Les nuages étaient sombres, gonflés et semblaient prêts à exploser. Tout laissait prévoir que les cieux allaient se déchaîner très prochainement. Tayer voyait, à l’horizon, entre ces masses sombres, le maître absolu du jour se mouvoir derrière les montagnes. Bientôt, la nuit allait étendre son domaine sur toute la forêt et les éléments allaient se livrer à l’une de leur crise passagère. Cependant, le blondinet aurait préféré atteindre Venill avant la tombée de la nuit mais cela semblait impossible. Il ouvrit la paume de sa main et marmonna quelques mots à peine audible. Dans le creux de sa main, une petite créature, pas plus grosse qu’une pomme, apparue. Elle avait de petits yeux brillants, de petites ailes de papillons et son corps humanoïde miniature étincelait telle une flamme. La petite chose d’envola pour s’immobiliser à quelques pouces du visage de l’archimage.

- « Vous désirez maître? » dit la petite fée en penchant la tête en signe de soumission.

- « Heum… J’aimerais que tu retrouves maître Rodin. Prend de ses nouvelles et reviens me voir. Aussi, j’aimerais que tu lui dises que je n’ai toujours pas trouvé Belzius. Soit il marche vite soit il a usé de magie pour déguerpir en vitesse. »

Le petit être n’attendit pas plus longtemps et, prenant la forme d’une luciole, s’envola. Tayer fixa l’entre ciel et terre un moment, le regard vague. Il ne pouvait permettre à ce sombre félon d’utiliser cette pierre. S’il parvenait à l’utiliser conjointement avec le traité de démonologie le résultat serait catastrophique. Personnellement, Tayer se refusait de revivre ce qu’il avait vécu lors de son séjour dans ce que les hommes appellent communément « l’enfer ». Il sortit de sa transe et commença à descendre la colline en suivant le sentier sinueux qui passait entre les arbres. Cette route n’avait rien d’engageante et pourtant il disparut sous les arbres. Étais-ce la chance, le hasard, il n’en avait aucune idée mais il aperçut au loin de petites maisonnettes. Il sourit, il allait probablement pouvoir passer la nuit au sec finalement. Puis, il commença à presser le pas motivé à atteindre le village avant la fin de la nuit. S’il avait su, il n’aurait sans doute jamais approché ce village.

Un silence de mort planait dans l’air. Tayer avait mis vingt minutes pour parvenir à l’entrée du village. Non, pas un village. Disons plutôt, une grande combe à cadavres. Tayer écarquilla les yeux. Des corps pourrissaient empilés dans une charrette. L’alternance entre la pluie et les chaudes journées des derniers jours avaient facilité la décomposition de cet amas monstrueux de tissus humain. Le blondinet de ne pas un mot et du retenir un haut le cœur en voyant l’expression d’horreur figée dans le visage picoré d’une femme à peine plus âgée que lui. Qui peut bien être le responsable d’une telle horreur? Il aurait dût quitter ce village. Encore une fois, il avait oublié de réfléchir avant d’agir. Devant la place centrale, certains corps calcinés étaient empilés. D’autres ne l’étaient qu’à moitié et d’autres encore avaient été abandonné dans la boue. Certains avaient été la proie des rats et autres charognards ailés. L’archimage devant une horreur aussi incompréhensible ne put s’empêcher de remarquer les étranges pustules qui couvraient les cadavres. Cependant, il n’osa pas s’approcher car l’odeur était insoutenable. Il revint sur ces pas  et entendit les premiers coups de tonnerre. Ainsi, il se décida à entrer dans une maison préférant faire face à la possibilité de rencontrer un cadavre qu’être détrempé. Tayer s’arrêta devant la porte puis cogna à quelques reprises. Sans réponses, il se décida à entrer.

- « Bonjour! … Il y a quelqu’un? » Aucune réponse. Il s’y attendait un peu. Était-il vraiment normal de toujours vivre dans un tel village? Autant creuser sa tombe et s’y enterrer tout de suite.

Tayer pénétra dans la cuisine et alluma une chandelle avant de sortir un peu de nourriture de son sac. Aussitôt, la pluie se mit à tomber rudement. Il avait bien fait. Une odeur désagréable volait dans le bâtiment mais cela valait mieux qu’une nuit à l’extérieure par un tel temps. Que s’est-il passé ici? Se demanda-il en fixant les petits morceaux de fromage qui tenait entre ses doigts, le visage de la femme clairement imprimé dans son esprit. La nuit promettait d’être longue. Il n’allait pas être facile de trouver le sommeil dans cet endroit. La solitude commençait déjà à peser lourd sur ses épaules. Aussi, il se leva et alluma un feu dans l’âtre de la cuisine. Un peu de chaleur le réconforterait sûrement… Oui, probablement.

Tayer regardait les flammes danser dans l’âtre le regard vide. Il cherchait à comprendre. Était-ce Belzius? Était-ce les barbares des environs? Il n’en savait rien mais cherchait désespérément, dans les confins de son être, une réponse à ce drame. La mort du roi a provoqué l’instabilité partout. Oui, pas un seul endroit n’avait été épargné des sauvages et autres rebelles c’étant toujours opposés au roi Hendenmark. Cependant, Tayer ne parvenait pas à accepter que ce carnage soit le fruit des hommes. C’était tout bonnement impossible! Pourquoi diantre un quelconque monstre ou de quelconques barbares auraient-ils empilés des corps et brûlés d’autre? Tout cela ne faisait pas de sens…

Puis, entre deux coups de tonnerre, ce fût le choc! Un violent claquement surpris Tayer au point qu’il crut entendre son propre cœur explosé dans sa poitrine. Il ne bougea pas, blême comme mort. Il avala sa salive et se retourna d’une manière lente et calculée. Il s’attendait à tout. Un homme musculeux aussi grand qu’un ours, à un véritable ours ou bien une créature cauchemardesque. Puis, il l’a vu. L’expression apeurée de Tayer laissa lentement place à une expression tout autre. Perplexe, il regarda la femme qui se tenait dans le portique en brandissant une dague. Elle était détrempée, légèrement vêtue et pratiquement démunie. Était-elle une rescapée de ce village? Ou était-elle… Tayer se secoua la tête pour ne pas penser à cela. Il se gratta l’arrière de la tête un sourire niais accroché au visage tout en se relevant.

- « Tu vis ici? Heum… Je suis désollé de m’être introduit par infraction chez vous… Heu… Je… Je voulais me protéger de la pluie et j’ai cogné à de multiples reprises! Heum… »

Tayer en disant ces quelques mots s’approcha lentement de la table et recula une chaise. Il ne lâchait pas l’étrange femme des yeux. Puis, il s’assit lentement sur la chaise pour ne pas brusquer l’étrangère qui semblait, elle aussi, sous le choc. Lorsqu’il fut correctement assis, le blondinet détourna le regard pour regarder les flammes danser dans la cheminer. Puis, il ramena ses yeux azures vers l’inconnue.

- « Je me nomme Tayer Ward. Je suis un maître de la tour des mages de Beolan. Je suis présentement en route vers Venill et suis affreusement désolé d’être entré dans votre demeure sans votre permission. Disons que… Toutes ces choses dehors ne favorisent pas la nuit à la belle étoile. Vous pourriez peut-être lâcher ce couteau et venir partager un morceau de pain et de fromage. Si le cœur vous en dit bien sûr. » Dit-Tayer en ouvrant du bout des doigts le petit sac de provision qu’il avait laissé sur la table.

Il devait être prudent car il ne savait rien d’elle ni comment elle allait réagir. Prudence est mère de sûreté comme lui répétait souvent son maître.

