En cette nuit sans lune et sans étoiles, sous le couvert des arbres dont les feuilles n'offraient plus aucun abri contre la pluie torrentielle qui s'abattait sur la région, se dessinait entre les troncs la silhouette d'un loup, mais ce loup était plus grand que la moyenne et ses yeux dorés brillaient d'intelligence. Son corps taillé tout en finesse et ses muscles puissants démontrés à qui savait regarder que ce loup était en fait une louve. Un animal au pelage aussi sombre que l'ébène, fondant à travers la nuit sans jamais ralentir. La longue pendante et les oreilles rabattues en arrière, elle slalomait entre les troncs et dérapé dans la boue, sans jamais perdre l'équilibre. La Louve Noire n'était pas un animal comme les autres, ce n'en était même pas un d'ailleurs. Elle était le fruit d'une malédiction, détentrice de puissants pouvoirs et porteuse d'un sombre secret. La Louve avait un autre visage, son vrais visage, celui d'une demi-elfe particulièrement séduisante, au regard d'or au fond duquel brillait une lueur de douceur, mais également celle d'un feu ardent.

Son esprit était ouvert à son environnement, cherchant à travers la multitude de conscience habitant la forêt, celle qu'elle devait absolument rejoindre cette nuit. Elle ne savait rien de lui, mis à part son nom, Aznan Lauréno. Un inconnu avec qui elle devait travailler, une personne de plus au courant de sa condition d'immortel. Les plus intelligents et observateur le remarquaient tout de suite par sa beauté irréelle, intemporelle, comme si ses trais étaient ceux d'une statue de marbre blanc, figé pour l'éternité dans la perfection de la jeunesse. Il y avait ceux qui remarquaient ses longues canines tranchantes comme des lames de rasoirs, qui avaient pu observer sa vitesse et sa force surhumaines et enfin ceux qui étaient dignes de confiances et qui, même s'ils l'avaient déjà remarqués, ne disaient ni ne faisaient rien, et attendaient que la Louve Noire les informe elle-même de sa condition. Ceux là étaient peu nombreux mais si importants à ses yeux...

Sautant par-dessus un fossé, la Louve Noire reprit forme humaine. Elle n'avait rien d'un elfe, mis à part ses oreilles qui étaient pointues, mais pas autant que celle de son père ou de sa soeur et bien sûr sa beauté, propre au peuple sylvain, hérité de son père. Sinon, elle était plutôt grande, mesurant presque un mètre quatre-vingts et sa silhouette était taillée tout en finesse. Un simple regard suffisait pour comprendre qu'elle comptait plus sur son agilité que sur sa force, ses capacités étant, en plus, augmentées depuis sa transformations. Elle ne portait qu'une armure de cuir noir, ce qui était amplement suffisant pour elle car elle ne craignait pas le froid. Arya portait son épée, Délindel, à sa ceinture et son carquois dans son dos tout comme son arc fait d'os.
Elle détecta la présence d'une créature non loin d'elle grâce à son odorat et se dirigea vers elle. Une fois assez proche, elle pénétra son esprit afin de connaître son identité, puis quand celle-ci fut vérifiée, elle se retira, ne souhaitant pas violer l'intimité de son partenaire sur cette mission. L'immortelle quitta l'ombre d'un vieux chêne et s'avança vers lui, remarquant que la tempête avait cessée. Son visage aux trais angéliques se détachait sur le fond noir de la nuit et son regard doré semblait transpercer le jeune homme, comme si la demi-elfe pouvait tout savoir de lui d'un claquement de doigt ... ce qui n'était pas si loin de la vérité. Ne pas voir le visage de son partenaire était dérangeant, mais elle haussa les épaules et détourna le regard, observant les alentours. Elle finit par lâcher d'une voix calme et caressante.

