti découvrir le monde, la laissant là, seule. Keira avait attendu son retour avec impatience.

A la villa Kreiss, l’ambiance était plus que morose. Vaë était partie depuis presque trois jours et l’enquête piétinait. Omar ne trouvait rien d’anormal dans les agissements de cette fille, sauf qu’elle prenait Liam pour un idiot sans cervelle. Il ne la quittait que rarement en journée et lorsqu’ils étaient ensemble, Omar voyait bien que le jeune homme avait l’air…absent, obéissant machinalement aux ordres de cette peste. Il le voyait qu’il n’était pas dans son état normal. Elayne, elle, n’apprenait rien en cours. Même si tout le monde parlait du merveilleux couple que formaient Keira et Liam.

Son cœur était serré en le voyant là, sourire et obéir à cette fille, alors qu’il venait de briser le cœur de Vaë, celle qu’il aimait réellement. Mais il ne s’en rendait pas compte…elle redoutait le jour ou justement il reviendrait à lui et découvrirait tout ça. Il serait anéantit à son tour…

La semaine défila donc, lentement, morne, chacun réfléchissant intensément à une piste. L’auberge n’avait rien donné, personne n’avait vu entièrement le visage de Keira et personne ne l’avait vue verser quelque chose dans la boisson. Mais Heïan était persuadé que c’était là le point de départ. Avant de boire, Liam était tout ce qu’il y avait de plus normal. Après…il avait changé du tout en tout en cinq minutes. Il n’avait pas les moyens ni les preuves suffisantes pour faire analyser par des mages la boisson, pour tenter de découvrir un quelconque produit néfaste. De son côté, Keira donnait chaque soir le verre de philtre à Liam, pour qu’il reste sous son contrôle et lui obéisse.

Ils arrivaient en fin de semaine et Omar était posté devant le manoir Orson, planqué. Il fronça les sourcils lorsque la porte s’ouvrit sur la jeune femme. Elle était seule. Descendant l’allée à grands pas, elle rabattit une capuche sur sa tête, ce qui lui parut louche. Il la suivit donc, sûr que cette fois, il tenait quelque chose.

Elle s’enfonça dans les rues, s’éloignant du quartier chic et bourgeois. Elle se retournait fréquemment, vérifiant qu’elle n’était pas suivie. Et malgré sa taille, Omar était le pro de la filature. Son chef allait être content et surtout, il aurait droit à son augmentation et aux congés ! Elle s’arrêta soudain devant une vieille bicoque. Elle toqua et entra, refermant soigneusement derrière elle. Omar patienta, observant les alentours, mémorisant le lieu. Dix minutes après, elle ressortit, une petite fiole en main qu’elle s’empressa de dissimuler.
Souriant, Omar courut trouver son chef. Il détenait la clé. Ils avaient enfin une piste sérieuse.

-Chef !

Il entra dans le bureau, un peu essoufflé. Heureusement, Heïan était encore là. Il s’apprêtait même à rentrer chez lui, la tête lourde à force de réfléchir à se casse-tête. Sans un mot, il lui indiqua de parler.

-J’ai suivit la fille. Elle est sortie seule, se dissimulant le visage. Je l’ai suivie et…elle est allée dans les bas-quartiers, est rentrée dans une bâtisse et est ressortie dix minutes plus tard avec une fiole.

Heïan sourit. Enfin…il se rassit, invitant son collègue à faire de même. Ils venaient de trouver quelque chose de fiable à exploiter. Ils discutèrent ensemble, Omar lui décrivant l’endroit, Heïan réfléchissant au moyen d’agir. Le lendemain, Omar et quelques hommes iraient enquêter, interrogeant le voisinage sur l’habitant de la maison. Heïan fouillerait les dossiers des citoyens pour trouver qui était propriétaire de la maison. Et dès qu’ils auraient des renseignements, ils entreraient. De gré ou de force.

Libérant son collègue en le félicitant, Heïan rentra chez lui et annonça la nouvelle à sa femme et sa fille. Toutes deux furent heureuses de l’apprendre, sentant qu’enfin le vent tournait. Mais le fait restait le même : Vaë était partie et devait déjà être pratiquement arrivée. Surtout qu’ils n’étaient pas dupes. Avec son don, elle avait du faire revenir l’ours. Et un ours cours vite, parfois plus vite qu’un étalon. Elle allait gagner du temps ainsi.

Il expliqua son plan, approuvé par les femmes. De toutes manières, elles lui faisaient confiance. Ils mangèrent rapidement et se couchèrent, devant être en forme pour les jours suivants et la semaine éprouvante qui s’annonçait.

-Personne ne sait qui habite là-dedans, chef. Déclara Omar.

Il était revenu de la pêche aux informations, bredouille.

-Pour eux elle est abandonnée et est devenu un lieu de regroupement pour les jeunes délinquants. Personne n’a encore osé y entrer et nos prédécesseurs l’ont laissée, puisqu’elle ne dérangeait pas.

Heïan soupira. Maintenant elle gênait. Ses prédécesseurs n’avaient rien fait…il y avait anguille sous roche là aussi. Mais qu’importe. Enfilant ses armes, ordonnant à Omar de préparer les hommes, il se concentra. Aujourd’hui, il allait mettre le point final à cette mascarade.

Au manoir Orson, Keira profitait au maximum de Liam. Elle l’épuisait toute la nuit parfois, pour bien mettre toutes ses chances de son côté. Elle ne le laissait pas se retirer avant et il était surpris. Il lui avait même opposé une résistance, disant qu’il ne voulait pas prendre le risque qu’elle soit enceinte. Elle avait été surprise et s’était rendue compte qu’elle avait faillit oublier de lui faire avaler le philtre. Elle avait réparé la faute et il était redevenu doux et obéissant. Elle ne se doutait pas qu’Archibald était en danger. Elle l’avait abrité là, avait payé la garde à l’époque pour qu’ils ne fouinent pas de ce côté, et avait dit à l’alchimiste qu’il serait en sûreté, faisant traîner des rumeurs sur la maison, pour effrayer les gens. Il avait été professeur à l’école ou elle était, mais s’était fait renvoyer à cause de ses méthodes. En effet, il prenait les élèves comme cobayes de ses nouveaux produits. Il en avait même paralysé un.

Mais elle l’avait aidé contre son aide absolue. Et il ne l’avait pas déçue. Liam était à elle et la sauvage partie apparemment. Tant mieux. Elle polluait l’air de Beolan.
Heïan attendait devant la porte, ses hommes prêts autour de lui. Il toqua, rien. Il réitéra, rien de plus. Alors il envoya Omar défoncer la porte. Celle-ci ne fît pas le poids sous le choc et sortit de ses gonds, faisant sursauter le vieil homme penché sur un comptoir. Heïan entra, ses hommes à la suite.

L’homme était vieux et édenté, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Pour lui, Keira lui avait promis la sécurité…et elle l’abandonnait. Que pouvait-il faire ? Les hommes étaient armés et il n’était pas mage. Tout ce qu’il savait faire était des potions qui ne lui serviraient pas dans le cas présent. Alors il se résigna, regardant les soldats mettre à sac son antre, détruisant les livres et les fioles, cassant les cuves et le tenant bien en vue. Il fût emmené au quartier général, ou le chef le laissa aux bons soins d’un géant.

Omar était heureux d’avoir ce droit. Heïan voulait sans doute le récompenser, ou alors il voulait qu’Omar finisse ce qu’il avait commencé.

-Alors alchimiste…si tu nous dis tout, je peux peut-être t’éviter la mort et te donner droit à la prison à perpétuité.

-Oui…je…je vais parler…

Archibald paniquait et préférait la prison à la mort. Il déblatéra tout, en détail, répondant aux questions du soldat. Une heure plus tard, Omar fît son rapport à Heïan après avoir conduit l’alchimiste en prison. Il donna ses congés à Omar, lui promettant une belle augmentation, et rentra chez lui, pour tout raconter à sa famille.

Melley en fût heureuse :

-Enfin ! Enfin nous allons retrouver notre fils !

-Oui mais maman…il va falloir faire attention…il va revenir à lui et prendre conscience des faits. Vaë est partie depuis une semaine et demie. Et Keira ne sera pas contente, tout comme ses parents. Nous avons peut-être gagné une bataille mais loin d’avoir gagné la guerre.

-Oui ma puce je sais…mais retrouver Liam est déjà un grand pas en avant. Je sais qu’il va être détruit en comprenant ce qu’il a fait, mais nous serons là. Et pour Keira et ses parents, Heïan à toutes les preuves nécessaires pour incriminer la fille. Elle est passible elle aussi d’une peine de prison pour avoir caché l’alchimiste, avoir graissé la patte des soldas à l’époque et pour avoir donné le philtre à Liam. Elle ferait mieux de rester dans son coin si elle ne veut pas finir en prison.

Elayne acquiesça, mais se doutait que Keira avait quelque chose en tête.

Et effectivement, fin de la deuxième semaine, Keira se sentit mal et eut des nausées. Mais cela la comblait de joie. Elle alla voir un mage qui confirma le diagnostic. Enfin…enfin ! Elle se dirigea vers la demeure de l’alchimiste, car elle commençait à être en panne de philtre, et découvrit la maison vide. Elle fût horrifiée. Non ! Ou était-il passé ?! La garde…ce ne pouvait être que ça. Elle demanda aux habitants du quartier, discrètement, ce qu’il s’était produit et ils lui répondirent que la garde était arrivée et avait arrêté l’homme.
Keira fulminait. Comment faire ?! Le philtre ne tiendrait pas ! Elle allait devoir lui en donner un peu chaque jour pour qu’il ne tombe pas dans le coma. Elle réfléchissait longuement à une solution, mais une chose était claire dans sa tête. Elle était enceinte. Enceinte de Liam, assurément. Même sans le philtre, il serait à elle, car les règles bourgeoises voulaient que l’homme épouse la femme qu’il a engrossée, même si c’est un accident. Donc même si elle le préférait en bon chien obéissant sous l’effet du philtre, elle ferait sans, parce qu’il était piégé. A vie.

Spoiler:

Piégé

‘‘ Chef! ‘‘

La porte du bureau d’Heïan était ouverte et il ne restait plus que lui au quartier général, tous ses hommes de nuit sur leur ronde de garde. Le père de famille était en train de ranger ses papiers et leva les yeux vers le trou qui donnait vu sur le couloir sombre vu l’heure, éclairée par une seule lanterne suspendue au plafond. Le géant entra d’un pas pressé et il était essoufflé. Fronçant les sourcils, Heïan l’invita à parler et il prit place sur sa chaise pour l’écouter attentivement.

‘‘ J’ai suivi la fille. Elle est sortie seule, se dissimulant le visage. Je l’ai suivie et… elle est allée dans les bas quartiers, est rentrée dans une bâtisse et est ressortie dix minutes plus tard avec une fiole. ‘‘

Enfin! Il se releva, frappant du poing sur son bureau avec un large sourire, mais se rassit bien rapidement en se rendant compte de ses agissements. Le Capitaine l’invita à faire de même.

‘‘ Pardon ... seulement, je commençais à me demander si l’enquête déboucherait un jour. ‘‘

‘‘ Ce n’est rien. Je comprends parfaitement, Heïan. ‘‘

Les deux hommes souriaient, fiers de ce qu’ils avaient accompli. Ils montèrent leur plan d’exécution et dès le lendemain, ils passeraient à l’attaque et iraient voir la fameuse maison où s’était rendu Keira. La petite allait être acculée à un mur très bientôt. Heïan laissa partir Omar et fila à son tour, franchissant rapidement la distance qui séparait sa demeure de son lieu de travail. Dès qu’il fut entré dans la villa, Heïan déboula dans le salon pour annoncer la nouvelle à Elayne et Melley qui étaient folles de joie. Bientôt tout serait terminé, du moins c’est ce qu’ils espéraient. Ce ne serait pas bien facile, car les Orson étaient les gens les plus riches et les plus influents de la cité de Beolan. Heïan leur fit part de son plan et ils échangèrent afin d’améliorer le tout puis direction leur lit.

‘‘ Personne ne sait qui habite là-dedans, chef.’’

Dans son bureau, Heïan écoutait Omar avec les poings croisés l’un dans l’autre devant sa bouche. Il réfléchissait et laissa son confrère continuer son rapport. Dehors, le ciel était gris en ce matin frisquet.

‘‘ Pour eux, elle est abandonnée et est devenue un lieu de regroupement pour les jeunes délinquants. Personne n’a encore osé y entrer et nos prédécesseurs l’ont laissée, puisqu’elle ne dérangeait pas. ‘‘

‘‘ Je vois... ‘‘ Dit-il en soupirant. ‘‘ Mais nous allons tout de même nous rendre sur place. Ce n’est certainement pas le fruit du hasard si elle va là-bas. Alors, prépare les hommes et viens me voir une fois qu’ils seront prêts à partir. ‘‘

‘‘ Oui, chef. ‘‘

Omar quitta aussitôt le bureau de son chef et hurla dans la caserne pour ensuite se rendre dans la cour d’entraînement. Les hommes s’activaient et allaient chercher des armes dans l’entrepôt. Une fois prêt, Heïan sortit à son tour et leur expliqua le plan dans les détails et ils se mirent en route pour les bas quartiers. Le capitaine ne toqua une première fois à la porte, mais aucune réponse. Il tenta une deuxième fois et ce fut pareil. D’un signe de tête, le chef de l’escadron fit signe de tête à Omar qui sortit des rangs et qui leva la jambe pour défoncer la porte qui tomba lourdement sur le sol. À l’intérieur, il y avait un vieil homme et...

‘‘ Bon sang... ‘‘

Heïan entra le premier, surpris de tomber sur ce cadeau, suivit de ses soldats qui mirent la maisonnette sens dessus dessous. Les fioles se cassaient sur le plancher et son laboratoire se retrouva bien rapidement réduit à néant. L’alchimiste n’opposa aucune résistance lorsque les soldats l’arrêtèrent et le sortirent de son repaire pour l’amener au quartier général. Bien entendu, celui-ci eut droit à deux choix; la mort ou la prison. Une fois à la caserne, on le descendit aux cachots où on enferma le vieux fou et Omar eut la permission de le cuisiner un peu pendant qu’Heïan retournait dans son bureau pour commencer son rapport. Une heure plus tard, Omar se pointa dans son bureau et tout fut écrit à l’encre dans son carnet. En fin de journée, le géant eut droit à ses congés comme promis et Heïan retourna chez lui pour annoncer la nouvelle.

‘‘ Enfin! Enfin, nous allons retrouver notre fils! ‘‘

‘‘ Oui, mais maman… il va falloir faire attention… il va revenir à lui et prendre conscience des faits. Vaë est partie depuis une semaine et demie. Et Keira ne sera pas contente, tout comme ses parents. Nous avons peut-être gagné une bataille, mais loin d’avoir gagné la guêtre. ‘‘

‘‘ Oui ma puce je sais… mais retrouver Liam est déjà un grand pas en avant. Je sais qu’il va être détruit en comprenant ce qu’il a fait, mais nous serons là. Et pour Keira et ses parents, Heïan a toutes les preuves nécessaires pour incriminer la fille. Elle est passible elle aussi d’une peine de prison pour avoir caché l’alchimiste, avoir graissé la patte des soldas à l’époque et pour avoir donné le philtre à Liam. Elle ferait mieux de rester dans son coin si elle ne veut pas finir en prison. ‘‘

Heïan avait déjà sa petite idée de toute façon. Il n’avait pas l’intention de se laisser avoir par les Orson et de subir leur chantage ainsi que leur menace. L’alchimiste était un témoin clé et aussi la seule personne à pouvoir dire que Keira était la vraie responsable de cette histoire. Et pour conclure l’enquête, le Commandant en serait le premier témoin.

‘‘ Elle se tiendra tranquille. Les Orson nous menaceront peut-être, mais cela fonctionne des deux côtés. Nous avons l’alchimiste et toutes les preuves qui pourraient salir leur nom. Alors, s’ils veulent garder leur bien paraître, ils laisseront couler, ils se tairont et nous en ferons de même. ‘‘

Bien entendu, les Kreiss étaient loin de se douter que Keira Orson était maintenant enceinte de leur fils... ce qui ajoutait grandement au problème.

Loin de Beolan, Vaënadiel était sur le dos de son ours et était partie depuis plus d’une semaine. Ses pauses étaient courtes et la nuit, elle peinait à dormir, car elle était morte de froid. De plus, elle souffrait d’insomnie et avait perdu l’appétit. Boris avait beau lui gueuler dessus, rien à faire... elle dépérissait et s’était mise à toussoter de plus en plus régulièrement. Avait-elle attrapé un virus en cours de route? Les montagnes se faisaient non loin et son coeur devenait lourd malgré le fait qu’elle tentait de tout refouler. Voilà. La druidesse était presque rendue chez elle, mais son corps était devenu bien faible et bouillant. Jusque-là, elle avait passé les deux dernières semaines à contourner les villages et dormir à la belle étoile.

Descendant du dos de son ours, la jeune femme s’effondra sur ses genoux dans la neige. Son souffle était court et ses membres tremblaient légèrement. Sa toux s’était accentuée au court des derniers jours et lui prit de plus belle. Plus violente, plus douloureuse. Elle avait l’impression que ses poumons allaient lui sortir par la bouche. Grimaçant sous la douleur, Vaë ferma les yeux et lorsqu’elle le rouvrit, ce fut avec horreur qu’elle vit du sang sur le blanc immaculé de la neige; avait-elle attrapé la mort? Avec difficulté, la druidesse se remit sur pied, mais l’ours l’aida d’un coup de museau sur le fessier.

‘‘ ... merci... mon grand. ‘‘

Sa voix était enrouée et on l’entendait à peine, comme si elle disparaissait. Portant une main à sa gorge, Vaë déglutit et sentit sa gorge brûler, constatant que sa peau était beaucoup plus chaude qu’à l’habitude; de la fièvre. S’agrippant à la fourrure de Boris, elle put se hisser et il se remit en route, courant comme jamais elle n’avait couru pendant le voyage. Meeko était devant et le guider jusqu’à ce qu’ils parviennent à la montagne. La nuit tombait et Vaë n’eut plus la force de tenir. Ses mains lâchèrent lentement et elle chuta au sol, tombant dans la neige. L’ours et le raton-laveur rebroussèrent chemin et la secouaient, mais la jeune femme respirait rapidement et gémissait de douleur de temps à autre. Meeko prit les devants alors que Boris tentait de garder sa maîtresse au chaud. Le village n’était plus bien loin et la bête entra dans la caverne pour sauter sur Ephraïm qui s’était assoupi, assise devant le feu. Le jeune homme sursauta lorsqu’il sentit un cri strident lui briser les tympans et il fut surpris de voir...

‘‘ Meeko?! Mais qu’est-ce que tu fiches ici... ? ‘‘

La bestiole à la queue touffue avait les pattes dans les airs et se mit à courir vers la sortie. Le Eira prit son manteau de fourrure et tira son capuchon sur sa tête, s’élançant à la poursuite de Meeko. Il courut bien une longue distance avant d’arriver près d’un... ours?! Mais pourquoi celui-ci n’attaquait-il pas?! Boris avait la tête dans les airs et poussait un grognement lourd. Était-il blessé? Avec précaution, le nordique s’approcha pour voir une autre masse dans la neige. Le raton-laveur s’était faufilé jusque-là et l’ours se dégagea. Vaë toussota de nouveau c’est là que le chef de clan comprit. Il se précipita aussitôt vers elle et la retourna. Glissant une main sous sa nuque, Eph’ toucha son front et fronçant les sourcils. Il la prit dans ses bras sans faire d’histoire et l’amena à la maison, suivie des deux bêtes sauvages.

‘‘ ELSAH! ‘‘ Hurla t-il en entrant dans le village.

La femme sortit la tête dehors et vit Ephraïm filer aux pas de course dans sa grotte. Elle retourna à l’intérieur et se lança à sa poursuite. Le jeune homme posa sa soeur dans son lit et lui retira ses fourrures alors qu’Elsah arriva à ses côtés, essouflée. Vaë était blême, comme une morte et sa peau était recouverte de sueur. Sa poitrine se soulevait rapidement alors que son souffle était difficile et creux.

‘‘ Elle était seule ? ‘‘

‘‘ Oui ... ‘‘

Ephraïm serra les dents, repoussant les cheveux de sa soeur qui étaient collés contre son front. Vaënadiel se remit à tousser et son frère la tourna de côté, voyant du sang s’écouler de sa bouche.

‘‘ Par l’équinoxe... ‘‘

‘‘ Chef... ? ‘‘

‘‘ Apporte-moi de quoi éponger son front et nettoyer sa bouche... elle a attrapé la mort. ‘‘

Le coeur de la vieille dame ne fit qu’un bond dans sa poitrine alors que ses yeux devenaient ronds. Soudainement, elle était affreusement inquiète. Le démon aux yeux l’avait-il abandonné finalement? Était-ce la raison de son retour et de son état? Elsah revint avec de l’eau et des serviettes en laine de chèvres des montagnes et son frère prit soin d’elle, montant sa couverture de fourrure jusqu’à ses épaules. Vaë entrouvrit les yeux et vit son frère.

‘‘ Eph... ‘‘ Murmura t-elle d’une voix absente.

‘‘ Chhhht... ne dit rien et repose-toi. Tiens bon, petite soeur... tiens bon... ‘‘

Mais la druidesse trouva le moyen de lever une main pour caresser sa joue, lui offrant un étrange sourire qui lui donna des sueurs froides.

‘‘ Laisse... moi partir en paix... ‘‘

‘‘ IDIOTE! Comme si j’allais te laisser crever devant moi! ‘‘

Vaë ferma les yeux, se refermant comme une huitre alors que son frère était complètement chamboulé. Que s’était-il passé là-bas pour qu’elle veuille partir rejoindre leurs frères et leur parent? Elsah était triste et caressait les cheveux de sa petite louve qui s’était enfin endormie.

Spoiler:

Alors que Vaë était gravement malade, Liam quant à lui reprenait ses esprits lentement, au plus grand dam de Keira. Elle lui faisait avaler le dernier fond du philtre et cela l’énervait. Pourquoi s’en étaient-ils mêlé ses soldats ?! Ah oui…son cher père…il rirait moins le jour ou son propre père l’aura fait renvoyer de son poste pour le faire retourner dans la rue avec sa chère traînée de femme.

Heureusement, Liam resterait à elle. Ses parents l’en empêcheraient car il devait assumer ses actes. Elle était enceinte et si elle l’élevait seule, cela entacherait le nom de sa famille et jetterait le déshonneur sur eux. Et puisque Liam était un homme droit, il n’avait pas le choix à moins de vouloir déclencher une guerre avec sa conscience…

Les flashs étaient brefs mais précis. Liam voyait une autre personne se juxtaposer à Keira. Plus petite, plus naturelle et…plus belle. Son cœur ne répondait plus qu’à cette vision, accélérant le rythme et le diminuant dès que le flash s’estompait. Il…il ne comprenait pas ce qu’il faisait avec Keira. Elle l’embrassait et l’appelait « mon cœur », « mon amour », comme si c’était normal. Une fois sur deux, il la repoussait.

Près de deux semaines et demie s’étaient écoulées. Chez les Kreiss, tout le monde attendait, impatients. Melley était collée dans les bras d’Heïan, Elayne assise en face, la tête entre les mains. Liam allait bientôt revenir. L’alchimiste avait parlé. Si la peste lui en donnait un peu chaque jour, il reprendrait ses esprits dans les jours suivants. Alors ils attendaient, le pire étant encore à venir.

Deux jours après, Liam eut le dernier flash. Celui-ci fût encore plus violent que les autres. Liam ne se laissait plus approcher par Keira, malgré ses tentatives, même au lit. Elle le forçait à se coucher à ses côtés alors qu’il ne le voulait pas. Elle l’embrassait et il la repoussait. En fait, il…il se rendait lentement compte de la situation. De ce qu’il avait fait. La femme qui faisait battre son cœur, il savait qui c’était. Vaë…il revoyait tout, sa maison, sa famille, sa rose…il devait retourner chez lui !

Et alors qu’il voulait sortir de la chambre, Keira lui barra la route :

-Liam mon cœur, tu ne peux pas partir.

-Pourquoi ne le pourrais-je pas ? Tu m’as empoisonné et manipulé ! A cause de toi j’ai fait souffrir Vaë ! Elle doit être en larmes chez moi !

Elle eut un sourire goguenard, comme si elle savait quelque chose que lui ignorait. Ce qui l’inquiéta d’autant plus.

-Liam…tu ne partiras pas. Je…je suis enceinte mon amour…

La nouvelle se fraya un chemin dans son esprit. Et elle résonna si fort qu’il en eut le souffle coupé. Enceinte ?! Non ! Impossible ! Il n’avait pas voulu croire les flashs qui le montrait en train de…en train de tromper sa rose. Mais apparemment…

Keira semblait plus que satisfaite.

-Reste, épouse-moi. De toute manière tu n’as pas le choix. Tu ne voudrais pas que le déshonneur s’abatte sur moi, ma famille, ton enfant à naître, à cause de toi ?

Il la poussa, ouvrit la porte et lui dit :

-Le déshonneur, c’est toi qui l’as attiré sur les tiens en agissant de la sorte. Et ce n’est pas mon enfant. Pas comme ça. Pas dans ses conditions.

Il sortit et courut dans les escaliers, la laissant sous le choc. Il passa en trombe devant ces parents qui s’interrogèrent, et déboula dans la rue. Là, il se mit à courir vers chez lui. Il était parfaitement lucide maintenant. Qu’avait-il fait ?! Il avait…il avait délaissé Vaë, sa famille. Il se souvenait vaguement les avoir insultés, tous, et repoussés pour aller rejoindre Keira.

Il se dégoûtait lui-même.

La villa apparut devant lui et il sauta par-dessus le portique, ouvrant la porte à la volée en criant :

-VAË !!

Essoufflé, il resta immobile au milieu du couloir. Ses parents et sa sœur apparurent à l’entrée du salon, heureux de le retrouver mais triste en même temps. Sans un mot, il grimpa à l’étage, ne leur laissant pas le temps de l’accueillir. Elle devait être en haut à pleurer. Elle le devait.

Il ouvrit la porte de la chambre, manquant l’arracher, et observa la pièce. Rien. Rien ni personne. Il s’avança. Le lit n’avait pas été défait depuis un certain temps, tout comme la poussière qui s’amoncelait, comme si ses parents avaient interdit aux domestiques d’entrer, ce qui était le cas.

Soudain, il marcha sur quelque chose. Il baissa la tête et leva le pied, son cœur battant comme un fou.

Le cœur de l’océan. Brisé. En mille morceaux.

Il se laissa tomber à genoux, l’agrippant entre ses doigts tremblants. Qu’avait-il fait ?! Il serra les débris jusqu’à ce les enfoncer dans la paume et murmura :

-Vaë…qu’ais-je fais…jamais tu ne pourras me pardonner…

Elle était repartie chez elle. Elle avait arraché le collier, cassant le lien. Il l’avait fait souffrir, lui avait réellement fait mal. A moitié volontairement. Il sentit une présence à ses côtés, un bras se posant sur ses épaules.

-J’ai tout gâché, Elayne. Depuis combien de temps ?

-Elle est partie il y a deux semaines. Tu n’as pas tout gâché, Liam. Tu n’étais pas lucide !

Deux semaines…ils étaient donc à la troisième semaine. Il ouvrit la main, les bouts du bijou enfoncés dans sa paume. Elayne agrippa sa main et commença à les retirer alors qu’il reprenait :

-C’est tout de même moi qui ais agit. Je vous ai repoussés et insultés. Je l’ai trompée…et…Elayne…

Il regarda sa sœur dans les yeux pour poursuivre :

-Keira est enceinte…

Elle eut un cri de stupeur, ne parvenant pas à y croire et sachant très bien ce qui allait ce passer par la suite.

Liam avait le cœur en morceaux. Cette fois, il n’y aurait sans doute pas de marche arrière possible. Elle avait jeté le bijou. Cette fois, c’était véritablement la fin. Il s’en voulait comme jamais. Elayne le serrait dans ses bras alors que leurs parents arrivaient dans la chambre. Heïan comme Melley serrèrent leur fils contre eux, lui montrant qu’ils étaient là. Il prit son courage à deux mains et leur annonça la nouvelle, les pétrifiants littéralement sur place.

-Je…je ne voulais pas…pourquoi maman ? Pourquoi ?!

-Chut mon bébé. On trouvera une solution…

Melley se sentait mal pour son fils. Alors qu’ils pensaient tenir la famille Orson avec l’alchimiste et son témoignage, maintenant la fille était enceinte de Liam. Et contre ça, l’alchimiste ne faisait pas le poids.

En parlant des Orson, ils étaient devant la demeure Kreiss, accueillis par un domestique qui les annonça. La famille descendit à leur rencontre, les invitant à s’asseoir au salon devant une tasse de thé.

Liam ne regardait pas Keira. Il était en colère contre elle, mais aussi contre lui. Il ne pensait qu’à Vaë, espérait qu’elle aille bien. S’il savait à quel point il se trompait…

Le père, un grand homme brun bien coiffé et habillé, les regardant de haut, commença :

-Je pense que vous savez pourquoi nous sommes là. Ma fille est enceinte. Le père est votre fils. Les règles sont claires, ils doivent se marier.