Elisaabeeth l'écoutait sans bouger d'un poil jusqu'à ce qu'il lui demande de ranger sa dague, ce qu'elle fit après un moment d'hésitation. Apparemment, l'homme pensait que cette maison lui appartenait et s'excuser d'y être entrer. Elle voulait en rire, mais ce n'était point le bon moment.

Sans le lâcher du regard, elle avança de quelques pas et repoussa la porte avec son pied pour la fermée sans lui tourner le dos. Puis, repensant aux monstres qui avaient fait ça, elle prit une chaise pour pouvoir bloquée la porte. Ca leur laisserait le temps de réagir et de se préparer à une éventuelle attaque.

Elle ne savait pas par quoi commencer, que lui dire ? Elisabeeth était quelque peu chamboulée. Tout en attrapant un chiffon qui traînait sur une des tables, elle s'essuya le visage puis les cheveux tout en lui répondant. Essayant de garder son calme et d'être le plus clair possible, bien qu'elle eut envie d'explosée et qui sait, peut-être même pleurer de peur.

- « Je... Enchantée Tyler. Tout d'abord, ce n'est pas chez moi ici. Je vous ai suivis un moment dehors puis je me suis perdue... Ensuite, j'ai vu de la lumière et j'ai voulut rentrer sauf que la porte était coincée. Alors j'ai forcée. En aucun cas je ne voulais vous faire peur ».

Elle marqua une pause puis, posant son baluchon sur la table, elle alla se mettre devant la cheminée pour se réchauffer un peu.

- « Pour ma part, je suis Elisabeeth de Beaufort. Un nom de nobliau mais je n'en suis pas une. Je suis simplement une vagabonde ». Dit-elle en soupirant longuement.

Une fois réchauffée, Elisa se dirigea vers la fenêtre et scruta dehors, essayant de voir le moindre mouvement.

- « C'est terrible ce qu'il s'est passé ici. C'est vraiment horrible ! Vous disiez vouloir dormir ? Que nenni ! Il ne faut pas ! Imaginez qu'on nous attaques ? ».

Le petit bout de femme se retourna et alla prendre place en face de lui. Elle prit son baluchon et déposa sur la table un morceau de pain un peu sec, quelques fruits séchés et une gourde d'eau fraîche.

Elisa releva la tête pour poser un regard rassurant afin de lui montrer qu'elle ne lui ferait aucun mal.

Tayer poussa un soupir en voyant la femme ranger son poignard. Une bêtise d’évitée pensa-il en se grattant l’arrière de la tête. Elle ne semblait pas dangereuse et Tayer soupira une seconde fois quand cette dernière lui dit qu’elle ne venait pas d’ici. Misère, il avait vraiment tout confondu. Embêté par ses suppositions à deux ronds, il fit une moue perplexe. Qui plus est, elle avait dû le surprendre lorsqu’il était paralysé par la peur. Un autre coup d’œil qui lui valut un certain malaise. Donc, cette fille se nomme Elizabeeth de Beaufort, pensa-il en levant les yeux vers le plafond. La voyant traversé la salle d’un bout à l’autre il esquissa un sourire. Elle n’était pas gênée du tout, pensa-il encore perplexe. Puis, il la regarda longuement en mangeant quelques petits morceaux de fromage lorsqu’elle prit place devant l’âtre. D’où venait-elle comme cela? Certes, elle était une vagabonde mais rien ne pouvait justifier si elle avait de bonnes intentions. La regardant longuement, tombant en transe légère, il tomba lentement vers le royaume de Morphée.

- « C'est terrible ce qu'il s'est passé ici. C'est vraiment horrible ! Vous disiez vouloir dormir ? Que nenni ! Il ne faut pas ! Imaginez qu'on nous attaques ? ».

Tayer sursauta et revint à la réalité. Il vit Elizabeeth bloquer la porte d’une chaise et entendait l’orage rugir à l’extérieur. Oui. La froide et dure réalité. Des cadavres, des rats, un orage et une possible créature dangereuse rôdant dans les alentours. Tayer bailla et s’étira quelque peu abrutis par ça mince sieste de toute justes dix minutes. Une attaque? Croit-elle vraiment que ce carnage soit l’œuvre d’une quelconque créature? Remarque… Tayer pencha les yeux pour regarder le petit sac qui contenait le reste de ses provisions. Peut-être qu’elle n’avait pas tort. Qui pouvais bien savoir. Cependant, aucune chose n’expliquait pourquoi le monstre ou la chose avait empilé les cadavres de la sorte. C’est lorsqu’elle s’assit devant lui que Tayer sortit de ses réflexions. Elle-même avait quelques petites choses à se mettre sous la dent. Une réelle chance, pensa Tayer qui croyait être dans l’obligation de diviser le peu de ration qui lui restait. Une lueur blanche illumina la pièce une fraction de seconde. Tout juste le temps de cligner des yeux. Oui. L’orage ne semblait pas près de se calmer. Le blondinet plongea son regard émeraude dans les yeux azurs de l’étrange jeune femme. Il ne saurait dire quoi mais cette femme lui disait quelque chose. Un autre souvenir qu’il du tenter d’oublier probablement. Puis, réalisant qu’il la fixait depuis un petit moment il tourna les yeux se grattant la tête.

- « Que l’on nous attaque? Par un temps pareil? Misère, les assaillants devront être vraiment motivés! Hahahaha! » Après ces quelques mots, seule la pluie brisait le silence ambiant de la cuisine. Aussi, quelques grondements de tonnerre donnait un tempo à cette symphonie naturelle.

Malaisé par ce quasi silence. Tayer réfléchit. Il devait parler, dire quelque chose pour briser le silence. Là, il était assis devant cette parfaite inconnue qui prétendait se nommer Elizabeeth et ils ne faisaient que se regarder. Tout cela l’énervait. Il ne savait pas comment réagir. Puis, non sûr de lui, il tenta de partir la conversation.

- « Heum… et… Vous venez de loin? Si ce n’est pas inopportun comme question bien sûr. Sinon… Euh… Que pensez-vous qu’il s’est passé ici? » Puis, rapidement, une autre idée lui traversa l’esprit. « Vous… Vous m’avez dit que vous êtes une vagabondes non? Par pure hasard… N’auriez-vous pas vu un homme étrange revêtu de pourpre et de noir passer dans les environs? » Au moment où il finissait sa tentative d’entrer en communication, un nouveau flash éclaira l’ensemble de la petite pièce.

Après avoir entendu la réponse de la jeune femme Tayer soupira. Aucune trace de ce félon. Il c’était volatilisé sans laisser le moindre indice. Il pencha les yeux en réfléchissant. Plus aucunes traces… Rien. Il n’était pas rassuré. Puis l’inconnue sortie des herbes qu’elle mélangea avec de l’eau. Grâce au feu qui crépitait de plus belle dans l’âtre, elle allait être en mesure de faire bouillir l’eau et d’en obtenir quelque chose. Puis, il se perdit dans ses pensées. Il s’imaginait loin d’ici, près de dix ans dans le passé. La fois ou tout cela c’était produit. Il se rappelait encore des horreurs, des choses horribles qu’il avait pu voir et des sombres tunnels qui devaient lui servir de tombeau. Il se voyait courir. Il sentait l’aura de la chose qui rampait derrière lui. Il pouvait encore sentir les griffes du monstre déchirer la chair de son épaule gauche. Tels des poignards, elles décollaient le peu de peau qu’il avait sur les os. Il s’entendait crier et demander pitié. Oui, il souhaitait tout oublié mais avant tout… Il avait une tâche à accomplir. C’est la voix de l’étrangère qui encore une fois le ramena à la réalité.