« Aznan Lauréno, sans le moindres doutes. Je m'appelle Arya, c'est moi qui suis ta partenaire sur cette mission. »

Ses sourcils barrés son front tandis qu'elle scrutait la pénombre afin de s'assurer qu'ils étaient bel et bien seul. Le ciel commençait à se dégager et rapidement l'astre de la nuit reprit ses droits dans le ciel nocturne, escorté de près par des millions d'étoiles. La voix à la fois calme et tendre de son partenaire lui fit baisser les yeux vers lui. Arya eu alors tout le loisirs d'examiner son visage aux trais fins et à la peau pale. Elle vrilla ses iris dorés dans les siens qui étaient d'un vert profond, presque noir et demeura ainsi, a le dévisager longuement, une trentaine de seconde et ce dans le plus grand silence. Durant ce laps de temps très court, les trais de son visage se décontractèrent, mais son regard le transpercé, comme si elle le mettait à nu devant elle. En vérité, elle était troublée, mais la belle ne laissait rien paraître sur son visage. Seuls ses yeux, les miroirs de l'âme, étaient habités d'une lueur étrange.

Elle avait l'impression de se trouver en présence d'une personne qu'elle connaissait bien, pourtant ce n'était pas le cas. Aznan était un parfait inconnu. Peut être l'avait telle déjà croisée, mais même si c'était le cas elle ne devrait pas ressentir une telle chose. Fronçant de nouveau les sourcils, signe évident de sa concentration, elle chercha dans les tréfonds de sa mémoire le souvenir de cet homme, même si elle doutait réussir. Cependant, une image s'imposa à elle, une image qu'elle avait refoulée, tentée d'oublier sans jamais vraiment y parvenir. Un visage pale, des yeux verts presque noir ... des dents pointues, une vive douleur dans la nuque. Sans vraiment s'en rendre compte, la demi-elfe posa sa main à l'endroit exact où elle avait sentit les canines de son agresseur pénétrer sa chair. Se pourrait-il que .... Superposant les deux visages, elle manqua de tomber à la renverse. La ressemblance entre Aznan et ce vampire était troublante...

La Vampire se souvint alors de la question de son acolyte du moment. Elle se passa une main sur le visage, semblant soudainement très fatigué, puis lui fit signe de la suivre à travers les bois. Ils marchèrent ainsi, elle en tête, durant une dizaine de minutes jusqu'à ce que, entre les troncs, se dessine les contours d'une petite cabane en bois. Arya y pénétra la première, suivis de près par Aznan. Une fois la porte fermée et verrouillée, la demi-elfe retira son arc et son carquois qu'elle posa sur la table. Elle alla ensuite ce poster devant la seule fenêtre existante, tournant le dos à son partenaire.

« Nous serons tranquille ici. »

Elle tira ce qui faisait office de rideau puis se tourna vers Aznan, les trais de nouveaux détendus. Elle appuya son dos contre le mur, croisant les bras sur sa poitrine, et là seulement elle s'autorisa à vocalisé ses pensées.

« Ton visage m'ait familier et pourtant je te rencontre pour la première fois. »

« Je ne pense pas, non. J'ai cent cinquante-sept ans, Aznan, et pourtant je me souviens de chaque personne que j'ai rencontré. Si je ne t'ai pas rencontré toi, peut être ai-je rencontré un membre de ta famille ... »