-Ils le doivent parce que sinon vous allez être la risée des bourgeois, rétorqua Melley. Et non parce qu’ils s’aiment et le veulent. Du moins pas mon fils.

Ce fût la mère, blonde au visage fin comme sa fille, qui répliqua :

-Madame, ici nous ne sommes pas dans les bas-quartiers. Vous avez choisi de vivre là, vous devez vous plier aux règles.

Liam serra les dents. Ses parents se faisaient insulter par sa faute ! Il avait mal, atrocement mal. Comme une main qui comprimait son cœur et s’amusait à le tordre dans tous les sens possibles et inimaginables. Alors que son père voulait répliquer pour défendre les siens, Liam le devança :

-Je ne vous permets pas de parler ainsi de mes parents. Je n’épouserais pas votre fille. Cet enfant va naître d’un complot ! Elle m’a manipulé et empoisonné pour parvenir à ses fins !

Le père se leva, le ton augmentant en volume :

-Jeune homme, vos excuses et mensonges sont pathétiques ! Vous n’avez pas su garder votre ceinture fermée et maintenant vous allez assumer ! Vous épouserez ma fille et élèverez cet enfant. Et mettez-vous bien ça en tête : j’ai horreur d’être contredis !

Et sur ces entrefaites, il entraîna les siens et sortit, rageur. Liam n’en pouvait plus. Il remonta et s’enferma dans la chambre, laissant ses parents réfléchir entre eux.

Il s’assit sur le lit, sortant le collier de sa poche.

Il devait aller la rejoindre. Lui parler. Tenter de…réparer. Mais elle était profondément blessée. Elle ne pardonnerait pas comme elle avait pardonné pour le baiser du bal. Un pardon qu’elle avait signifié en lui donnant son corps, sa première fois. Un pardon fort qu’il avait réduit à néant.

Il le sentait, dans son cœur, qu’elle avait mal. Elle était si lointaine…il ne la ressentait plus comme avant. Le lien s’affaiblissait de par la distance et le collier brisé.

De plus, Ephraïm l’empêcherait de la voir, il en était persuadé. Il lui avait promis de veiller sur sa sœur et de la rendre heureuse. A la place, il l’avait brisée de l’intérieur, complètement.

Malgré tout, il devait y aller. Il ne pourrait pas rester là sans avoir essayé. Et si jamais…il se forcerait et épouserait Keira, élèverait son gosse, mort de l’intérieur.

Il ricana.

Si tant est que Vaë acceptait de lui parler ou, comble du bonheur, de lui redonner une chance, il serait forcé de lui annoncer la nouvelle…une douleur supplémentaire et permanente…

Il resta longtemps assis, caressant le bijou du bout du doigt, réfléchissant. Il était prêt à tout pour réparer. Elle pouvait mettre toutes les conditions qu’elle voulait. Elle déciderait et il obéirait. Il ne la toucherait pas, ne ferait rien de travers, rien que ce qu’elle aura demandé. Et si le prix à payer se trouvait être la mort, il mourrait. De toute façon, ce qu’il avait fait était trop grave et horrible pour qu’il continue de vivre.

En bas, ses parents cherchaient une solution tout en préparant des sacs de provisions. Liam devait partir dans les montagnes et ce, le plus tôt possible.

Spoiler:

L’indésirable...

‘‘ VAË!! ‘‘

Le cri avait fait sursauter la famille qui s’était installée dans le salon; Liam était revenu. Pour crier le nom de la petite nordique à ce point, c’est qu’il avait aussi retrouvé toute sa tête. Se postant dans l’embrasure de la fenêtre, Heïan et Melley eurent un sourire triste. Seule la druidesse ne s’était pas montrée à son appel. Comme de raison, le jeune homme fila à l’étage, enjambant les marches de l’escalier quatre à quatre. Elayne ne tarda pas non plus à se lancer à sa poursuite, redoutant la réaction qu’il aurait lorsqu’il verrait que la chambre était vide de toute présence. Hésitant un moment, l’homme de la maison entraîna sa femme à l’étage et ils s’approchèrent pour serrer leurs enfants dans le bras. C’était un coup dur pour leur pauvre fils... un coup dur pour tout le monde, ou presque. Mais le pire fut d’entendre que Keira était enceinte de Liam... Heïan ne sentit blêmir et ragea. Melley serra sa main, mais ce fut inutile. Sa mâchoire se crispa et il n’avait qu’une seule envie; étrangler la blonde.

‘‘ Je… je ne voulais pas… pourquoi maman? Pourquoi?! ‘‘

‘‘ Chut mon bébé. On trouvera une solution… ‘‘

Oui, il fallait trouver une solution et vite, mais la guerre n’était pas encore perdu... l’alchimiste était toujours le témoin le plus important et ils avaient la preuve qu’un filtre avait été utilisé contre Liam qui obéissait au doigt et à l’oeil de Keira. Même si celle-ci attendait un enfant, tout était issu d’un complot à l’intention de son fils qui était donc considéré comme non consentant. Il se jura qu’il l’aurait et il l’aurait. C’est alors qu’une domestique vint annoncer la présence des Orsons et à contrecoeur, la famille dut les accueillir. Se tenant chacun de leur côté de table, la tension était plus que palpable. Heïan tentait tant bien que mal de garder son calme face à cette petite pimbêche qui jouait la petite fille innocente de ses parents dont rien n’était sa faute. Ce qu’il pouvait rager!

Le père de Keira, hautain comme toujours, déclara :

‘‘ Je pense que vous savez pourquoi nous sommes là. Ma fille est enceinte. Le père est votre fils. Les règles sont claires, ils doivent se marier. ‘‘

‘‘ Ils le doivent parce que sinon vous allez être la risée des bourgeois, et non parce qu’ils s’aiment et le veulent. Du moins pas mon fils. ‘‘

‘‘ Madame, ici nous ne sommes pas dans les bas quartiers. Vous avez choisi de vivre là, vous devez vous plier aux règles. ‘‘

‘‘ Pardon?! ‘‘

Heïan fulminait et se leva du canapé complètement sidéré par l’insulte qu’elle venait de leur lancer à la figure. Non, mais pour qui elle se prenait celle-là? Pour la reine?! Enragé, il allait ouvrir la bouche lorsque son fils le fit, le devançant de ce fait même.

‘‘ Je ne vous permets pas de parler ainsi de mes parents. Je n’épouserais pas votre fille. Cet enfant va naître d’un complot! Elle m’a manipulé et empoisonné pour parvenir à ses fins! ‘‘

Orson s’était redressé lui aussi et avait pris un ton de voix assez menaçant à l’intention de Liam qui était lui aussi en rage.

‘‘ Jeune homme, vos excuses et mensonges sont pathétiques! Vous n’avez pas su garder votre ceinture fermée et maintenant vous allez assumer! Vous épouserez ma fille et élèverez cet enfant. Et mettez-vous bien ça en tête : j’ai horreur d’être contredit! ‘‘

Ils quittèrent la demeure des Kreiss avant même qu’Heïan put répliqués et il claqua la porte derrière eux alors que Liam était monté à l’étage pour s’enfermer. L’homme de la maison frappa du poing contre celle-ci et soupira de découragement. Lorsqu’il se retourna, Melley et Elayne se tenaient derrière lui avec un regard inquiet.

‘‘ Il faut qu’il parte le plus tôt possible... ‘‘

‘‘ Mais papa, les Orsons eux? ‘‘

‘‘ Je vais trouver une solution. Demain je parlerai au Commandant et je me présenterai chez eux avec celui-ci et l’alchimiste. Ils n’auront d’autre choix que de se rendre à l’évidence. Je ne les laisserai pas nous marcher dessus de la sorte! ‘‘

Sans attendre de commentaires, il fila dans la cuisine suivit des deux femmes de sa vie et ils préparaient des provisions pour Liam qui devaient partir le plus tôt possible de de préférence pendant la nuit au risque de ne plus pouvoir s’enfuir sans être sous surveillance. Lorsque tout fut prêt, Heïan monta à l’étage et lança à Liam son manteau.

‘‘ Tu dois partir au plus vite fiston... Au moins le temps que l’affaire soit réglée. Je t’enverrai un message le moment venu. ‘‘

Heïan s’approcha du lit et déposa le sac sur le matelas, serrant son fils fortement dans ses bras.

‘‘ Ne te blâme pas pour tout ça ... tu as été victime d’un complot vicieux d’une fille qui n’a pas toute sa tête de toute évidence. Maintenant files et essais de réparer les pots cassés sinon tu le regrettera toute ta vie. Ne t’attends pas à ce qu’elle te saute dans les bras une fois que tu l’auras retrouvé. Ça prendra du temps avec ce qui s’est passé et tu devras l’apprivoiser pour une seconde fois si elle ne te rejette pas. Explique-lui, apporte-lui des preuves et si elle te connait bien, elle verra dans tes yeux que tu lui dis la vérité. D’accord? Habille-toi et dégage... ! ‘‘

Son père lui claqua le dos gentiment, le forçant à se lever et l’accompagna jusqu’à l’écurie, l’aidant à ranger les sacs. Elayne et Melley se trouvaient là elles aussi et firent leur au revoir.

Au village des Eira, les Tohru venaient tout juste d’arriver pour s’établir parmi eux. Cela les arrangeait à vrai dire et ils étaient plus qu’heureux de s’allier de la sorte. Les huttes se retrouvèrent rapidement occupées. Ephraïm veillait au grain sur sa soeur et avait dû s’excuser envers eux pour l’absence dont il faisait preuve à leur égard. Le fils et la fille du chef du clan Tohru lui avait fait savoir que ce n’était rien et que c’était tout naturel de veiller sur sa soeur malade, voire mourante. La fièvre de Vaë avait augmenté et elle ne cessait de se lamenter au dam de son frère qui s’inquiétait de plus en plus. Les plantes n’eurent qu’un effet au courant de la semaine, à force de lui faire ingurgiter du bouillon avec des plantes médicinales en miettes. À chaque fois elle grimaçait puisque sa gorge était en très mauvais état. La fièvre étant basse, mais toujours là, Elsah s’occupait de la nettoyer et de lui laver les cheveux tous les jours. Un beau matin, les hommes parti à la chasse et Ephraïm eurent ordre d’y aller par la vieille, car il avait besoin de changer d’air un peu et de s’aérer le cerveau.

Accompagné des Tohru, le chef des Eira leur montra donc leur territoire de chasse lorsque quelque chose attira son attention. Grimpant sur un rocher, Ephraïm arma son arc et décocha une flèche qui se planta à quelques millimètres près des pieds de l’indésirable.

‘‘ QU’EST-CE QUE TU FOUS ICI ?! ‘‘ Hurla-t-il en rage. ‘‘ VA-T’EN SINON JE T’ABATS SUR-LE-CHAMP ! ‘‘

Au même moment, ses hommes entourèrent le rocher sur lequel il était perché avec un air menaçant. Ils brandirent tous l’arc dans sa direction, sans exception, prêt à tuer.

Le cœur de l'océan brillait dans sa paume. Brillait d'une lumière morte. Liam hésitait. Il devait y aller, la retrouver, voir si elle allait bien, tenter de réparer. Mais en même temps, il ne pouvait pas abandonner ses parents dans cette situation qu'il avait créée. Il était responsable. De tout. Jamais il ne se le pardonnerait.

La porte s'ouvrit soudain sur son père qui lui lança son manteau en disant :

-Tu dois partir au plus vite fiston... Au moins le temps que l’affaire soit réglée. Je t’enverrai un message le moment venu.

Liam fronça les sourcils. Non…il…il ne pouvait pas se défiler et laisser les soucis à son père…mais celui-ci s'était approché, avait déposé le sac sur le lit et le serrait dans ses bras en continuant :

- Ne te blâme pas pour tout ça ... tu as été victime d’un complot vicieux d’une fille qui n’a pas toute sa tête de toute évidence. Maintenant files et essais de réparer les pots cassés sinon tu le regretteras toute ta vie. Ne t’attends pas à ce qu’elle te saute dans les bras une fois que tu l’auras retrouvé. Ça prendra du temps avec ce qui s’est passé et tu devras l’apprivoiser pour une seconde fois si elle ne te rejette pas. Explique-lui, apporte-lui des preuves et si elle te connait bien, elle verra dans tes yeux que tu lui dis la vérité. D’accord? Habille-toi et dégage... !

Liam se mordit la lèvre. Il ne parvenait plus à parler. Non, il ne s'attendait certainement pas à ce que Vaë lui saute dessus et l'embrasse. Il s'attendait plutôt à recevoir la raclée de sa vie. Que ce soit physique ou verbal. Mais apporter des preuves ? Comment ? Quelles preuves ?
Il ne put poser toutes ses questions que son père lui claquait le dos gentiment et l'accompagnait aux écuries. Liam avait mis son épée dans le dos et avait pris ses affaires, mais il tremblait. Il avait peur. Il était terrifié.
Sa mère et sa sœur étaient là aussi pour lui dire au revoir. Il les serra fortement contre lui, retenant ses larmes.

-Merci…je…je suis désolé…je devrais rester pour vous aider à démêler la situation…c'est de ma faute et…

Sa mère lui coupa la parole :

-Arrête. Nous sommes là et nous ferons tout pour calmer le jeu. En s'en prenant à toi de la sorte, cette fille s'en est prise à nous. Tu es notre fils Liam. Je n'accepterais pas que ce crime reste impuni. Enceinte ou non, tu ne te marieras pas avec elle. Elle a voulu cet enfant, elle assume. Toi, tu as été manipulé. Donc non consentant. Allez…file avant que je ne pleure comme un bébé !

Liam sourit faiblement et grimpa sur le dos de Nocturne, l'élançant dans la rue, illuminé par un simple rayon de lune. Heïan, Melley et Elayne rentrèrent une fois qu'il eut disparut de leur champ de vision, s'asseyant pour préparer l'offensive. Influents ou non, les Orson perdraient la partie. Et Keira se retrouvera mère célibataire à vingt ans. Enfin…Liam devra à vie donner de l'argent à la mère, même si elle n'en avait pas besoin. Mais tout ça, ils le verraient plus tard. Pour l'heure, ils devaient prier pour leur enfant et trouver la solution.

Les jours suivants, Liam ne fît que galoper. Il fatiguait Nocturne qui faisait des efforts pour son cavalier, ne lui laissant qu'une pause de quelques minutes dans la journée, le faisant courir la nuit, puis trotter ou au pas. Ne pas rester immobile trop longtemps. Il devait la rejoindre le plus vite possible. Parce qu'il sentait que quelque chose n'allait pas. Il le sentait, tout au fond de lui. Alors il talonnait les flancs de son étalon, s'excusant auprès de lui pour ce traitement.

A Beolan, les Orson avaient bien évidemment enragés en constatant que Liam était parti. Ils l'avaient traité de lâche, de faible. Heïan s'était interposé. Il rassemblait toutes les informations, bouclait un dossier en béton. Le Commandant n'avait pas pu venir immédiatement, mais viendrait courant de la semaine. Alors Heïan voulait être prêt. Ne laisser aucune faille par laquelle les Orson pourraient se glisser pour réchapper à la justice. Tout ce qu'il espérait, c'est qu'ils ne tenteraient pas de graisser la patte au Commandant pour altérer son jugement et le rallier à eux. Parce que s'ils le faisaient, Heïan était perdu et avec ça les chances de sauver son fils de ce maudit mariage. Melley se faisait presque harceler à la boutique, la mère et Keira venant tous les jours pour qu'elle leur couse une robe de mariée digne de ce nom. Mais l'Archère refusait. Ce qui énervait l'adversaire encore plus.

Les montagnes s'approchaient. Enfin. Une semaine et demie de galop effréné. Mais maintenant, la montagne apparaissait, le village en contre bas se dessinant devant lui. Il y entra à toute vitesse, freina brutalement son cheval devant l'auberge, le confia au palefrenier en lui donnant plus que nécessaire pour qu'il fasse en sorte que Nocturne se remette de cette chevauchée puis se dirigea vers le pic. Il avait mémorisé le chemin emprunté quelques mois plus tôt. Il commença à le gravir, lentement, faisant attention aux congères. Il s'enfonçait dans la neige, le froid lui mordait la peau. Il n'allait pas mieux. En lui, c'était l'enfer. Il s'en voulait atrocement. Il s'en voulait pour tout ce qu'il avait fait subir à Vaë. Pour tout ce qu'il faisait endurer à sa famille. Il était misérable…faible et lâche.

Il passa la journée à marcher et, la nuit tombée, il ne dormit pas, ou juste en somnolant, debout contre un arbre pour ne pas congeler. Il était tout proche du sentier de chasse Eira. Il sentait la présence de Vaë. Et pas seulement parce qu'il avait le pendentif sur lui. Il la sentait, sentait sa souffrance. Le lendemain, le soleil se levait à peine qu'il était déjà en route. Il gravissait le sentier, faisant extrêmement attention.

Tellement attention qu'il n'entendit pas les Eira s'approcher. Il sursauta lorsque la flèche se planta dans le sol, à quelques millimètres de ses pieds. Liam calma un peu son cœur et releva la tête. Sa main ne se porta pas à son épée. Ephraïm était posté sur un rocher, arc bandé, flèche encochée.

-QU’EST-CE QUE TU FOUS ICI ?! VA-T’EN SINON JE T’ABATS SUR-LE-CHAMP !

Liam déglutit alors que les hommes du chef de clan l'entouraient, leur arc prêt. Prêts à donner la mort au moindre signal de leur chef.

-Ephraïm…je…je suis venu voir Vaë…

-Elle n'a pas besoin de toi. Laisse-là en paix. Tu as assez fait de mal.

Le chevalier baissa la tête et se laissa tomber à genoux. Il devait convaincre le Eira.

-Laisse-moi lui parler. Cinq minutes. Je t'en prie. Ou tue-moi maintenant.

Cela fît douter Ephraïm. Liam était prêt à se laisser tuer. De son plein gré.

-Elle ne peut pas te voir. Elle est malade. Par ta faute, démon aux yeux jaunes.

Malade ?! Comment ça malade ? Liam écarquilla les yeux et s'exclama :

-Qu'a-t-elle ?

-On ne sait pas, mais elle va en mourir. A cause de TOI ! VERMINE ! JE TE FAISAIS CONFIANCE ! JE COMPTAIS SUR TOI ! JE DEVRAIS TE PLUMER COMME LE CORBEAU QUE TU ES !

Le cœur de Liam pulsait trop vite dans sa poitrine. Lentement, il agrippa son épée, et la posa devant lui, sur la neige.

-Ephraïm…je ne peux nier ce que j'ai fait. Mais je ne le voulais pas…je…j'ai été manipulé…je t'en supplie. Accorde-moi cinq minutes avec elle. Juste ça.

Malade…il l'avait tellement brisée qu'elle en était tombée malade. Malade à en mourir. Ce n'était pas à elle de mourir ! Mais à lui ! C'était lui le fautif dans cette histoire ! Lui et lui seul !
En haut sur le rocher, Ephraïm réfléchissait. Il n'était pas au courant de ce qui s'était passé, mais Liam ne niait pas y être pour quelque chose. Et Ephraïm voulait savoir.
Il donna des ordres à ses hommes, dans la langue du peuple Eira. Quatre descendirent, entourèrent Liam, prirent son épée et l'agrippèrent aux bras, le forçant à se relever et les suivre. Plus personne ne parla sur tout le trajet. Les regards étaient posés sur lui, vifs, dangereux. Des prédateurs. Et lui n'était qu'une proie. Ils entrèrent dans l'enceinte même du village, ou il n'y avait plus aucune trace des atrocités commises quelques mois auparavant. Les huttes étaient refaites et pleines, sans doute un second clan, les défenses rebâties, les gens souriants. Enfin…souriant avant de le voir. Tous avaient entendu parler du démon aux yeux jaunes, celui qui avait rendu Vaë malade à ce point. Les gens s'écartaient sur leur passage, pour ne pas être contaminés. Liam avait la gorge nouée, l'estomac contracté et le cœur broyé.

On le força à se mettre à genoux dans la neige, lui attachant les mains dans le dos. Ephraïm commença à faire les cent pas devant lui puis déclara :

-Tu me racontes ce qui s'est passé et je verrais pour t'accorder tes cinq minutes.

-Je…ce qui s'est passé ?

Vaë ne lui avait donc rien dit…ou était-ce parce qu'elle était trop mal pour parler ? Ephraïm s'approcha de lui, une lame en main.

-Parle ou je t'égorge. Ici.

Liam acquiesça, terrifié et il ouvrit la bouche, racontant tout. Keira, le bal, les menaces, le philtre, son attitude, sa tromperie…tout.
A la fin, Ephraïm était plus blanc que la neige si possible et ses yeux de glace lançaient des éclairs gelés vers lui. Il rabattit son poing et frappa Liam à la tempe fortement. La neige froide sur son visage fît ressurgir la douleur.
Liam s'était écroulé de côté et les hommes des montagnes durent l'aider à se remettre sur ses genoux. Il saignait de l'arcade sourcilière, il le sentait. Mais ne pouvait pas blâmer Ephraïm pour son geste. C'était…normal. Parce que si quelqu'un faisait une chose aussi atroce à Elayne, Liam le tuerait.

-Tu es vraiment un monstre…je pensais que tu étais différent…murmura Ephraïm en s'accroupissant près de lui.

Liam baissa la tête.

-J'ai été manipulé…je m'en veux, crois-moi. Je n'ai pas voulu lui faire mal à ce point, je…laisse-moi cinq minutes s'il te plaît.

Ephraïm semblait réfléchir de plus belle. Mais il avait fait un marché. La vérité contre les cinq minutes. Et le monstre avait respecté sa partie. A lui d'honorer la sienne. Il le fît se relever, le détacha et le conduisit jusqu'à la grotte ou se trouvait sa sœur.

Il laissa Liam y aller, restant en retrait mais le gardant en ligne de mire.

Le chevalier s'approcha lentement de Vaë. Elle était couchée, emmitouflée dans une tonne de couvertures et de fourrures, grelottante et fiévreuse. Elle avait encore maigri à ce qu'il pouvait juger sur ses joues et était encore plus pâle qu'avant. A cause de lui…elle tourna la tête vers lui, toussant violemment. Elle cracha du sang…
Liam déglutit et commença le geste de lever la main. Mais il s'arrêta au milieu de son chemin. L'envie ne manquait pas, mais il ne la toucha pas. Ne lui caressa pas la joue, ne lui prit pas la main. Il ne pouvait pas toucher cette femme pure, innocente et merveilleuse. Il ne le pouvait pas parce qu'il était souillé. Il était le fautif et par sa faute elle allait mourir.
Regardant ses yeux vides, éteints, se sentait plus mal que jamais, il lui dit, priant pour qu'elle entende :

-Vaë…je ne te demanderais pas de me pardonner parce que je suis impardonnable. Je ne te demanderais pas de me laisser une autre chance parce que je ne la mérite pas. Non. Je ne te demanderais pas de faire ce sacrifice. Tout ce que je te demande, c'est de continuer à vivre. De te battre et de vivre auprès des tiens. C'est tout ce que je te demande…

Il se releva lentement, ne la quittant pas des yeux. Les cinq minutes étaient passées et il sentait le regard d'Ephraïm posé sur lui. Il se laissa entraîner à la sortie, lui lançant un dernier regard, un dernier encouragement silencieux pour qu'elle se batte, qu'elle lutte contre la maladie. C'était à lui de mourir. Et non à elle.
Ephraïm le jeta littéralement en-dehors du village, lançant son épée en même temps. Elle se planta dans le sol, devant son visage. Se relevant, Liam eut juste le temps de voir les portes se refermer sur Ephraïm. Rengainant son épée, Liam commença à marcher. Le soleil grimpait vers son zénith. Il tremblait et sentait les larmes venir. Il l'avait tuée…

Il fouilla sa poche et sortit un petit sac qu'il ouvrit en tremblant. Le cœur de l'océan reposait contre sa paume, brisé. Comme elle. Comme lui. S'approchant d'un arbre, il prit la chaîne et l'attacha à une branche. Le serrant une dernière fois dans sa main, Liam recommença à marcher. Mort à l'intérieur, vide.

Il s'en irait, une fois qu'il aurait entendu, senti ou eut une preuve qu'elle était partie vers un monde meilleur. Sans personne pour lui faire mal. Entourée de sa famille défunte…il s'en irait à ce moment-là, retournant chez lui et acceptant le mariage. Acceptant l'enfant. Pleurant chaque jour la mort de celle qui resterait à jamais sa rose.

Ses pas le conduisirent jusqu'à la grotte qu'il avait aménagée, lorsqu'elle les avait sauvés des Kawas. La peau de cerf était toujours là, bien qu'en piteux état. Il se faufila à l'intérieur, ou l'attendait encore les piles de bois. Il se fît un feu, s'asseyant contre la paroi.

Il l'avait tuée…alors qu'il était coupable. Ce serait à lui de mourir. Pourquoi elle ?

Il laissa échapper la peine et la douleur qu'il ressentait au fond de son être. Cette culpabilité qui le rongeait et qui le rongerait à vie. Cette douleur atroce qui broyait son cœur. Ce bloc de béton qui compressait son estomac.

Il lui avait dit que jamais il ne l'abandonnerait. Il avait fait pire.

Il l'avait tuée.

La sauvage part.1

Ephraïm était sorti pour la journée et Elsah l’avait laissé seule puisque son état s’était quelque peu amélioré, étant descendu à la source chaude pour puiser de l’eau à mettre sur le feu. L’heure du médicament arrivait à grands pas et il fallait que le bouillon soit à la bonne température pour que les plantes puissent être efficaces. Pendant ce temps, il y avait de la visite pour Vaë à l’étage et elle était à moitié consciente de ce qui se passait. Cependant, elle avait bien connaissance de la présence qui s’était agenouillée à ses côtés et l’odeur n’était ni celle de son frère, ni celle d’Elsah... au contraire, elle était bien familière et... apaisante à la fois. Sa tête se tourna lentement vers lui, ses yeux à moitié clos. Elle avait des cernes et ses joues étaient plus creuses qu’à l’habitude. Il fallait dire qu’elle ne se nourrissait pas beaucoup depuis un moment alors la jeune femme dépérissait à vue d’oeil au malheur de ses proches. À ce moment, elle fut prise d’une violente toux qui la fit grimacer et gémir encore un fois. La jeune femme crachait toujours du sang et fermait les yeux le temps que la douleur ne s’estompe dans sa poitrine.

‘‘ Vaë… je ne te demanderais pas de me pardonner parce que je suis impardonnable. Je ne te demanderais pas de me laisser une autre chance parce que je ne la mérite pas. Non. Je ne te demanderais pas de faire ce sacrifice. Tout ce que je te demande, c’est de continuer à vivre. De te battre et de vivre auprès des tiens. C’est tout ce que je te demande… ‘‘

Cette voix... Liam? Il était là, à côté d’elle? Sa voix semblait si lointaine, mais ses mots se rendirent bien à destination, résonnant comme un écho dans son esprit. Que faisait-il ici? N’était-il pas sensé être aux côtés de Keira maintenant, sa nouvelle flamme? Son coeur battait la chamade et lui faisait aussi affreusement mal depuis la coquille dans laquelle il s’était enfermé. Mais déjà il se faisait loin, elle le sentait l’abandonner de nouveau comme il l’avait fait 3 semaines plus tôt... encore une fois. Son âme était en miette et elle ne voulait pas se battre s’il n’était pas là pour l’aider à remonter la pente, mais d’un autre côté, elle n’était plus rien à ses yeux. Il s’était donné à une autre femme sans lui expliquer pourquoi il l’avait délaissé comme une brute. Oui, elle lui en voulait, énormément même, mais jamais ses sentiments à son égard ne se tariraient. Chez elle, on ne s’unissait qu’à un seul partenaire et on lui était fidèle jusqu’à la mort. Or, elle ne comprenait pas le principe chez les gens d’en bas . Était-ce toujours ainsi? En fait, elle ne savait plus... avait l’impression de divaguer et de devenir littéralement dingue.

Lorsqu’elle voulut lui dire de revenir, qu’il lui parle encore un peu, aucun son ne sortit de sa bouche. Rien... nada. À croire qu’elle était devenue muette. Et elle le sentit loin, bien loin d’elle. Fermant les yeux, elle versa quelques larmes silencieuses alors qu’Elsah revenait s’assoir à ses côtés.

Liam fut jeté hors du village par Ephraïm lui-même et celui-ci lança son épée. Maintenant qu’il débarrasse le plancher et les laisse enfin vivre en paix, qu’il cesse de torturer sa soeur, sa dernière famille. La barricade récemment construite se referma derrière le chef, laissant le démon aux yeux jaunes croupir dans la neige et le froid. Lorsque le nordique revint dans la grotte, Vaë essayait désespérément de se lever alors qu’Elsah l’écrasait contre ses couvertures sans lui faire de mal. Se précipitant vers elle, il lui parla doucement, constatant qu’elle pleurait. Sa bouche s’ouvrait pour hurler et ne laissait échappé qu’un murmure sans son.

‘‘ Vaë! Vaë... soeurette... calme-moi je t’en prie... ça va aller. Ça va aller... chhhhht... ’’ Chuchota-t-il alors que sa soeur se calmait lentement, toussotant de nouveau.