- « Vous voulez une tisane ? Cela vous réchauffera... »

Tayer lui rendit son sourire et acquiesça mais, au moment où il allait agripper l’eau chaude, Elisabeeth hoqueta de surprise et renversa de l’eau chaude sur la table. Il était clair qu’elle n’aimait pas le bruit du tonnerre. Le blondinet lui attrapa le poignet l’aidant à stabiliser le récipient d’eau avant que ce dernier ne se déverse complètement sur la table. Ouf! Plus de peur que de mal, pensa-t-il. Puis, il regarda son pain absorbé le liquide chaud et soupira. Il se retourna vers la jeune femme.

- « Sa va aller? Ne vous en faites pas. Il ne vous arrivera rien. Pas tant que je serai là! » dit-il en essayant d’être le plus confiant possible un sourire enfantin coller au visage. Puis, voyant qu’il lui tenait la main depuis plusieurs longues secondes, il lâcha sa prise nerveusement. « Je suis désolé! Attendez! je… je… Il doit bien y avoir quelques tasses dans cette bicoque! Je vais m’en trouver une! » Il s’approcha du foyer, là où l’étrangère avait pris son chaudron et sa chope, pour agripper une chope de bois à son tour. Il était stressé et sa démarche le laissait entrevoir facilement. « Voilà! J’en ai une. »

Il la déposa sur la table et regarda l’étrangère remplir son gobelet. Il soupira et empoigna la chope une fois qu’elle fût pleine. Il commença à en vider le contenu gorgée après gorgée prenant soin de ne pas s’ébouillanter. Il regarda la jeune femme et lui dit d’un ton amusé.

- « Merci beaucoup pour la tisane! Néanmoins faites attention pour ne pas vous brûler! Hahaha! » Le silence retomba sur la salle trois minutes au plus. « Comme nous sommes là… Vous avez beaucoup voyagée? Vous m’avez dit que vous avez rencontré plusieurs individus par le passé non? Ça doit être excitant! » Reprit-il sans vraiment réfléchir.

Elisabeeth ne put s'empêcher de sourire en voyant le malaise de l'étranger. Il n'y avait aucune raison pour qu'il soit stressé ou même nerveux. Il n'y avait eu aucun mal. Néanmoins, elle s'en voulait d'avoir été surprise par cet éclair qui lui avait fait renverser l'eau bouillante. Elle aurait pu l'ébouillanter et alors là, ils auraient été dans de beaux draps. Réfléchissant cinq minutes, la jeune femme se rendit compte qu'il était plutôt sympathique ce garçon et qu'elle ne devait pas avoir peur de lui. Il ne lui ferait sans doute aucun mal, puisse qu'il avait dit qu'il ne lui arriverait rien le temps qu'il serait là. M'enfin, il fallait quand même rester sur ses gardes, elle ne connaissait absolument rien de lui pour l'instant. La voix de Tayer la fit revenir sur terre.

- « Oui, beaucoup, j'ai en effet beaucoup voyagé. Au départ, j'ai commencé avec une femme qui était des plus gentille et me protéger de tout. Puis à sa mort, j'ai continué seule. »

Elle baissa la tête comme pour repousser son chagrin qui revenait lui déchirer le cœur une fois de plus. La seconde d'après, Elisabeeth releva la tête comme-ci de rien n'était et repris de plus belle, la voix serrée.

- « J'ai rencontré un homme qui, voyant que je ne connaissais rien et que j'étais une proie facile, m'a appris à me battre et à me servir d'une dague. Puis, quelques jours plus tard, ce fut une autre femme, un peu bizarre, mais qui était très gentille. Elle, elle m'a appris à cuisiner. »

La jeune femme sourit avant de prendre une gorgée de sa tisane qu'elle gardait dans ses mains afin profiter de la chaleur pour se réchauffer les mains.

- « Ensuite, ce fut à nouveau un homme que je rencontrai. Un vieux fou comme on n'en trouve pas souvent. Il parlait de démon, d'êtres mauvais. Il était herboriste et passionné par les plantes médicinales. Il m'en a appris un rayon là-dessus. Mais... Il était également très obsédé par le mal. Il disait toujours qu'un jour, ils allaient tuer, voler les villages et ensuite, y mettre le feu. Bien évidemment, je ne le croyais pas. Pour moi, ce n'était qu'une personne âgée qui avait perdu la raison. Malheureusement, voyant le spectacle de dehors... Je me dis qu'il avait sûrement raison et que j'aurais mieux fait de le croire. »

La belle soupira longuement avant de reposer sa tasse sur la table et de se lever pour aller remettre une bûche dans l'âtre qui crépitait toujours, mais qui commencé à s'éteindre lentement afin que celui-ci puisse reprendre de plus belle et continué de garder la pièce en bonne température.

Accroupie face à la cheminée, elle fixait la bûche qui doucement commencé à prendre feu. Elisabeeth adoré entendre les crépitements et voir la petite flamme jaillir avant de consumer le morceau de bois posé sur les braises. Ça lui rappelait son enfance, lorsqu'elle et ses petits frères et sœurs s'asseyaient là avec un verre de lait chaud tandis que leur mère leur raconter une histoire. La jeune femme se remémora tous ces bons souvenirs pendant un instant puis secouant légèrement la tête se redressa doucement avant de se retourner vers Tayer. Elle s'adossa contre le mur les bras croisés sur le ventre et sourit doucement.

Tayer écouta attentivement le petit récit de la jeune femme. Malgré son air jeune, elle semblait avoir un vécu chargé. Toute cette histoire le captivait. Lui-même ignorait ce qu’elle avait dû ressentir tout au long de son périple par-delà le monde. Puis, il écouta plus attentivement lorsqu’elle parla du vieux fou, l’herboriste. Le mal? Les démons? Êtres mauvais? Tayer plongea dans son esprit. Soit cet homme en avait déjà rencontré, soit ce n’était qu’un pauvre hurluberlu comme le pensais Élizabeeth. Tayer se gratta le menton en réfléchissant. Puis, cette phrase vint le chercher dans les tréfonds de son esprit.

- « Je me dis qu'il avait sûrement raison et que j'aurais mieux fait de le croire. »

Tayer la regarda avec de grands yeux alors qu’elle se levait pour tirer une nouvelle bûche dans le foyer. Puis, il la regarda s’accroupir devant les flammes. C’était étrange… Dehors, tout était si… si… mort. Pourtant, dans cette maison qui tremblait sous le poids de l’orage, tout semblait si déconnecté. Le silence érigea son domaine pour une nouvelle fois mais, cette fois-ci, Tayer ne le brisa pas. Cette jeune femme semblait en avoir lourd sur le cœur et le silence semblait roi en son esprit. Puis, sans la lâcher du regard, il la regarda s’adosser contre le mur à la droite du foyer. Puis, ce fût à son tour de poser les yeux sur lui. Subitement, pour Tayer, le silence devint quelque peu un malaise. Il tourna la tête pour regarder les flammes, ce leva et vint s’asseoir devant le foyer. Il agrippa le tisonnier et retourna la bûche orangé de côté.

- « Tu sais… Il y a des choses que nous ne voyons pas. Des choses inexplicables. Ce vieil homme fou le savait. Certains autres individus pensent comme lui. Il n’est pas facile de croire lorsque l’on ne voit rien. Cependant, crois-moi, tu préférerais nettement croire et ne rien voir. »

Puis, Tayer perdit son regard dans le brasier. Que voulait-il signifier par cela? Le tout pouvait sembler nébuleux. Cependant, tout laissait entrevoir qu’il en avait vu un peu trop et qu’il croyait lui aussi en l’existence d’êtres malsains. Il se retourna à nouveau vers Elizabeeth. Son regard brillait et prenait l’éclat des flammes.