La demi-elfe se détourna de son invité du moment et s'approcha du lit. Petit, pas très large, pas non plus très confortable, juste ce qu'il fallait pour donner le change. Arya ne dormait pas, jamais. Pas depuis sa transformation. Le sommeil ne lui manquait pas, elle trouvait même que cela était une perte de temps pur et simple. Alors que les gens dorment et paresse, il y a un nombre incalculable de choses qu'on peut faire. Un humain à besoin, en général, de sept à huit heures de sommeil afin d'être en forme... tout ce temps perdu, oh non, Arya ne le regrettait pas. Elle ôta les attaches de son armure et en défit le haut, gardant seulement un vêtement léger sans manches. Elle posa l'armure sur un socle prévu à cet effet puis retira son épée qu'elle posa à côté. Son pantalon était encore humide ce qui, pourtant, ne semblait pas la gêner plus que cela. Cependant, elle alla tranquillement se poster devant la cheminée dans laquelle brûlée déjà un bon feu. Elle y ajouta deux bûches avant de se tourner la tête vers Aznan qui venait de lui poser une question. Son regard balaya son corps sans retenus avant de se poser de nouveau sur son visage au teint de craie. La demi-elfe se leva prestement et traverser la pièce d'un pas rapide, trop rapide pour être normal par ailleurs. Elle ouvrit l'armoire en chêne et en sortit des vêtements propres qu'elle lui lança à la figure, non sans un petit sourire.

« Vas donc enfiler ça dans la salle de bain, tu mettras les tien à sécher devant la cheminée. »

Tandis que le jeune homme s'éclipsait rapidement, la jeune femme, qui n'était pas jeune d'ailleurs, même si elle en avait l'air, se rappela soudainement que son invité, après avoir enfilé quelque chose de sec, aurait envie de manger. Manger ... ingurgiter quelque chose de consistant ... Elle déglutit, peu certaine d'avoir quelque chose sous la main ... A moins que ... En une seconde, elle traversa la pièce, usant sans crainte de sa vitesse vampirique, certaine d'être à l'abri du regard de son invité. Elle se mit à fouiller dans un petit sac pendu au mur et en retira divers aliments humains. Une pomme, du pain, du jambon et le tout enrouler dans une serviette bien propre. Ça ferait l'affaire, du moins elle l'espérait, de toute façon tout ceci n'était pas là depuis bien longtemps. Le matin même, elle avait rencontré un voyageur qu'elle avait consentit à soigner grâce à ses pouvoirs et qui, en remerciement, lui avait donné un peu de nourriture. Elle posa son arc ainsi que son carquois sur son lit puis déposa le petit paquet blanc sur la table. La demi-elfe attrapa des couvert qu'elle lança sur la table, provoquant quelques cliquetis qui ne tardèrent pas à s'évaporer dans l'air.

Elle alla ensuite se poster devant la cheminée, appuyé sur sa jambe droite, les bras croisés. Son regard se perdit peu à peu dans les flammes tandis que son esprit dérivé hors de son corps, plongeant dans ses souvenirs. La porte de la salle de bain s'ouvrit dans un petit grincement. La demi-elfe ne brancha pas, demeurant dans la même position, comme une statue, sans jamais sentir ses membres s'ankyloser. Cependant, demeurer ainsi finirait par paraitre suspect aux yeux de son invité, car même un elfe ne pouvait rester dans la même position éternellement. Passant ses longs doigt fins dans sa sombre chevelure, elle se tourna vers Aznan.

« Si tu as faim, n'hésite pas. » Lui dit-elle en désignant la serviette contenant la nourriture, posée que la table.

Alors que le jeune homme allait tranquillement s'asseoir à table afin de subvenir à ses besoins d'humain, la demi-elfe en profita pour le déshabiller du regard. Cela faisait bien longtemps qu'un homme ne c'était pas dévêtu devant elle, même si dans le cas présent il n'y avait rien d'érotique. Elle ne voyait que son torse finement musclé, mais cela semblait lui suffire. Dire qu'elle ne le trouvait pas à son goût serait un mensonge. La Vampire haussa un sourcil, un sourire en coin, puis se retourna, le regard de nouveau perdu dans les flammes. Sa main c'était inconsciemment posée sur sa nuque comme à chaque fois qu'elle se perdait dans les méandres de son esprit. La question de son invité la fit sourire malgré elle.