Bercée par le chant d’Elsah, la druidesse se calma enfin et ils purent lui donner le médicament qu’elle but docilement malgré la douleur de sa gorge. Ephraïm et la vieille dame étaient inquiets pour elle, car si la fièvre ne disparaissait pas totalement d’ici la fin de semaine, Vaë les quitterait pour de bon. Aucun nutriment ne se rendait à son estomac et le liquide qu’ils lui faisaient boire n’était pas non plus suffisant. Le chef des Eira aurait bien voulu que sa soeur lui dise quelles plantes il devait utiliser pour lui donner les soins dont elle avait besoin, mais elle arrivait à peine à garder les yeux ouverts.

La semaine s’écoula donc lentement et la fièvre avait fini par tomber le lendemain au soir de la visite de Liam. Ephraïm dormait à ses côtés, la serrant contre lui et fut plus que surpris de voir que sa respiration se faisait régulière si on oubliait la toux qui persistait malgré tout. Ne bougeant pas malgré la fin, le jeune homme posa un baiser sur son front et referma les yeux, veillant sur elle. En fin de journée, elle ouvrit les yeux bien qu’épuisée. Un faible sourire se dessina sur ses lèvres, un sourire bien triste qui remplit Eph’ de remords. Peut-être aurait-il dû attendre qu’elle soit consciente avant de chasser Liam, histoire de lui permettre de parler davantage. Cependant, il ne voulait plus la voir souffrir, plus jamais...

Quelques jours s’écoulèrent et Vaënadiel fut en mesure de s’assoir et de recommencer à manger par elle-même. Sa gorge la faisait encore souffrir et elle toussotait avec beaucoup moins de violence. Elle en profita pour montrer à son frère les plantes dont il avait besoin pour les soins de plus haute importance. Ainsi, il saurait pour une prochaine fois. En ce qui concernait Liam, elle ne posa pas de question et son frère ne lui en parla pas non plus, bien que ses pensées étaient constamment tournées vers lui. Pas stupide, Eph’ le voyait dans son regard. Regard qui avait perdu de sa brillance d’ailleurs. Même son sourire était devenu bien rare alors qu’elle souriait sans cesse auparavant. Est-ce qu’elle était au courant pour tout ce qui s’était passé? Quelque chose lui disait que non... mais il valait mieux qu’elle ne le sache pas pour le moment. Vaë se remettait à peine de ses émotions alors il ne fallait absolument pas qu’elle rechute. En matinée du début de la deuxième semaine, une jeune femme entra dans la caverne suivie d’un homme de la même carrure que son frère.

‘‘ Bon matin. J’espère que nous ne dérangeons pas? ‘‘

‘‘ Bien sûr que non, essayez-vous avec nous. Nous nous préparions à manger ‘‘ Déclara Eph’ sous le regard interrogateur de Vaë.

‘‘ Tu ne nous reconnais pas à ce que je vois... Eiriel, ma soeur et je suis Kiran. Il y a bien longtemps que nous ne sommes pas vus, je dois l’admettre. ‘‘

Fronçant les sourcils, la druidesse chercha, mais ses questions furent sans réponse jusqu’à ce que son frère ne la regarde en souriant bêtement.

‘‘ Le clan Tohru... ils sont venus habiter avec nous et... ‘‘

Ne pouvant toujours pas parler correctement, Vaënadiel regarda son frère avec insistance pour qu’il termine sa phrase. Ephraïm soupira et se lança. Il avait seulement peur que sa soeur ne le prenne mal vu les circonstances, mais il ne pouvait pas non plus le lui cacher éternellement. Et puis, il n’eut pas à le dire de vive voix, car Eiriel prit la main de son frère dans la sienne. Surprise, la nordique regarda leur main et finit par esquisser un sourire en coin avant de redresser sur ses jambes.

‘‘ Où vas-tu? Nous allons manger dans quelques minutes. ‘‘

‘‘ Je vais chercher des plantes pour ma gorge... je n’ai pas faim. ‘‘ Sa voix sonnant comme une extinction de voix.

Vaë alla donc chercher son manteau de fourrure et allait lorsque son frère lui barra la route.

‘‘ Je ... suis navré, soeurette. J’aurais voulu attendre, mais ne je le pouvais pas... ‘‘

La jeune femme ne lui fit qu’un sourire lorsque son frère lui tendit son arc et son carquois fait en peau de bête. Ensuite il les laissa partir, n’ayant pas oublié de lui dire de bien faire attention où elle marchait et de garder Meeko et Boris non loin d’elle, au cas où. Quitta la caverne, Vaë inspira l’air frais pour la première fois depuis un bon moment avant de mettre le pied sur la neige molle. Elle ne pouvait cependant pas cacher que ça lui faisait étrange d’être revenu chez elle. À vrai dire, son corps était ici, mais sa tête était ailleurs.

Quittant le village après avoir traversé les barricades quelque chose de brillant l’aveuglait. Les rayons du soleil semblaient se fracasser sur les arbres non loin devant elle et ce fut avec curiosité qu’elle s’en approcha. Son coeur fit un bond en voyant le pendentif que Liam lui avait offert... la pierre était brisée en mille morceaux, mais l’homme avait pris la peine de rassembler les plus gros morceaux afin de le reconstruire. Délicatement, elle le prit dans ses mains et l’observa un long moment. Liam devait être bien loin maintenant. Serrant le bijou dans sa main, Vaë ferma les yeux et baissa la tête un instant avant de le ranger et se remettre à sa tâche; celle de trouver des Irkath blanches, herbe qui ne poussait que près des cavernes de ce côté de la montagne. Boris courait derrière, jouant avec Meeko dans la neige alors que la jeune femme marchait d’un pas régulier, ses pieds s’enfonçant dans la neige. Débouchant dans le sentier de chasse, Vaë continua un moment et arriva au premier endroit qu’elle connaissait. Et... oh! Justement, il y en avait une juste là. Sautant maladroitement en bas, Vaë s’accroupit et prit sa sacoche avant de commencer à arracher les herbes une par une. La toux lui reprit et elle porta sa main devant sa bouche et la regarda. Il n’y avait plus de sang, alors pourquoi regardait-elle encore? Certainement l’habitude.

Derrière elle, il y avait du mouvement. Chose qui d’ailleurs, Vaënadiel n’avait pas remarqué. Dans la grotte derrière elle, tout était sombre et habituellement il n’y avait rien, même pas des animaux. Ce fut le brun d’une brindille qui craquait qui la fit sursauter. Lâchant sa sacoche, la druidesse prit l’arc d’un mouvement vif et encocha une flèche. Elle fit un premier pas vers l’arrière, regardant par delà son capuchon de fourrure solidement appuyé contre sa tête. Une silhouette sombre se dessina dans l’ombre de la grotte et devenait de plus en plus présente. Son rythme cardiaque s’accéléra. Et si c’était un Kawa, un espion?! Elle était dans un sale pétrin... un deuxième pas vers l’arrière se fit, mais comble de malheur, Vaë chuta à cause de sa légendaire maladresse et amorça une déboulade dans une pente, atterrissant à plat ventre et le visage dans la neige. Elle secoua la tête de gauche à droite et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle tressaillit; du sang?! Ses mains se rendirent jusqu’à son visage où elle constata que le tout venait de son nez. Surement un coup alors qu’elle faisait une chute si spectaculaire qu’elle avait oublié la chose qui était sortit de la caverne un peu plus haut. L’arc lui, était à mit chemin derrière elle, gisait sur la neige alors que les flèches s’étaient éparpillées un peu partout.

Les cheveux pleins de neige, la jeune femme se redressa en posa ses mains protégées par d’épais gants en fourrure. Elle prit le temps de se secouer et étira le cou vers l’avant alors qu’elle faisait son chemin avec les gouttelettes de sang qui tombaient de son nez entreprenant de ramasser ce foutoir jusqu’à ce qu’elle voit des bottes sombres s’arrêter juste devant elle. Mais que... ?! Lorsqu’elle releva les yeux, elle croisa un regard un peu trop familier à son goût et brusquement, elle se redressa, le contournant pour prendre l’arc et elle encochèrent une flèche pour la pointer entre ses yeux, tremblotant. Liam restait de marbre, semblant attendre que la flèche se fige en lui. Vaë planta son regard dans le sien un long moment alors que son souffle laissait échapper une fine fumée blanche. Celui-ci se pencha et ramassa les dernières flèches alors qu’elle baissa son arc en ne le lâchant pas du regard. Lorsqu’il les lui tendit, elle le prit vivement et les replaça dans le carquois. Lui tournant finalement le dos, la jeune femme remonta la pente avec maladresse tout en essuyant son nez avec de la neige. Elle reprit sa sacoche et tourna de nouveau les yeux vers le chevalier qui la suivait de loin, le regard tout aussi perdu que le sien. Par le dieu de l’équinoxe... pourquoi était-il resté ici et n’était pas parti comme elle le croyait? Il allait mourir de froid. Sans lui avoir adressé la parole, la druidesse prit la poudre d’escampette comme une sauvage et disparue dans le sentier de chasse au travers des arbres pour se rendre à sa caverne. Personne ne s’y trouvait alors elle prit une couverture de fourrure qui trainait sur son lit, un sac de viande et revint sur ses pas après une trentaine de minutes. Entrant sans demander de permission, Vaë lui lança la couverture et le sac de viande avant de se laisser tomber sur le fessier dans l’entrée de la tanière pour l’observer en silence, comme si elle ne le connaissait pas, ce qui était peut-être le cas au final.

Silencieuse, Vaënadiel restait là, mais dès qu’il osait s’approcher, elle se relevait et se reculait, reprenant sa place une fois qu’il eut cessé ses tentatives. Elle attendait tout simplement, toussant de temps à autre...

Une nouvelle journée s’annonçait, en-dehors de la grotte. Liam voyait le soleil passer au travers des interstices de la peau de cerf qui servait de porte. Il était allongé sur le côté, roulé en boule dans son manteau pour tenter d’éloigner le froid. Depuis combien de temps était-il là ? Près d’une semaine, s’il ne se trompait pas. Une semaine de torture intérieure et d’angoisse, de froid et de faim. Une semaine depuis qu’il avait parlé à Vaë. Sans doute pour la dernière fois de sa vie. Il n’y avait pas âme qui vive en haut et il craignait chaque jour, chaque instant, que le pire était arrivé. Il avait craint que le chef Eira ne le chasse de son territoire, mais il n’en avait rien fait.

Une semaine qu’il se demandait comment se portait sa famille, si les Orson ne faisaient pas trop de misères. Il se torturait, s’en voulait, voulait disparaître. Il avait fait tant de mal…il était réellement un monstre. Un démon aux yeux jaunes. Il l’était et le resterait. Lentement, décongelant ses membres, il ralluma le feu et grignota légèrement. Il n’avait pas faim. C’était juste pour tenir. Il avait déjà maigri quelque peu, mais cela ne se voyait pas sous le manteau.

Il avait décidé d’écrire une lettre à ses parents. Une lettre dans laquelle il les informerait que Vaë allait mourir par sa faute. Une lettre qui leur dirait qu’il ne reviendrait que lorsqu’elle serait en paix avec les siens, en haut avec les dieux. Une lettre ou il leur demanderait d’arrêter les attaques contre les Orson, leur expliquant qu’il épouserait Keira en revenant, et élèverait l’enfant. Même s’il ne serait pas heureux, au moins les règles seraient respectées. Il soupira, sortant une feuille de son sac et une plume. De toute manière, chasser ne servait à rien, il tremblait trop, ses gestes étaient moins assurés, hésitants et faibles. Alors autant vivre sur les réserves de ses parent

A Beolan, la situation ne s’améliorait pas du tout. Keira et ses parents avaient comme convenu mis le Commandant de leur côté et l’alchimiste était traité de fou qui divaguait et sortait des textes appris par cœur qu’Heïan lui avait donné à dire. Il risquait sa place, son rang de Capitaine. Elayne en cours se faisait railler par tous. La nouvelle de la fuite de son frère c’était répandue et tout le monde le traitait de lâche. De sang chaud qui n’assumait pas ses actes. Parce qu’au lieu de garder le secret, la peste avait dit à tout le monde qu’elle attendait un enfant de lui et qu’elle finirait par ce marier avec lui parce qu’ils devaient respecter les règles. Melley quant à elle, continuait de refuser de concevoir la robe de la blondinette. Son fils n’épouserait pas cette vicieuse vermine ! Enceinte ou pas ! Elle l’aurait fait avec grand plaisir pour Vaë, mais pas pour Keira. Jamais de la vie. Sa famille pensait à Liam, espérant qu’il ait pu retrouver Vaë et qu’il ait réussi à lui parler. Espérant qu’il aille bien et qu’il ne se blâme pas trop pour la situation. Heïan et Melley s’étaient jurés de toujours protéger leurs enfants à partir du moment où elle était tombée enceinte après son enlèvement. Ils s’étaient promis de ne jamais les laisser tomber, qu’importe la situation. Bien sûr, ils n’avaient pas imaginé une telle situation, mais ils feraient tout pour défendre leur fils et les sortir tous de là.

Une autre semaine s’amorçait dans les montagnes. Liam était toujours assis dans sa grotte. Il sortait peu, pour se dégourdir les jambes et s’aérer, mais la vue de la neige lui rappelait Vaë et son remord revenait en bloc, le forçant à retourner dans le noir de la grotte. Dans les ténèbres. Telle était sa place maintenant. Sa lettre était rédigée, mais il n’avait pas eu le courage de descendre au village l’envoyer. Il avait peur qu’elle…ne parte en son absence. Et même si elle l’avait oublié, ne l’aimait plus et au contraire le haïssait comme jamais, il voulait lui dire un dernier au revoir. Même à distance, même silencieux. Le feu était faible et diffusait de drôles d’ombres sur les parois. Des ombres qui représentaient à ses yeux le démon qu’il était.

Soudain, il entendit une toux, à l’extérieur. Une toux qu’il n’avait entendue qu’une fois, deux semaines auparavant. Il se releva lentement, se rapprochant de la sortie. Il voyait une silhouette lui tourner le dos, penchée en avant, dehors. Une silhouette qu’il connaissait, qu’il reconnaissait malgré la fourrure. Il s’approcha encore, n’y croyant pas, pensant rêver, congelé dans la grotte. Il continua d’avancer mais marcha sur une brindille qui craqua et alerta Vaë. Elle sursauta, lâchant sa sacoche et se retournant, agrippant son arc et encochant une flèche. Liam continua de s’approcher, tremblant. Elle…elle était en vie…semblait être remise de la maladie…elle s’était battue…

Elle reculait, terrifiée. Qui croyait-elle qu’il était ? Il avança encore et d’un coup elle chuta, dégringolant la pente. Il se précipita dehors pour voir si elle n’avait rien, et la vit en contrebas, à plat ventre, son arc et ses flèches disséminées tout autour d’elle. Il vit du sang aussi et paniqua, mais elle se redressa et il vit que ce n’était qu’un saignement de nez. Rien de bien grave…penser cela dans la circonstance le fît ricaner doucement alors qu’il descendait à la rencontre de Vaë pour l’aider. Enfin…si tant est qu’elle accepte sa présence.
Elle ramassait ses flèches lorsqu’il fût à son niveau, s’arrêtant devant elle. Elle leva les yeux, stoppant tout mouvement, et leurs regards se croisèrent. Elle le reconnut et, d’un bond, se releva, le contourna, prit son arc et encocha une flèche, qu’elle pointa juste entre ses yeux. Il resta figé, ne fît rien pour abaisser la flèche. Qu’elle le fasse. Maintenant. Au moins la justice aura été rendue. Celle qu’il aura fait souffrir mettra fin à ses jours, la délivrant ainsi du mal. A jamais. Il attendait qu’elle lâche la corde, se préparant à sentir la flèche se planter en lui, mais elle ne fît que le regarder longuement, de la fumée blanche s’échappant de sa bouche. Lentement, sans gestes brusques, il se pencha et agrippa les flèches qu’il lui tendit. Elle les reprit et les rangea dans leur carquois pour finalement lui tourner le dos et gravir la pente vers la grotte. Le cœur se serrant lourdement, Liam la suivit, restant à bonne distance, le regard vide et lointain. Arrivé à la grotte, il la vit tout juste se faufiler entre les arbres, rentrant chez elle au pas de course.

Il soupira et rentra, remettant du bois sur le feu. Aucune parole n’avait été échangée. Mais au moins elle était en vie et se remettait de sa maladie. Alors il pouvait partir. Il…il pouvait retourner chez cette peste et se forcer à l’épouser pour « respecter les règles ». Mais son père lui avait dit d’être patient et de lui apporter des preuves. Mais comment ? Elle était repartie, et si elle disait à son frère qu’il était toujours là, sûr, la flèche se ficherait en lui et l’emmènerait en enfer.
Il se rassit, ne sachant pas s’il devait partir ou non.

Les minutes s’égrenèrent, jusqu’à ce qu’il entende des pas approcher. Il n’eut pas le temps de sortir pour voir que Vaë entrait, lui lançant un sac et une couverture. Que… ? Il ne comprenait pas. Il ne le méritait pas. Elle s’assit à bonne distance de lui, l’observant en silence, comme un étranger. Ce qu’il était. Un étranger pour elle. Il avait tout détruit, mais tenterait de réparer. Si cela ne fonctionnait pas, il la laisserait avec les siens, en vie et heureuse. Lui il aurait droit à sa punition à Beolan avec le mariage et l’enfant. Une punition à vie.

Il tenta de s’approcher, pour lui transmettre sa chaleur corporelle principalement parce qu’il ne voulait en aucun cas qu’elle fasse une rechute, mais elle se reculait à chaque fois, jusqu’à ce qu’il se résigne et reprenne sa position, loin du feu pour qu’elle s’en rapproche et se réchauffe devant les flammes. Parce qu’elle toussait encore.

Il se tordait les mains, tremblant et son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Que dire ? Elle attendait.

Il se sentait idiot et savait qu’à chaque mot qu’il prononcerait ce serait pire encore. Mais il devait…tenter.

-Vaë…je suis content de voir que tu vas mieux.

Il ne réussit pas à lui sourire, même pas un petit en coin. Elle le regardait toujours fixement en toussant par moment, l’analysant.

-Je…je suis impardonnable et je ne mérite pas ton affection. Je comprends que tu me haïsses et ne veuilles plus me voir. Et je vais partir. Je…maintenant que je sais que tu vas bien, je…

Il inspira un grand coup. Elle devait connaître la vérité.

-Elle m’a manipulé, Vaë. Elle m’a fait boire un philtre puissant qui m’a fait perdre le contrôle de moi-même. Elle avait la main mise sur moi. Mon père a découvert l’homme qui le lui avait procuré et l’a arrêté. Elle n’a plus eu de philtre et j’ai retrouvé mes esprits. Mais c’est trop tard…je t’ais fait souffrir une fois de plus. Une fois de trop.

Il se tut pour la laisser digérer le tout. En revanche, il ne savait pas s’il devait lui dire tout de suite pour l’enfant. Elle risquait de rechuter. Mais…il ne voulait pas qu’elle lui donne une autre chance, ce qui était peu probable, et ensuite qu’il le lui dise. S’il le disait maintenant, elle digérerait mieux et aurait plus de facilité à le chasser de ses terres. Sauf qu’il ne voulait pas qu’elle rechute.

-Je m’en veux énormément, Vaë. Je suis un monstre. Reprends ta couverture et ton sac. Je ne les mérite pas et n’en ai pas besoin. Ne t’en fais pas pour moi. Pense à toi. Moi je vais vivre avec mes remords.

Lui dire ? Ne pas lui dire ? Il hésitait. Il devait le dire mais en même temps…tant pis. S’il disait tout d’un bloc maintenant, au moins ce serait fait. Il ne pouvait pas cacher cela à Vaë. Il devait être transparent pour qu’elle le croie. Pas pour qu’elle pardonne, juste pour qu’elle le croie.

-Et…Vaë…je…dois te dire…je dois te le dire, je ne veux pas que tu l’apprennes autrement que par moi…a cause de moi tu vas encore avoir mal. Keira est… enceinte. Elle…elle avait tout calculé pour me piéger et me forcer à l’épouser, selon les règles bourgeoises. Je ne voulais pas…je n’étais pas lucide…Vaë…je…

Il baissa la tête, n’osant pas affronter son regard. Il était persuadé que, lorsqu’il relèverait la tête, il serait seul dans la grotte. Seul à jamais, malgré l’avenir que cette peste lui avait tracé.

Spoiler:

La sauvage, part.2

Liam semblait nerveux par le seul fait de sa présence. Tous les signes le démontraient : ses mains et ses tremblements à peine perceptibles au-delà de la lueur que les flammes du feu projetaient. De plus, il ne savait pas quoi dire ou tout simplement comment lui parler avec tout ce qui s’était passé entre eux depuis les dernières semaines. Dans ce silence, Vaë l’entendit inspirer profondément alors qu’elle ne lâchait des yeux, c’est par la suite qu’il ouvrit la bouche, d’un timbre de voix légèrement cassé.

‘‘ Vaë… je suis content de voir que tu vas mieux. ‘‘

Qu’elle ne le fasse voir ou non, entendre sa voix lui faisait du bien comme du mal. Lorsqu’il lui avait tourné le dos, quelques semaines plus tôt, elle avait cru que le monde s’écroulait sous ses pieds. Il était maintenant, là, juste devant elle et si près. Une partie d’elle voulait lui hurler de partir alors que l’autre désirait plus que tout qu’il reste.

‘‘ Je…je suis impardonnable et je ne mérite pas ton affection. Je comprends que tu me haïsses et ne veuilles plus me voir. Et je vais partir. Je… maintenant que je sais que tu vas bien, je… ‘‘

Comment pouvait-elle haïr l’homme qu’elle aimait, même s’il l’avait blessé de la sorte? Elle s’était donné à lui tout entier et ce n’était pas pour rien. C’était lui ou rien du tout. Jamais elle ne pourrait le détester, mais la confiance n’était plus là. Elle s’était sentie trahi et avait été ridiculisée par Keira elle-même à deux occasions... la rancune n’avait jamais eu de place en elle avant ce moment.

Une fois de plus, le jeune homme inspira et il continua :

‘‘ Elle m’a manipulé, Vaë. Elle m’a fait boire un philtre puissant qui m’a fait perdre le contrôle de moi-même. Elle avait la main mise sur moi. Mon père a découvert l’homme qui le lui avait procuré et l’a arrêté. Elle n’a plus eu de philtre et j’ai retrouvé mes esprits. Mais c’est trop tard… je t’ais fait souffrir une fois de plus. Une fois de trop. ‘‘

Vaënadiel fronça les sourcils; un filtre? N’était-ce pas un liquide fabriqué à base d’ingrédients quelconque? Alors...

Ses pensées firent un bond vers le passé, se remémorant parfaitement la journée où tout avait basculé. La maison était fouillée par les soldats, à la recherche de bêtes sauvages alors qu’eux, avaient dû retourner en ville où ils s’étaient installés à une terrasse. Seul Liam et Melley avaient bu quelque chose. Boire... filtre... et ensuite ce changement soudain d’attitude. C’était donc ça? Mais comment se faisait-il que personne n’avait vu Keira? Pourtant, elle est le genre de femme à ne pas passer inaperçue même dans une foule abondante.Revenant alors au moment présent, la druidesse releva les yeux vers Liam, comprenant un peu plus ce qui se passait ou plutôt, ce qui s’était passé. Malgré cet éclaircissement, Vaë n’osait pas toucher celui qu’elle aimait pour la simple et unique raison qu’il avait... enfin... juste cette pensée la faisait déglutir en l’envahissait d’une haine profonde envers la bourgeoise.

‘‘ Je m’en veux énormément, Vaë. Je suis un monstre. Reprends ta couverture et ton sac. Je ne les mérite pas et n’en ai pas besoin. Ne t’en fais pas pour moi. Pense à toi. Moi je vais vivre avec mes remords. ‘‘

Mais qu’est-ce qu’il racontait là? Pas besoin? La prenait-il pour une imbécile maintenant? Comme si elle n’avait pas vu que l’homme était frigorifié dans sa petite tanière. Un seul feu ne pourrait le tenir au chaud très longtemps et encore moins lors d’une tempête. Mais comme elle allait se relever sur ses jambes, Liam poursuivit alors qu’elle ne s’y attendait pas. Cessant tout mouvement, la jeune nordique le regarda et attendit.

‘‘ Et… Vaë… je… dois te dire… je dois te le dire, je ne veux pas que tu l’apprennes autrement que par moi… à cause de moi tu vas encore avoir mal. Keira est… enceinte. Elle… elle avait tout calculé pour me piéger et me forcer à l’épouser, selon les règles bourgeoises. Je ne voulais pas… je n’étais pas lucide…Vaë… je… ‘‘

Elle se sentit blêmir d’un seul coup et ses yeux se rondirent alors que Liam avait baissé la tête. Il n’osait de toute évidence pas la regarder, ayant trop honte. Ses craintes étaient donc devenues réalité... son loup aurait une famille avec une autre femme alors, cela voulait dire qu’il retournerait certainement auprès d’elle en la laissant ici? Sans même tenter de réparer les pots cassés? Jamais... elle ne le lui avait dit qu’elle fût égoïste et qu’elle ne le partage pas. Liam ne partirait pas...

‘‘ Tu es un idiot! ‘‘ Cracha t-elle de sa voix pratiquement absente et qui lui demandait tant d’énergie.

Vaënadiel se redressa sur ses jambes et s’approcha de lui, s’agenouillant. Mais elle ne fut pas douce et pour la première fois de sa vie, elle gifla quelqu’un avec une telle force qu’elle en fut elle-même surprise. Puis elle prit la couverture et l’ouvrit pour la déposer sur Liam avec un regard sévère, noir. Imbécile...

‘‘ Cesse de t’apitoyer sur ton sort et de dire que tout est toujours de ta faute, par tous les dieux! Le monstre ce n’est pas toi, mais cette horreur de la nature appelle Keira! J’ai seulement envie d’envoyer Boris la déchiqueter en petit morceau, lentement, pour qu’elle souffre comme moi j’ai souffert de te voir pendu à son cou! ‘‘

Elle reprit son souffle après avoir été secouée d’une forte toux et claqua la main de Liam qui s’approchait d’elle.

‘‘ Ne me touche pas! Je vais bien, mais toi... toi tu es un imbécile! Comment pourrais-je te détester?! Je me suis abandonnée à toi parce que je t’ai dans la peau, Liam! Purement et simplement pour cette raison stupide! ‘‘

Mais elle dut se calmer parce que ses poumons commençaient à s’affoler et ne pouvait s’arrêter de toussoter, cherchant aussi sa respiration que se faisait difficile. Vaë dut se recroqueviller sur elle-même et reprendre le contrôle de ses émotions avant de se redresser, ce qui prit une bonne minute. Lorqu’elle réussit enfin et qu’elle redressa le dos, son visage était rouge et des larmes s’étaient formé dans ses yeux dut à l’effort que la toux lui demandait. Inspirant et expirant profondément pour une dernière fois, la druidesse plongea de nouveau dans son regard tout aussi mort que le sien.

‘‘ Je ne veux pas que tu partes... laisse-moi seulement un peu de temps pour m’y faire, pour retrouver cette confiance que j’avais en toi. ‘‘ Dit-elle en marquant une pause. ‘‘Je reviendrai... mais ne... me brusque pas. C’est tout ce que je te demande... ‘‘

Et sans attendre une quelconque réponse de sa part, la druidesse prit de la viande dans le sac qu’elle avait lancé à ses côtés et entreprit de lui en faire un bout, gardant une certaine distance entre eux. Lorsqu’il fut prêt, Vaë tourna la longue branche vers lui et la laissa ainsi jusqu’à ce qu’il se décide de prendre la viande. La jeune femme n’était pas dupe, elle avait très bien entendu son ventre grondé lorsque l‘odeur s’était propagée dans la petite caverne.

Spoiler:

La réaction de Vaë fût tout le contraire de celle à laquelle il s’était attendu. Alors qu’il s’attendait à entendre ses pas s’éloigner de la grotte, ce fût sa voix qui s’éleva, dure, sèche, mais faible à cause de la toux.

-Tu es un idiot!

Il redressa la tête alors qu’elle se relevait, s’approchant de lui, s’agenouillant. Il ne bougea pas, ne sachant pas qu’elles étaient ses intentions. Alors, lorsqu’elle le gifla violemment, il resta bouche bée et se força à garder sa main le long de son corps et non de la porter à sa joue brûlante. Jamais personne ne l’avait giflé de la sorte. Pas même son père et sa mère.

Son cœur battait la chamade et Vaë agrippa la couverture qu’elle ouvrit, l’étendant sur lui pour le couvrir. Mais non…c’était elle qui devait se couvrir…c’était elle qui se remettait d’une grave maladie…

-Cesse de t’apitoyer sur ton sort et de dire que tout est toujours de ta faute, par tous les dieux! Le monstre ce n’est pas toi, mais cette horreur de la nature appelle Keira! J’ai seulement envie d’envoyer Boris la déchiqueter en petit morceau, lentement, pour qu’elle souffre comme moi j’ai souffert de te voir pendu à son cou!

Aussitôt après elle fût prise d’une quinte de toux qui la força à reprendre longuement son souffle. Il leva sa main, dans l’intention de juste la mettre sur son épaule pour la soutenir, mais elle la claqua, la repoussant vers lui.