- « Ces morts… Dehors… Ils n’ont pas de marque de blessure. N’ont pas été violenté. Certains ont été brûlés… D’autre empilés. Ce n’est pas une belle histoire mais je crois savoir ce qu’il sait produit ici et malheureusement nous n’y pouvons rien. Alors peut-être vaut-il mieux oublier. Oui. Oublier l’ensemble de cette scène horrible. » La voix de Tayer était quelque peu froide et mélancolique. Si bien qu’il pouvait être intriguant de se demander ce qu’il avait en tête.

- « Qui êtes-vous ? Enfin non, je veux dire, d'où venez-vous ? Quel est votre vécu ? Vos aventures ? »

Tayer se retourna regarda la jeune femme. Oui. Il était normal qu’elle lui demande cela. C’était tout à fait légitime étant donné que lui-même lui avait posé les mêmes questions quelques minutes plutôt. Il lui fit un sourire niais et se grattant l’arrière de la tête. Il cherchait par où commencer. Devait-il parler de tout? Devait-il commencer du début? Lui parler de ses voyages pour le moins étranges? Il ne savait pas par où commencer et par quoi finir. Puis, après quelques instants de réflexion, au moment où il s’apprêtait à prendre la parole, ce fût la seconde attaque cardiaque.  

La porte qui était bloquée par la chaise s’ouvrit dans un fracas à réveiller les morts. Instinctivement, Tayer se mit sur pieds à la vitesse d’un fauve faisant face à l’entrée du bâtiment. Et quoi d’autre encore? Tayer ouvrit la paume de sa main puis, au moment où il allait marmonner son incantation, s’immobilisa. Il sentait le corps d’Elisabeeth presser contre son dos. Qu’allait-elle dire s’il usait de magie aussi subitement que cela? Comment allait-elle réagir? Il crispa le poing. Impossible de se servir d’un quelconque sort avant de la mettre au courant car il aurait tôt fait de l’effrayer. Puis, lorsque leur regard se croisèrent, voyant la peur dans le fond de ses yeux, il comprit qu’il avait bien fait de ne pas agir subitement.

- « Que... Qu'est-ce que... c'est ? Je ne sais pas toi mais, moi je n'y vais pas ! »

Tayer gloussa puis, prenant son courage à deux mains, il s’avança vers la porte. Il tombait encore des clous. En quelques secondes à peine, une flaque c’était formée dans le portique. Le jeune archimage risqua un regard à l’extérieur…. Rien. La pluie et la nuit avait raison de son champ de vision. Il était impossible de voir à plus de trois pieds devant soi. Tayer soupira puis, tout juste un clignement des yeux, il sembla voir le rideau d’eau se déformer. Quelque chose devait de déchirer le voile encre de l’orage. Son cœur arrêta de battre une fraction de seconde. S’il savait ce qui avait provoqué une telle hécatombe il n’était pas pour ignorer qu’un tel amas de chair pouvait certainement attirer certaines créatures affamées. Aussi, après avoir survolé le rideau sombre du regard il posa les yeux sur la porte.

Tayer blêmit en voyant les marques sur celle-ci. Elles étant étroites, profondes et lisses. Ces longues fentes lui rappelèrent quelque chose. Mais… C’est impossible! Tayer ferma rapidement la porte et replaça la chaise pour condamner l’entrée. Ce climat de mort était-il à l’origine de « ça » venue ou était-ce autre chose? Il l’ignorait et préférais ne pas savoir. Il se retourna vers la jeune femme, il lui adressa un sourire forcer qui contrastait radicalement avec le teint livide de son visage. Preuve irréfutable que quelque chose n’allait pas.

- « Ce n’est que le vent mais… Il faudrait penser à réduire l’intensité de la lumière. On ne souhaite pas réveiller les morts non? Hahaha… Haha... Ha… » Son rire n’avait rien de normal, il semblait forcé et sa voix était ponctuée par quelques claquements de dents discrets.

Sans même attendre l’autorisation de la jeune femme, il s’avança et balança ce qui restait du petit chaudron d’eau chaude sur les flammes qui dansaient encore follement dans l’âtre. En une fraction de seconde, la salle s’obscurcit. Seule les trois chandelles sur la table produisait toujours une mince source de lumière. Le blondinet regarda Elisabeeth et lui désigna la table, l’invitant à prendre place. Bien sûr, la convaincre n’allait pas forcément être facile. Pouvait-il lui dire la vérité? Tout d’abord, avait-il raison de s’inquiéter? Ces marques n’étaient-elles pas déjà sur la porte au moment où ils étaient entrés? Son imaginaire lui jouait-il des tours? Après avoir pris une grande respiration, il tenta de dire ce qu’il pensait.

- « Je crois avoir vu quelque chose dehors… Quelque chose qui rôde autour de la maison… Je… Je pense également savoir de « quoi » il s’agit et… et c’est attiré par la chaleur et la lumière. Je… Je me trompe peut être et cela… Cela peut sembler fou mais je… Je vous demande de me croire. » À cet instant précis, alors qu’il finissait ces quelques mots, un éclair projeta une ombre étrange à l’intérieur du bâtiment par l’intermédiaire d’une fenêtre.

Tayer retint son souffle et blêmit à nouveau…

Elisabeeth savait parfaitement que rien de ce qui était entrain de se passait n'était normal. Aussi, voyant l'expression de Tayer, elle savait qu'il avait aperçu quelque chose et n'en doutait pas une seule seconde. Lorsqu'il renversa le reste d'eau sur les flammes et que la pièce se trouva dans l'obscurité presque totale, son cœur se mit à battre plus fort.

Moins d'une seconde après qu'il eut fini de lui avouer que quelque chose rôder autour d'eux, une ombre étrange fut projetée dans la pièce. Pâle et morte de peur, elle essaya tant bien que mal de ne pas crier, la belle fit fausse route, ce qui lui coûta une quinte de toux à n'en plus finir. Pour ne pas faire trop de bruit, elle mit ses mains sur sa bouche. Peut-importe qui était dehors, elle ne voulait pas l'attiré.

La jeune femme fixait l'entrée, le regard vide. Si celle-ci s'était à nouveau ouverte, la belle se serait probablement évanouie sous la peur. Il fallait trouver une solution pour empêcher quiconque de pénétrer dans la maisonnette. La petite chaise qui servait à bloquer la porte ne ferait pas long feu face à une créature affamée ou assoiffée de sang.

Voyant que Tayer faisait une drôle de tête, elle posa doucement sa main sur son épaule comme pour lui montrer qu'elle le soutenait au cas où quelque chose se passerait. Ensuite, elle tira les autres chaises et les porta jusqu'à la porte où elle les empila. Maintenant, la jeune femme s'attaqua à la table qu'elle entreprit  de tirer vers la porte en essayant de faire le moins de bruit possible. N'y arrivant pas, elle se plaça de l'autre coté de celle-ci et la poussa de toutes ses forces. Était-ce la peur qui lui donnait autant de force ? Elle n'en savait rien mais aller s'en servir au maximum.

Maintenant que pour elle, l'entrée était sécurisée, Elisabeeth allait barricader la fenêtre. Bien que cette dernière soit petite, il était hors de question qu'on puisse se faufiler par là. Elle attrapa tout ce qui lui tomber sous les mains et les empila contre la fenêtre. Tableaux, bibelots, chopes, assiettes, plats, bouteilles. Tout y passa mais, elle se sentie déjà un peu  plus en sécurité.

Ensuite, elle retourna auprès de Tayer en baissant la tête doucement.