« Non, ce n'est pas cela. J'ai seulement ... un régime alimentaire particulier. »

Si elle le souhaitait, il lui suffisait de traverser la pièce et d'ouvrir la petite malle cachée sous le lit et dans laquelle se trouvait quelques bouteilles de sang chaud. Elle n'avait tué personne pour l'avoir, elle n'avait fait que passer derrière, lorsque la créature à qui ce sang appartenait, avait poussé son dernier souffle.
Elle l'entendait manger derrière elle et engloutir son repas comme si sa vie en dépendait, ce qui était le cas d'une certaine façon, même s'il ne risquait rien dans l'immédiat. Ah ... les humains, tellement fragile, si rapidement brisés. La seconde question la fit tressaillir, ramenant à la surface de sa conscience des souvenirs qu'elle tentait d'oublier. Il y avait eu des hommes dans sa vie, mais ils n'avaient été que de passage. Aucun n'étaient restés, de peur de voir leur vie ôtée. Arya inspirait la crainte chez la plupart des gens et très peu de mortels avaient le courage de se tenir à ses côtés sans la craindre.

« Beaucoup d'hommes ont traversés ma vie, mais ne sont jamais restés. Ces vêtements, c'est tout ce qu'il reste d'eux. »

Lui tournant le dos, la jeune femme ne pu voir le regard que son partenaire porté désormais sur son arc. Elle comprit ce qui se passait que lorsque son esprit effleura le sien et que, prise d'une envie soudaine, elle s'y introduisit en douceur. Ce qu'elle vit la pétrifia. Lentement, elle se retourna. Aznan était de marbre, le regard posé sur l'arc. Puis, lentement, leurs regards se rencontrèrent et Arya comprit, sans même avoir besoin de lire en lui, qu'il avait découvert sa condition de Vampire.

Elle s'avança vers le lit, détournant son regard d'or d'Aznan. Là, elle prit l'arc entre ses doigts glacés. De son pouce, elle caressa les inscriptions que son « frère de la nuit » venait de déchiffrer. Puis, soudainement, elle prit la parole.

« Cet arc ... appartenait à un monstre. C'était ton père. - elle lui lança un regard lourd de sens - Tu ne peux pas me le cacher, je peux lire en toi comme dans un livre ouvert. »

Elle s'approcha de la table avec une lenteur calculée et déposa l'arc devant Aznan, mais la demi-elfe demeura debout, les mains posées bien à plat sur le bois tiède, légèrement penchée vers son invité.

« Mais met toi bien dans le crâne que je n'ai absolument rien à voir avec lui. Il a peut-être transformé mon corps, mais il n'a pas souillé mon âme de sa malédiction. Je hais l'être que je suis devenue et j'aurais voulu mourir, mais hélas ... je suis immortelle, figée à jamais dans la perfection d'une statue de marbre blanc. Si tu veux partir, alors vas, je m'occuperais des capes blanches seule, ce n'est pas comme si je ne l'avais jamais fait, ce n'est pas comme si je risquais ma vie. »

Elle lui lança un dernier regard avant de s'écarter de la table et de revenir se poster devant la cheminée, lui tournant le dos, elle n'osait affronter son regard.

« Tu es un demi-vampire, moi je suis vampire à part entière. Tu peux vivre comme les humains, moi non. Je ne dors pas, je ne mange pas et le temps n'a aucune emprise sur moi ... Je ne mourrais jamais de vieillesse, je ne peux que tomber au combat. Et je ferais en sorte que ce soit ainsi. Je ne veux pas ressembler à celui qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui... Je n'ai jamais touché à un humain et ce n'est pas près d'arriver. Je préserve la vie, je ne la détruis pas. Je l'ai vues dans ton esprit, tu aimais beaucoup ton père et désormais tu me considère comme ... ta soeur de la nuit... » - Un rire sans joie s'éleva dans la pièce pour s'éteindre presque aussitôt. - « Si tu penses et agis comme ton père, tu ne me laisses pas le choix. »

Elle se retourna, dévoilant dans un sourire froid deux canines tranchantes comme des lames de rasoir.

« Je devrais te tuer. »