-Ne me touche pas! Je vais bien, mais toi... toi tu es un imbécile! Comment pourrais-je te détester?! Je me suis abandonnée à toi parce que je t’ai dans la peau, Liam! Purement et simplement pour cette raison stupide!

La toux reprit encore plus violente et elle dût se recroqueviller pour reprendre son souffle. Liam resta parfaitement immobile. Elle…elle ne le virait pas. Elle ne le détestait pas. Elle ne pensait pas qu’il était un monstre au contraire de Keira. Mais…pour lui les faits restaient les mêmes. Ce n’était pas une question de s’apitoyer, c’était la vérité. Cet enfant verrait le jour et il ne pourra pas nier qu’il était le père. Et si Vaë lui laissait une chance, une ultime chance de se racheter, elle devra vivre avec ça sur le cœur aussi. Elle devra vivre en sachant qu’il avait fait un enfant à une autre, alors que son désir avait été que ce soit elle, la seule et l’unique, la mère de ses enfants, sa femme jusqu’à ce que la mort les séparent.
Mais Keira avait tout foutu en l’air en le piégeant sournoisement et lui…n’avait rien vu venir et avait plongé tête la première.

Vaë se redressa, le ramenant à la réalité, le visage rouge et les yeux humides. La toux. Elle ne pleurait pas, c’était la toux. Du moins il l’espérait. Elle inspira encore profondément, plongeant son regard dans le sien. Son regard éteint, le regard qui brillait près d’un mois plus tôt et qui était détruit…

-Je ne veux pas que tu partes... laisse-moi seulement un peu de temps pour m’y faire, pour retrouver cette confiance que j’avais en toi.

Elle fît une pause avant de terminer :

-Je reviendrai... mais ne... me brusque pas. C’est tout ce que je te demande...

Liam ne fît qu’hocher la tête et la laissa se relever, prendre le sac et en sortir un bout de viande qu’elle piqua dans une branche, posée par la suite au-dessus des flammes, gardant une certaine distance d’avec lui. Pendant que la viande cuisait, faisant grogner son ventre, Liam réfléchissait. Elle avait dit qu’elle reviendrait. Mais qu’il ne devait pas la brusquer. Soit, il le ferait. Il ne partirait pas et si elle repassait ne la toucherait pas, ne ferait rien. C’était elle qui décidait. Et c’était déjà plus qu’il n’avait osé l’espérer.

Elle lui tendit la branche, la viande cuite à point et fumante à son bout, et il la regarda, ne sachant pas s’il devait la prendre. Oui, logiquement, mais…elle était…attentionnée envers lui alors qu’il ne méritait pas tout ça. Pas pour l’heure. Et il ne s’apitoyait pas ! Mais faire souffrir ainsi la personne qu’il aimait tant était insupportable à ses yeux et elle pourrait dire n’importe quoi, il s’en voudrait à vie et se traiterait de monstre.
Il prit la viande, la remerciant du regard, et commença à manger alors qu’elle se rasseyait de l’autre côté, mettant le feu entre eux deux.

Il mangea rapidement, son ventre plus qu’heureux d’être enfin nourrit et il reposa lentement la branche à ses côtés. Pas de gestes brusques, rien. Elle restait là, à le regarder, le visage ni doux, ni dur. Elle toussait encore un peu, mais moins que lorsqu’elle l’avait engueulé.

-Merci, Vaë. Prends ton temps, surtout, d’accord ? Mais…si…si tu veux savoir, une fois, je t’expliquerais plus en détail la situation. Pour que tu comprennes bien. Je…

Il fût coupé par Ephraïm, qui hurla dans la grotte :

-TOI ! QU’EST-CE QUE TU FAIS ENCORE ICI ?! LAISSE-LA !

Il s’avança, Liam se releva, mains bien en évidence pour montrer qu’il ne ferait rien. Ephraïm était armé d’une longue pique, et s’il le voulait, il pouvait empaler le chevalier d’un simple mouvement de bras. Vaë ne disait rien, soit parce qu’elle était trop surprise, soit parce qu’elle n’avait plus de voix, soit parce qu’elle n’avait pas l’intention d’intervenir du tout.

-Je n’ai rien fait, Ephraïm. Pas ici, pas maintenant en tout cas. Crois-moi.

L’autre ricana.

-Te croire ? Après tout ce que tu lui as fait subir ? Jamais plus je ne te croirais. Jamais plus je n’accorderais ma confiance aux gens de ton espèce ! Je reviendrais demain soir et si tu es toujours là je te vire à ma façon ! Compris ?! Allez viens Vaë. Il fait froid, je ne veux pas que tu fasses une rechute et Elsah t’attends avec ton médicament.

La jeune femme regarda Liam une dernière fois avant d’obéir à son frère, bouche close. Il les laissa partir, ne bougeant pas d’un poil, attendant que les bruits de pas s’éloignent. Bon…se rasseyant, il se fît une deuxième tranche de viande, plus pour s’occuper les mains et remercier Vaë de son présent, qu’il mangea lentement. Vaë ne voulait pas qu’il parte, et pourtant Ephraïm lui avait ordonné d’avoir décampé le lendemain soir, faute de quoi il se ferait sans doute tuer. Il n’avait donc pas trop le choix, il devait s’en aller. Mais pas avant le lendemain. Lendemain midi, il s’en irait.

Vaë lui laissait une chance…une chance de réparer les dégâts…Il lui laisserait un indice dans la grotte si jamais il était parti lorsqu’elle reviendrait. Il songeait à aller à l’auberge du village, celle-là même ou ils s’étaient rencontrés la première fois.

Mais pas avant le lendemain midi…

Spoiler:

La sauvage, part.3

Alors qu’il mangeait avec appétit, la jeune nordique le regardait avec un visage dénué d’une quelconque émotion. Maintenant assis de l’autre côté du feu, son regard aqua ne faisait que l’observer. De temps à autre, elle portait une main à sa bouche pour éviter de contaminer Liam et se frotta la gorge de de l’autre en grimaçant faiblement.

‘‘ Merci, Vaë. Prends ton temps, surtout, d’accord? Mais… si… si tu veux savoir, une fois, je t’expliquais plus en détail la situation. Pour que tu comprennes bien. Je… ‘‘

Le chevalier n’eut même pas le temps de répondre qu’une voix forte s’éleva dans l’air et la peau de cerf qui se trouvait à l’entrée vola sous le coup que lui donna Ephraïm afin d’entrer à l’intérieur. Vaënadiel avait littéralement sursauté, mais aucun son n’était sorti de sa bouche à ce moment. Sa voix était portée disparue pour un certain temps apparemment.

‘‘ TOI ! QU’EST-CE QUE TU FAIS ENCORE ICI?! LAISSE-LA! ‘‘ Hurla t-il en fureur.

Lance en main, le chef des Eira s’approchait dangereusement d’eux et se mit sur la défensive lorsque Liam se redressa, les mains dans les airs pour lui montrer qu’il n’avait pas l’intention d’opposer de résistance. La pointe était pointée en direction du démon aux yeux jaunes alors qu’il baissait légèrement les yeux vers sa soeur qui lui lançait un regard noir, regard que Liam ne put voir puisqu’elle lui avait tourné dos. Ephraïm n’y porta pas attention; sa soeur était si naïve et facile à berner.

‘‘ Je n’ai rien fait, Ephraïm. Pas ici, pas maintenant en tout cas. Crois-moi. ‘‘ Se défendit-il.

Faisant preuve d’arrogance, le chef des Eira se mit à ricaner et planta son regard glacial dans le sien aussitôt après.

‘‘ Te croire? Après tout ce que tu lui as fait subir? Jamais plus je ne te croirais. Jamais plus je n’accorderais ma confiance aux gens de ton espèce! Je reviendrais demain soir et si tu es toujours là je te vire à ma façon! Compris?! Allez viens Vaë. Il fait froid, je ne veux pas que tu fasses une rechute et Elsah t’attend avec ton médicament. ‘‘

Vaënadiel darda son frère du regard puis tourna les yeux vers Liam qui n’avait toujours pas bougé. Il fallait qu’elle réfléchisse vite, mais pour l’heure, elle n’était pas pleinement remise de sa maladie et commençait tout juste à être solide sur ses jambes. Une chose était certaine dans son esprit : il était hors de question que son frère lève la main sur lui outre qu’elle. Personne! Sauf peut-être sa famille... mais bref... Dans un silence absolu, la druidesse se leva avec l’aide de son frère et il la sortit dehors la première sans qu’elle soit capable de prononcer quelque chose d’autre. Dehors, et suffisamment loin de la grotte, Eph’ prit le bras de sa soeur brusquement pour l’obliger à lui faire face.

‘‘ Es-tu aveugle à ce point Vaë?! Après ce qu’il a fait, tu es encore capable de le regarder en face et de l’approcher de la sorte?! ‘‘

‘‘ Mêle-toi de ce qui te regarde! ‘‘ Articula t-elle avec difficulté. ‘‘ Il disait la vérité! ‘‘

‘‘ AH! Tu es bien naïve ma soeur... même l’ennemi arriverait à te berner! ‘‘

La druidesse lui flanqua une gifle et lui tourna vivement le dos avant de continuer d’un pas rapide alors qu’Ephraïm resta bouche bée de ce geste. Il se mit aux pas de course pour la rattraper et lui bloqua le chemin.

‘‘ Pousse-toi! J’ai mon médicament à prendre... ‘‘

‘‘ Vaë, je ne fais ça que pour ton bien. ‘‘

‘‘ C’est pour mon bien que tu le tuerais?! Alors que tu sais très bien que j’ai encore des sentiments pour lui?! FOUTAISE! Tu m’énerves! Pousse-toi! Laisse-moi tranquille! ‘‘

Encore une fois, elle eut une crise de toux et son frère dut la prendre dans ses bras pour l’amener jusqu’au village. Il entra dans la caverne où sa promise l’attendait avec son frère et il la coucha dans son lit sous une ruée de coup. Elsah était surprise, mais réussis à la calmer en lui faisant boire son médicament. Ephraïm s’éloigna et regarda sa soeur du coin de l’oeil qui lui lançait un regard mauvais. Ses joues devenaient rouges par la rage et la vieille dame dut la descendre aux sources chaudes afin qu’elle puisse enfin se détendre. Ce ne fut qu’une heure plus tard que la jeune femme remonta avec Elsah et elle fila se cacher sous ses couvertures, repoussant toute personne qui tentait de lui apporter de la nourriture. La nuit ne tarda pas à tomber et le froid se faisait sentir. Vaënadiel ne faisait que tourner à gauche puis à droite jusqu’à ce qu’elle glisse sa main dans son manteau de fourrure pour en sortir le pendentif. Elle le serra dans sa main et ferma les yeux, ne trouvant que ce moyen pour calmer son coeur.

Au petit matin, Vaë était seule dans la grotte, les autres partirent à la chasse. Elle en profita alors pour retourner aux sources afin de se baigner et de nettoyer sa longue crinière en réfléchissant. En haut, son ouïe attendit des rires; ils étaient revenus. Se séchant et s’habillant, la jeune femme monta les rejoindre et s’installa en silence à leur côté pour manger. Son ventre hurlait famine et elle mangea facilement double portion, surprenant même les hommes qui n’en mangeaient pas autant. Le restant de la journée, la druidesse s’occupaient de la fourrure de Meeko et de celle de Boris qui avait élu domicile aux côtés de leur maîtresse à même la caverne au plus grand dam d’Ephraïm qui jugeait cela inapproprié. Cependant, sa soeur s’en fichait royalement. En fin d’après-midi, le chef Eira prit sa pique et se préparait à partir. Elsah était avec Vaë et il lui avait ordonné de ne pas quitter les lieux. Il allait rendre visite au démon aux yeux jaunes en avance...

La jeune femme resta là, docilement alors qu’elle avait un plan tout autre; devancer son frère et l’empêcher de commettre l’irréparable. Brusquement, Vaënadiel se tourna vers sa nounou et posa ses mains sur ses joues.

‘‘ Laisse-moi y aller, je t’en prie! ‘‘

‘‘ Vaë... je ne peux pas! ‘‘

‘‘ S’il le tue, je ne le supporterai pas, Elsah! Je l’aime... profondément..., il fait, parti de moi! ‘‘

Ses yeux étaient si globuleux que la vieille dame ferma les yeux et soupira. Elle ne supporta pas de voir sa louve souffrir autant et si Liam venait qu’à être tué, la pauvre ne le supporterait pas, ferait une rechute et ils la perdraient pour de bon.

‘‘ Aller file... ‘‘

Vaënadiel l’embrassa sur le front et se leva vivement courant en mettant son manteau sur son dos. Elle devait faire vite et elle connaissait un chemin qui le lui permettrait. Avec un peu de chance, elle serait la première sur les lieux. Elle détala comme un lièvre dans la neige et arriva non loin de la grotte au même moment où elle voyait son frère arriver. Entrant la première, son frère sur les talons il cria :

‘‘ VAË! Retourne à la maison! ‘‘

Mais la jeune femme se trouvait juste devant Liam, les bras en croix de chaque côté d’elle afin de former une barrière.

‘‘ Tu n’avais pas l’intention de le laisser partir en vie pas vraie?! ‘‘

Eph’ la regarda un long moment puis baissa la tête. Elle avait vu au travers de son jeu... c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour qu’elle ne souffre plus et que Liam cesse de la harceler.

‘‘ Je ne te laisserai pas faire! Tu devras me tuer d’abord et jamais tu ne m’empêcheras de cesser de l’aimer, Ephraïm! JAMAIS! ‘‘

Spoiler:

Liam restait assis au fond de sa grotte, la nuit tombant petit à petit. Il avait remis la peau tant que mal pour barrer l'entrée et éviter le froid, mais peine perdue, celui-ci s'en donnait à cœur joie. Liam s'était donc emmitouflé dans son manteau, rajoutant la couverture que Vaë avait ramenée quelques temps plus tôt. Tout ce mélangeait dans sa tête. Dans son corps. Il se sentait toujours coupable, savait qu'il ne parviendrait pas à arrêter de s'en vouloir, mais, au fond de cette brume de culpabilité, il y avait cette porte qui venait de s'ouvrir lentement. Un mince interstice qui laissait passer un petit filet de lumière. C'était Vaë qui avait ouvert la porte. En lui signifiant qu'elle ne le rejetait pas et était prête à recommencer, dès qu'elle se sentirait prête.

Mais il y avait toujours ce problème de mariage…il fallait qu'il explique tout en détail à sa rose. Les règles de bourgeoisies, tout. Pour qu'elle cerne mieux le problème. S'il parvenait à la revoir. Il devait partir le lendemain. L'attitude de son frère était compréhensible, d'un certain côté. Lui-même serait prêt à tout pour protéger Elayne. Sa sœur jumelle. Sa confidente durant de nombreuses années…Ephraïm voulait seulement protéger Vaë de lui. Mais qu'est-ce qu'il pouvait l'aimer…l'avoir revue, là, en vie, malgré la toux, avait réchauffé légèrement son cœur. Entendre sa voix, même dure, avait réchauffé ses tympans. Sentir sa main sur sa joue, même si ça avait été pour le gifler, avait réchauffé sa peau. Il l'aimait et l'aimerait à vie. Il le lui avait dit, même si après il l'avait trahie contre sa volonté. D'ailleurs, comment se portaient-ils, à Beolan ?

Melley était assise avec Heïan sur le canapé, à réfléchir. Tout s'envenimait et partait à vau-l'eau. Pratiquement tout le quartier bourgeois était au courant à présent, que ce soit pour la grossesse ou la fuite de Liam. Heïan n'avait plus beaucoup d'autorité en tant que Capitaine et seuls ses collègues comme Omar lui restaient fidèles et le croyaient. Elayne rentrait chaque soir avec d'autres mots de ses professeurs, d'autres railleries de ses camarades. Melley avait l'impression d'être revenue au temps ou Heïan avait disparu. Quand Eldah avait lancé les rumeurs. Elle était en colère contre cette fille ! Mais ne le montrait pas. Heïan fulminait assez et elle devait le calmer pour qu'il ne les tue pas de sang-froid. Leur seul témoin était traité de menteur, de fou, et Keira faisait celle qui ne le connaissait pas. Cela allait faire un mois, voire un peu plus, que Liam était parti. La grossesse devenait visible et elle ne se privait pas de la montrer à qui voulait la voir. C'était une impasse. Le père faisait pression pour organiser le mariage, ainsi dès que Liam poserait le pied dans la ville ils pourraient se marier. Lorsqu'Heïan et Melley refusaient, Keira commençait à pleurer en disant qu'elle ne voulait pas se retrouver mère célibataire à son âge. Melley se retenait de la gifler et de lui dire que c'était elle qui avait voulu ce qui lui arrivait. Mais elle n'avait jamais frappé ses enfants, elle ne commencerait pas avec cette peste.
Serrant la main de son mari, elle lui offrit un sourire, cachant son inquiétude. Comment allait son bébé ? Avait-il trouvé Vaë ? Lui avait-il parlé ? Et elle ? Comment avait-elle réagit ? Elle avait si peur qu'il mette fin à ses jours si elle refusait de le voir et le chassait…
Heureusement qu'Heïan était là…sans lui…elle n'aurait pas su comment faire.

Le lendemain, Liam se réveilla courbaturé par le froid, encore plus que les jours précédents. Ses cheveux étaient gelés même. Se levant, il ralluma tout de suite le feu pour se réchauffer, la journée précédente lui revenant en tête. Vaë…Ephraïm…sa dernière chance…
Ah oui…il devait partir. Mais…il ne voulait pas s'éloigner encore de sa rose. Il voulait lui montrer qu'il était prêt à se racheter. A recommencer. Ou à reprendre avant l'arrivée de Keira.
Une fois les flammes hautes, il piqua un bout de viande qu'il fît grésiller. Son appétit était revenu en même temps que Vaë. Au fond de lui, les remords persistaient. Si ses calculs étaient justes, il était parti depuis près d'un mois ou plus. Donc la grossesse devait certainement ce voir. Il espérait qu'elle ait gardé le secret. Ou qu'ils avaient trouvé une solution pour qu'ils ne se marient pas. Le chantage avec l'alchimiste par exemple. Ou ils renonçaient au mariage ou l'homme avouerait tout et leur fille chérie irait croupir en prison pour élever son môme.
En y pensant, cela lui faisait tout de même étrange de ce dire qu'il allait être père. Même si ce n'était pas voulu. Loin de là. Pas qu'être père ne le tente pas. C'était la mère qui le gênait. Il aurait été bien plus heureux que ce soit Vaë à la place de Keira. Là, il aurait tout de suite dis oui et pour le mariage et pour l'enfant. Mais bien sûr, ça aurait été trop simple n'est-ce pas ?
Il se disait que c'était peut-être les dieux qui voulaient ça. Ils dressaient de lourdes épreuves sur leur chemin pour voir si leur amour était véritable. Pour voir si leur lien était fort et durable. Ils avaient fait de même pour ses parents non ? Enlèvement, fausse couche, disparition…tentative de viol, même si Liam ne le savait pas. La seule partie que son père avait tue, à l'époque. Il n'avait pas mentionné Lyme et l'acte qu'il avait voulu commettre sur Melley.

Il se releva, détendant ses muscles, sortant pour regarder le soleil. Flûte ! Midi était passé depuis un certain temps ! Il avait trop dormi et trop pensé en mangeant. Il devait se dépêcher avant qu'Ephraïm ne vienne. Quelque chose lui disait que le chef Eira n'avait aucunement l'intention de le laisser repartir en vie si par malheur il était toujours dans la grotte à son arrivée.

Il vérifia qu'il avait bien son épée, qu'il n'avait rien laissé en plan, que le feu était éteint, et s'apprêtait à partir lorsqu'il entendit des bruits. Des bruits…de course ? Il fronça les sourcils au moment ou Vaë entra dans une glissade dans la grotte, son frère hurlant :

- VAË! Retourne à la maison!

Il était venu en avance…Ephraïm apparut, une pique en main, le regard noir. Vaë s'était postée entre les deux hommes, les bras tendus de chaque côté pour former un barrage à son frère. Liam déglutit. Elle…il suffisait d'un accès de folie pour que son frère commette l'irréparable…

-Tu n’avais pas l’intention de le laisser partir en vie pas vraie?!

Le chef la regarda puis baissa la tête, ce qui signifiait qu'elle avait misé juste. Tout comme le chevalier. Ephraïm était venu plus tôt, espérant l'y trouver pour pouvoir le tuer. Et ainsi libérer sa sœur du démon aux yeux jaunes, à jamais.
Vaë continua, déterminée :

-Je ne te laisserai pas faire! Tu devras me tuer d’abord et jamais tu ne m’empêcheras de cesser de l’aimer, Ephraïm! JAMAIS!

Liam regarda le dos de sa rose. Chaque mot s'était fiché en lui. Chaque mot avait refermé une infime partie des plaies. Les plus grosses resteraient ouvertes longtemps, voire toujours, mais qu'importe. Elle l'aimait, ne cesserait jamais de l'aimer. Comme lui. Elle était prête à mourir. Pour empêcher son frère d'approcher. Elle se mettait entre sa famille et le chevalier. Sa seule famille…Liam vit le poing d'Ephraïm se serrer contre la pique, blanchissant les phalanges, puis il la releva à la verticale, signifiant qu'il n'y avait plus de "danger". Pour l'instant.

Vaë baissa les bras, mais ne bougea pas, restant entre les deux.

-Vaë…tu ne comprends pas…commença Ephraïm.

-Ephraïm.

Liam lui avait volontairement coupé la parole. Il s'avança, lentement, passant devant Vaë sans pour autant la toucher. Il lui laissait le temps. Mais rien que son odeur, l'odeur de ses cheveux, de sa peau, le fît se sentir bien l'espace d'un moment. Il avait parlé d'une voix calme et posée, incitant à la discussion et non à la bataille.

-Écoute-moi. Je sais que j'ai fait du mal à Vaë. J'en ai fait plus qu'il n'est supportable, et elle se montre forte pour remonter la pente. Je sais ce que tu peux ressentir pour elle. J'ai moi aussi une sœur. Une sœur jumelle. Moi aussi je serais capable de tout pour la protéger. Je le sais, Ephraïm. Je t'ai raconté ce que j'avais fait, mais comprends bien que je ne l'ai pas fait entièrement par ma propre volonté. Cette fille m'avait…empoisonné. Elle contrôlait mon esprit.

Il inspira un grand coup pour reprendre :

-Je lui ais fait un enfant, ça aussi je le sais. Je lui ais fait un enfant alors que mon souhait le plus cher avait été de le faire pour Vaë. De la combler. Mais je dois faire avec. Je dois trouver une solution. Les règles de ma classe sociale…du moins, celle à laquelle je suis censé appartenir puisque mes parents l'ont reniée depuis longtemps, cette classe veut que l'homme qui met une femme enceinte l'épouse pour ne pas jeter le déshonneur sur la famille de la fille. Ce sont les règles. Mais je n'ai pas envie de l'épouser. Moi…j'ai envie de Vaë. Je veux que…dès qu'elle aura plus confiance, qu'elle sera prête, qu'elle soit ma femme. Je ne veux pas la perdre, tout comme toi, Ephraïm.

Il parlait, sans s'arrêter, les deux nordiques suspendus à ses lèvres.

-Je l'aime plus que je n'ai jamais aimé quiconque. L'autre jour, elle a pointé sa flèche droit entre mes yeux en me reconnaissant. J'ai attendu qu'elle relâche la corde. J'ai attendu qu'elle me tue. Justice aurait été faite. Mais elle ne l'a pas fait. Et je ne veux pas gâcher cette chance qu'elle me laisse. Ce qui me désole, c'est que si elle revient vers moi, je lui imposerais l'enfant. Je sais par avance que si elle revient avec moi dans ma ville natale, elle sera raillée et les gens se moqueront. Je le sais, je le sens. Tout ça par ma faute je pense…parce que je connais la fille Ephraïm. Elle aura tout fait pour me faire passer en monstre, en lâche qui n'assume pas. Mais…Vaë est plus importante à mes yeux. Je suis parti non pas en lâche, mais en amoureux qui priait pour une dernière chance.

Il se tut, regardant toujours Ephraïm dans les yeux. Maintenant, c'était à lui de décider. Ou il reprenait la pique et le transperçait là, sur place, nettement et proprement, ou il s'en allait, ou il poursuivait la discussion. Liam s'était mis de telle sorte que Vaë ne soit pas exposée aux courants d'air frais ni à son frère, si jamais il ne l'écoutait pas, ni lui ni elle, et tuait le chevalier.

Mais Liam avait confiance. Ephraïm était un homme bon et juste. Il ne le tuerait certainement pas. Il serra le poing pour s'empêcher de prendre la main de Vaë dans la sienne. Ne pas la toucher, ne pas la brusquer.

Et ce, aussi longtemps qu'elle le jugera nécessaire.

Spoiler:

Rechute

Ephraïm la regarda longuement d’un air sévère, sa mâchoire se crispant d’un seul coup. Sa soeur ne bronchait et semblait plus déterminée que jamais à ne pas le laisser faire. C’était soit il abandonnait, soit il les empalait tous les deux, mais ça, il ne pouvait s’y résoudre. Vaë comptait bien trop pour lui. Il serra alors sa lance de sa main gauche, tellement fortement que ses phalanges en devinrent blanche. Il hésita un instant puis changea l’angle de son arme, leur signifiant qu’il ne tenterait rien contre la volonté de sa soeur. Soulagée, Vaënadiel baissa les bras et soupira silencieusement, son coeur s’apaisant enfin.

‘‘ Vaë… tu ne comprends pas…’’

‘‘ Ephraïm. ‘‘

Liam s’avançait avec prudence après avoir coupé la parole de Eira qui allait tenter de convaincre sa soeur que ce n’était pas la bonne solution. Le chevalier l’avait contourné afin de former à son tour une barrière entre elle et son frère. Ephraïm avait levé les yeux vers l’impoli qui s’interposait.

‘‘ Écoute-moi. Je sais que j’ai fait du mal à Vaë. J’en ai fait plus qu’il n’est supportable, et elle se montre forte pour remonter la pente. Je sais ce que tu peux ressentir pour elle. J’ai moi aussi une sœur. Une sœur jumelle. Moi aussi je serais capable de tout pour la protéger. Je le sais, Ephraïm. Je t’ai raconté ce que j’avais fait, mais comprends bien que je ne l’ai pas fait entièrement par ma propre volonté. Cette fille m’avait… empoisonné. Elle contrôlait mon esprit. ‘‘

Vaënadiel avait posé les yeux sur ses larges épaules alors qu’elle voyait que son frère commençait à s’empourprer. Cependant, celui-ci parvint à se calmer, car Liam avait pris un ton de voix calme et voulait clairement discuter et éviter un bain de sang. Mais Eph’ l’écouta pour le bien de sa soeur et simplement pour lui faire plaisir.

‘‘ Je lui ais fait un enfant, ça aussi je le sais. Je lui ais fait un enfant alors que mon souhait le plus cher avait été de le faire pour Vaë. De la combler. Mais je dois faire avec. Je dois trouver une solution. Les règles de ma classe sociale…du moins, celle à laquelle je suis censé appartenir puisque mes parents l’ont reniée depuis longtemps, cette classe veut que l’homme qui met une femme enceinte l’épouse pour ne pas jeter le déshonneur sur la famille de la fille. Ce sont les règles. Mais je n’ai pas envie de l’épouser. Moi… j’ai envie de Vaë. Je veux que… dès qu’elle aura plus confiance, qu’elle sera prête, qu’elle soit ma femme. Je ne veux pas la perdre, tout comme toi, Ephraïm. ‘‘

Ces paroles la firent tressaillir aussitôt et sa gorge se serra. Liam parlait avec son âme, elle le sentait et son coeur s’accélérait lorsqu’il avait déclaré que son souhait le plus cher était de lui donner un enfant, qu’il la voulait elle et personne d’autre, puis qu’il voulait qu’elle devienne sa promise. Vaë était silencieuse, mais son corps commençait à trembler légèrement pendant qu’Ephraïm s’adoucissait.

‘‘ Je l’aime plus que je n’ai jamais aimé quiconque. L’autre jour, elle a pointé sa flèche droit entre mes yeux en me reconnaissant. J’ai attendu qu’elle relâche la corde. J’ai attendu qu’elle me tue. Justice aurait été faite. Mais elle ne l’a pas fait. Et je ne veux pas gâcher cette chance qu’elle me laisse. Ce qui me désole, c’est que si elle revient vers moi, je lui imposerais l’enfant. Je sais par avance que si elle revient avec moi dans ma ville natale, elle sera raillée et les gens se moqueront. Je le sais, je le sens. Tout ça par ma faute je pense… parce que je connais la fille Ephraïm. Elle aura tout fait pour me faire passer en monstre, en lâche qui n’assume pas. Mais… Vaë est plus importante à mes yeux. Je suis parti non pas en lâche, mais en amoureux qui priait pour une dernière chance. ‘‘

Alors..., c’était pour cette raison qu’il avait parcouru toute cette distance alors que sa famille se faisait jeter des pierres à Beolan? Parce qu’il espérait au plus profond de lui qu’elle lui laisse une chance de se racheter? Il n’espérait pas se faire pardonner ses actes, bien qu’il avait été manipulé sur toute la ligne. Il ne voulait qu’apaiser sa conscience une bonne fois pour tout et savoir ce que le futur lui réserverait. C’était beaucoup d’émotion d’un seul coup et la jeune femme fut prise de chaleurs, mais de mauvaises chaleurs et elle s’écroula au sol sous le regard étonné de son frère.