- « Ca nous fait gagner un peu de temps... Si jamais... » dit-elle en se balançant doucement de droite à gauche comme une enfant. « Si tu as quoi que ce soit à me dire, dit le moi maintenant. C'est le bon moment, je peux tout entendre plus rien ne peut me faire plus peur que ce qu'il y a dehors... »

Soudain, elle se rendit compte qu’elle n’était pas armée et qu’elle n’avait rien pour se défendre en cas d’attaque. N’étant qu’une simple humaine sans pouvoir ni autres, elle ne ferait également pas long feu.

Elle se dirigea donc vers la table située contre la porte où elle avait laissé son sac et sa dague. Avant qu’elle ne puisse la prendre, un coup se fit entendre contre la porte. Dans un sursaut elle attrapa son arme et resta plantée là, tremblante, prête à attaquer. .

Tayer admira la jeune femme qui, d’abord apeurée, sembla prendre confiance et s’envelopper d’une épaisse couverture de détermination. Il la regarda, bouche bée, barricader la porte et la fenêtre. Difficile de croire que tant de force pouvait être déployée par un corps aussi frêle et fragile que celui d’Elisabeeth. Les apparences sont parfois trompeuses. Tayer repassa une main par-dessus son épaule. Il se souvenait de la douleur, de l’horreur et du… De tout! Il ne pouvait se résoudra à croire que cette chose était bien là, dehors, à les attendre.

- « Ça nous fait gagner un peu de temps... Si jamais... » dit-elle en se balançant doucement de droite à gauche comme une enfant. « Si tu as quoi que ce soit à me dire, dit le moi maintenant. C'est le bon moment, je peux tout entendre plus rien ne peut me faire plus peur que ce qu'il y a dehors... »

Elle semblait sûre d’elle. Une bonne chose. Dans ce genre de situation, céder à la panique était une erreur grave et dramatique. Ils devaient tous deux garder leur sang-froid et Elisabeeth semblait l’avoir compris avant lui. Tayer toussota, s’avança, agrippa les trois bougies pour les installer sur le sol là où se trouvait la table auparavant. Puis, toujous accroupis près des trois flammes, il se retourna vers la jeune femme en lui accordant un sourire forcé. Cette chose n’en avait pas après elle, cette chose en avait après lui et il le savait. Entre deux autres coups de tonnerre, il répondit à Elisabeeth :

- « Je suis un magicien. Je dirais même que je suis plutôt doué en plus! » dit-il avant de rire un peu. « Cette chose qui est dehors, je crois que c’est une sorte de démon… mais tu n’as pas à en avoir peur. S’il s’agit bien du même démon… Il ne voit et n’entend absolument rien. Il va percevoir ta peur, les maux de ton esprit et c’est comme cela qu’il va te trouver. »

Sans qu’il n’ait le temps d’en dire plus, la jeune femme s’approcha de la porte pour prendre son poignard. À ce même moment, un coup dans la porte hérissa les cheveux de Tayer. Le visage de la belle prit les traits de la peur. Aussitôt, la voyant tremblante, Tayer avala sa salive se leva rapidement, l’agrippa par l’épaule et la tira vers lui. Dans un bruit strident, un bras décharné et terminé par de longs doigts armés de griffes acérées transperça la barricade improvisée comme de beurre. Il vit l’étreinte se refermer là où était la jeune femme un quart de seconde plus tôt. Le blondinet gloussa, s’il avait été plus lent… Un éclair de colère jaillit de son regard voyant le bras qui ressortait à l’extérieur. D’un mouvement leste il ramena Elisabeeth derrière lui et ouvrit la main devant l’ouverture en marmonnant deux mots.
L’effet fût immédiat! La pièce s’éclaira comme s’il était midi pendant une fraction de seconde et une sphère lumineuse jaillit du creux de sa main avant de traverser l’ouverture dans la porte. Le bruit d’une explosion étincelante fût masqué par le grondement du tonnerre et la salle replongea dans l’obscurité. Il se retourna vers la jeune femme en se grattant l’arrière de la tête.

- « Je doute l’avoir tuer… Cette chose est… Elle est… Bha… Résistante. Viens t’asseoir! » Dit-il en s’assoyant devant les trois chandelles. Puis il leva les yeux vers elle et ajouta : « Je suis désollé pour toute cette histoire sincèrement… Je… Ne t’en fait pas il ne t’arrivera rien! »

Pourtant, à peine eut-il fini de dire ces quelques mots que le bruit de griffes grattant les murs extérieures se faisait entendre. La nuit allait réellement être longue…

Le petit bout de femme l'écoutait avec beaucoup d'attention. C'était donc un bon magicien ? Elle ne put s'empêcher de sourire. La phrase suivante en revanche la fit déchanter, un démon ? Il ne fallait pas en avoir peur ? Elle secoua la tête négativement.

Voyant le bras, les griffes qui venait de transpercé la porte sans aucune difficulté, elle ne put s'empêcher de pousser un léger cri de peur. N'ayant pas le temps que se reprendre, Tayer l'avait déjà fait passer derrière lui pour la protégée. Décidément, elle ne risquait rien avec lui. Il avait dit vrai.Cachée derrière lui, elle ne le vit pas faire mais une lumière intense éclaira alors toute la pièce avant de filer dans l'ouverture qu'avait faite le démon, deux minutes plus tôt.

Le voyant s'asseoir devant les bougies posées au sol, elle fit pareil. Il était hors de question qu'elle reste éloignée de lui à présent. Voilà que maintenant, il s'excusait à nouveau de l'événement qui était entrain de se produire. Lui lançant un léger sourire, elle tenta de lui montrait qu'elle ne lui en voulait pas.

- « En aucun cas ce n'est de ta faute, Tayer. Je peux comprendre que cette chose en ai après toi. Tu as des pouvoirs, pas moi. Mais il n'empêche que si elle rentre, je t'aiderais à lui mettre une rouste, coûte que coûte. Tu m'as sauvé la vie, c'est mon tour maintenant. »

Pendant qu'elle parlait, les bruits de griffes grattant le mur se faisaient entendre. Rien à faire. Elle ne s'arrêta pas pour autant. Elle ne voulait surtout pas se laisser gagner par la peur ou la panique. Ca aurait été une catastrophe. La jeune femme devait garder son sang froid si elle voulait sauver la mise de Tayer et pouvoir l'aider.Bien qu'il lui ai jeté un « sort », la chose ne semblait pas être très touchée vu qu'elle continuait sa ronde autour de la maisonnette.

Elle se mit à réfléchir à ce qu'elle allait bien pouvoir faire, comment elle allait bien pouvoir réagir pour l'aider. S'il n'entendait pas et ne voyait pas, comment pourrait-elle l'attirer dans un piège ? Tayer avait dit que le démon se servait de la peur, des maux et autres. Il serait donc facile pour elle qui été terrifiée de l'attiré.Un nouveau coup la fit sortir de ces pensées. Cette fois, il avait réussit à faire un plus grand trou qu'à la première attaque. Si elle n'avait pas été surprise et choquée, elle l'aurait sûrement félicité pour sa réussite.

- « Tayer, je crois bien que la « chose » ne soit pas contente du tout. On l'a laisse venir à nous ou bien on va la trouver ? Dans les deux cas... On n'y risque notre peau... Qu'en penses-tu ? ».

Elle lui sourit, ne laissant ni la peur, ni l'inquiétude se lire sur son visage ou quand bien même dans son regard.

Tayer était en transe, il essayait de se souvenir de la formule. Cependant, les mots se mélangeaient dans sa tête. Les bruits de griffes contre les murs et autres coups de tonnerre ne l’aidaient pas plus à se concentrer. Il ne devait pas paniquer. Pas comme la première fois. Il gardait les yeux fermés et essayait désespérément de se souvenir de la formule. Puis, voyant qu’il n’y arriverait pas, il commença à trembler. Cependant, la voix de Elisabeeth le ramena à la réalité.

