Les vallées de conifères du Vein recouvrent une grande partie de ce dernier. Immenses et inquiétantes, elles rappelleraient aux Felethiens une sorte de copie noire, déprimante, et énorme, des plus sinistres forêts du monde du milieu. Bercées par un silence de mort, parfois troublé par quelques cris, ces bois sont, en général, aussi paisible qu'un cimetière.

Mais aujourd'hui, si tant est qu'il y ait des jours dans le Vein, quelqu'un, ou quelque chose, troubla ce silence de plomb. Un petit bruit se fit entendre, suivi d'une minuscule lueur. Le sol trembla quelques instants, et d'un coup, la réalité se déchira pour faire apparaître une faille de couleur rouge, seul lien reliant les mondes de Feleth et du Vein. Dans un bruit de succion, puis d'explosion, elle en recracha un homme. Ce dernier fut projeté de la faille à toute vitesse et termina son chemin en percutant le tronc d'un arbre.

Ledha Borolev était enfin arrivé dans le Vein. Grimacant et étouffant des jurons, il se releva en s'époussetant. Il n'aurait pas du sauter à travers la faille. Si elle était apparue au pied d'un gouffre...

Il se releva et regarda autour de lui. Il était vêtu de vêtement relativement sobres, mais élégants, son sac en bandoulière, son fauchard en main. Il ne se baladait en général jamais avec ce dernier pour ne pas faire paniquer les populations. Mais bon, il était dans le Vein, pas en plein quartier paysan.

Bon, il savait à peu près ou chercher, et connaissait le nom d'un des responsables de la vieille malédiction il y a bien longtemps. Il devait le trouver. Et pour ca, il fallait un petit renseignement. Il haussa la voix d'un air enjoué.

" Bonjour à tous, habitants du Vein ! "

Seul le silence lui répondit. Mais Ledha savait qu'il avait attiré l'attention de quelqu'un. Comment ? Par l'instinct ? Non. Ledha n'avait aucun instinct, et ses sens étaient ceux d'un homme normal. C'est pour cette raison qu'il avait appris à ne jamais se fier à son instinct. Et ce dernier lui disait qu'il était seul. Il se mit à marcher. Pour l'instant, le Vein ressemblait à une forêt plongée en plein brouillard et très, très lugubre. Moins que son pays natal. Il était modérément impressionné. Presque déçu. Les feuilles mortes crissaient sous ses pas.

Ledha était un humain de constitution normale, et bourré de magie, même s'il était incapable de sentir la sienne ou celle des autres. Ce n'était qu'une question de temps que quelqu'un remarque l'apparition d'une faille et l'arrivée d'un des plus puissants mages noirs encore en vie dans le Vein.

Un bruit. Ledha arrêtât de suite sa marche, regardant derrière lui du coin de l’œil. Toute jovialité avait disparue de son visage, le sérieux revenant. Ses yeux bleus glace ne parvinrent pas à identifier le, ou la responsable de ce bruit. Il fronça les sourcils, essayant de percer l'épais brouillard. Il ne voyait rien au delà de 15 mètres. Il sentit alors un contact sur son épaule. Il se retourna une nouvelle fois. Une voix claire et chantante parvint à son oreille.

« Chercheriez-vous quelqu'un ? »

Avant même qu'il ne puisse répondre, la nouvelle venue s'était déja esquivée, se portant à bonne distance. Ledha prit son fauchard à deux mains, le pointant dans la direction de son interlocutrice. Il la détailla de son regard. Elle était fine, et bien formée, avec le genre de gabarit que l'on ne voit que dans les dessins fantasmés des artistes. Si son corps était en grande partie masqué par son manteau, il arrivait à deviner ce qu'il y avait derrière. Le visage de la jeune femme était recouvert d'une capuche, le rendant difficile à décrire, surtout dans ce brouillard. Elle était armée d'une dague. Si ses intentions ne semblaient pas hostiles, elle était prudente. Il répondit d'un air râleur.

" Enlevez votre capuche. Je veux voir à qui je parle. "

Pendant ce temps, il réfléchit. Le Vein était chaos, tout pouvait arriver, et les apparences étaient trompeuses. Lorsqu'il vit qu'il était en face d'une elfe (ou alors, d'une très belle humaine), il se dit que celà pouvait tout à fait être un démon transformé en jeune femme pour appâter une "proie" en lui faisant baisser la garde. Ledha se mit à sourire d'un air carnassier.