‘‘ Vaë! Vaë! ‘‘

L’homme avait contourné Liam et son arme se retrouva rapidement au sol alors qu’il levait la tête de la jeune femme d’une main. De l’autre, il toucha son front et jura. Brusquement, il tourna la tête vers le chevalier qui s’était précipité lui aussi vers elle qui était à moitié consciente.

‘‘ Elle fait encore de la fièvre... surveille là, Liam. Elle ne peut pas sortir dehors dans cet état. Je vais chercher sa sacoche et je reviens rapidement. Garde-la bien au chaud. ‘‘

Ephraïm se leva et posa une main sur son épaule avant de partir.

‘‘ Je compte sur toi. Ne me déçois pas une fois de plus... ‘‘

Puis le nordique fila à toute allure en dehors de la caverne pour retourner jusqu’au village. Vaënadiel ouvrit alors les yeux et leva légèrement la tête pour voir qui la tenait contre lui. Elle sentait une douce chaleur et ses mains ne purent se retenir de serrer le tissu des vêtements.

‘‘ Pardon... je... trop d’émotions en même temps je crois ‘‘ Dit-elle en se risquant à sourire bêtement.

Dire qu’elle voulait prendre son temps avant de recommencer à le toucher et la voilà qui se retrouvait involontairement dans ses bras. Et puis au diable... elle n’en pouvait plus et il lui manquait énormément. La druidesse se blottit alors contre lui, parsemée de frissons dus à la fièvre naissante. Elle sentit la couverture sur elle puis ferma les yeux sans pour autant s’endormir, car la jeune femme ne voulait qu’entendre de nouveau ces battements qui lui avaient été enlevés depuis près d’un mois...

Spoiler:

Ephraïm ne bougea pas, en revanche Liam entendit un corps s'affaisser derrière lui.

- Vaë! Vaë!

Le chef de clan avait réagit bien plus vite et s'était précipité sur sa sœur qui venait de s'effondrer au sol. Sa pique tomba lourdement alors que Liam sentait son cœur accélérer. Il s'approcha et s'accroupit. Vaë était à moitié consciente. Elle était même en sueur malgré quelques frissons.

-Elle fait encore de la fièvre... surveille là, Liam. Elle ne peut pas sortir dehors dans cet état. Je vais chercher sa sacoche et je reviens rapidement. Garde-la bien au chaud.

Il se releva, laissant sa sœur à l'homme qui l'avait rendue malade, et posa une main sur son épaule, la serrant fortement en disant :

-Je compte sur toi. Ne me déçois pas une fois de plus...

Liam ne fît qu'hocher la tête alors que le nordique courait à toute vitesse en direction du village. A ce moment, Vaë rouvrit les yeux, regardant qui la tenait dans ses bras. Ses mains serrèrent le manteau du chevalier alors qu'elle ouvrait la bouche :

- Pardon... je... trop d’émotions en même temps je crois.

Il la regarda, voulant la rassurer du regard. Elle était dans ses bras mais il n'osait pas la serrer contre lui plus que nécessaire. Elle voulait prendre son temps. Ne pas brusquer les choses. Il fût donc surpris lorsqu'elle se colla à lui, plaquant son oreille contre son torse. Liam sentit une bouffée de chaleur l'envahir. Et pas seulement parce que le corps de Vaë était bouillant de fièvre. Elle acceptait d'être dans ses bras. Il tendit une main de côté et agrippa la couverture, la posant délicatement sur elle, la recouvrant jusqu'aux épaules. Il se serait bien départit de son manteau pour le lui donner mais elle le serrait si fort entre ses doigts qu'il ne pouvait rien faire à ce niveau.
Elle avait fermé les yeux, frissonnante. Lentement, Liam resserra ses bras autour d'elle, s'asseyant dos à la paroi pour la mettre dans une meilleure position. Il se maudit d'avoir éteint le feu. Il la coinça contre lui, pour qu'elle profite au maximum de sa chaleur corporelle en plus de la chaleur due à la couverture.

Il avait envie d'aspirer la maladie hors de son corps. Il avait envie de la retirer pour que Vaë soit en pleine forme. Il savait comment, mais une barrière de remords l'en empêchaient. Il l'avait tout de même trompée de A à Z. Il avait fait un enfant à une autre. Une autre qu'il détestait pour ce qu'elle avait fait.
Vaë était encore consciente, avec lui, il le sentait. Alors il arrêta de réfléchir. Comme la première fois. Laisser faire, sans penser aux conséquences ou aux réactions.

Il se pencha vers le visage brûlant de Vaë et posa délicatement ses lèvres sur les siennes. Il ferma les yeux et l'embrassa, d'abord lentement, jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche et que leurs langues s'entremêlent passionnément. Alors il devint plus fougueux, voulant réellement aspirer la maladie, la faire passer de chez Vaë jusqu'à lui. Qu'elle ne souffre plus de cette fièvre qui la rongeait. Qu'elle ne souffre plus de cette toux qui l'empêchait de respirer convenablement.
Il l'embrassa jusqu'à ce qu'il entende des bruits de pas à l'extérieur. Là il la relâcha, osant pour la première fois caresser sa joue du bout du doigt.

Ephraïm apparut, essoufflé, la sacoche de Vaë en main. Il sourit faiblement à Liam en voyant qu'il avait maintenu Vaë au chaud et il s'accroupit, rallumant le feu, le faisant grossir. Il prépara le médicament, faisant bouillir l'eau, ajoutant les herbes nécessaires. Une fois prêt, Liam mit la main derrière la nuque de Vaë pour relever son visage et lui permettre de boire, ce qu'elle fît lentement, sans accroc. Une fois le médicament avalé, ils la laissèrent s'endormir, en imaginant qu'elle se soit endormie, ils ne pouvaient pas en être sûrs. Le silence s'installa dans la grotte, les flammes crépitant le rompant.

-Liam…

Ephraïm venait de parler, les yeux rivés sur le feu. Liam redressa la tête, regardant le nordique, attendant qu'il poursuive.

-Excuse-moi d'avoir voulu te tuer. Mais elle est la seule famille qu'il me reste. La voir dans cet état, savoir ce que tu lui as fait alors que je comptais sur toi…ça m'a mit hors de moi.

-Je comprends, Ephraïm. Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait. Je m'en veux et je ne pourrais jamais effacer cela de ma vie ou de mon âme. Il y aura toujours cette petite tâche sombre. Ces remords dans mon cœur. Mais il fallait que je tente ma chance. De revenir. J'ai laissé les miens dans la boue, enfoncés par cette fille manipulatrice et odieuse. Je les ais laissé pour trouver Vaë. J'espère juste qu'ils vont tous bien et qu'ils ne subissent rien de trop grave…

-Je doute que les tiens se laissent faire ainsi. S'ils sont tenaces comme toi tu l'es, l'autre s'en mordra les doigts !

Liam ricana, berçant Vaë dans ses bras.

-Tenaces oui, j'ai hérité de ce côté-là, mais c'est tellement compliqué. Vous êtes bien tranquille vous ici. Chez moi, cela dépend des classes sociales. Cela dépend des règles. Maudites règles.

-Les règles ne sont pas éternelles Liam. Elles sont faites pour être changées. Ou supprimées.

-Oui mais ce n'est certainement pas cette fille qui le fera. Parce que me piéger, c'était justement parce qu'elle savait qu'il y avait les règles et que je serais forcé de les appliquer. Je vais être forcé de l'épouser contre ma volonté si je ne trouve pas une solution.

Ephraïm semblait réfléchir. Liam était soulagé que le nordique ait changé d'avis et que leur amitié revienne. Parce qu'Ephraïm était un chic type.

-Elle retombera forcément sur un os. Regarde Arled. Il avait tout prévu. Il avait tout orchestré et était sûr de sa victoire. Regarde ou il est à présent.

-Je veux bien l'espérer, mais je ne souhaite tout de même pas sa mort, même si cela m'a effleuré l'esprit. Et puis cet enfant…je ne vais pas réussir à lui apporter la moindre affection en sachant comment il a été conçu. Il va en pâtir…alors qu'il n'a rien demandé…

-Ne t'en fais pas pour ça maintenant. Ce gosse, il ne sera là que dans quelques mois, si elle arrive au terme. Chez nous, une femme sur deux donne naissance à un bébé mort né. La loi de la nature mon cher. Ici ou il fait froid toute l'année, seuls les plus vigoureux ont le droit de vivre.

-Oui ici oui. Mais en bas, c'est rare les enfants morts nés. Enfin tu as raison pour l'heure il n'est pas encore là. Pour l'heure il faut s'occuper de Vaë.

Il toucha le front de sa rose, qui semblait si paisible dans ses bras. Le cœur de Liam n'avait plus été aussi serein depuis…depuis qu'il avait repris ses esprits chez Keira. Cela faisait un mois et plus qu'il se torturait, qu'il se blâmait. Et là…la paix déferlait en lui par ce simple contact du corps de sa rose contre lui. Et, à son plus grand plaisir, elle avait déjà moins chaud ! Lui ou les plantes ?

-Tu crois qu'on peut la transporter chez vous ? Elle y sera mieux je pense. Dit-il au nordique qui se leva et toucha le front de sa sœur à son tour.

-Elle a l'air stable. Oui on peut l'y amener mais très rapidement.

Liam se releva lentement et tendit Vaë à son frère, la décollant de lui à regret. Ephraïm le regarda, fronça les sourcils et Liam s'expliqua :

-Emmène-là. Je reste ici.

Oui…ce n'était pas parce que le Eira lui reparlait ou même que Vaë acceptait qu'il la touche, ce qui pouvait être juste dû à la fièvre et une fois sur pieds elle reprendrait ses distances, ce n'était pas pour cela qu'il allait s'imposer.

-Tu viens avec moi. J'ai ma pique, ton sac, la sacoche de Vaë à trimbaler. J'ai plus de place pour elle dans les bras.

Il l'avait dit en riant et Liam l'imita, les muscles de sa mâchoire lui faisant mal. Il n'avait plus l'habitude ni de sourire, ni de rire. Il suivit Ephraïm à l'extérieur, ce mettant à courir derrière lui, faisant extrêmement attention à Vaë dans ses bras. Il ne savait pas si elle dormait ou si elle avait tout entendu. Ensemble, ils gravirent la colline et entrèrent dans le village, surprenant tout le monde.

Oui le démon aux yeux jaunes était de retour…

Quand la rechute remonte la pente ...

À ses oreilles, ces bruits étaient les plus apaisants qu’il y avait dans ce monde et elle voulait en profiter pendant qu’elle le pouvait. Cependant, elle sentit du mouvement qui lui fit redresser la tête lentement alors que ses yeux s’ouvraient à peine. Le visage de Liam était près, très près, et elle n’eut pas le temps de réagir que ses lèvres se posèrent sur les siennes avec une telle délicatesse qu’elle ne fut pas capable de le repousser. Au contraire, il fallait qu’il continue... à croire qu’elle ne savait plus ce qu’elle voulait! Quelques minutes plus tôt, la druidesse avait dit ne pas vouloir qu’il la brusque et qu’il lui touche, en quelque sorte, et voilà qu’elle prenait plaisir à recevoir ce cadeau. Sans prendre le temps de réfléchir, car elle n’en avait pas envie, Vaë le lui renvoya et serra davantage ses doigts sur manteau de son loup qui lui était enfin revenu. Le moment devint un peu plus passionné, mais de bien courte durée; des bruits de pas se faisaient entendre à l’extérieur.

Liam éloigna lentement son visage du sien et la druidesse planta son regard dans le sien, le laissant caresser sa joue doucement, du bout de doigt. Enfin, elle le retrouvait...

Le chef Eira arriva à destination, levant sa main qui tenait la sacoche de sa soeur ainsi qu’une petite cuve de métal et avança vers eux, essoufflée. Liam tenait Vaë contre lui, emmitouflé dans une couverture de fourrure. Puisque le feu était éteint, Eph ’ s’en chargea et abusa même du bois afin que la chaleur inonde l’endroit. Il s’asseya ensuite au sol à côté du duo et prit les plantes qu’il devait faire bouillir dans l’eau. L’eau de neige servit à cet effet et fondit dans la cuve. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’il ne verse le tout dans un bol de bois tendu en direction de Liam. Celui-ci releva la tête de Vaë et déposa le contenant à ses lèvres pour l’inciter à boire. Une fois que ce fut fait, elle reposa son oreille contre le torse du jeune homme et ferma les yeux, laissant croire aux hommes qu’elle était en train de dormir alors qu’en fait, elle entendait tout ce qui se disait. Le rire de Liam la détendit et lui fit oublier toutes les souffrances qu’elle avait pu endurer jusqu’ici. Ses bras eux, l’entouraient fortement en un geste protecteur qu’elle lui connaissait depuis bien longtemps, la berçant doucement.

‘‘ Les règles ne sont pas éternelles Liam. Elles sont faites pour être changées. Ou supprimées. ‘‘

‘‘ Oui, mais ce n’est certainement pas cette fille qui le fera. Parce que me piéger, c’était justement parce qu’elle savait qu’il y avait les règles et que je serais forcé de les appliquer. Je vais être forcé de l’épouser contre ma volonté si je ne trouve pas une solution. ‘‘

Comme si elle laissait une telle chose arrivée... Keira ne deviendrait pas l’épouse de SON homme. C’était totalement hors de question. S’il fallait qu’elle aille lui régler son compte en face à face, Vaë le ferait ou bien elle laisserait Boris se donner à coeur joie. Non, c’était bien trop cruel et ce n’était pas elle, penser à de telle chose ne faisait pas partie de sa nature, de ce qu’elle était. Ses parents finiraient bien par trouver une solution en attendant le retour de leur fils, il le fallait à tout prix et pour ça, elle leur faisait confiance. Le père de Liam n’était pas le genre d’homme à se laisser abattre aussi facilement. Sa famille était sa priorité. À cause de ses réflexions, Vaë perdit le fil de la conversation jusqu’à ce qu’on touche son front à deux occasions et sa fièvre était stable, commençant même à diminuer lentement. Les deux hommes échangèrent un court instant puis elle se sentit soulevée de terre. Le froid ne tarda pas à mordre sa peau alors que Liam et Ephraïm courraient afin de se diriger jusqu’au village. Les regards ne tardèrent pas à pleuvoir sur eux alors que quelques-uns se mirent à chuchoter. Ephraïm cracha quelques mots dans sa langue natale et ceux-ci tressaillir avant de s’éloigner et vaquer à leurs occupations. Ephraïm guida donc Liam jusqu’à la caverne et bien évidemment, il sut où il devait la poser. Kiran et Eiriel se redressèrent vivement en voyant cet étranger et ils tournèrent tous les deux des yeux interrogateurs vers le chef des Eira.

‘‘ Cet homme, qui est-il? ‘‘ Demanda l’homme, soudainement méfiant et qui s’occupait de la jeune nordique.

‘‘ L’amoureux de ma petite soeur. ‘‘ Dit-il simplement en posant sa pique contre la paroi rocheuse et posa la sacoche de Vaë près d’elle.

Kiran déglutit et tourna les yeux vers Liam, le regardant d’un air méfiant. Il ne savait pas que Vaënadiel était prise et encore moins par un homme qui n’était pas originaire de l’une ou l’autre de leur tribu. Eiriel, curieuse contrairement à son frère, observa le chevalier et son étrange accoutrement. Celui-ci restait aux côtés de Vaënadiel et veillait sur elle, comme un gardien sur son précieux trésor.

‘‘ Vous... venez d’en bas , n’est-ce pas? ‘‘

‘‘ Eiriel! ‘‘

‘‘ Je ne fais que demander! Tu es jaloux ou quoi?! ‘‘

L’homme en question grogna et tourna les yeux alors qu’Ephraïm lançait un regard désolé à Liam, se levant et s’approcha de sa soeur qui avait les yeux ouverts et leur souriait bêtement. Son frère en fit de même, heureux de revoir ce si beau sourire qui avait été absent pendant trop de temps.

‘‘ Comment te sens-tu, soeurette? ‘‘

‘‘ Ça va... j’ai la tête qui tourne... ‘‘ Murmura t-elle.

‘‘ Repose-toi, Vaë. Tu as besoin de dormir un moment. ‘‘

Docile, la jeune femme obéit et ferma les yeux. À la surprise de tous, elle ne mit qu’une minute à s’endormir. Ephraïm ne put s’empêcher de ricaner et dit à Liam de faire comme s’il était chez lui, lui faisant savoir qu’il ne le laisserait pas quitter la caverne avant le réveille de sa soeur. S’il le désirait, il pouvait aller se réchauffer dans la source, ce qui semblait lui plaire comme idée. De toute manière, Vaë dormait comme un loir et était bien loin d’être sur le point de se réveiller.

Ce ne fut que le lendemain, tard en après-midi qu’elle ouvrit les yeux. Liam était couché sur le dos à côté d’elle et regardait fixement le plafond de la caverne, semblant perdu dans ses pensées. La jeune femme le regarda un long moment, se rendait à peine qu’il fût vraiment là, si près. Elle repensa alors à ce qu’elle lui avait dit il y avait deux jours : lui laisser du temps pour reprendre confiance en lui. Quelle idiote... avoir dit de pareilles choses alors qu’elle faisait littéralement l’inverse à l’heure actuelle, mais ce baiser qu’il lui avait donné lui rappela qu’elle lui avait déjà pardonné. Dans un certain sens bien entendu. Alors qu’elle était perdue dans ses songes, l’homme aux cheveux d’ombre tourna la tête dans sa direction afin de voir si elle dormait encore. Ses yeux aqua le fixait intensément alors qu’elle ne se rendait pas compte. Il lui sourit alors faiblement et ses paupières se fermèrent pour s’ouvrir. Vaë fronça les sourcils et lui tourna le dos, se couchant sur le côté. Un long et profond soupir s’échappa de ses poumons avant qu’elle ne retrouve sa position initiale; face à lui. Sous les couvertures, une main se faufila jusqu’à la sienne qu’elle attrapa doucement pour la tirer en dessous. Ses doigts se croisèrent aux siens aussitôt, ne désirant plus le relâcher, ne voulant plus qu’il parte.

‘‘ Je veux t’aider... toi et ta famille. Ça m’attriste de voir dans quelle situation vous vous trouvez... ‘‘

Voilà, maintenant il savait qu’elle avait entendu la conversation que lui et son frère avaient eue la veille. D’ailleurs, en parlant de frère...

‘‘ Tiens! La belle est enfin réveillée? Comment se sent-elle cet ... après-midi? ‘‘

‘‘ A-Après-midi?! J’ai dormi tout ce temps?! ‘‘

‘‘ Eh oui! Tu t’es même retrouvé en grenouille sur le dos, en étoile sur le ventre, en cuillère avec Meeko. Liam avait même perdu possession de sa jambe une bonne heure parce que tu t’y étais cramponnée. ‘‘

‘‘ A-Ah oui ... ? ‘‘ Demanda t-elle, se sentant soudainement rougie sous les rires de son frère.

Vaënadiel n’osait même pas tourner la tête en direction de Liam tellement elle était gênée d’entendre tout ça alors que lui, semblait trouver ça plutôt rigolo. Ephraïm lui ébouriffa le dessus des cheveux et s’occupa de lui préparer quelque chose se mettre sous la dent ainsi que son médicament. Déjà, elle retrouvait la voix et c’était plus qu’une bonne nouvelle. Cela voulait dire que d’ici une semaine, tous les symptômes de sa maladie seraient dissipés. Une fois qu’elle fut prête à manger, Vaë engloutit le tout en une fraction de seconde, tellement que son frère se demandait si elle n’avait pas pris la peine de mâcher avant d’avaler. Satisfaite, elle se frotta le ventre et on lui fit engloutir son médicament.

‘‘ Ma belle petite louve! ‘‘

Elsah arrivait et se pétrifia sur place en voyant le démon aux yeux jaunes, bien qu’un mince sourire s’était ensuite dessiné sur ses lèvres. La dame s’approcha et tendit une main à la druidesse pour l’aider à se lever.

‘‘ Je vous l’emprunte une petite heure, messieurs. C’est l’heure du bain. ‘‘

‘‘ Mais! Elsah, je suis capable d’y aller toute seule! ‘‘

‘‘ Je le sais très bien, ma grande, mais je n’aimerais pas te retrouver noyé dans les sources. Tu es encore bien faible... et ce serait bien ton genre. ‘‘

La jeune femme à la chevelure de neige se sentit rougir de nouveau, honteuse de se maladresse. Elsah n’avait pas tort sur ce fait et un peu de surveillance serait certainement la bienvenue après tout. Et puis, cette femme était un peu comme une grand-mère à ses yeux puisqu’elle n’avait pas eu la chance de connaître les siennes.

‘‘ Il faudra m’entraîner un jour! Je veux savoir courir sans tomber et nager sans risquer de me noyer! ‘‘ Lança t-elle alors qu’Elsah la poussait gentiment dans le dos pour disparaître dans le long tunel qui menait au tréfond de la caverne.

Ephraïm ne put s’empêcher de rire aux paroles de sa soeur. Pourtant, leur parent, à l’époque, n’avait pas cessé de la harceler et c’était elle qui ne voulait pas. Aujourd’hui, elle le réclamait haut et fort comme s’il s’agissait d’un besoin vital. Au moins, elle savait manier l’arc grâce à Liam. Enfin..., il ne savait pas qu’elle avait trouvé elle-même son fonctionnement la fois où elle avait soigné le chevalier aux abords de la rivière près de Venill. Effectivement, une heure plus tard, les deux femmes remontèrent en haut et Vaënadiel retourna dans son lit, cachant ses jambes sous sa couverture de laine. Son frère se leva alors et s’approcha d’Elsah.

‘‘ Je vais raccompagner Elsah jusque chez elle. Liam, surveille là. Il ne faudrait pas qu’elle fasse de bêtises. ‘‘

Insultée, Vaë fit la moue et le regarda partir, la laissant seule avec Liam qui était assis à sa droite. Le silence s’installa alors. La jeune femme lui jetait des coups d’oeil de temps à autre, semblant hésiter. Dans sa tête, il y avait un dilemme, car elle avait une réelle envie de le sentir contre elle. Donc..., l’enlacer, ou ne pas l’enlacer... telle était la question. Cinq longues minutes s’écoulèrent avant qu’elle ne se redresse sur ses genoux, laissant retomber la couverture au sol, et qu’elle s’approche de Liam. Elle se figea juste devant lui quelques secondes avant de s’approcher doucement de lui et d’entourer son cou de ses bras. Sa joue se colla contre sa tête et elle ferma les yeux pour profiter de cette proximité.

Spoiler:

Ils arrivèrent assez rapidement au village grâce à un petit raccourci qu’Ephraïm leur fît emprunter. Liam serrait sa rose contre lui pour éloigner un tantinet l’attaque du froid. Malgré sa fièvre, malgré tout, il avait encore le goût du baiser sur les lèvres, savoureux. Il se doutait qu’elle reprendrait ses distances une fois rétablie, lui reprocherait sa témérité de tout à l’heure et donc le baiser. Mais Liam ne l’avait fait que pour « aspirer » la maladie. Pas pour…qu’elle craque et revienne. Il lui laissait tout le temps qu’elle souhaitait.

Entrant dans le village, Liam sentit bien les regards des nordiques tout comme il entendit les chuchotements. Mais il les ignorait, sa priorité étant Vaë. Ephraïm cria quelque chose dans sa langue natale, faisant taire les villageois qui retournèrent à leurs occupations premières.

Ils débarquèrent dans la caverne, essoufflés, et Liam coucha délicatement Vaë sur son lit alors que deux inconnus le regardaient, demandant à Ephraïm qui il était. Ce dernier répondit, stupéfiant ses invités. Liam n’était pas originaire de l’un des peuples des montagnes. L’homme le regarda, méfiant, alors que la femme l’observait avec une certaine curiosité. Mais le chevalier restait aux côtés de Vaë, les laissant se chamailler lorsque la dénommée Eiriel lui demanda timidement s’il venait d’en bas. Il n’avait pu répondre par l’affirmative qu’elle se faisait rabrouer par l’homme et que le chef Eira lançait un regard d’excuse à Liam. Ce dernier lui fît comprendre que ce n’était rien. Il était une curiosité ici tout comme Vaë l’était en bas.

D’ailleurs, celle-ci avait les yeux ouverts et souriait doucement. Un sourire qui réchauffa le cœur du chevalier. Cela faisait trop longtemps qu’il n’était pas apparut sur ses douces lèvres…par sa faute en partie. Alors le revoir là…c’était merveilleux.

-Comment te sens-tu, soeurette?

La réponse leur parvint en un murmure :

-Ça va... j’ai la tête qui tourne...

-Repose-toi, Vaë. Tu as besoin de dormir un moment.

Elle ferma aussitôt les yeux et ce ne fût pas long qu’elle plongea dans le monde des rêves, à la surprise de tous. Ephraïm et Liam se redressèrent, la couvrant bien et le frère indiqua à Liam qu’il pouvait faire comme chez lui, que de toute façon il ne le laisserait pas quitter la caverne tant que Vaë ne serait pas éveillée et qu’il pouvait descendre aux sources chaudes si l’envie lui prenait. Cette dernière idée était plaisante, surtout que Liam ne voulait pas s’imposer. Même si Ephraïm le lui avait dit, il ne se sentait pas chez lui comme la dernière fois ou il était venu. Aujourd’hui, il se sentait en trop dans cette caverne, après ce qu’il avait fait. Alors il ne voulait pas imposer sa présence aux habitants de la grotte, descendant vers les sources.

Arrivé après quelques minutes de recherche, il découvrit les sources chaudes, à moitié plongées dans le noir. Le bruit de l’eau était le seul qui se faisait entendre et Liam se rapprocha, commençant à se dévêtir. Il posa son épée sur le tas de vêtements et plongea un pied dans l’eau pour tout de suite le retirer. C’était chaud ! Brûlant même sur sa peau froide ! Il ferma cependant les yeux et entra doucement dans l’eau, soupirant d’aise. Cette eau semblait enlever tout ce qu’il avait fait, comme si elle le purifiait, alors que c’était peine perdue. Jamais plus il ne serait « pur ». Mais il chassa ses pensées qui le rongeaient depuis plus d’un mois, profitant seulement d’être jusqu’au cou dans l’eau chaude, profitant de savoir que Vaë lui laisserait une autre chance dès qu’elle aurait reprit confiance, de savoir que sa maladie régressait.

Il se lava lentement, profitant comme jamais. Lorsqu’il reparut dans la grotte, Vaë dormait toujours, en grenouille sur le dos, et Ephraïm était assis près du feu, affûtant une lame doucement. Les deux personnes étaient reparties. Liam s’approcha et s’installa près d’Ephraïm en disant :

-Merci, Ephraïm.

L’interpellé leva son regard de glace vers lui et répondit, un léger sourire aux lèvres :

-Merci pour quoi, Liam ? J’ai bien vu que, aussi sûrement que c’était toi qui avais attiré la maladie sur elle, c’était toi qui la guérissait. C’est toi qui la fait vivre et lui donne envie de se battre Liam. Et ça, je ne l’ai compris que lorsqu’elle s’est interposée, tout à l’heure.

Liam baissa les yeux et continua :

-Néanmoins, je lui laisse du temps. Pour qu’elle me fasse à nouveau confiance.

-Oui, ne la brusque pas. Tu sais qu’elle y arrivera. Et…maintenant que je connais l’histoire un peu plus en détails, je peux te dire que…de un, ne te blâme pas trop pour ça, et de deux, l’autre fille est vraiment une sale peste.

Liam sourit et ce prit à rire en compagnie d’Ephraïm. Ne pas se blâmer, les mêmes mots que son père…mais comment ne pas se blâmer en ayant fait ce qu’il avait fait ? Comment continuer comme si rien ne s’était produit alors que, justement, des atrocités avaient été commises ? Malgré ses efforts, tout tournait au fond de lui, lui pinçant le cœur par instant. Penser à cet enfant à naître, au mariage qui aurait lieu s’il ne trouvait pas de solution, sa famille qui devait subir tout à sa place en ce moment même…

Il se releva, prenant congé et alla se coucher aux côtés de Vaë, voulant se reposer un tantinet. Ephraïm ne fût pas long à le rejoindre. Le lendemain, ils ne firent pas grand-chose, Liam ayant interdiction formelle de quitter la caverne. Ephraïm s’absenta juste pour chasser, le laissant s’occuper de sa sœur qui n’avait pas bougé. Et puis…il ne pouvait pas bouger non plus, elle lui avait agrippé une jambe et s’y cramponnait, enfonçant ses ongles au travers de son pantalon. Ephraïm partit en riant, espérant le retrouver dans la même position à son retour. Mais Vaë le relâcha juste avant, heureusement, se couchant en cuillère, Meeko dans ses bras. Le raton-laveur était apparut de nulle part et Liam avait entendu Boris rugir à l’extérieur. Raison de plus pour ne pas sortir, parce qu’il se ferait déchiqueter. Déjà que Meeko avait grogné envers lui et ne s’était pas laissé caresser, imaginez l’ours…

A midi, ils mangèrent en compagnie des deux Tohru, Liam apprenant que la jeune femme était la promise d’Ephraïm, les félicitant gentiment. Lui-même se présenta, confirmant qu’il venait d’en bas, attisant en même temps la curiosité de la femme et la méfiance de l’homme.