- « En aucun cas ce n'est de ta faute, Tayer. Je peux comprendre que cette chose en ai après toi. Tu as des pouvoirs, pas moi. Mais il n'empêche que si elle rentre, je t'aiderais à lui mettre une rouste, coûte que coûte. Tu m'as sauvé la vie, c'est mon tour maintenant. »

Elle… Elle voulait lui sauver la vie? Mais… Elle ne me connaît nullement… Tayer la regarda l’ai ahuris ne savant comment réagir. Si ce monstre était là, c’était forcément que quelqu’un l’avait invoqué ici. Pourtant, elle ne semblait pas le savoir. Pour elle, cette chose n’était qu’un démon et elle était prête à risquer sa vie pour le sauver. Si les rôles n’avaient pas été inversés, il aurait trouvé cela romantique. Cependant, la situation actuelle ne laissait place qu’à un romantisme sombre digne des pièces théâtrales les plus dramatiques. Tayer se secoua la tête tentant une dernière fois de se remémorer la formule. Rien à faire… Un autre coup se fit entendre et puis, un peu plus, la porte devenait béante.

- « Tayer, je crois bien que la « chose » ne soit pas contente du tout. On l'a laisse venir à nous ou bien on va la trouver ? Dans les deux cas... On n'y risque notre peau... Qu'en penses-tu ? »

L’archimage écarquilla les yeux en regardant la belle jeune femme. Était-elle sérieuse? Souhaitait-elle vraiment confronter cette chose. Son regard vert plongea dans celui bleu azur d’Elisabeeth. Vraiment, cette femme n’était pas comme les boniches qu’il pouvait rencontrer dans les rues de Beolan. L’assurance qu’elle dégageait ravivait une flamme en lui. Une flamme qui avait depuis longtemps été éteinte. Il sourit bêtement et se releva. Il fixa la porte qui se transformait un peu plus en charpie de sciures de bois. Du bout des lèvres il prononça quelques mots et aussitôt le poignard de la jeune vagabonde se mit à étinceler et la lame s’allongea un peu. Le poids de l’arme était le même, seule une énergie brillante servait d’allonge au petit poignard. Il lui adressa un clin d’œil.

- « Je crois que se sera plus facile comme cela! » plaisanta-il. « Bon… Prépare toi nous allons passer aux choses sérieuses. Tu es prête? » Demanda-il l’air assuré et le regard ardent d’une détermination nouvelle.

Tout laissait croire que l’assurance et les paroles de cette jeune femme avaient eu raison de ses pensées noires. Il semblait maintenant prêt à passer à l’attaque et en finir une bonne fois pour toute. Au périple de sa vie s’il le fallait.

Finalement, après cette longue mise en haleine, la chose se décida à apparaitre. Le monstre n’avait pas changé. C’était exactement la même créature qui était souveraine de ses cauchemars. Le visage lisse, une grande gueule emplit de crocs et six longs bras terminés par des griffes meurtrières. Oui. Il se rappelait bien de ce visage qui n’en était pas un. Un visage sans yeux, ni nez, ni oreilles. Il regarda en gloussant la chose entrer dans la maison. Il était loin de s’imaginer qu’Élisabeeth allait être aussi fougueuse.

Au début, stupéfait, paralysé par un mélange de peur et de stupéfaction, il regarda Elisabeeth danser avec la mort entre les griffes aiguisées du monstre. La créature ne voyait rien et n’entendait rien, cette dangereuse danse n’avait que pour seul rythme l’instinct et la jeune femme semblait avoir cela dans le sang. Sans bouger, les yeux gros, il suivit chacun de ses pas des yeux. Puis, c’est en la voyant plaquée contre le mur qu’il revint à la réalité. Ce n’était certainement pas ce panneau de bois qui allait la protéger du prochain assaut. Tayer se précipita vers le monstre mais le mélange de peur et de détermination qui pesait lourd dans son estomac attira l’attention de la créature qui tourna sa tête vers lui.

Le premier de ses membres lui manqua de près l’épaule gauche, il évita le second en tournoyant sur lui-même, le troisième coup le rata complètement et le quatrième lui fila directement vers la tête… il put sentir la pointe des griffes du monstre perforer la peau de son front. Le jeune archimage écarquilla les yeux. Un millimètre, deux millimètre, puis trois, puis quatre et enfin… Cette course ne s’arrêtait pas et le temps dans son esprit semblait avoir ralenti… Puis au dernier moment, alors que les extrémités des pointes mortelles allaient transpercer ça boîte crânienne… Il disparut dans un flah.

Tout cela semblait avoir duré dix minutes et pourtant tout juste cinq secondes c’était écoulées. Le blondinet au toupet maculé de sang réapparu aussi subitement qu’il était disparu sous la créature qui se tenait haute sur certains de ses bras. L’adrénaline coulat à flot dans le sang du jeune homme qui créa une sphère lumineuse dans la paume de sa main avant de l’écraser sur le torse du monstre. La sphère, telle un ballon remplit d’eau, se compressa et, suivant un principe physique fort simple, éclata. L’énergie libérée fit reculer le monstre et propulsa Tayer contre le mur de la cabane tout juste à côté d’Elisabeeth. Haletant, malgré la rivière de sang qui lui couvrait le côté droit du visage, il regarda le monstre reculer un peu afin de reprendre prise. Un trou béant vomissait un flot de fluide noir encre sur le sol de la cabane. Tayer, accablé par la douleur, se teint l’épaule gauche. Tout cela c’était passé si vite, trop vite.
Il était dans un état pitoyable mais le monstre lui ne semblait pas trop dérangé par la blessure ouverte. Déjà, la créature commençait à se rapprocher pour porter un nouvel assaut. Le blondinet regarda Elisabeeth en soupirant.

- « Ce n’était pas assez puissant… La peau… Ça peau est trop dure… Elle amortie l’impact de ma magie. Mais… là… Juste là… Le trou… Ta lame devrait facilement s’y glisser… Mais pour arriver là… J’ignore comment tu pourras t’y prendre. Eurgh… » La douleur intense lui faisait perdre la voix. Aussi, le souffle de l’explosion avait propulsé les chandelles aus quatre coins de la pièce. Seule l’arme de la jeune femme procurait une source de lumière éclairant l’endroit.

Tayer voyait le monde tournoyer devant lui. Il cherchait à reprendre son rythme et reprendre son souffle mais la moindre respiration lui brûlait les poumons, le moindre battement de cœur semblait lui briser les côtes. Le choc avait été sévère. Aussi, il ne put s’empêcher de grimacer en sentant la poigne d’Elisabeeth qui le recula pour le mettre à l’abri. Impuissant, il regardait la jeune femme reprendre son duo mortel avec la chose. Il voyait des éclats éblouissants, des étincelles, des taillades, des esquives de de dernière seconde. Devant ce spectacle, la silhouette d’Elisabeeth sembla se détacher pour ne devenir qu’une image unique. Tout autour d’elle, une aura blanche était apparue. Il poussa un soupir en penchant la tête, lentement la silhouette de la jeune femme fut absorbée par la lumière. Il tenta bien de la retenir mais elle était trop loin, ses doigts se refermèrent dans le vide.