" Je vous répondrais à la seule condition que vous me prouviez que vous êtes ce que vous prétendez être, et pas un des autochtones. Si vous en êtes, partez, et que je ne vous revoit plus jamais, ou répondez à mes questions. "

La jeune femme avança legèrement, dévoilant son visage, ce qui soulagea Ledha.L'homme en lui fut également content de voir qu'elle était loin d'être laide.

"Puis-je vous demandez comment devrais-je vous prouvez être ce que je prétends être?"

Une chose était sûre, elle irradiait la confiance en soi. Elle regardait Ledha comme on regarde un petit enfant essayant de se faire passer pour un adulte, le sourire aux lèvres. Son doigt se posa sur la lame du fauchard, afin de le rabaisser. D'un geste du poignet, il le refit passer par dessus la main de la jeune femme... avant de le retirer, posant la hampe au sol.

"Alors je m'en chargerais."

D'un geste brusque, il tendit son bras vers elle. Un énorme souffle d'air se fit sentir, tandis que l'érudit lançait une simple dissipation. S'il était avant tout hémomancien, Ledha maitrisait suffisamment la magie dans son ensemble pour emprunter quelques sorts mineurs aux autres écoles. Entre autre, dissiper les sorts simples, ou les illusions. Mais rien ne se passa. Sauf, pour la jeune femme, la sensation désagréable d'un vent glacial et puissant se glissant sous ses vêtements pour frigorifier ses os.

Ledha se détendit, perdant un peu de sa vigilance. Il semblait donc réellement devant une jeune elfe. Bien. Vu l'équipement de cette dernière, il ne courait aucun risque de mort. Il était donc en sécurité, ce qui se refléta dans son attitude, s'appuyant nonchalamment sur la hampe de son arme.

" Bien, maintenant que c'est vérifié... que faites vous ici ? Les elfes ne sont pas du coin que je sache. "

Il était devenu bien plus engageant.

Ledha resta immobile tandis qu'elle s'approchait de lui, un peu nerveux. Non pas qu'il se sentait en danger. Il avait déja eu le corps écrasé contre le sol et le ventre transpercé par un espadon en l'espace de quelques minutes, sans que cela ne l'empêche de finir vainqueur, sans la moindre blessure. Ledha n'avait plus peur de la mort, pour la simple raison qu'il était à peu de choses près impossible à tuer. Non, sa nervosité venait juste du fait qu'une femme se tenait à quelques centimètres de lui, et, pour aussi puissant qu'il était, Ledha restait un homme.

"Ne refaites jamais ça sur moi"

Il se met à sourire d'un air triste " Si vous vous transformez en démon devant moi, j'utiliserais autre chose, mais j'espère ne pas avoir à le faire."

Il posa doucement sa main sur le flanc de la jeune femme pour l'écarter doucement, gêné par leur proximité. S'ils se trouvaient dans une taverne, ce genre de contact l'aurait enchanté, mais pas dans le Vein. Il ne fallait pas se laisser distraire, car n'importe quoi pouvait leur tomber dessus à n'importe quel moment. Alors qu'il réfléchissait à la manière de lui demander ce qu'elle faisait ici, Ledha compris qu'une relation basée sur un interrogatoire permanent ne ferait qu'énerver l'elfe. Il décida donc, cette fois, de se présenter de lui-même. Peut-être que comme celà, ils repartiraient tous les deux sur de meilleures bases.

Il fit tournoyer sa lance dans sa main et planta la lame dans le sol meuble, comme pour dire "bien, la hache de guerre est entérrée."

" Vu que vous ne semblez pas du genre à vous épancher, je vais parler pour deux, ok ? "

Il fit une sorte de révérence, un peu gêné. Il hésita quelques instants sur ce qu'il pouvait dire. Puis, il se lanca. Après tout, il était dans le Vein. Il allait, très sûrement, y mourrir. Si cette personne se trouvait ici, connaître la vérité sur Ledha et savoir qu'il était un mage noir serait le cadet de ses soucis.