Leurs invités s’en allèrent au milieu d’après-midi, du moins l’homme, laissant sa sœur dans les bras d’Ephraïm. Liam leur laissait leur intimité, retournant auprès de Vaë qui dormait toujours profondément. Ils lui avaient donné son médicament et maintenant il fallait attendre…Liam se coucha donc sur le dos à ses côtés, observant le plafond, laissant une nouvelle fois ses pensées divaguer, toujours sur la même chose, se torturant tout seul comme un grand.

Cet enfant le hantait. Keira le hantait. Ce qu’elle avait fait et osé faire le hantait. Mais ce qui le chagrinait le plus était l’enfant. Il allait souffrir alors qu’il n’avait rien demandé. Sa mère serait une vraie peste, sans doute furieuse s’il trouvait le moyen de ne pas l’épouser. Elle lui en ferait payer les conséquences, ce qui serait encore pire si le bébé avait ses yeux ou ses traits et non ceux de sa mère. En plus, Liam ne savait pas s’il parviendrait lui-même à donner un tant soit peu d’amour au bébé. En sachant comment il avait été conçu, il ne pouvait pas…il allait être un père misérable…et Vaë ? Comment réagirait-elle le jour ou l’enfant serait là ? Liam avait songé à une garde partagée, s’il ne l’épousait pas, ce qu’il ne ferait de toute façon pas. Il ne lierait sa vie qu’à celle de Vaë, et personne d’autre. Donc trouver une solution et ensuite proposer la garde à deux séparément. Une semaine sur deux…ou un week-end de temps en temps…le pire serait que Keira ne l’abandonne en voyant qu’elle n’aurait pas Liam. Parce que pour elle l’enfant n’était qu’un mobile pour le piéger. Rien d’autre. Et si elle l’abandonnait ? Liam ne pourrait pas la laisser faire…alors il le prendrait sous son aile. L’enfant n’avait rien demandé et avait le droit de vivre normalement, dans le bonheur. En espérant que Vaë soit d’accord, bien évidemment.

Il soupira, sortant de ses pensées, et tourna la tête pour voir si sa rose dormait toujours. Il vit avec joie qu’elle avait les yeux ouverts, le regardant fixement. Il lui offrit un petit sourire, mais elle fronça les sourcils et lui tourna le dos. Il inspira profondément. Il le savait qu’elle reprendrait ses distances une fois sur pied. Qu’avait-il donc espéré ? Elle n’allait pas tout oublier en un claquement de doigt. Aussi fût-il surpris lorsqu’elle se retourna à nouveau vers lui et que sa main se faufila jusqu’à la sienne, la prenant et l’attirant sous la couverture, enlaçant leurs doigts ensemble.

-Je veux t’aider... toi et ta famille. Ça m’attriste de voir dans quelle situation vous vous trouvez...

Liam la regarda, son cœur battant comme un fou parce qu’elle avait croisé ses doigts aux siens et les serraient, comme si elle ne voulait plus qu’il parte. Elle…elle avait entendu alors, ce qu’ils avaient dit…et elle voulait l’aider…il ne put répondre qu’Ephraïm était arrivé en s’exclamant :

-Tiens! La belle est enfin réveillée? Comment se sent-elle cet ... après-midi?

Le fait qu’on était en fin d’après-midi surpris la jeune femme, qui n’en revenait pas d’avoir dormi aussi longtemps.

-Eh oui! Tu t’es même retrouvé en grenouille sur le dos, en étoile sur le ventre, en cuillère avec Meeko. Liam avait même perdu possession de sa jambe une bonne heure parce que tu t’y étais cramponnée.

Ephraïm se mit à rire devant la mine ahurie de sa sœur qui rougissait atrocement. Liam souriait aussi, trouvant la situation cocasse pour une fois. Ephraïm lui ébouriffa les cheveux, allant lui chercher quelque chose à manger. Sa rose engloutit le tout sous le regard des deux hommes, ne prenant même pas la peine de mâcher, ils en étaient persuadés. Mais au moins elle mangeait, retrouvait sa voix, et guérissait. Et rien ne pouvait faire plus plaisir à Liam que cela pour l’heure.

Elsah arriva alors en courant, se pétrifiant en voyant Liam. Celui-ci ne bougea pas, ne dit rien, gêné. Mais la vieille femme sourit alors légèrement, tendant la main vers Vaë pour l’aider à se relever, disant que c’était l’heure du bain. Sa rose rouspéta, arguant qu’elle était assez grande pour y aller seule, mais Elsah contre-attaqua en lui répondant qu’elle ne voulait pas la retrouver noyée, étant encore faible et naturellement maladroite. Liam non plus ne voulait pas qu’elle se noie. Il adorait sa maladresse, elle faisait partie de Vaë, cela lui donnait tout son charme, mais il ne voulait tout de même pas qu’elle se noie, aussi fût-il ravi lorsqu’elle se rendit à l’évidence et suivit docilement Elsah, criant qu’un jour il faudrait lui apprendre à ne plus tomber sans cesse. Ephraïm rit légèrement et ils attendirent en silence leur retour. Liam était content de voir qu’elle allait nettement mieux. Lorsqu’elles revinrent, Vaë retourna au fond de son lit, se couvrant avec les couvertures, et Ephraïm déclara qu’il allait raccompagner Elsah, laissant à Liam le soin de surveiller sa sœur et veiller à ce qu’elle ne fasse pas de bêtise.

Liam acquiesça et le laissa s’en aller avec la vieille dame. Il était assis à droite de Vaë, celle-ci le regardant par moments, le silence s’installant dans la caverne. Liam avait bien envie de la serrer contre lui pour la réchauffer et éloigner encore plus la maladie, mais il ne voulait pas la brusquer. La confiance n’était plus là pour elle et Liam voulait lui laisser le temps de la retrouver. Pour lui, la confiance était la base d’un couple. Il faisait aveuglément confiance à sa rose, confiance qu’il n’aurait jamais et qu’il n’avait jamais eue pour Keira.

Cinq minutes s’écoulèrent donc, dans le silence total, Liam gardant les mains l’une dans l’autre pour les empêcher de trembler. Il fronça légèrement les sourcils lorsqu’elle se redressa sur les genoux, sortant des couvertures. Que faisait-elle ? Elle devait rester au chaud…

Elle se rapprochait de lui, lentement, et son cœur pulsait à toute vitesse dans sa poitrine. L’odeur de la jeune femme lui rentrait encore plus fortement dans les narines. Elle s’arrêta juste devant lui, le regardant quelques instants avant de lever les bras. Il se dit, bêtement, qu’elle allait le gifler pour le baiser de la veille, mais elle entoura son cou de ses bras, collant sa joue contre sa tête doucement. Liam ne sut pas quoi faire sur le coup.

Une grosse partie de lui lui disait de la serrer dans ses bras, tandis qu’une autre partie lui disait de ne pas la toucher et de la laisser faire, de lui laisser le temps. Il garda difficilement ses mains contre lui. Il ne la toucherait pas et ne poserait pas ses mains sur sa taille. C’était comme s’ils se redécouvraient, comme s’ils venaient de se rencontrer. C’était son intimité et il ne le ferait pas. Mais c’était trop dur, sa main gauche se leva et se posa sur l’arrière de la tête de la jeune femme, doucement, délicatement.

-Ne te force pas Vaë…prends ton temps. Murmura-t-il.

Elle se redressa juste assez pour le regarder, lui montrant par le regard qu’elle ne se forçait pas le moins du monde, avant de reprendre sa position, collant sa tête contre lui. Il sourit alors, le cœur un peu plus léger, profitant plus du contact et de l’étreinte qu’elle lui offrait. D’ici quelques jours, elle serait rétablie. Et Liam se disait qu’il devrait retourner à Beolan pour aider les siens. Mais était-elle prête à revenir avec lui ou voulait-elle rester encore dans les montagnes ?

-Vaë…je dois songer à retourner chez les miens…pour les aider…trouver une solution. Je…je ne veux pas te forcer à me suivre…mais…je me sentirais bien plus fort avec toi à mes côtés pour affronter Keira et toute cette galère…

Il la laissa réfléchir, sa main ne pouvant s’empêcher de caresser ses cheveux de haut en bas, lentement. Si elle voulait, il pouvait retourner à Beolan et revenir la chercher une fois que tout serait réglé. Cela lui éviterait les moqueries. Il avait déjà peur de ce qui attendait sa rose à son retour. Keira avait sans doute lancé les rumeurs…

Mais il devait retourner dans sa famille pour les aider…cela allait faire plus d’un mois et demi qu’il était parti en les laissant avec toute la galère sur le dos. Galère qu’il avait lui-même engendrée. D’un côté, il était lâche, mais de l’autre, Vaë avait été sa priorité, et il s’était dit que si elle lui donnait une autre chance, il arriverait mieux à faire face. Bon, si elle l’avait rejeté, il aurait fait face également, mais d’une autre façon, bien plus lourde et douloureuse.

Il s’enivrait de son odeur qui lui avait manquée, la laissant réfléchir, patient.

Spoiler:

Tranquillement, mais sûrement

Cette accolade semblait avoir surpris le jeune homme, car elle ne le sentit que se raidir au contact de son corps contre le sien. La chaleur que Liam dégageait l’aidait à se réchauffer, à se débarrasser du mal qui la tenaillait depuis un bon moment déjà. Si elle aurait pris soin de bien se nourrir et se couvrir pendant son voyage de retour vers les montagnes, rien de cela ne serait arrivé. Ce n’était certainement pas de la faute de son loup si Vaë s’était retrouvé dans cet état, mais bien de la sienne. C’est alors qu’elle sentit quelque chose se glisser sur l’arrière de sa tête dans un geste hésitant, mais délicat. La jeune femme dessina un léger sourire sur ses lèvres, reprenant tranquillement confiance en l’homme, car elle savait qu’au fond il était toujours le même qu’elle avait connu.

‘‘ Ne te force pas Vaë… prends ton temps. ‘‘

Lui dit-il en murmurant. Vaënadiel ouvrit alors les yeux et se redressa davantage afin de pouvoir plonger dans son regard doré. Mais pourquoi pensait-il qu’elle se forçait pour le toucher de la sorte? Par la seule force du regard, la jeune femme voulut lui faire comprendre qu’elle avait agi ainsi par sa propre décision, par son propre désir. Liam n’était pas un monstre à ses yeux et ne le serait jamais, car elle lui appartenait corps et âme depuis bien longtemps maintenant. Il n’y avait que de la place pour un homme dans son coeur et c’était lui qui avait réussi à le gagner. La druidesse lui fit alors un léger sourire avant de retourner là où elle était avant que le murmure du jeune homme s’élève tout près de ses oreilles.

‘‘ Vaë… je dois songer à retourner chez les miens… pour les aider… trouver une solution. Je… je ne veux pas te forcer à me suivre… mais… je me sentirais bien plus fort avec toi à mes côtés pour affronter Keira et toute cette galère… ‘‘

Elle se doutait qu’un moment où à un autre, Liam lui dirait ce genre de chose et elle comprenait parfaitement. Il était quand même parti en hâte afin de la retrouver et avait laissé sa famille en plan avec tous les problèmes. Les pauvres..., si elle les avait crus, peut-être qu’aujourd’hui elle serait là bas avec eux et Liam n’aurait pas eu à faire autant de route pour la chercher. La demande de Liam la porta donc à réfléchir un tente, bien que la réponse était déjà toute tracée d’avance dans son esprit. Elle mit seulement plus de temps à répondre tellement les caresses dans ses cheveux la détendaient. Ouvrant finalement les yeux, Vaë leva légèrement la tête afin de l’observer. Une de ses mains se souleva et se fraya un chemin dans le vide jusqu’à ce qu’elle trouve la joue du jeune homme qu’elle effleura du bout des doigts.

‘‘ Je sais... je savais que devrait y retourner dans les jours à venir, Liam. ‘‘

Vaënadiel se décolla alors de lui, s’asseyant sur ses propres talons alors que ses petites mains allèrent chercher celle de son amant. Elle les serra dans les siennes, les regardant un long moment avant de le regarder directement dans les yeux.

‘‘ Je vais te suivre, car de toute manière, je ne t’aurais pas laissé partir sans t’imposer ma présence. Te savoir aussi loin me rendait dingue. ‘‘

Un sourire, un vrai se forma sur ses lèvres rosées alors que sa tête se penchait légèrement sur le côté. Ses cheveux ne tardèrent pas à suivre le rythme eux aussi, cascadant dans son dos et sur ses épaules. Ses mains quittèrent alors les siennes et vinrent se poser sur le visage du chevalier, duquel elle approcha le sien. Ses lèvres se posèrent délicatement sur les siennes pour lui voler un baiser que le jeune homme lui reprit aussitôt après. Elle resta pendue à son cou, ainsi, pendant de longues minutes avant d’entendre un toussotement juste derrière elle. Surpris, les deux jeunes gens se lâchèrent et mirent une certaine distance entre eux sous le regard amusé d’Ephraïm qui ne put s’empêcher de rire.

‘‘ Oh allez! C’était que pour vous taquiné. Continuez à vous rincer la bouche si vous le voulez! ‘‘ Lança t-il en s’éloignant d’eux.

La druidesse ne tarda pas à se redresser sur ses jambes pour s’approcher du feu devant lequel son frère avait pris place. Liam l’imita et prit place à ses côtés. Soupirant, Vaë baissa la tête et attira l’attention de son frère par le fait même. Celui-ci arqua un sourcil, s’interrogeant. Son regard glacial se posa alors que Liam qui restait silencieux puis revint sur sa soeur.

‘‘ Vaë, tu as quelque chose à dire? ‘‘

La jeune femme hocha rapidement la tête en un signe affirmatif et mit de longues minutes avant de finalement daigner lui jeter un regard. Ses joues s’étaient empourprées et elle avait un air... désolé?

‘‘ Que se passe-t-il? Ça ne va pas, soeurette? ‘‘

‘‘ Si... oui ça va! Je... euh... je vais repartir bientôt, Eph’. ‘‘

Ephraïm resta un moment bouche bée puis un sourire se forma lentement sur son visage. Son regard se porta alors sur les flammes qui dansaient devant eux, leur apportant leur chaleur.

‘‘ Je m’en doutais, Vaë. C'était inscrit sur ton front ! ‘‘

‘‘ Je suis navrée... ‘‘

‘‘ Tu n’as pas à l’être, tu sais. Vous deux êtes inséparables d’une manière ou d’une autre. Même les plus hautes montagnes ne pourraient vous empêcher de vous retrouver. ‘‘

La jeune femme eut un sourire et alla se coller à son frère un moment avant de revenir à sa place, l’une de ses mains allant chercher celle de Liam. Une fois de plus, ses doigts s’entrecroisèrent dans les siens et elle sentit qu’il serrait doucement.

‘‘ De toute manière, la cérémonie rituelle pour votre union, à toi et Eiriel aura lieu bientôt. Je ne pourrai pas rester à la caverne bien longtemps encore. ‘‘

‘‘ Tu es chez toi quand même! ‘‘

‘‘ Mais je ne veux pas vous entendre, ni vous voir! C’est gênant à la fin! ‘‘

‘‘ Ah... oui..., j’avais oublié ce... détail... hum... ‘‘ Déclara t-il en s’empourprant à son tour et se râclant la gorge.

Vaë resta silencieuse un long moment, semblant réfléchir. Liam continuait ses caresses le long de sa chevelure, savourant le contact doux et tendre du corps de sa rose contre le sien. Puis elle se détacha, mettant sa tête devant lui et le regardant dans les yeux. Elle leva une main, qu’elle dirigea vers sa joue, l’effleurant du bout de ses doigts fins.

-Je sais... je savais que devrait y retourner dans les jours à venir, Liam.

Elle se décolla de lui, se rasseyant sur ses talons, prenant ses mains dans les siennes. Elle les observa longuement avant de reporter son regard sur lui, plongeant dans ses yeux :

-Je vais te suivre, car de toute manière, je ne t’aurais pas laissé partir sans t’imposer ma présence. Te savoir aussi loin me rendait dingue.

Elle lui sourit alors, un grand, un vrai sourire. Liam était heureux de le voir. De voir qu’elle parvenait à lui redonner une chance. Elle pencha sa tête de côté, ses magnifiques cheveux ondulant le long de ses épaules. Ses mains dans les siennes lui apportaient une chaleur…divine. Plongé dans sa contemplation, Liam fût brièvement surpris lorsqu’elle posa ses mains sur son visage, approchant le sien de lui. Il eut juste le temps de déglutir qu’elle l’embrassait furtivement. Et au moment ou elle voulait se décoller, il reprit le baiser, savourant, se retrouvant enfin. Ils continuèrent, ne semblant plus capables de se libérer, Liam ne la touchant pas sauf sur l’arrière de sa tête.

Ce fût un toussotement qui les ramena à la réalité, les faisant sursauter et se détacher l’un de l’autre brusquement, gênés. Ephraïm les regardaient, un sourire aux lèvres et s'exclama :

-Oh allez! C’était que pour vous taquiné. Continuez à vous rincer la bouche si vous le voulez!

Il s'éloigna alors, Vaë le suivant au bout de quelques secondes, ce qui força Liam à les imiter. Et il avait vu dans le regard de sa rose qu'elle voulait dire quelque chose à son frère…Ils s'assirent près du feu, aux côtés d'Ephraïm et Vaë soupira, baissant la tête. Son frère s'inquiéta aussitôt, lui demandant si elle voulait parler. Elle ne fît qu'acquiescer vivement, ce qui l'inquiéta d'autant plus et il la questionna sur sa santé.

- Si... oui ça va! Je... euh... je vais repartir bientôt, Eph’.

Ephraïm resta pantois quelques instants avant de sourire et de contempler le feu pour dire :

-Je m’en doutais, Vaë. C'était inscrit sur ton front !

Elle s'excusa timidement et il répartit :

-Tu n’as pas à l’être, tu sais. Vous deux êtes inséparables d’une manière ou d’une autre. Même les plus hautes montagnes ne pourraient vous empêcher de vous retrouver.

Liam baissa légèrement la tête. Il n'avait pas tort. Rien ne l'empêcherait de retrouver sa rose. Même pas la mort. Surtout pas la mort. Il regarda Vaë se coller à son frère, son dernier et unique frère encore en vie, avant de reprendre sa place et d'attraper sa main.

Liam croisa ses doigts aux siens et serra doucement sa main dans la sienne, pour lui donner du courage et pour profiter de sa chaleur.

-De toute manière, la cérémonie rituelle pour votre union, à toi et Eiriel aura lieu bientôt. Je ne pourrai pas rester à la caverne bien longtemps encore.

La…cérémonie rituelle ? Mais alors Vaë allait la rater ! Liam soupira silencieusement alors qu'ils discutaient, disant que Vaë était chez elle, mais elle arguant qu'elle ne voulait pas les entendre, ce qui gêna Ephraïm. En le voyant aussi gêné, tous trois ne purent s'empêcher de rire joyeusement, oubliant l'espace d'un instant ce qui s'était produit.

Ils ne tardèrent donc pas à se coucher après avoir mangé, parce qu'ils songeaient à s'en aller dès le lendemain. Ils se couchèrent, Liam entre Vaë et son frère, s'endormant tout de suite, quoiqu'avec une once d'inquiétude pour le chevalier. Il ne savait pas ce qu'il se passait pour ses parents.

Le lendemain, ils mangèrent vite et préparèrent les sacs. Il fallait de la viande, des fourrures…Vaë emmenait sa sacoche pleine d'herbes médicinales et Liam eut droit à un nouvel Arc de la part d'Ephraïm avec un petit commentaire :

-C'est celui que j'avais lorsque tu es arrivé. Celui avec lequel j'ai faillit te tuer !

Liam sourit et remercia chaleureusement le nordique, lui assénant une claque dans le dos qui le laissa plié en deux quelques secondes. Ils sortirent ensuite, Boris et Meeko les attendant. Vaë dut les calmer, car ils grognaient en direction de Liam, méfiants. Après les au revoir aux tribus, les félicitations pour les futurs mariés, ils sortirent du village main dans la main, s'enfonçant dans la neige. En passant, Liam constata que le cœur de l'océan n'était plus accroché. Vaë ou un autre membre de la tribu, ou un animal ?

Quoiqu'il en soit, ils longèrent le sentier de chasse en silence, faisant attention. Liam prenait garde à sa rose, pour qu'elle ne chute pas, ce qu'elle faillit faire deux fois tout de même s'il ne l'avait pas rattrapée de justesse.
En milieu d'après-midi, ils arrivèrent au village et Liam pensa à la dernière minute qu'il fallait que Boris reste dans les bois pour ne pas faire paniquer tout le monde. De toute manière, ils les rejoindraient vite, ils ne faisaient que récupérer Nocturne.

Juchés sur l'étalon, ils sortirent du village, en route pour Beolan. Deux semaines, un peu moins s'ils galopaient. Et Liam paniquait déjà.

Les jours qui suivirent furent tous identiques. Ils galopaient en journée, trouvaient un endroit pour dormir la nuit. Et ils se rapprochaient à grande vitesse de la ville. Ils parlaient de tout et de rien, Liam expliquant des choses que Vaë avait manquées au premier trajet, évitant le sujet douloureux pour l'heure. Pourtant Liam souhaitait connaître son avis sur tout ça. Sur l'enfant à venir, sur l'histoire…Mais il n'osait pas lui demander. Elle semblait avoir repris confiance en lui, n'hésitant pas à lui prendre la main ou l'embrasser. Cela le comblait de joie. Après…passer à l'acte à nouveau, il était persuadé que jamais plus elle ne le laisserait voir son corps en entier…

Un soir, alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques jours de Beolan, ils étaient en train de manger autour du feu, Boris couché, Vaë contre son ventre, Meeko pelotonné sur l'ours. Liam leur faisait face. Il n'avait pas mangé et avait la mâchoire crispée. Il devenait de plus en plus nerveux au fur et à mesure qu'ils approchaient. Une partie de lui voulait fuir, faire marche arrière. L'autre lui disait d'y aller et d'aider sa famille. Et c'est ce qu'il ferait, mais cela n'empêchait pas l'inquiétude de s'immiscer en lui.

Il gardait les poings serrés et regarda Vaë, lui offrant un sourire qui se voulait rassurant et détendu. Tout le contraire de ce qu'il était en réalité. Le silence devenant trop bruyant à ses oreilles, il décida de se jeter à l'eau :

-Vaë…tu ne m'as pas dit ce que tu pensais de tout ça. Je veux dire…à part me gifler, et je ne t'en tiens pas rigueur tu en as parfaitement le droit, tu ne m'as pas dit ce que tu pensais de l'enfant à naître et de cette histoire de mariage forcé. Mariage que je refuse bien sûr. Je me doute que c'est lourd à encaisser et…donne-moi ton avis, s'il te plaît.

Il la regarda, ne montrant pas sa nervosité. Elle aurait peut-être une idée…ou même, il voulait savoir ce qu'elle pensait c'était tout. Parce qu'elle était aussi la principale concernée, dans l'affaire…

Spoiler:

Cent miles à pied, ça useuh, ça useuh !

Ephraïm se raclait la gorge, visiblement mal à l’aise jusqu’à ce que Vaënadiel n’éclate de rire. Cela détendit inévitablement l’atmosphère et les deux hommes ne purent que la suivre. Cela leur fit beaucoup de bien et leur permit de se détendre davantage, oubliant tous leurs soucis pour l’espace de quelques secondes. Quelques heures s’écoulèrent alors que le frère et l’amant discutaient, Vaë se tressant les cheveux en se contentant seulement d’écouter leur conversation puis décida de s’occuper de mettre de la viande à cuir puisque son ventre grondait de nouveau. Après le repas, ils placotèrent encore un peu, le Eira lui expliquant plus particulièrement ce que c’était la cérémonie rituelle d’union chez eux. Ce fut ensuite l’heure de se reposer et bien entendu, Vaë tomba comme une souche, s’endormant à une minute à peine.

Le lendemain matin, Vaënadiel fut la première à se réveiller et elle en profita pour aller aux sources chaudes pour se laver, car elle s’apprêtait à reprendre la route avec Liam. Valait mieux en profiter pendant qu’elle le pouvait, car à part ici, il n’y en avait pas d’autres ailleurs d’après ce qu’elle en savait. Sa longue chevelure fut nettoyée avec soin tout comme son corps puis elle se tira hors de l’eau pour se sécher et se vêtir de nouveau. Lorsqu’elle revint, les deux hommes étaient eux aussi éveillés et leur déjeuner cuisait déjà. Elle n’eut donc qu’à s’installer et manger comme une goinfre. Ensuite, on fit les réserves de nourriture et de fourrures pendant que la druidesse veillait à ce que sa sacoche d’herbe soit pleine et qu’elle contenait tout ce qu’elle avait besoin pour le voyage de retour vers Beolan. Une fois prêt à sortir de la caverne, Ephraïm s’approcha de Liam et lui offrit un présent ayant beaucoup de valeur à ses yeux. La jeune femme ne put alors que sourire et ricana en voyant son loup se plier en deux sous la force de la claque que venait de lui asséner son frère. Le nordique fut surpris et le regarda d’un air désolé puisqu’il avait un peu de difficulté à contrôler sa force. Leur pas les guida ensuite à l’extérieur où un soleil radieux brillait. La druidesse n’eut d’autre choix que de prendre de l’avance afin de calmer l’ours et le raton-laveur qui commençaient à s’énerver à la vue de Liam. D’un fredonnement, elle les rendit aussi dociles que des chatons.

Ce fut ensuite l’heure des au revoir pour la seconde fois, Vaë s’excusant de ne pas avoir su rester plus longtemps pour la cérémonie. Ephraïm la serra fortement dans ses bras, lui faisant promettre de revenir lorsque Liam aurait l’intention de s’unir à elle de façon formelle. Ainsi, il pourrait voir comment ça se déroulait dans leur coutume. À son tour, il lui promit de faire l’effort de sortir du village et de s’aventurer dans le royaume d’en bas pour voir du nouveau et pour aussi leur rendre visite. Une dernière fois, la jeune femme aux cheveux de neige leur envoya la main et les quitta pour sortir de son village.

Vaënadiel suivait le sentier de chasse sans réellement regarder où elle allait. Ils en sortaient à peine lorsque la jeune femme s’enfargea dans une petite pierre. Dansant un long moment avant de valser vers l’arrière, Liam la rattrapa avant que son fessier ne touche le sol et cinq minutes ce fut la même chose. Sauf que cette fois-ci, son pied glissa... Ricanant bêtement à cause de sa maladresse, Vaë remercia Liam. Boris et Meeko les suivaient sagement derrière jusqu’à ce qu’ils arrivent au village en milieu d’après-midi. L’ours dut y rester, mais le rejoignit bien rapidement lorsqu’il sentit l’odeur de sa maîtresse du côté opposé d’où ils arrivaient. Vaënadiel était assise devant Liam et s’était adossée contre son torse, même si elle ne cherchait pas nécessairement de chaleur. Avec sa tonne de fourrure sur le dos, la jeune femme était bien loin d’avoir froid. Tout ce qu’elle voulait, en réalité, était de le sentir contre elle et de le savoir là. La nuit tombée, ils s’arrêtaient en bordure du la route, mangeait un peu et veillait une heure ou deux devant le feu. Souvent ils restaient silencieux, souvent parlaient de tout et rien. Liam ne parlait plus de ce qui le tracassait bien qu’elle le sentait devenir nerveux avec les jours qui avançaient. Le jour levé, ils chevauchaient Nocturne et dame nature était clémente avec eux. Le temps était magnifique. Au fil des jours, Liam parvenait à l’approcher sans qu’elle ne fasse les premiers pas, ayant compris que ça allait mieux, qu’elle avait reprit confiance en lui. Mais pour ce qui était du reste ... le temps, y veillerait. De toute manière, il valait mieux régler tous les problèmes avant d’y songer ne serait-ce qu’un tantinet.

Les jours s’écoulèrent et il n’en restait plus que 4 ou 5 avant d’arriver a la cité de Beolan. Comme à l’accoutumée, les jeunes gens accompagnés de leur troupeau de bête s’étaient arrêtés dans la forêt pour y faire un feu et se remplir la panse. Boris était couché derrière sa maîtresse, la tête contre le sol et dormait, respirant fortement. Meeko était couché en boule au sommet de son dos et l’on n’y voyait qu’une motte de poil grisonnant. Vaë, adossé contre le ventre de l’ours, venait tout juste de terminer sa viande et se lécha les doigts avant de lever les yeux vers Liam qui se trouvait devant elle de l’autre côté du feu. Celui-ci n’avait même pas touché à sa part. Son regard semblait quelque peu perdu et elle y vit une certaine détresse. Un long moment, elle l’observa alors que ses yeux dorés fixaient les flammes jusqu’à ce qu’il relève la tête pour lui offrir un sourire. Bien qu’il tentait de faire l’homme calme et détendu, Vaë ne fut pas dupe. Le silence se cassa alors, Liam le chassant de sa voix.

