Il la caresse... au creux de ses reins comme si il ne s'en rendait pas compte. Sur la joue pour la réconforter.

Sa réponse était belle... mais tellement futile et inutile. Nana n'avait pas espéré qu'il la sauve, cela faisait longtemps qu'elle avait admis que personne ne pouvait la sauver. Elle avait acceptée la fatalité de son destin au fil du temps, même si elle en souffrait encore.

Elle ferma les yeux à la question et laissa un silence s'insinuer. Pourquoi voulait-il connaitre son nom ? Ils venaient de partager des choses tellement plus importantes...
Nana s'était beaucoup dévoilée ce soir, elle ne le regrettait pas. Mais son nom était un sujet tabou, et c'était quelque chose qu'elle ne donnait pas facilement. Etrangement, elle s'était tellement dévoilée cette nuit qu'elle se raccrochait à quelque chose, même si futile qu'un nom, pour garder un peu d'elle-même pour elle. Ne pas le donner.

De plus, elle trouvait que la balance n'était pas très équilibrée.

Alors que ces pensées apparaissaient dans sa tête, elle déposa un baiser dans le cou de l'ange. Puis un autre, et un troisième. Doux et fiévreux à la fois.

''Pourquoi êtes vous venu me voir ? Qu'attendez-vous de moi ?''

Un autre baiser près de son oreille.

''J'ai compris que vous ne cherchiez pas une catin. Mais je suis désormais nue près de vous, dénuée de mes vêtements, dénudée de mes secrets... J'aimerais savoir.''

Sa bouche dans mon cou.

Elle ne me répond pas. Le silence s'épaissit de désir, de la fièvre de ses baisers. Impatience frissonnante de ma peau. Mes paupières se ferment. Je prend toute la mesure du velouté de ses lèvres.

Elle me souffle une question a laquelle j'ai déjà répondu. Ma main posée contre sa hanche, je pivote sur le côté, gardant sa cuisse au dessus des miennes. Nous nous retrouvons face à face, yeux dans les yeux.


"Ma simple nécessité artistique ne vous convainc-t-elle pas ?"

Une question dont je connais pertinemment la réponse.

La relation artiste-modèle est souvent teintée d’ambiguïté. Cette femme. Je ne l'ai pas choisie au hasard. Je le sais fort bien...et a présent que notre proximité relève de l'intime, tant physique que psychologique, je ne sais pas moi-même ce que j'attends du moment. Peut-être trahir un peu de la solitude qui me colle a la peau en compagnie d'une créature désespérément seule elle aussi, dont l'existence ne fait qu'être traversée par des êtres qui ne demeurent jamais...

"Nous sommes seuls vous et moi. Profondément." le regard perdu.

N'a-t-elle jamais ressenti l'envie de changer d'existence ? De mener une vie normale ? D'être aimée pour ce qu'elle est, et non pour ce qu'elle peut offrir ?

"Il ne reste plus qu'une page ou deux à mon carnet." Pensif.
"Je devrais vous laisser vous rhabiller, et partir..." plongé dans son regard, immobile.

Enfin... Nana avait une réponse convenable. Pas entière, mais claire. Il était tellement difficile de faire parler son partenaire ! Et de le faire agir de même...

Le désir s'intensifiait... Il disait l'inverse et son contraire. La prenait pas la hanche, comme pour se l'approprier mais ses mots parlaient de s'enfuir. Cela avait un coté si inhabituel, et si frustrant. Mais aussi si... sensuel et magique. Comme une douce torture.

Elle lui demandait ce qu'il attendait d'elle et il prenait les jambes à son cou. Typiquement masculin. Mais de quoi avait-il si peur ? Pourquoi avait-il peur qu'elle s'approche ?

"Nous sommes seuls vous et moi. Profondément."

Un vérité, une confession. Nana imaginait qu'il était un être solitaire sans attache. A ce moment, elle aussi se sentait seule, sensation qui la suivait toujours. Mais qu'elle refoulait.
Que voulait-il donc dire ? Elle lui tenait compagnie ?

Et maintenant qu'il disait cette terrible vérité, il voulait s'enfuir comme un voleur ?
Elle soupira, face à lui. Une dernière tentative pour le garder près d'elle puis elle le laisserait s'envoler.

'' Qui parle de devoir ici ? Qu'est-ce qui vous oblige ? ''

Un baiser sur la joue.

'' Très bien. Partez si vous le voulez, mais je veux un souvenir."

Ce qui m'oblige ? Peut-être le sentiment de n'être qu'un client pour elle. Qu'un de ces êtres de passage parmi la masse. Ces hommes dont le souvenir s'efface inéluctablement au profit d'autres, plus frais à sa mémoire. Plus ancrés dans son présent.

Un océan de visages, de voix, de corps. Au départ distincts. Puis au grès des vagues, ils se mélangent. Jusqu'à ce qu'un à un ils perdent leurs spécificités. Je n'aime pas l'idée d'être noyé.

Un baiser sur ma joue d'une infinie douceur. Un soupir alanguit fait écho au siens. Je la contemple comme on regarde ce qu'on ne reverra jamais plus. Intensément.

A voix basse. "Que voulez-vous ...?"

Il soupir. Ne répondit pas à ses questions. Il semble triste de la quitter, mais à la fois obligé, comme par une force invisible.

Il la regardait, tellement fort qu'il pourrait transpercer sa chair. Elle le regardait de même, gravant ce moment en elle, persuadée que dans quelques minutes, il serait partit.

Elle l'acceptait, pourquoi vouloir emprisonner un animal sauvage ? Comment d'ailleurs ?

Elle frissonne, pour des tas de raisons.

''Je veux une page de votre carnet.''

Son étreinte s'est relachée, elle essayait de lui dire qu'elle ne le retenait pas. Elle avait été trop souvent forcée dans sa vie.

''Et puis...''

Elle s'approcha, lui déposa un baiser tendre sur la joue, un autre plus proche de sa bouche... Et enfin, ses lèvres caressèrent les siennes. D'abord doucement, puis elle se fit un peu plus passionnée.

Désormais, il pouvait partir.