" Je m'appelle Ledha Borolev, mais on m'a aussi appelé le Mangecoeur. Il y a plusieurs siècles, un de mes ancêtres a fait une grosse bêtise, amenant une malédiction sur ma famille. Je suis ici pour trouver le responsable, et lui demander poliment de l'enlever, ou de le forcer à faire à coups de mandales. "

Il désigna La jeune femme du regard.

" Et vous ? Vous êtes là pour le paysage ? "

" Si vous vous transformez en démon devant moi, j'utiliserais autre chose, mais j'espère ne pas avoir à le faire." d'un air qui me parut triste. Ce qui d'ailleurs, m'intriguais.
Il posa sa main sur mon flanc, me repoussant légèrement. Je souris face à cette réaction, à laquelle je ne m'étais pas attendus. Il fit tournoyer sa lance la plantant dans le sol. Je pris ce geste comme une fin de guerre. Je me décontractais doucement. Je sentis mes épaules se détendre, ainsi que tous mes muscles. Je restais cependant en alerte, juste assez en cas d'attaque, nous étions tout de même dans le Vein, et le Vein n'a jamais été réputé pour le bon accueil de ses habitants.

"Vu que vous ne semblez pas du genre à vous épancher, je vais parler pour deux, ok?"

Il ne me laissa pas le temps de répondre. Il se pencha, en une sorte de révérence. Il ne devait pas avoir l'habitude de se comporter ainsi, et son mal aise n'en fut que palpable. Je retins un rire, ne voulant pas le vexer. J'appréciais l'effort du geste, ainsi que le fait qu'il se présente de lui même. Ceci était bien rare de nos jours. Par respect, j'acceptais de répondre d'un hochement de tête:

"Je m'appelle Finaël, cependant, appelé moi Fin. J'ai perdu un être cher il y a quelques temps déjà. Je suis à la recherche de ceux qui ont osé me prendre ce bien. Et tout m'indique à croire qu'ils se trouvent non loin de là en ce moment même." Je réfléchis quelques instants "C'est donc pour vous venger que vous êtes ici? Puis-je savoir qui recherchez vous exactement?"

Je jetais un rapide coup d’œil autour de nous, vérifiant que personne n'était là, à nous épier. Un souffle froid caressa mes joues, me faisant trembler. Le brouillard s’épaississait peu à peu. Je n'avais aucune idée du temps qui passait. J'attrapais les pans de ma cape et resserrais mon étreinte autour de moi, frottant mes bras, essayant vainement de me réchauffer.

Ledha haussa les épaules d'un air gêné

" Je n'ai pas le nom du grand chef, mais celui d'un de ses lieutenants, même si j'ignore ou il se trouve. Toutefois, je présume qu'un démon au hasard sera assez renseigné pour m'indiquer ou il se trouve, sachant que le lieutenant est un démon majeur. "

Ce qui impliquait que le responsable de la malédiction était au dessus. Mais étrangement, Ledha n'avait absolument pas peur de lui. Il avait un avantage: son arrivée était pour l'instant inconnue, et il avait l'initiative. Quoi qu'il en soit, il se sentait très sûr de lui. Il fronca d'un seul coup les sourcils, sentant que quelque chose clochait: il faisait froid. Pas réellement froid, après tout, Ledha venait du nord, et l'hiver glacé représentait une petite brise agréable pour un homme comme lui. Mais il avait senti que la température chutait. Et que le brouillard devenait de plus en plus dense.

Trop dense pour que ce soit naturel. Il tendit son bras vers Fin sans la regarder, ses yeux humains scrutant les arbres autour d'eux. Sa voix se fit forte et impérieuse.

" Venez, Fin ! "

Il avait vu qu'elle avait froid, et l’appelait aussi bien que la réchauffer que pour la sécurité. Il ne voulait pas être séparé par le brouillard. Il lui prit le poignet d'un air presque protecteur. Sa peau était devenue rougie, et surtout, il était chaud. Ledha venait de porter sa température interne à presque 39 degrés en réchauffant de lui même son sang, neutralisant totalement le froid extérieur autour de lui, et réchauffant Fin par l'intermédiaire de sa main brûlante. Il ne voyait plus rien à 5 mètres.

" Dites, à tout hasard, le temps était-il au brouillard lorsque votre ami s'est fait tuer ? "

Une forme indistincte émergait devant eux, forme vers laquelle Ledha pointait son fauchard, comme pour dire "pas un pas de plus."