‘‘ Vaë…tu ne m’as pas dit ce que tu pensais de tout ça. Je veux dire…à part me gifler, et je ne t’en tiens pas rigueur tu en as parfaitement le droit, tu ne m’as pas dit ce que tu pensais de l’enfant à naître et de cette histoire de mariage forcé. Mariage que je refuse bien sûr. Je me doute que c’est lourd à encaisser et…donne-moi ton avis, s’il te plaît. ‘‘

Son amant la regardait de ses yeux fauves, quasiment suppliants malgré les apparences. La druidesse, elle, soupira profondément, ferma les yeux quelques secondes puis les rouvrit. Elle prit appuis au sol puis se leva pour s’approcher de lui et colla son épaule contre la sienne en lui volant son bras qu’elle colla contre elle. Son regard aqua se plongea dans le sien un moment puis un faible sourire se dessina sur ses lèvres.

‘‘ J’essais... de ne pas trop y penser, Liam. Je ne peux cacher que cela m’affecte, mais elle a abusé de toi ... cet enfant, tu en es tout de même le père et si tu désires l’élever, sache que je t’épaulerai. Il ne mérite pas d’être ignoré malgré que je plains déjà cet enfant d’avoir une mère aussi répugnante... Je ferai comme si c’était le mien. ‘‘

Mais ensuite, elle fronça les sourcils. Depuis le départ, elle entendait le mot mariage et n’en savait aucunement la signification. Souriant bêtement, Vaë lui demanda alors :

‘‘ Hum... Liam? ‘‘ Demanda-t-elle alors, se sentant rougir par la gêne. ‘‘ Le mariage, c’est quoi? Est-ce que c’est un truc qui se mange? ‘‘

Tout ce qu’elle eut le temps de voir c’est le regard surpris de Liam puis celui-ci qui s’esclaffa au point d’en pleurer de rire. Vaë le dévisageait, se demandant si elle avait dit quelque chose de drôle jusqu’à ce qu’il lui explique ce qu’était le mariage. Elles comprit alors que c’était comme la cérémonie de rituel chez eux, mais versent d’en bas . Elle finit par se moquer d’elle-même et soupira enfin.

‘‘ Pour ce qui concerne le ... mariage, si aucune solution n’est trouvée, je peux toujours m’immiscer pendant la cérémonie, pousser Keira pour qu’elle trébuche tu n’auras qu’à passer l’anneau à mon doigt sous le regard horrifié de la haute péteutrie. N’est-ce pas une idée de génie? Sinon je peux toujours dire à Boris de t’accompagner... ‘‘

Il fallait bien qu’elle y mette une petite touche d’humour non? Voir le sourire sur les lèvres de son homme était la seule chose qu’elle désirait. Tout comme lui, elle n’aspirait qu’à son bonheur et le savoir heureux à ses côtés. Vaënadiel se redressa sur un genou et plaça l’autre entre les jambes du jeune homme de manière à lui faire face. Elle lui souria doucement et l’embrassa tendrement, les mains sur son torse. Coupèrent court au baiser, la jeune femme éloigna à peine son visage du sien, ses lèvres effleurant les siennes.

‘‘ Tu peux toucher autre chose que ma tête et mes cheveux, tu sais. ‘‘ Murmura t-elle alors qu’il semblait encore hésitant ou plutôt, incertain.

Elle lui fit un sourire puis recommença ses embrassades, prenant les poignets de Liam par elle-même pour les déposer sur sa taille où elles restèrent par la suite. Ses mains se faufilèrent jusqu’à ses cheveux noirs qu’elle caressa doucement, décidant finalement de s’éloigner de lui. Se redressant sur ses jambes, Vaë lui tourna le dos et alla chercher quelques couvertures pour faire un lit et elle tapota la place à côté d’elle pour que le jeune homme cesse de faire la statue devant le feu et qu’il prenne un peu de repos à ses côtés. Liam vint alors le rejoindre et elle se colla contre lui, tête collée à son épaule et fermant les paupières.

Le lendemain ils reprirent la route. Les heures s’écoulaient lentement tout comme les jours restants qui les séparaient de leur destination. À l’horizon, les montagnes se dessinaient et le chevalier semblait de plus en plus tendu. Ils arrivèrent à un kilomètre de la ville en fin d’après-midi et Vaënadiel le força à s’arrêter et à attendre que la nuit ne tombe avant d’entrer en ville. Il fallait d’abord que Liam se calme et ainsi, ils éviteraient les regards lors de leur arrivée. Boris lui resta en retrait et retourna dans la forêt alors que Meeko s’enroula autour du cou de Liam à la surprise de tous. Une fois que le soleil eut fait place à sa soeur, la lune, le duo entra en ville et passa par les petites rues pour se rendre jusqu’à la villa des Kreiss. Heïan se trouvait dans le salon, coudes contre genoux et les mains derrière la tête, légèrement penché vers l’avant. Melley était assise à ses côtés et flattait son dos de long en large pour le soutenir. Tout allait de mal en pie et il ne savait plus quoi faire pour que tout s’arrange. Il avait envoyé un message une semaine plus tôt au Général qui ne pouvait le rencontrer que le lendemain et Liam n’était toujours pas arrivé pour servir de témoin. Il arrivait à peine à fermer l’oeil et passait le plus clair de son temps dans son bureau à gonfler son dossier contre les Orsons. C’était véritablement la merde...

‘‘ Monsieur, madame Kreiss. Votre fils est de retour... ‘‘

Aussitôt il se releva et se précipita à la porte. Il serra son fils dans ses bras fortement, ne lui ayant même pas laissé le temps de lui dire bonsoir. Vaënadiel elle, sortit de sa cachette et alla prendre Melley dans ses bras, les deux femmes se mettant aussitôt à pleurer tellement elles étaient heureuse de se revoir. Heïan lâcha enfin son fils et souleva Vaë de terre qui éclata en sanglot dans les bras du père de Liam qui ne put se retenir lui aussi.

‘‘ ELAYNE! ‘‘

Elayne avait entendu son nom et avait délaissé sa lecture pour bondir hors de son lit. La porte s'ouvrit dans un fracas et elle se précipita hors des murs de sa chambre, courant à toute allure dans le corridor. Son coeur battait la chamade ... son frère était de retour! Aussitôt ils entendirent des bruits de pas dans le couloir de l’étage supérieur et la jeune femme son apparition dans un cri strident.

‘‘ LIAM! VAË! Bon sang! Je suis si heureuse! ‘‘

Son frère occupé, elle se jeta dans les bras de celle qu’elle considérait comme sa petite soeur et le père les rapprocha tous pour se faire un calin de famille.

‘‘ Je me faisais un sang d’encre pour vous deux! Vous en avez mis du temps à revenir! ‘‘ S’écria Heïan en essuyant rapidement ses joues et reniflant pour ne pas qu’on remarque qu’il pleurait lui aussi.

‘‘ C’est en partie de ma faute, je suis navrée... j’étais malade, et... voilà... ‘‘

‘‘ On s’en fiche. Vous êtes là, ensemble, ici et maintenant! ‘‘ S’exclama Elayne qui pleurait à chaude larme sans être capable de s’arrêter.

Il entendit le léger soupir poussé par Vaë qui se releva après avoir fermé et rouvert les yeux. Elle se rapprocha de lui et s'assit à ses côtés, collant son épaule contre la sienne, lui subtilisant un bras. Il la regarda, plongeant dans son regard, et aperçut son léger sourire qui précéda sa réponse :

-J’essais... de ne pas trop y penser, Liam. Je ne peux cacher que cela m’affecte, mais elle a abusé de toi ... cet enfant, tu en es tout de même le père et si tu désires l’élever, sache que je t’épaulerai. Il ne mérite pas d’être ignoré malgré que je plains déjà cet enfant d’avoir une mère aussi répugnante... Je ferai comme si c’était le mien.

Liam se mordit la lèvre. Elle…elle était prête à l'élever avec lui et à l'accepter comme le sien…cela lui réchauffait le cœur. De savoir qu'elle était là, qu'elle l'épaulerait dans cette épreuve. Il savait qu'il pouvait compter sur elle. Sa rose…il n'eut pas le temps de répondre qu'il la vit rougir avant de lui demander timidement :

-Hum... Liam? Le mariage, c’est quoi? Est-ce que c’est un truc qui se mange?

Liam la regarda avec surprise un court instant avec d'exploser littéralement de rire. Il ne se moquait pas d'elle, non, mais la question était venue sans crier gare et la nervosité ne jouait pas en sa faveur ! Il avait mal aux côtes et pleurait de rire, jusqu'à ce qu'il parvienne à se contrôler pour lui expliquer ce que c'était que le mariage. Il lui détailla tout, la cérémonie, l'église, les invités…tout tout tout. Au final, elle sembla comprendre et se mit à rire d'elle-même, ajoutant :

-Pour ce qui concerne le ... mariage, si aucune solution n’est trouvée, je peux toujours m’immiscer pendant la cérémonie, pousser Keira pour qu’elle trébuche tu n’auras qu’à passer l’anneau à mon doigt sous le regard horrifié de la haute péteutrie. N’est-ce pas une idée de génie? Sinon je peux toujours dire à Boris de t’accompagner...

Le chevalier sourit en imaginant tout ça. Le pire, c'est que sa rose en était capable. Bon, peut-être pas au sujet de l'ours, mais le reste…
Elle se redressa alors, se mettant à genoux, en passant un entre ses propres jambes pour lui faire face. Elle cala ses mains sur son torse, approchant son visage du sien, commençant à l'embrasser tendrement. Il posa automatiquement ses mains à l'arrière de sa tête. Mais elle ne le fît pas durer, éloignant légèrement son visage, ses lèvres à quelques millimètres des siennes pour murmurer :

-Tu peux toucher autre chose que ma tête et mes cheveux, tu sais.

Son cœur battait comme un beau diable dans sa poitrine. La chaleur, l'odeur, la présence de sa rose mettait du baume en lui, sur ses plaies, sur sa torture quotidienne à la simple pensée de ce qu'il lui avait fait. Il…il le sentait qu'il pouvait toucher autre chose, mais n'osait pas vraiment. Il avait déjà l'impression de la salir comme ça alors…

Elle lui sourit et recommença à l'embrasser, agrippant ses poignets pour poser ses mains sur sa taille. Il les laissa là, dessinant sa fine silhouette de ses mains, alors qu'elle caressait ses cheveux, l'emmenant au paradis. Oui il lui en fallait peu, mais pour l'heure, il ne demandait rien d'autre pour ça. Elle lui refaisait confiance, elle acceptait de l'aider, elle revenait avec lui…et jamais, jamais, jamais plus il ne la ferait souffrir de la sorte. Cette fois, il était bien décidé à respecter cette fichue promesse ! Mais souvent, les promesses les plus dures à tenir sont celles que l'on se fait à soi-même…

Vaë stoppa alors ses baisers, se relevant et lui tournant le dos. Remettant ses mains le long de son corps, Liam l'observa prendre des couvertures et préparer un lit, lui faisant signe de la rejoindre. Il obéit, se collant contre elle, la laissant prendre possession de son épaule en guise d'oreiller. Il l'entendit s'endormir et lui caressa la joue tendrement avant de faire de même, plus nerveux que jamais à l'approche de leur destination.

Le lendemain, ils reprirent leur route, raccourcissant la distance. Les jours s'égrenèrent, la tension montant d'un cran à chaque pas pour Liam. Et enfin Beolan fût en vue, imposante et belle. Dans d'autres circonstances, il aurait sourit de rentrer chez lui avec sa rose. Mais là…il avait juste peur de l'accueil. Et si ses parents avaient été expulsés ? Et si son père était en prison ou pire ? Il s'inquiétait, ne parvenait même plus à le masquer. L'après-midi tirait à sa fin et il voulut y aller de suite mais Vaë l'en empêcha, lui disant qu'il était préférable d'attendre la nuit pour être discret et éviter les regards. Elle avait raison. Il n'arrivait même plus à réfléchir, heureusement qu'elle était là. Ils attendirent donc que la nuit tombe avant d'entrer en ville, tirant l'étalon par la bride, laissant Boris en forêt ou il serait bien mieux, Meeko prenant possession du cou de Liam, à sa plus grande surprise. Ils passèrent par les ruelles, se faufilant jusque chez lui par l'arrière. Il mit Nocturne dans son box avant d'entrer avec Vaë, accompagnés d'une domestique qui les annonça.

Heïan apparut aussitôt, sautant sur lui et le serrant de toutes ses forces dans ses bras. Liam était ému de les revoir, une boule dans la gorge, entendant sa mère et Vaë pleurer à côté. Heïan relâcha son fils pour soulever la jeune nordique de terre qui pleura qui de plus belle alors que l'homme appelait sa sœur. Liam avait vu les yeux de son père devenir humides à leur tour, mais ne dit rien. Son père était un être humain comme tout le monde…En haut, un bruit de porte se fît entendre, suivit de pas précipités.

Liam s'était tourné vers sa mère et la serrait contre lui, cherchant cette chaleur particulière que seules les mères savaient donner, réconfortante et apaisante dans toutes les situations…

- LIAM! VAË! Bon sang! Je suis si heureuse!

Melley relâcha son bébé et laissa son mari tous les réunir pour un énorme câlin. Ils étaient à nouveau touts ensemble, plus forts et plus unis que jamais dans l'épreuve qui s'abattait sur leur fils et par conséquent sur eux.

-Je me faisais un sang d’encre pour vous deux! Vous en avez mis du temps à revenir!

Liam, bien placé dans les bras de son père, le vit nettement nettoyer ses joues pour que personne ne remarque que l'homme fort qu'il était s'était laissé aller à pleurer.

-C’est en partie de ma faute, je suis navrée... j’étais malade, et... voilà...

Elayne la coupa alors :

-On s’en fiche. Vous êtes là, ensemble, ici et maintenant!

Elle avait raison. Heïan les libéra et Liam put le détailler mieux. Il avait les traits tirés par la fatigue et l'inquiétude, les yeux cernés, tout comme sa mère. Il leur avait causé tant de soucis…mais tout allait s'arranger. Il voulait y croire. Ils s'installèrent rapidement au salon pour expliquer en gros l'état de la situation avant d'aller se reposer, Melley et Heïan pouvant enfin dormir convenablement maintenant que Liam était de retour avec Vaë.

Et Liam fût horrifié par les nouvelles. L'alchimiste était pris pour un fou, le Commandant avait été payé par les Orson pour se ranger de leur avis, Keira qui avait hurlé à tous qu'elle était enceinte de lui, exhibant les contours de son ventre à tout le monde, lançant des rumeurs sur lui, sa lâcheté, sa fuite, ses parents qui le couvraient…c'était encore pire que tout ce qu'il avait imaginé. Automatiquement, il chercha la main de sa rose et la serra dans la sienne pour ne pas défaillir.
Son père lui dit juste que le Général devait venir le lendemain et que lui n'était pas un homme que l'on pouvait corrompre, que lui écouterait et lirait le dossier en détail. Mais bien sûr, il fallait d'abord se laver et se reposer.

Se levant, serrant sa famille contre lui, Liam leur souhaita la bonne nuit et entraîna Vaë à l'étage. Entrant dans la chambre, il se revit d'un coup, près d'un mois et demi auparavant, la trouvant vide, le bijou fracassé au sol. Il ne montra cependant rien et la fît entrer, refermant la porte, lui disant qu'elle pouvait aller se doucher d'abord. Pendant qu'elle s'exécutait, il prépara le lit correctement. Lorsqu'elle revint, prête, belle, un doux parfum s'échappant de ses cheveux, il prit sa place, sa douchant à vitesse grand V. Il revêtit son caleçon et sa chemise, comme toujours, et se faufila dans le lit, juste à côté d'elle. Leurs corps s'attirèrent tout de suite l'un à l'autre et ils s'endormirent, se préparant au lendemain.

Le soleil sur ses yeux le réveilla en sursaut et il commença à paniquer, ne se souvenant plus qu'il était à Beolan, chez lui. En se redressant ainsi il avait sortit Vaë de son sommeil et l'avait inquiétée à son tour. Il la rassura d'un geste, se levant du lit. Il paniquait intérieurement, ne sachant pas comment tout ça allait se passer. Il allait revoir Keira et sa famille, allait se manger toutes les réflexions dans la figure. Et pour ça il devait être en forme. Il s'aspergea le visage d'eau froide, sentant la présence de Vaë à ses côtés. Pivotant, il la prit par la taille, l'approcha de lui et l'embrassa passionnément. Il avait besoin de forces. Et sa rose était très forte.

La relâchant en lui souriant, il la laissa s'habiller en paix, l'attendant posté à la fenêtre avant de descendre. En bas, ses parents étaient attablés avec sa sœur, mangeant lentement. Ils s'installèrent, saluant tout le monde, puis Melley commença, rassurante :

-Liam mon bébé, ne t'inquiètes pas pour aujourd'hui d'accord ? Tout va bien se passer. Le Commandant est un homme droit et honnête et n'hésitera pas, bourgeois ou non, influents ou non.

Liam ne fît qu'acquiescer, une boule dans la gorge. Puis Heïan se leva, allant enfiler son armure avec l'aide de sa chère épouse. Elayne serra son frère contre elle, se voulant aussi rassurante. Ils se dirigèrent vers la porte. Malheureusement, ils étaient obligés de laisser Melley, Elayne et Vaë à la maison, bien que Liam aurait souhaité plus que tout que sa rose vienne avec lui. Bon, d'un côté, cela lui évitait les railleries et la vue de cette peste.

Après une dernière étreinte, un dernier mot d'encouragement, les deux hommes quittèrent la demeure, s'avançant dans la rue qui se remplissait de monde. Liam sentait tous les regards sur lui, le fixant, le dévisageant. Des regards lourds de reproches. Il gardait la tête baissée et pria pour que son père accélère le pas. Arrivés au quartier général, les Orson attendaient déjà. Le visage de Keira devint tout de suite plus souriant en voyant Liam. Souriant…cruellement, pensant qu'il était piégé, qu'il venait pour signer l'accord de mariage. Liam la regarda, ne s'attardant pas sur ce visage qui le dégoûtait, s'attardant plus sur son ventre qui prenait lentement des formes. Liam déglutit en imaginant que c'était lui le père. Sincèrement, il n'arrivait pas à le croire. Il n'arrivait pas à l'imaginer, dans ce contexte.

Les parents de la peste regardèrent Liam avec dédain avant d'entrer dans le quartier général. C'était maintenant que tout allait se jouer, Liam comme Heïan en étaient persuadés, et Liam paniquait malgré la main de son père sur son épaule.

Le verdict de Darrow

Suite à ces retrouvailles hautes en émotions, la famille maintenant complète alla s’installer au salon pour informer leur fils de leur situation actuelle. Heïan, Melley et Elayne ne négligeaient aucun détail, racontant ce qui s’était produit après son départ; l’alchimiste, le pot de vin au Commandant, les rumeurs, etc. Vaënadiel en était horrifié et ne parvenait pas à cerner Keira. Elle était aussi vile qu’un démon... était-elle folle?! La rage bouillait davantage en elle, à entendre tout ce qu’elle taillait pour attirer Liam dans ses filets, mais Vaë ne la laisserait pas faire. Ni elle, ni les parents de Liam ne tolèreraient cette situation plus longtemps. Elle sentit alors la main de son homme dans la sienne et qui la serrait. Du pouce, la druidesse caressa sa peau et resserra l’étreinte de sa main autour de celle de Liam. Suite à ces aveux, Heïan termina par l’annonce de la venue du Général lui-même, un homme bon et juste qui n’avait à faire de l’or et des classes sociales. Liam devait à tout prix l’accompagner, étant le principal concerné dans cette arnaque. C’était leur parole contre celle des Orson et du Commandant... c’est là que se jouerait leur réputation et aussi l’emploi de son père.

La soirée étant avancée, Vaënadiel ne put retenir un bâillement qu’elle tenta de dissimuler derrière ce paquet de cheveux blancs. Liam se leva alors et fit l’accolade à chacun des membres de sa famille, la druidesse l’imitant et prit la main de son homme qui la guida à l’étage. Cela lui fit étrange de revenir dans la chambre d’ami qu’ils avaient empruntée près de deux mois auparavant. Elle se revoyait lancer le pendentif contre le mur, éclatant en petits morceaux alors qu’elle fondait en larme à genoux sur le plancher. Sa gorge se serra soudainement à cette pensée, se souvenant que le bijou se trouvait dans son manteau de fourrure. Il faudrait d’ailleurs qu’elle pense à le sortir le lendemain. Sous la proposition de Liam, la jeune femme fila dans la salle de bain après avoir volé l’une des chemises de son homme. Quoi? C’était ample et confortable! Lorsqu’elle termina, elle sortit de la pièce en se séchant les cheveux à l’aide d’une serviette et le laissa y aller à son tour, lui volant un baiser au passage. Le lit fut tellement confortable sous son corps que Vaë ne put que laisser échapper un soupir de satisfaction tout en fermant les yeux. La porte de la pièce annexe à la chambre s’ouvrit et le mouvement se fit sentir sur le matelas. Dès qu’elle eut senti la présence et la chaleur de Liam, elle se colla à lui comme un aimant et entoura sa taille d’un bras, son torse lui servant d’oreiller.

Tiré de son sommeil par un sursaut, Vaë n’eut d’autre choix que de se redresser avec des yeux mi-clos. Que se passait-il? Elle leva les yeux vers Liam qui la rassura d’un geste puis se tira hors du lit alors qu’elle s’étirait de tout son long avant d’en faire de même à son tour. L’homme s’était dirigé dans la salle de bain et noya son visage d’éclaboussure d’eau froide lorsqu’elle entra, se postant de biais à lui. À sa surprise, il la prit par la taille pour l’approcher de lui et l’embrassa avec fougue. D’une main, elle caressa sa joue alors que l’autre en faisait de même, mais sur son bras gauche jusqu’à ce qu’il la laisse reprendre sa respiration. Ce sourire illuminait déjà sa journée et la jeune femme ne put que le lui rendre.

‘‘ Ça ira, tu verras. ‘‘ Lui murmura-t-elle alors qu’il la quittait pour qu’elle puisse se changer.

Elle ressortit après une petite minute et vint chercher sa main pendant qu’il observait dehors par la fenêtre. Ils descendirent alors à la salle à manger où Elayne, Melley et Heïan se trouvaient déjà. Vaënadiel prit place entre les jumeaux, offrant un sourire à la brunette qui en faisait de même, heureuse de retrouver la petite nordique aux côtés de son frère. Le silence eut à peine le temps de s’installer pendant que les domestiques posaient les derniers couverts que la voix douce et rassurante de Melley flottait dans l’air :

‘‘ Liam mon bébé, ne t’inquiètes pas pour aujourd’hui d’accord? Tout va bien se passer. Le Général est un homme droit et honnête et n’hésitera pas, bourgeois ou non, influents ou non. ‘‘

À la fin du repas, Heïan se leva de table, suivie de sa femme. Ensemble ils mirent son armure en place comme à chaque fois depuis des années. Les jumeaux se firent l’accolade puis tous se dirigèrent vers la porte avant le départ des hommes. Vaë attendit avant de venir se blottir dans ses bras et lui donna un doux baiser avant qu’il ne parte pour lui donner du courage. Elle approcha son visage de son oreille et murmura :

‘‘ Je vais être avec toi d’esprit... je vais croiser les orteils pour la chance! ‘‘ Sachant très bien que c’était physiquement impossible dans son cas puisque ses orteils étaient tout petits.

Elle lui caressa la joue une dernière fois avant qu’il ne s’éloigne avec son père et soupira. Lorsqu’elle se retourna, la druidesse eut droit à deux larges sourires. Elayne et Melley la regardaient, silencieusement, et Vaë se surpris à ricaner bêtement. Dans leur regard, elle devinait qu’elles voulaient tout savoir alors les trois femmes sortirent dans le jardin arrière puis s’installèrent sur le banc de bois près de la fontaine. Meeko leur était passé entre les jambes et courrait après les papillons un peu partout.

‘‘ Alors ... ? ‘‘

‘‘ Que voulez-vous savoir? ‘‘ Demanda t-elle, ne sachant pas quelle partit Elayne et Melley voulait savoir.

‘‘ Tout, tout, tout! Mais surtout comment c’est passé vos retrouvailles. ‘‘ Lança, la brunette, impatiente.

‘‘ Eh bien... disons que j’ai fait l’idiote en fait. J’ai omis de manger convenablement et de me mettre au chaud jusqu’à mon arrivée dans les montagnes alors j’ai attrapé la mort . C’est mon frère qui m’a trouvé et m’a ramené à la maison pour prendre soin de moi. Fièvre et toux pendant deux bonnes semaines et puis Liam est arrivé. Mais mon frère l’a empêché de rester plus longtemps. J’ai alors cru qu’il était reparti et j’ai trouvé mon pendentif sur une branche d’arbre. Liam était retourné se cacher dans sa caverne, non loin du village et attendait, mais je ne l’ai pas reconnu tout de suite... enfin bref... je ne lui ai pas sauté au cou, mais plutôt flanqué une gifle qui ma moi-même surprise. ‘‘

‘‘ C’est tout normal, il t’avait tout expliqué non? ‘‘

‘‘ Après le coup, oui il m’a tout expliqué... mais maintenant je sais que s’il avait été en pleine possession de ses moyens, rien de tout ça ne serait arrivé. Je le sens, maintenant, ce lien dont vous parliez, madame Melley. ‘‘

Melley lui sourit alors qu’Elayne souriait tristement. Elle était la seule à ne pas connaître ce lien dont les femmes parlaient et ressentaient avec leurs hommes. Mais ce regard ne passa pas inaperçu aux yeux de Vaënadiel qui la regardait avec une douceur fraternelle*. Elle prit ses mains dans les siennes et Elayne leva son regard doré pour plonger dans cet océan d’innocence pure.

‘‘ Tu le connaîtras bientôt, soeurette. Tu es rayonnante, attentionnée et très belle. Ça ne saurait tarder, fais-moi confiance. ‘‘

‘‘ Vaë... ‘‘

Elayne sourira davantage, mais des larmes s’étaient formées dans ses yeux. Elle se mit à pleurer, dans les bras de Vaë, sa mère s’approcha de sa fille pour l’enlacer. Elles restèrent ainsi un long moment à la consoler puis lorsque l’émotion tomba elles allèrent rendre visite à Berthan, Serra et Naëlyah qui avait déjà pris considérablement en âge. Serra avait pétrifié sur place en voyant la jeune nordique et s’était vivement approché d’elle pour la regarder sous tous les angles. Vaënadiel rougissait, gênée et n’osait même pas ouvrit la bouche alors que le vieux demandait à Melley qui elle était. Sa femme le coupa rapidement, répétant même la question.

‘‘ Qui est cette jeune femme?! ‘‘ S’exclama-t-elle.

‘‘ Vaënadiel Eira, madame... enchantée je... euh... ‘‘

‘‘ EIRA?! ‘‘

Alors là! Serra se rendait tout juste compte qu’elle avait hurlé et qu’elle avait fait sursauté la petite nouvelle. Elayne devança alors sa mère qui ricanait doucement, se dirigeant vers le salon avec l’oncle d’Heïan qui tenait sa pipe d’une main, en profitant donc pour lui dire qui était la femme aux cheveux de neige dans l’entrée que sa femme observait. D’ailleurs, Serra ne voulut rien savoir et prit le poignet de Vaë vivement pour la trimbaler avec elle dans le salon. Elle l’asseya à côté d’elle pendant que son époux s’installait dans son grand fauteuil.

‘‘ Bon... je vais me calmer un tantinet et je veux que tu me redises ton nom encore une fois, histoire de voir si mes vieilles oreilles ne font pas défaut. ‘‘

‘‘ Vaënadiel... Eira. ‘‘

‘‘ Tu sais quoi? Je connais ta tribu... j’y ai vécu bon nombre d’années avant de descendre des pics neigeux avec mes parents. Ton père est bien Dorguan et ta mère Elraine non? ‘‘

‘‘ Oui, madame ‘‘

‘‘ Cesse de m’appeler madame et appelle-moi Serra. Comment vont-ils? J’ai déjà joué plus d’une fois dans la neige avec eux à l’époque. Et tu ressembles tellement à ta mère... ‘‘

‘‘ Ils... sont morts il y a quelques mois. Les Kawa ... ‘‘

‘‘ Ces vils êtres... je suis désolée, ma belle. ‘‘

‘‘ Ne vous en faites pas, mada ... euh... Serra! ‘‘ S’empressa-t-elle de dire pour ne pas la vexer.

Serra lui souria alors et lui présenta ensuite son mari. Naëlyah entra sur l’entrefaite et la druidesse sut aussitôt qui elle était. Celle-ci lui faisait un doux sourire et s’approcha pour lui faire la bise, prenant elle aussi place parmi eux.

‘‘ Vous... êtes la mère de monsieur Heïan non? ‘‘

‘‘ C’est cela oui. Vous êtes bien observatrice. Naëlyah, enchantée. ‘‘

‘‘ Vaënadiel, mais vous pouvez m’appeler Vaë, tout simplement. ‘‘

‘‘ C’est la copine de notre petit Liam! Il a du goût. Ne trouves-tu pas? ‘‘

Serra entourage l’épaule de Vaë et colla sa joue contre la sienne afin que la mère d’Heïan voie la ressemblance. D’ailleurs, Naëlyah fronça légèrement les sourcils pour y voir certains traits similaires; la longue chevelure blanche, la couleur des yeux ainsi que le teint de peau, bien que Serra était un peu plus basanée que Vaë à cause de la différence de température de Beolan.