- « Allez écoutes moi bien jeune homme. Je te présente Ellywick. Il s’agit de l’apprenti de maître Morgan. C’est avec elle que tu partiras vers la jungle de Stagratz. »

J’écoutais mon maître les yeux cerné par la fatigue. Puis je tournai la tête vers la jeune demoiselle qui se tenait timidement à ses côtés. Elle avait les cheveux courts, un regard aussi pur qu’un glacier, les joues rouges, une apparence fragile et délicate. Oui. Cette jeune fille était l’archétype même de l’étudiante timide et introvertie par excellence. Je retournai les yeux vers mon maître qui se grattait la barbe et qui me lançait un regard sévère. Qu’attendait-il de moi? Que je lui saute dans les bras pour la saluer? Un simple regard aurait bien pu suffire non? C’est à ce moment que je sentis le coude de Brendham frapper mes côtes. Il avait un dont unique pour se faire comprendre celui-là. Je me levai péniblement tout en lançant un regard noir à mon compagnon qui me faisait un sourire niais.

- « Je me nomme Tayer Azeldorius Videlluci Ward et vous? » J’étais lasse et j’entendis que trop bien le ricanement de Brendham derrière moi. J’étais impassible devant ce petit rire désobligeant et l’allure grave de mon maître.
- « Euh… On ne vous l’a pas dit? »
- « Je devais avoir la tête ailleurs… Veuillez me pardonner… » dis-je simplement en voyant le vieux mage se taper le côté droit du visage l’air humilié.
- « Oh! Euh… Ça ne fait rien! Je me nomme Ellywick Zaor. » dit-elle en me tendant la main.

Nous nous échangeâmes une poignée de main. Un vide profond semblait nous séparer et pourtant. Je regardais le visage de cette jeune femme et il me semblait y voir quelqu’un d’autre. Quelqu’un que je ne connaissais pas. Quelqu’un qui allait jouer un rôle déterminant dans mon existence. Puis, soudainement, une spirale de couleur avala tout. Mon maître hurla en se faisant entraîner dans le torrent puis j’essayai d’attraper Brendham mais il y disparut également. Que ce passait-il? Je ne comprenais plus rien. J’entendais leurs cris. Ils tombaient.

- « Tayer… »

Je me retournai et je vis la jeune fille tombée. Je me précipitai faisant même usage de mon sort de téléportation mais je ne parvins pas à lui attraper la main. Lentement son corps semblait fondre pour s’intégrer aux torrents multicolores chaotiques qui tournaient autour de moi. Je tentai bien de la retenir mais elle était trop loin, mes doigts se refermèrent dans le vide. Puis, les larmes aux yeux, je l’entendis pour la dernière fois. De toutes ses forces, elle cria…



- « Tayer… »

Le jeune homme ouvrit les yeux. Il était à nouveau de retour à la sombre réalité. La dague était fichée dans le trou que son sort avait fait et il voyait Elisabeeth écrasée contre le mur. Ce visage… Ce… Il leva la tête et vue les griffes affûtées descendre vers lui. Rassemblant ses forces, il effectua une roulade sur le côté afin d’esquiver l’attaque. Puis, il disparut pour réapparaitre debout au même endroit. Utiliser sa magie l’épuisait mais était moins douloureux que bouger. Il commença son incantation puis, voyant que le monstre retournais son révolu vers Elisabeeth, rapidement, il changea d’incantation.

Le monstre leva deux de ses bras afin de les rabaissés vers la jeune fille qui n’avait plus d’échappatoire. Tayer ferma les yeux et se prépara deux secondes. Il ne devait pas rater ce sort sinon… Non. Il ne voulait pas y penser. Il finit la formule et disparu à nouveau. Au moment où les griffes semblaient avoir tracé leur chemin vers la tête de la jeune femme, elles s’immobilisèrent. L’archimage venait d’apparaître devant-elle en tenant, par la seule force de son esprit, un écran lumineux devant lui. Les griffes avaient déjà perforé cette défense à moitié et Tayer souffrait du manque d’énergie et de la douleur. Il tourna la tête vers Elisabeeth puis un sourire niais illumina son visage ravagé par le fléau du combat et la douleur. C’était nuit et jour dans un seul et même ciel.

- « Finissons-en… S’Il te plaît. » dit-il sans perdre le sourire malgré la douleur qui l’accablait et la pression que le monstre faisait sur l’écran qui les protégeait tous les deux. Le poignard était bien visible…

Tayer regarda le spectacle les yeux grands ouverts. La jeune femme asséna un coup décisif à la créature qui se contorsionna de tous les côtés en poussant un hurlement horrible. Elisabeeth regarda le spectacle avec une fierté silencieuse. Tous les deux étaient morts de fatigue. Aussi, lorsque Tayer entendit la voix de la jeune femme lui demandant d’achever la chose, son corps lui envoya un signal concret de protestation. Il ignorait lui-même qui était le plus amoché entre lui et la chose. Aussi, la créature, au moment où Tayer s’obligeait à se remettre sur pieds, brûla sur place dans un torrent de flamme ne dégageant aucune chaleur. L’archimage soupira. Ainsi, l’histoire se répétait. Cette chose n’était qu’une invocation. L’invocateur ne devait pas être loin mais il n’avait ni la force et ni la détermination de partir à le recherche de celui qui avait invoqué cette créature infernale. Le blondinet se retourna vers Elisabeeth.

- « Ce monstre n’était pas ici de son plein gré. Quelqu’un l’a invoqué. Il vient de brûler tout simplement parce que l’invocateur a arrêté son sortilège. En d’autres mots… On ne l’a pas tué mais on l’a, au moins, gravement blessé. Pardonne-moi… Je sais que tout cela peut sembler totalement absurde mais… L’individu que je cherche… Je crois que c’est lui qui a invoqué cette chose… Il devrait se tenir tranquille pendant un moment. Moi… Je dois me reposer je suis… Hahaha! Je suis vanné… Hahaha… » dit-il en se laissant choir sur le sol.

Tayer, essuya sont front ensanglanté du revers de sa manche et la lumière qui illuminait la dague auparavant s’évanouie plongeant les deux réfugiés dans une obscurité partiellement éclairé par quelques éclairs, derniers déserteurs d’un orage qui avait lentement laissé place à une pluie fine. La lueur de la lune, partiellement, se laissait entrevoir. Un calme serein venait progressivement remplacer le vacarme cacophonique de la tempête. Enfin, ils allaient pouvoir se reposer et discuter calmement. Tayer adressa un sourire niais à la jeune femme bien qu’il était possible qu’elle ne l’ait point remarqué en raison de l’obscurité ambiante. Le foyer ne demandait plus qu’à accueillir un nouveau brasier.

Tayer était épuisé. En temps normal, il aurait pu se régénérer grâce à un quelconque sortilège mais présentement cela était impossible. Il soupira en continuant d’éponger la blessure de son front avec la manche de son habit blanc. Très rapidement, sa manche prit une teinte rougeoyante. Les quelques flammes qui avaient repris leur dans l’âtre lui offrit un peu de réconfort. Un peu de chaleur était tout ce dont il avait besoin. Puis, il regarda Elisabeeth et s’apprêta à prendre parole. La jeune femme le devança.

- « Peu importe qui a invoquer cette chose, peu importe qui il est. Je l'admire. C'est fou d'avoir de pouvoirs pareil. Cette créature valait une bonne dizaine d'humains ! ».

Tayer étouffa son premier mot. Que pouvait-il dire? Ce sombre imbécile se servait d’un pouvoir qui dépassait l’entendement des simples mortels. C’est à ce moment précis que Tayer réalisa son erreur passée. Le jeune maître aurait dû réduire cette pierre en poussière. Oui. S’il l’avait fait auparavant, il n’aurait pas eu à souffrir à nouveau et impliquer cette jeune femme innocente. Le mal était fait et l’erreur devenait de plus en plus difficile à corriger. Si Belzius parvenait à prendre plein contrôle de ce traité de démonologie et de cette pierre, il deviendrait fort dangereux. Une menace pour l’ensemble du genre humain! Tayer soupira à nouveau assommé subitement par un certain désarroi. Puis, il vit la jeune femme s’allonger à ses côtés. Elle aussi devait-être épuisée pensa-il sans rien dire. Cependant, elle ne fermait pas les yeux. Elle ne semblait pas prête à s’endormir.