Dans les contes et légendes, les combats entre héros et méchants se révèlent souvent longs et épiques, avec des passes d'armes pouvant durer des heures, voir des journées entières. Fin rappela d'un seul coup que les légendes étaient souvent bien loin de la réalité quand une seule flèche suffit à neutraliser leur adversaire. Si l'entrée de ce dernier avait été impressionnante, ses prouesses au combat n'en avaient été plus que décevantes. La jeune elfe (qui, à la réflexion, devait sans doute être bien plus âgée que Ledha) repris sa flèche et le laissa commencer un interrogatoire. Il la remercia et fit une révérence, avant de s'approcher du démon. Le brouillard se dissipait peu à peu, laissant voir une silhouette de taille humaine, qui essayait de se relever. Ledha enfonca d'un coup sec son fauchard dans le ventre du démon afin de le fixer au sol.

Ce dernier hurla des imprécations.

" Encore une impolitesse devant la dame et je te laisse seul avec elle. Crois moi, tu ne vas pas aimer " commenta Ledha d'un air flegmatique. Les yeux brillants du démon allèrent de l'un à l'autre. Eux qui semblaient il y a quelques minutes être de pauvres voyageurs infortunés et égarés ressemblaient désormais à un couple de tueurs en pleine croisade vengeresse.

" Je cherche quelqu'un. Malice, tu connais ? "

Le démon répondit par la négative. Ledha leva son pied, et l'écrasa de toute ses forces sur le visage du démon, pulvérisant son nez et laissant échapper un hurlement de douleur. Un enfant de 6 ans pouvant tuer un adulte avec ce genre de geste, dans le cas d'un homme, la douleur et la violence était des dizaines de fois plus grande.

" Mauvaise réponse. Tu me fera pas croire une seconde qu'un démon majeur est inconnu des seconds couteaux comme toi. Alors donne moi un nom, ou un lieu, et un vrai. "

" Je ne peux rien dire ! Sinon, ils vont me tuer ! "

Silence. Ledha s'approcha du démon, le fixant dans les yeux.

" Et pas nous peut - être ? "

Le démon frissona. Ledha repris.

" Essaie de m'empoigner avec tes mains libres et je te tue. Parle, et tu auras la vie sauve. "

Ils purent entendre un déglutissement. Le démon, visiblement terrifié, fixant quelque chose derrière Ledha, se mit à parler doucement.

"Malice vis seule dans la forêt. Elle fait partie des maîtres de ces bois. Et non, je ne suis pas un éclaireur. Je suis juste là pour m'occuper des nouveaux arrivants... normalement, si vous continuez tout droit, vous la trouverez. "

Ledha se mit à empoigner son arme, et la fit tourner dans le torse du démon, lui arrachant un cri. Il n'haussa pas la voix, comme s'il avait peur de rameuter plus de monde.

" Le Vein bouge sans arrêt et n'obéit à aucune logique. N'essaie pas de nous perdre en nous faisant croire qu'une direction précise suffit à trouver quelque chose. "

Le démon leva un bras, ce qui tendit d'un seul coup Ledha, avant de pointer du doigt une lune dans le ciel, sinistre parodie de la Lune de Feleth.

" Suivez là. Vous y serez. Je le jure. "

Ledha le cru. De toute facon, si mensonge il y avait, ils n'auraient qu'a trouver un autre démon à interroger. Il se leva, et prit son fauchard.

" Merci. Maintenant, meurs. "

Il le tua d'un coup, plongea la lame acérée dans la gorge du démon, qui tréssauta, mains sur sa gorge en laissant échapper d'écoeurants gargouillis. L'hémomancien se tourna vers Fin, l'air gêné.

" Je n'allais quand même pas épargner une chose pareille, non ? "

A la question de l'elfe, Ledha leva les yeux au ciel. La lune était... bizarre. Elle était ici "pour etre ici" sans réelle utilité, et semblait donc... déplacée. En plus, il avait l'impression qu'elle le regardait, chose stupide s'il en était. La pluie était elle aussi venue d'un coup, sans prévenir. Ledha regarda la paume de sa main, trempée: l'eau de la pluie avait une consistance proche du lait, moins liquide que l'eau sur feleth. Encore une preuve de la parodie qu'était ce monde. Il n'avait pas pensé à prendre de capuche, mais au final, la pluie ne le gênait pas. Dans les terres natales des Borolev, il pleuvait deux jours sur trois.