‘‘ Je me sens... en minorité soudainement. Est-ce normal? ‘‘

‘‘ Oui oncle Berthan, c’est normal, car tu es effectivement en minorité ‘‘ Déclara Elayne en lui faisant un clin d’oeil.

L’homme devait donc rester courtois en présence des femmes, enfin... surtout en présence des jeunes femmes.

Pendant ce temps, Heïan se trouvait au quartier général dans une salle de réunion après l’accueil remarquablement remarque des Orson. Disons qu’ils se seraient bien passé de voir leur tronche d’hypocrite en cette belle journée.

Les parents de la peste regardèrent Liam avec dédain avant d’entrer dans le quartier général. C’était maintenant que tout allait se jouer, Liam comme Heïan en étaient persuadés, et Liam paniquait malgré la main de son père sur son épaule. La famille de Keira entra à leur suite, Heïan se forçant à rester courtois malgré la situation précaire et le Commandant fit son apparition au bout de cinq longues minutes. Il ne manquait plus que le Général. Un lourd silence régnait dans la salle lorsque la voix de Keira se fit entendre de tous. Déjà le père de Liam avait envie de lui faire avaler sa sale langue. Une main sur l’épaule de son fils qui était de plus en plus tendue, Heïan tentant de le calmer.

‘‘ Croyez-vous vraiment que vous vous en sortirez maintenant? La grossesse est déjà entamée... vous ne pouvez plus revenir en arrière... ‘‘

‘‘ Garde ta langue dans ta bouche et ménage ta salive, Keira Orson. Le seul qui donnera son jugement sera le Général et personne d’autre. ‘‘

‘‘ Je vous interdis de - ‘‘ mais le père de Keira se fit aussitôt couper la parole par le regard noir qu’Heïan lui lançait.

‘‘ De parler sur ce ton à votre fille ? Commencez par lui apprendre les bonnes manières et à lui apprendre à garder sa langue dans sa bouche. À ce que je sache, c’est elle qui s’amuse à nous salir dans la rue ? Ne venez donc pas me dire comment parler à un jeune adulte, monsieur. J’ai deux enfants, je sais comment m’y prendre, et ce, certainement mieux que vous. ‘‘

Offusqué les Orson gardèrent le silence jusqu’à ce qu’un grand homme entre, accompagné d’une jeune femme. Celle-ci prit place du côté des Kreiss et Keira ne manqua pas de la poignarder du regarder. Quant à Liam, il semblait surpris de la présence de leur invitée-surprise. Le Général regarda chacune des personnes présentes et posa le dossier qu’Heïan avait rédigé au centre de la grande table. Il resta silencieux un instant et planta son regard verdoyant dans celui du Capitaine.

‘‘ Capitaine Kreiss, heureux de faire enfin votre connaissance. Je dois avouer que vous savez comment monter un dossier. Complet et détaillé. Belle écriture au passage... ‘‘

‘‘ Euh... hum... merci, Général Darrow. ‘‘

‘‘ Bon, pour commencer, je vous présente mes excuses pour mon retard. Cette petite m’a abordée à l’extérieur et j’ai dû écouter ce qu’elle avait à dire. Je dois avouer que cela m’a aidé à y voir encore plus clair. La balance a donc penché... ‘‘

Le Général regarda Liam un moment, puis se tourna vers Keira qui déglutit. Cependant, il termina son chemin sur le Commandant qui tressaillit sous sa lourde armure.

‘‘ Commandant, je vous relève de vos fonctions... Hors de ma vue! ‘‘

L’homme fut pétrifié par cette révélation, croyant dur comme fer qu’il allait remporter la manche et être promu grâce aux Orson et leur influence. Ce fut donc la tête basse qu’il quitta la pièce sous le regard surpris de la famille de Keira. Elle sentait son coeur battre fortement dans sa poitrine alors qu’elle était beaucoup moins confiante tout à coup. Son amie, Eirika, l’invitée-surprise savaient tout sur le complot. Et que je dise tout, c’est tout de A à Z. Elle était donc dans l’embarras.

‘‘ Écoutez, monsieur Darrow... ‘‘

‘‘ Général Darrow... ‘‘ Dit-il de sa voix grave et autoritaire.

‘‘ Oui... Général Darrow. Est-il possible d’en arriver à une entente? Je... ‘‘

‘‘ Oh, vous vous sentez acculé au pied du mur jeune femme? Mais laissez donc votre amie raconter la vérité à vos parents pour qu’ils voient à quel point vous vous êtes moqué d’eux. Eirika, vous pouvez prendre la parole, mon enfant. ‘‘

La petite rousse se leva de sa chaise et inspira profondément alors que le rouge lui montait aux joues. Elle était nerveuse de sentir tous ces regards sur elle à ce moment précis et elle dut croiser ses mains devant elle pour tenter de contrôler ses tremblements.

‘‘ Keira ... m’a tout raconté. Son complot qui visait à prendre Liam, ici présent, dans ses filets. Elayne, sa soeur, n’était qu’un pion sur ce vaste échecquier. Elle le voulait, pour elle seule. Pendant les deux dernières années où il était parti, elle avait mis en place son plan, mais... il y avait un obstacle lorsqu’il fut de retour. Il y avait une autre femme... tout avait changé et elle voulait d’abord détruire cette femme pour qu’elle le quitte et ensuite l’approcher. Sauf que ses efforts avaient eu l’effet contraire... Keira était désespérée et m’a parlé de l’alchimiste, un ancien professeur, qu’elle avait caché dans les bas quartiers. Les rumeurs concernant la maison abandonnée ne venaient d’elle et de personne d’autre! Tout comme le reste! Elle m’a montré la fiole contenait le filtre la journée avant que Liam ne tombe dans son piège... Si tu savais à quel point tu me dégoutes Keira. Sale égoïste embue d’elle-même! Les autres ont toujours été tes souffre-douleurs et tes esclaves. La seule qui a été intelligente et à osé te faire face était Elayne! J’espère que tu croupiras en prison avec ceux de ton espèce! ‘‘

Eirika était plongé dans un excès de colère et cracha même sur Keira qui se redressa brusquement, faisant tomber sa chaise derrière elle. À ses côtés, ses parents étaient tout simplement horrifiés, pâles.

‘‘ Sale traînée! Sans moi tu n’aurais jamais eu de succès envers la gent masculine! Tu serais encore dans ton coin, laide! ‘‘

‘‘ C’est toi qui es laide! Intérieurement et extérieurement! Tu me dégoutes! ‘‘

‘‘ Ça suffit mesdames. Eirika, merci pour ton témoignage. Tu es libre de partir si tu le souhaites. ‘‘

La rouquine acquiesça d’un signe de tête et fit un faible sourire aux Kreiss qui la remercièrent silencieusement, soudainement soulagé. Le Général referma la porte derrière lui et fit un tour de table des yeux avant de croiser ses mains derrière son dos. Il inspira et fit un clin d’oeil que seul Heïan put voir. Celui-ci sentit un énorme poids’envolé de son dos, de celui de sa famille. Enfin justice était rendu... !

‘‘ Bien, je crois qu’il n’y a plus rien à dire. À moins que le jeune homme ici présent ait quelque chose à ajouter? Il ne resterait qu’à rendre une décision sur la sentence que purgera mademoiselle Orson. ‘‘

‘‘ Qu-quoi ?! Mais on ne peut pas me jeter en prison! Je suis une Orson ! ‘‘

‘‘ Oui, et puis? Cela fait-il de vous une déesse à vénérer. Je ne crois que non, malheureusement pour vous. Je suis aussi navré d’avoir brisé votre rêve, mademoiselle Orson. Mais ce genre d’ambition dépasse l’entendement et je ne puis permettre que cela se reproduise. Le monde ne tourne pas autour de vous parce que vous êtes puissante, à cause de vos parents bien sûr... ‘‘

Keira jeta un regard noir en direction de Liam puis son père qui lui offrit un sourire de ‘‘vlan dans les dents, petite peste’’.

‘‘ MAIS DITES QUELQUE CHOSE BON SANG! ‘‘ S’écria-t-elle, devenant complètement hystérique.

‘‘ En ce qui concerne le mariage, mon Général, que pouvez-vous nous dire là-dessus? ‘‘

‘‘ Comme le jeune homme ici présent a été embobiné sur toute la ligne, le mariage n’est pas envisageable. La jeune femme récoltera ce qu’elle a semé, tout simplement. Il faudra qu’elle apprenne à réchauffer et qu’elle cesse de jouer les chattes en chaleur... la vie ne fonctionne pas ainsi. Je dis ça avec regret, mademoiselle Orson. Je ne voudrais point vous offusquer. Sur ce, jeune homme, voulez-vous dire quelque chose? Concernant l’enfant, il faudra cependant que vous trouviez un terrain d’entente, mais je peux toujours intervenir. Une fois que je serai parti, il sera trop tard. Alors? ‘‘

Heïan tourna la tête vers son fils alors que le regard des membres de la famille Orson se figea sur lui. Le Général leva un doigt dans les airs et ajouta :

‘‘ Monsieur Orson, veillez à ce que la réputation de la famille Kreiss soit restaurée au court des prochains jours. Votre fille devra les démentir par sa propre voix et je me fiche de savoir à quel point elle se sentira honteuse. La vie est ainsi faite. Me suis-je bien fait comprendre? ‘‘

‘‘ O-Oui Général Darrow. J’ai veillerai personnellement... pas vrai, ma fille? ‘‘

Spoiler:

Ils étaient à peine entrés dans la salle de réunion que Keira débuta les hostilités, après l’arrivée du Commandant :

-Croyez-vous vraiment que vous vous en sortirez maintenant? La grossesse est déjà entamée... vous ne pouvez plus revenir en arrière...

Liam était tellement tendu qu’il ne pouvait pas ouvrir la bouche pour répliquer, aussi laissa-t-il son père agir :

-Garde ta langue dans ta bouche et ménage ta salive, Keira Orson. Le seul qui donnera son jugement sera le Général et personne d’autre.

Tout de suite, le père de la jeune femme commença à prendre la défense de sa fille, se coupant au milieu de sa phrase par un regard d’Heïan et par la suite de ses propos :

-De parler sur ce ton à votre fille ? Commencez par lui apprendre les bonnes manières et à lui apprendre à garder sa langue dans sa bouche. À ce que je sache, c’est elle qui s’amuse à nous salir dans la rue ? Ne venez donc pas me dire comment parler à un jeune adulte, monsieur. J’ai deux enfants, je sais comment m’y prendre, et ce, certainement mieux que vous.

Cela eut pour effet de clouer le bec aux Orson, qui lancèrent des regards chargés de dédain et de haine mais qui ne répliquèrent plus. Liam admirait son père comme jamais. Comment aurait-il fait sans lui, là, maintenant ? Il était paniqué et n’arrivait même plus à ouvrir la bouche pour répliquer, et la main de son père sur son épaule ne parvenait pas à le détendre.
C’est alors que la porte s’ouvrit sur deux personnes supplémentaires. L’homme, grand et tout en armure, devait être le Général. Il avait une prestance qui imposait le respect, on voyait qu’il avait l’habitude d’être obéit. La seconde personne était une jeune femme, rousse. Une jeune femme que Liam avait déjà vue. C’était une amie de Keira ! Elle allait elle aussi soutenir la version des Orson et Liam serait condamné à l’épouser. Il en était persuadé et la panique s’intensifia en lui.

Ils s’installèrent, la jeune femme du côté de Liam, ce qui le surpris. Le Général félicita d’abord son père pour le très bon dossier qu’il avait monté avant d’enchaîner :

-Bon, pour commencer, je vous présente mes excuses pour mon retard. Cette petite m’a abordée à l’extérieur et j’ai dû écouter ce qu’elle avait à dire. Je dois avouer que cela m’a aidé à y voir encore plus clair. La balance a donc penché...

Liam déglutit. La balance avait penchée oui, mais de quel côté ? Il priait comme jamais, pensait à Vaë, pensait à sa famille. Son père lui, paraissait inébranlable à ses côtés, comme s’il savait, comme s’il était sûr du verdict.
Le Général le regarda alors de son regard vert, comme celui de sa grand-mère et Liam n’y vit pas de reproches. Ne vit pas de méchanceté contre lui. L’espoir était-il permis ? Mais la première chose qu’il fît, surprenant tout le monde, ce fût de démettre le Commandant de ses fonctions. Ce dernier pâlit et se leva en silence, abattu. Lui qui avait espéré gravir les échelons encore plus vite grâce aux Orson…

Keira avait elle aussi blêmit et tenta d’amadouer le Général de sa voix de miel, cette voix qui dégoûtait Liam encore plus que tout le reste de sa personne.

-Oh, vous vous sentez acculé au pied du mur jeune femme? Mais laissez donc votre amie raconter la vérité à vos parents pour qu’ils voient à quel point vous vous êtes moqué d’eux. Eirika, vous pouvez prendre la parole, mon enfant.

Les regards braqués sur elle, la dénommée Eirika se leva, nerveuse, gardant ses mains l’une dans l’autre pour ne pas trembler. Elle ouvrit la bouche en un long flot de paroles, qui rassurèrent agréablement Liam au fur et à mesure :

-Keira ... m’a tout raconté. Son complot qui visait à prendre Liam, ici présent, dans ses filets. Elayne, sa soeur, n’était qu’un pion sur ce vaste échecquier. Elle le voulait, pour elle seule. Pendant les deux dernières années où il était parti, elle avait mis en place son plan, mais... il y avait un obstacle lorsqu’il fut de retour. Il y avait une autre femme... tout avait changé et elle voulait d’abord détruire cette femme pour qu’elle le quitte et ensuite l’approcher. Sauf que ses efforts avaient eu l’effet contraire... Keira était désespérée et m’a parlé de l’alchimiste, un ancien professeur, qu’elle avait caché dans les bas quartiers. Les rumeurs concernant la maison abandonnée ne venaient d’elle et de personne d’autre! Tout comme le reste! Elle m’a montré la fiole contenait le filtre la journée avant que Liam ne tombe dans son piège... Si tu savais à quel point tu me dégoutes Keira. Sale égoïste embue d’elle-même! Les autres ont toujours été tes souffre-douleurs et tes esclaves. La seule qui a été intelligente et à osé te faire face était Elayne! J’espère que tu croupiras en prison avec ceux de ton espèce!

Elle était réellement en colère et cracha sur Keira qui se releva en hurlant, insultant Eirika qui répliqua. Le ton montait, Liam ne savait pas comment réagir et ce fût le Général qui y mit fin, remerciant la jeune femme rousse et lui permettant de s’en aller. Elle s’en alla après un petit sourire à Liam et son père qui la remercièrent en silence. Le cœur de Liam était d’un coup bien plus léger, et l’espoir n’avait jamais été aussi énorme en lui. Quel revirement !

-Bien, je crois qu’il n’y a plus rien à dire. À moins que le jeune homme ici présent ait quelque chose à ajouter? Il ne resterait qu’à rendre une décision sur la sentence que purgera mademoiselle Orson.

Liam reprit son sérieux. Malgré cela, ils n’avaient pas encore finit, d’autant plus que le Général attendait qu’il parle lui aussi. Keira sembla horrifiée à l’idée d’aller purger sa peine en prison, arguant pour seule défense qu’elle était une Orson, ce qui laissa le Général Darrow de marbre.

-Oui, et puis? Cela fait-il de vous une déesse à vénérer. Je ne crois que non, malheureusement pour vous. Je suis aussi navré d’avoir brisé votre rêve, mademoiselle Orson. Mais ce genre d’ambition dépasse l’entendement et je ne puis permettre que cela se reproduise. Le monde ne tourne pas autour de vous parce que vous êtes puissante, à cause de vos parents bien sûr...

Cela énerva Keira qui fusilla Liam et Heïan du regard. Liam se sentait d’un coup bien mieux. La tension était redescendue d’un cran, jusqu’à ce qu’elle hurle :

-MAIS DITES QUELQUE CHOSE BON SANG!

Liam la regarda, vit son regard déformé par la colère et la haine. Elle le regardait aussi, semblant même le supplier de faire quelque chose pour elle.

-En ce qui concerne le mariage, mon Général, que pouvez-vous nous dire là-dessus?

Liam détacha ses yeux de la jeune femme pour observer tour à tour son père et le Général. Son père était calme. Mais réellement calme. Sa voix était posée et son attitude détendue.

-Comme le jeune homme ici présent a été embobiné sur toute la ligne, le mariage n’est pas envisageable. La jeune femme récoltera ce qu’elle a semé, tout simplement. Il faudra qu’elle apprenne à réchauffer et qu’elle cesse de jouer les chattes en chaleur... la vie ne fonctionne pas ainsi. Je dis ça avec regret, mademoiselle Orson. Je ne voudrais point vous offusquer. Sur ce, jeune homme, voulez-vous dire quelque chose? Concernant l’enfant, il faudra cependant que vous trouviez un terrain d’entente, mais je peux toujours intervenir. Une fois que je serai parti, il sera trop tard. Alors?

Le mariage n’aurait pas lieu…il était libre…Liam avait du mal à y croire alors que les regards convergeaient vers lui. Il voulut ouvrir la bouche mais le Général le devança, ajoutant que Keira devait elle-même rétablir la réputation des siens et de démentir tout ce qu’elle avait dit durant ses semaines. Le père Orson n’eut d’autre choix que de se plier, perdant de sa superbe par la même occasion. Liam réfléchissait à ce qu’il allait dire, parce que tous attendaient qu’il parle. Il n’avait pas ouvert la bouche une seule fois alors qu’il était tout de même concerné.

-Je…je vous remercie Général Darrow, pour ce que vous avez fait pour moi et ma famille.

Le Général sourit et lui fît un clin d’œil, ne disant rien car il sentait que le jeune n’avait pas finit. Liam se tourna alors vers Keira.

-Je ne comprends pas à quoi tu t’attendais, Keira. Je ne comprends pas comment tu as pu faire une chose pareille. Je suis ravi que le mariage n’ait pas lieu. Mais pour l’enfant, je veux qu’il soit élevé dans l’amour et le bonheur. Il ne doit pas pâtir de ton échec.

Keira fît une moue, pinçant les lèvres puis souriant méchamment en disant :

-L’enfant ? Qui te dit que je vais le garder ?

Tous furent abasourdis et froncèrent les sourcils.

-Keira ! Tu ne vas pas abandonner l’enfant ?! S’exclama Liam, commençant à s’énerver malgré son père qui tentait de le calmer.

-Crois-tu que je veux gâcher ma jeunesse avec un môme braillard et encombrant ??!!

-C’est toi qui l’as voulu ! Tu n’avais qu’à réfléchir !

La tension était palpable et maintenant les deux jeunes gens étaient debout, poings sur la table. Même le Général ne parvenait pas à se faire entendre.

-C’est toi que je voulais ! Et c’était la seule solution pour t’avoir définitivement ! Mais j’aurais du me taire et ne rien dire à cette traînée d’Eirika ! Elle ne vaut pas mieux que ta sœur !

Liam serra les dents et lui dit :

-Ne parle pas de ma sœur ainsi. Ne parle de personne de ma famille ! Cet enfant tu ne l’abandonneras pas ! Je suis son père et je ne le tolèrerais pas !

Cela faisait drôle de dire qu’il était père…Keira ricana et continua :

-Maintenant tu revendiques tes droits de père hein ? Tu n’as rien à me dire, sauf si tu m’épouses. C’est moi qui vais le mettre au monde c’est moi qui décide de ce qui est bon pour lui !

Liam inspira profondément. Les adultes ne savaient pas comment réagir, seuls les parents de Keira semblaient satisfaits de la réaction de leur fille.

-Tu le mettras au monde oui, mais c’est moi qui l’élèverais. Il à droit à une famille, à de la chaleur et de l’affection.

-Toi ? Toi tu l’élèveras ? Seul ou avec ta petite sauvage ? Au fait, que dit-elle de cela ?

-Elle s’appelle Vaënadiel et je t’interdis de parler d’elle sur ce ton. Et elle est d’accord pour élever l’enfant comme s’il était le sien.

Cela eut pour effet de clouer le bec de Keira qui ne pensait pas que Vaë était revenue et encore moins qu’elle était prête à élever l’enfant avec Liam. Heïan sourit, ravit de voir ses ennemis reculer d’un pas.
Mais ce fût de courte durée :

-Elle ? L’élever ? Pour qu’il devienne aussi un sauvage de son espèce ?

-Ce n’est pas une sauvage ! Et quand bien même je préfère qu’il soit un sauvage qu’un être dégoûtant comme toi.

Keira blêmit encore un peu et le Général profita de l’accalmie pour se lever dire posément :

-Jeunes gens, je vous prie, du calme. Même si le mariage n’a pas lieu, ce que je n’aurais pas accepté dans le contexte, vous avez tous deux vos droits parentaux. Si ce jeune homme refuse d’abandonner l’enfant, vous n’aurez pas le choix, mademoiselle Orson. Mais si vous le lui confiez, vous ne pourrez plus faire marche arrière et réclamer sa garde par la suite. Alors réfléchissez-bien.

Liam regarda Keira. Elle devait réfléchir correctement. Ils logeaient dans la même ville, pas si loin que ça l’un de l’autre et Keira risquait de s’en mordre les doigts en voyant son enfant courir partout sans pouvoir l’approcher. Liam tenta de l’apaiser, malgré son dégoût et le fait qu’il la déteste :

-Keira, on peut établir une garde partagée…c’est tout de même ton enfant…tu ne peux pas le renier ainsi…

-Liam, c’est toi que je voulais. C’est pour toi que j’ai fait tout ça. Sans toi, cet enfant ne signifie rien pour moi. Ma décision est prise, je ne le garderais pas.

Le chevalier sentit la culpabilité l’envahir mais la repoussa tant bien que mal. Elle tentait de le caresser dans le sens du poil pour l’entraîner à nouveau dans ses filets. Il se tourna vers ses parents :

-Monsieur et madame Orson, allez-vous laisser votre fille abandonner votre premier petit-fils ? Ou petite-fille ?

Les dénommés s’entreregardèrent, sans émotion. Bien sûr, pour eux aussi ce serait encombrant et surtout dégradant pour leur famille. Un enfant, alors qu’elle n’était pas mariée au père…et cela les empêcherait d’assister à toutes ses soirées mondaines…Leur silence se fît assez éloquent et Liam inspira un grand coup pour achever :

-Bien. Je prendrais l’enfant à charge dans ce cas. C’est honteux. Ce n’est qu’un enfant ! Un bébé ! Et il devrait souffrir de vos préjugés ? Non. Moi je m’en contre fiche des classes sociales. Il aura une famille et de l’amour. Dès qu’il sera venu au monde, il viendra chez moi.

Il se rassit alors, regardant son père. Il avait pris cette décision sans le consulter, mais il voyait de la fierté dans le regard violet d’Heïan. Liam assumerait. Il trouverait un emploi et trouverait une maison pour les accueillir, lui, Vaë et le bébé. En fait, sa décision avait été facilité parce qu’il savait que sa rose était prête à l’épauler et à élever l’enfant à ses côtés. Il savait qu’elle faisait de gros efforts, mais il s’était juré que dès qu’ils seraient unis par les liens du mariage, il lui ferait aussi un bel enfant à la chevelure de neige et au regard aquatique.

-Bien. Je pense que tout a été dit. Je vais donc prendre congé et j’espère que ce genre de situation ne se reproduira plus. Conclut le Général Darrow en se levant.

Tous l’imitèrent, les poignées de mains s’échangèrent et ils sortirent, Liam et Heïan laissant les Orson passer devant eux. Ils gardaient la tête haute et fière, restant dignes malgré leur échec. Liam baissa les yeux sur le ventre de Keira qui s’éloignait, de profil, voyant ses contours, imaginant le petit être qui prenait forme à l’intérieur. Dehors, Liam serra son père dans ses bras.

-Je t’aime papa…merci…

Non, sans son père Liam n’aurait pas su gérer la situation. Il n’aurait déjà pas pu retourner dans les montagnes pour recoller les morceaux, et il n’aurait pas su monter le dossier. Sa mère et sa sœur n’auraient pas pu l’aider de beaucoup malgré leur volonté. Alors oui, Liam était infiniment reconnaissant envers son père sur qui il avait toujours pu compter, qui avait toujours été là pour lui. En excluant la période de sa disparition, bien évidemment.

Liam dû rentrer seul, son père devant rester pour travailler, et il ne put s’empêcher de sourire sur le trajet de retour. Pas de mariage ! Il avait hâte de l’annoncer à tout le monde ! Il arriva chez lui, ouvrit la porte, mais il n’y avait personne. Une domestique l’informa qu’elles étaient allées chez son parrain et marraine et il la remercia avant d’y aller à son tour. Il toqua et fût introduit, guidé jusqu’au salon alors qu’il connaissait la maison par cœur. Ils étaient tous installés, Berthan dans son fauteuil, Serra et sa rose côte à côte à discuter joyeusement, sa mère, sa sœur et sa grand-mère en face. Ce fût sa mère qui le vit en premier et elle se précipita sur lui, les yeux pleins de questions. Tous se levèrent à sa suite, accueillant Liam chaleureusement. Il serra son parrain et sa marraine dans ses bras, fît de même pour sa grand-mère et sa sœur avant de serrer Vaë contre lui et de l’embrasser à pleine bouche, suscitant un « ouuhh » de la part de Berthan qui, malgré son âge continuait de railler les autres et comme il l’avait fait pour Heïan et Melley, il allait le faire pour Liam et Vaë, heureux de pouvoir le faire encore une fois avant sa mort, puisque c’était son jeu favori.

Lorsqu’il détacha sa rose, la gardant contre lui, il invita tout le monde à s’asseoir. Vaë était fébrile, comme sa mère et sa sœur. Bien sûr, celles-ci avaient tout raconté aux autres. Lentement ils se rassirent, leurs vieilles articulations les faisant souffrir. Main dans la main avec Vaë, une tasse de thé fraîchement posée devant lui, Liam se lança, mettant fin au supplice de l’attente :

-Le mariage n’aura pas lieu. Eirika, une « amie » de Keira a témoigné en dernière minute contre elle. Elle connaissait tout du complot.

Elayne baissa les yeux brièvement. Elle aussi avait été amie avec Eirika. Peut-être qu’elles pourraient renouer avec de vrais liens maintenant qu’elles s’étaient affranchies du joug de Keira la peste. Melley et Vaë soupirèrent bruyamment en revanche et les autres se contentèrent de sourire. Cependant, tous remarquèrent l’air sérieux de Liam. Il n’avait pas finit…

-Par contre…Keira veut abandonner l’enfant. Pour elle il ne servait qu’à m’avoir et rien d’autre. Maintenant qu’elle a perdu la partie, il est encombrant.

L’annonce stupéfia tout le monde et il vit que Melley voulait répliquer, mais ne lui en laissa pas le temps :

-J’ai décidé de le garder et de l’élever moi-même. Je…je ne peux pas imaginer qu’il soit laissé à son compte. Il n’a pas demandé tout ça et a le droit de vivre normalement. Et…je pense qu’il aura plus d’affection ici qu’avec sa « mère ».

Il regarda tout le monde tour à tour en souriant. Ils étaient sa famille. Ils étaient tous extraordinaires. Il s’arrêta sur Vaë, lui offrant un petit sourire. Mais elle se contenta de le rassurer en serrant sa main. Oui, elle était là et l’aiderait. Elle l’épaulerait et élèverait le bébé avec lui, comme une préparation pour le jour ou elle en aurait un de lui, vraiment.

-Je suis fière de toi Liam. Déclara simplement Melley, souriante et les yeux brillants.

L’ambiance festive, ils continuèrent à discuter joyeusement de tout et de rien. Liam fût surpris d’apprendre que Serra avait vécu au sein de la tribu de Vaë de longues années avant de descendre des montagnes. Mais son regard fût attiré par en premier lieu le médaillon de sa mère, aux couleurs de ses yeux, offert par son père au tout début de leur relation, puis en second lieu sur l’alliance de son doigt. Elle n’avait plus sa bague de fiançailles, revendue lors de cette période difficile. Elle ne le lui avait pas dit, mais il l’avait lu dans son journal.

Il devait aussi en acheter une et songer à sa demande. Peut-être lui offrir un autre collier pour remplacer le cœur de l’océan. Disparu dans les montagnes, puisqu’il n’était plus à l’arbre lorsque Liam était repassé. Mais quand lui demander ? Comment ? Il devait demander à son père. Lui savait. Il pourrait lui dire comment il s’y était pris pour demander sa mère…mais pas avant le soir, puisqu’il travaillait. Liam revint sur terre, écoutant les conversations, profitant de ce moment de liesse après cette galère qui avait été bien défrichée. Parce que tant que Keira serait enceinte, ils n’en auraient pas finis avec elle. Liam aurait pour responsabilité de l’accompagner dans le processus et surtout d’être là à la naissance. Si elle l’appelait bien sûr, parce qu’il ne pouvait pas non plus le deviner. Ensuite elle purgerait sa peine. Mais ça…ce n’était que pour dans sept mois…

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