- « Tu me dis que cette chose vient de la personne que tu recherches... Mais dit-m’en plus. J'ai besoin de savoir. En réalité, je pense que j'ai besoin de tout savoir. Là, que l'on s'est battu côte à côte, je crois qu'on a plus de secret l'un pour l'autre. »

Tayer garda le silence pendant presque trois minutes. Que pouvait-il bien dire? C’était ses problèmes non? Était-il prêt à vendre toutes ses erreurs à cette étrangère? Était-il prêt à mettre carte sur table et tout révéler de ses échecs passés? C’était un duel entre lui et son humanité, entre son indépendance et son amabilité. Puis, sa conscience gagne ou défaillit. Qui aurait pu savoir? Il tourna la tête sur le côté pour regarder Elisabeeth qui le fixait attendant clairement des réponses.

- « L’homme que je cherche… Il m’a volé quelque chose. Une pierre spéciale emplit d’une étrange énergie. Autrefois, ce minerai avait servi à un mage de la tour afin de m’expédier en enfer, le Vein. Bien sûr, j’ai réussi à m’en sortir pour finalement revenir à Beolan. Une fois de retour, j’ai réglé le compte au mage corrompu… Mon compagnon d’étude. Nous avions tous deux le même maître. Après l’avoir tué, je ne pus me résigner à détruire cette pierre. Je voulais savoir ce qui avait provoqué sa déchéance. Pourquoi était-il devenu ce qu’il était devenu. J’ai toujours entrevu l’homme comme étant moralement bon de nature. Je ne pouvais me résigner à comprendre que Brendham était moralement mauvais. Je… Je pensais... Non. Au plus profond de mon être, je souhaitais que cette pierre soit la source de tous ses maux. Oui. Il était bon mais fut corrompu par une aide extérieure mais voilà… J’aurais dû détruire cet objet avant qu’il ne tombe entre de mauvaises mains. Là… L’histoire va se répéter. Je devrai à nouveau tuer en raison de mon obstination à croire l’être humain vertueux… Je… C’est lamentable… » Il balbutia les derniers mots alors que des larmes se mêlaient lentement au sang qui lui coulait le long du visage.

Elisabeeth l'avait écouté très attentivement. Captivée par ces dires. Il semblait triste et déchiré. La jeune femme comprenait désormais le pourquoi du comment. Mais elle comprenait également qu'il n'ait pu se résigner à détruire la pierre sans chercher à y voir plus clair et trouver des réponses à ces questions. A sa place, elle aurait fait pareil.

Il disait devoir tuer à nouveau, il regrettait de ne pas avoir détruit la pierre. Le petit bout de femme se mit à réfléchir. S'il récupérait ce qui lui appartenait avant de devoir tuer, ne serait-ce pas mieux ? Ma foi, pour la trouver, encore fallait-il trouver celui qui la possédait à présent. C'était sûrement une peine perdue. Elle tentait de chercher, de comprendre mais, n'étant pas à sa place... Elle ne trouvait rien.

S'appuyant avec ses avant bras, Elisabeeth se redressa doucement.

- « Je vois... C'est fou... Sais-tu comment retrouver l'homme que tu recherches ? Puisse qu'il a cette pierre entre les mains... Tu ne peux rien contre lui, si je comprends bien ? » dit-elle, le regard perdu.

La belle n'avait jamais eu affaire avec ce genre de problème. Elle n'y connaissait absolument rien mais pourtant, elle souhaitait l'aider plus que tout. Il avait là, un gros, gros problème. Pourquoi se sentait-elle obligé d'aider cet homme qu'elle ne connaissait que depuis quelques heures. Pourquoi ne le connaissant pas, elle se sentait proche de lui comme ci cela faisait des années qu'ils se connaissaient ? Était-ce la fatigue qui la poussait à vouloir comprendre et chercher des solutions auxquels elle n'aurait aucune réponse ?

Dépourvue, Elisabeeth se leva doucement. Elle ne supportait plus de rester là, allongée, à faire comme-ci tout allait bien alors que rien n'allait. Il était temps pour eux de se reposer et pourtant, la belle n'en avait aucunement envie. Après avoir fait les cent pas dans la pièce, Elisabeeth s'adossa à l'encadrement de porte pour regarder dehors. Le calme et le silence régnaient. Rien ne se passait, pas un chat, pas un rat ne se baladait dehors. La ruelle semblait morte.

Levant les yeux au ciel, elle vit qu'il était sombre. Que même les étoiles et la lune étaient cachées. Mise à part Tayer et Elisabeeth, il semblait qu'il n'y ai plus l'ombre d'une vie ici. C'était frustrant.

Se rappelant des larmes de Tayer, elle aurait voulu se retourner et aller le consoler.
Mais elle n'en fit rien. Un homme ne doit pas être consolé. La fierté, la dignité. Elle préféra le laisser tranquille.

- « Je vois... C'est fou... Sais-tu comment retrouver l'homme que tu recherches ? Puisse qu'il a cette pierre entre les mains... Tu ne peux rien contre lui, si je comprends bien ? »

Tayer hocha de la tête péniblement. Il le savait très bien. Belzius était un mage puissant qui avait su démontrer son affinité avec les arcanes sombres par la passé. C’était un mage expérimenté mais aigri par le pouvoir et quelque peu paranoïaque. Le blondinet savait qu’un face à face serait ardu. Bien que beaucoup plus jeune, beaucoup plus leste et beaucoup plus mobile, il n’avait rien des capacités arcanique de Belzius. Pourtant, un face à face serait certainement inévitable et à ce moment, il allait devoir se montrer froid et sans pitié. L’issu d’un tel combat allait se jouer entre la vie de l’un et celle de l’autre. Tayer pleurait silencieusement. Si seulement il avait été plus raisonnable et en mesure d’accepter la réalité telle qu’elle se présentait à lui. Revenir sur le passé ne changerais absolument rien. Il devait reprendre de l’aplomb et se préparer mentalement. La prochaine confrontation directe qu’il aurait avec le renégat de la tour serait probablement sa dernière.

Maintenant, la nuit serait plus tranquille. Il avait le sommeil dans le sang et la fatigue collé au visage. Pourtant, il ne parvenait pas à s’endormir. Était-ce la douleur ou l’orgueil? Il ne le savait pas. Cependant, le simple fait de voir Elisabeeth toujours debout lui donnait la force de combattre le sommeil et de combattre son mal. Il jouait avec ses dernières forces mais un homme ne devait pas broncher. Il ne voulait pas ressembler à une loque devant l’étrangère. Une jeune femme qu’il ne connaissait pas mais qu’il semblait connaître depuis des siècles et des siècles. Il ne savait pourquoi mais il était toujours persuadé de l’avoir vu quelque part. Ressemblait-elle trop à Ellywick? C’était peut-être cela. Il ne savait quoi en penser. Pour lui, tout était un brin trop confus. Il l’observait en retenant ses larmes, prenant son calme. Puis, sa respiration commença à se stabiliser et la pression descendit. Un poids énorme semblait, peu à peu se lever de ses épaules.

- « J’ignore qui tu es réellement mais… Merci. Merci beaucoup pour l’aide que tu m’as donné. Jamais je n’aurais imaginé rencontré une personne aussi saine dans un endroit pareil et j’aurais encore moins imaginé me battre à tes côtés de la sorte. Merci… » dit-il en épongeant un peu le mince saignement qui suintait encore de sa blessure tout en regardant les flammes crépiter dans l’âtre.