Elle l'invita à la suivre, ce qu'il fit, avant de se mettre à son niveau. Ils marchaient toujours entre les arbres, suivant la Lune.

" Suivons la Lune. En chemin, il y aura sans doute un petit endroit ou se mettre au sec. "

Il se mit à rêver d'une auberge acceuillante et d'un lit confortable. Il avait du dormir une petite dizaine de fois dans un bon lit depuis ces deux dernières années. La fatigue s'accumulait lentement, l'écrasant peu à peu. Il aurait vendu son bras droit pour un bon lit.

Alors qu'ils commencaient la marche, la forêt sembla redevenir plus vivante. Ils purent même entendre les bruits de quelques oiseaux, qui faisaient penser à des vautours. Rapidement, Ledha se retrouva trempé, mais ne semblait pas en être réellement affecté. Alors que n'importe qui aurait attrapé un rhume, la température interne du mangecoeur permettait d'éviter ce petit désagrément, même s'il aurait préféré être au sec. Ils marchèrent à un petit rythme pendant une heure et demie, Ledha faisant la conversation pour deux. Le relief commenca à se gonfler, et le bois se transforma en collines boisées. La pluie continuait. Ledha s'arrêta et pointa du doigt un plateau naturel, dont le flanc laissait voir l'entrée de plusieurs grottes.

" Enfin au sec, et avec un peu de chance, un lit nous attend. "

Ils descendirent la colline au pas de course, la distance les séparant du plateau étant vierge d'arbres. Après vérification, la grotte semblait vide, et Ledha s'adossa au mur, fatigué de cette course, avant de pousser un grand baillement.

"Ledha, auriez vous de quoi faire du feu? Je ne sais pas vous, mais moi, je commence sérieusement à avoir froid."

Ledha se tourna vers sa compagne, qui semblait assez sérieuse dans ses propos. Il faut dire que le cuir moulant ne protégeait guère du froid, et que son manteau était trempé. Elle devait être glacée jusqu'aux os. Il se leva et jeta un coup d'oeil dehors. Ce n'était plus de la pluie, mais une quasi-tempête. Il leva ensuite les yeux, et vit avec dépit que la grotte était particulièrement basse.

" La grotte est relativement basse, et je n'ai pas de bois. J'ai peur qu'allumer un feu ne fasse que nous enfumer et nous tuer, mais un tout petit brasier devrait être jouable. "

Il se placa au centre de leur refuge, et sortit de sa besace un gros bouquin relié de noir. Un des ouvrages de magie noire qu'il avait pris sur le cadavre d'un opposant. Un des plus importants sur Feleth. Il le posa, à un mètre de Fin, et s'assit devant ce livre, à côté de la jeune femme.

" Je ne suis pas un spécialiste en magie élémentaire, mais je suis capable de faire un petit feu et de le maintenir. Il devrait être assez faible pour ne pas nous enfumer et suffisamment fort pour vous réchauffer. "

Il dirigea ses mains sur le livre, et l'enflamma, une douce lueur commencant à émerger. Contrairement à ce que les légendes veulent faire croire, le livre ne lanca pas un sort, ni ne cria ou quoi que ce soit. Receuil de magie noire ou pas, il restait avant tout, un livre, qui, tout comme ses congenères, brûlait bien. Ledha adopta la même position que Fin, le regard rêveur, comme hypnotisé par les flammes.

" Je suis un nécromancien. Je maitrise la magie du sang, et je peux le réchauffer, voir même le faire bouillir. C'est pour ca que je n'ai pas froid. J'ai près de 39 degrés de température interne."

Avouer qu'il était nécromancien était certes stupide, mais... il était dans le Vein. Sa compagne n'était plus à ca près.

Ledha ne dit aucun mot lorsque Fin se colla contre lui, les yeux toujours fixés dans le vide, se doutant bien que c'était plus sa chaleur corporelle qu'autre chose qui l'avait attirée, et non le sex appeal que pouvait dégager un trentenaire fatigué n'ayant pas eu de sommeil correct depuis des mois. Il gratta machinalement ses cheveux et la laissa se lover contre lui sans protester, posant sa tête sur lui sienne. La scène lui semblait tellement naturelle que même lui, pourtant totalement ignorant de la psychologie féminine, n'en soit pas gêné.

Au bout de plusieurs minutes, il la sentit s'endormir. Ses paupières se faisaient également lourdes, comme si le sommeil de la jeune femme l'incitait à dormir. Il s'allongea sur le sol afin qu'elle ne soit pas forcée à dormir assise. La contemplant pendant plusieurs secondes, il hésita quelques instants. Peur de la reveiller alors qu'elle semblait paisible, de se prendre une gifle ? Qu'importe. Fermant ses yeux, il lui embrassa doucement le front, murmurant un "bonne nuit", et, les yeux fixés sur le plafond, s'endormit rapidement, dos contre le sol, sombrant dans un sommeil sans rêves.

Le reveil fut douloureux, et agréable. La première chose qu'il entendit, c'était la pluie qui battait toujours dehors, mais avec moins de force. Le coté agréable ? une femme superbe collée contre lui, et sans avoir réellement l'intention de le lâcher. Il n'allait pas s'en plaindre, même si Ledha avait toujours eu du mal à dormir avec une femme à ses côtés. Question d'habitude. Il se retourna vers elle, la regardant dans les yeux.

" Bonjour. "

Il lui lissa les cheveux quelques instants, avant de lui embrasser une nouvelle fois le front. Puis, sans prévenir et sans un mot, il la serra contre lui comme s'il cherchait à l'absorber, ou à l'écraser entre ses bras. Après ce contact bref mais intense, il s'écarta d'elle, et se leva avec peine, un peu engourdi. Silencieux, il contempla les restes du livre quelques instants. Rien n'avait été volé. Une chance que personne ne soit venu les tuer.

" Bien dormi ? Que propose tu pour la suite de la journée ? On bouge ? "

Leur marche fut longue et dans l'ensemble, assez ennuyeuse. Ledha, s'il avait voyagé beaucoup, avait un tempérament assez casanier.

*J'aurais du amener un cheval* pensa t-il d'un air sombre alors que ses jambes se rappelaient à lui. Fin marchait devant lui, ce qui lui allait parfaitement, étant donné que ses sens étaient sûrement bien plus aiguisés que les siens. Ils arrivèrent dans une sorte de forêt, pâle copie de celles de Feleth. Fin lui intima l'ordre de se cacher derrière un buisson, ce qu'il fit. Ils pouvaient voir, dans une clairière, une sorte de charette renversée, avec de nombreux sacs ici et là. Et aussi... ils entendaient des voix. Mais plus des gens qui se plaignaient que des discussions normales. Ils se regardèrent.

" Si c'est un appât pour une embuscade, ceux l'ayant tendus sont la honte de leur profession. "

Il n'y avait aucune logique à ce qu'une charrette ne se retrouve ici. Surtout qu'aucun animal de bât n'était présent.

" Bon, soit on reste ici, soit ton détourne, soit on va voir ce qui l'en est, malgré les risques..."

Ils sortit un petit couteau, releva sa manche, et s'entama le bras, faisant couler un sang rouge vif. Le sang tomba par terre, et l'herbe devint de couleur rouge. Rapidement, la couleur s'étendit à toutes les herbes alentour. Puis, la terre se gorgea de sang comme si une légion d'hommes avaient été massacrés. Et d'un coup, le sang disparut, comme si rien ne s'était passé. La plaie de Ledha coagula à toute vitesse et les chairs se refermaient. Fin pouvait voir qu'il s'était coupé à un endroit du bras sur lequel se trouvait déja plusieurs traces de coupures anciennement cicatrisées.

Prenant son fauchard en main, il se leva.

" Je vais aller m'exposer. Couvre moi et préviens moi si on essaie de me tuer. Je te fait confiance. "

Il marcha vers la caravane, prenant un air étonné, mimant la surprise avec conviction. Il s'approcha des sacs. C'était de ces derniers que les voix émergeaient. Des gens enfermés ? De fausses victimes, ou réelles ?

Il connaissait la perversité des démons. Si ca se trouve, dès qu'il serait très proche, il déclencherait leur mort, d'une manière ou d'une autre. Il prit la parole, faisant taire les voix.

" Qu'est ce qui se passe ici ? "