Une proposition d'illuminé

L'arriviste ________________ ________________

Un ciel bleu, l'agitation des docks et une éventration verticale de trente centimètres ; finalement il en fallait peu pour que Vaëlk soit heureux. L'ami demi-syrinx se trouvait dans la partie centrale des docks entre deux hangars qui aurait fait rougir les hautes ruines d'Ascelnoth. Même avec cette partie aussi fréquentée, tuer un simple humain était chose facile.
Vaëlk riait.

Ahahaha ! Je t'ai eu la larve ! Alors tu me les donnes ces torchons ?

Visiblement il était encore défoncé, sa voix complètement délirante et son absence de pupille le déclarait de suite coupable. Il reprit un moment son sérieux avant de nouveau éclater de rire et de partir dans une envolée poétique.

Ah ! Qu'il m'est agréable
De déclarer coupable
Un misérable humain
Qui vaut moins que rien
A la vue de ses viscères
Je me demande ce que je vais en faire
Et si par chance il me demande pitié
Je m’empresserai de …

de … de quoi ? Eh bonhomme ! T'as une rime en ié ? C'est plutôt triste ça, je trouve pas de mot … T'as une idée ?
Merde ! Il vient de crever, la pourriture …

Et c'est ainsi qu'il ramassa sur le cadavre les plans d'accès à la nouvelle prison des montagnes. Ce service avait été commandé par un client de la confrérie et comme d'habitude, Vaëlk avait été envoyé pour récupérer l'objet du commerce.
Malgré la fortune qu'il possédait et qu'il mettait à disposition de la confrérie, il était toujours envoyé pour des tâches qu'un simple assassin aurait pu faire. Cela commençait à l'agacer mais en échange il faisait parti d'une organisation influente, et c'est ce qui l'intéressait.

Fébrile par le meurtre qu'il venait de commettre, il se rendit au point de rendez-vous pour donner les plans en échange d'une belle somme. Euphorique, sa somme d'argent en poche, il partit se promener afin de trouver quelqu'un à tuer. Une aussi belle journée ne pouvait être qu'encore plus belle avec un deuxième meurtre ! A moins qu'il n'aille se poser pour mâcher du khat ... Vu le voyage qu'il venait de passer avec les imbéciles d'humains qu'il avait croisé, il avait besoin de se détendre.

Plus tard, il quitta donc sa chambre à l'auberge des gobelins musiciens, dégoûté par cette ambiance agricole et marchande et surtout profondément humaine, et se décida à changer d'air. Vaëlk se promena tout l'après-midi en fumant un tabac doux et sucré dans une de ses pipes en terre. Malheureusement pour lui, il ne trouva aucune victime. C'est donc frustré qu'il rentra dans sa chambre le soir à l'auberge.

Alors qu'il allait descendre pour prendre le repas infecte qui était servit par l'auberge, un rat sortit par un des trous du mur et se posa sur le lit avec un étrange tube métallique qui se trouvait dans sa gueule. Le rat lâcha le tube et repartit aussi promptement qu'il était arrivé.
Vaëlk récupéra l'objet, le dévissa et lu la lettre qui était contenue dedans.

C'est quoi ce bordel ?

La lettre était d'un très bel ouvrage, parchemin de qualité, écriture régulière et soignée et le message qu'il délivrait était intéressant pour ne pas dire excitant. Vaëlk réfléchit à voix haute.

Donc, il y a un mec qui s'appelle l’Oeil Noir qui me surveille et qui veut que je rentre dans son entourage pour avoir des réponses sur l'univers … Doit être vraiment allumé celui là !

Il prit dans sa blague une feuille de khat et la mâcha lentement. Bien qu'il se demandait quel fou pouvait lui avoir envoyé ça, le demi-syrinx prenait au sérieux la proposition. Aussi, malgré qu'il n'avait jamais entendu parler de cette espèce de secte, il sentait une opportunité, quelque chose qui pourrait lui être favorable. Si cette lettre pouvait lui amener pouvoir, meurtre et drogue alors il foncerait les yeux fermés ; peu importe les croyances qu'il faudrait suivre.

Je crois qu'il ne me reste plus qu'à rencontrer cet homme cerné …

Il éclata de rire. Le khat agissait. Il se servit un verre d'absinthe pur et se coucha sans manger, se laissant flotter par la douce sensation de flottement et réfléchissant à ce que l'Oeil Noir pourrait lui offrir et de ce que lui pourrait offrir à cette Arcane XIII. Le bruit sourd des ivrognes dans l'auberge au rez-de-chaussé le berça et il se demanda combien il aurait le droit d'en tuer si jamais il rejoignait cette organisation.

Le lendemain, dès les premières heures, Vaëlk sortit et alla errer près du cimetière pour se retrouver seul et s'il était surveillé depuis un moment alors la personne en question pourrait l'aborder facilement.
Il s'assit sur une tombe d'un bourgeois local, sortit une liseuse en bois et alluma un tabac aux senteurs automnales. Il bu une rasade d'un alcool à base de malt d'orge fermenté et contempla les alentours. Le ciel était dégagé et le soleil illuminait les tombes. Il n'y avait encore personne à cette heure. Vaëlk fuma lentement en attendant que quelqu'un finisse par se montrer.

Œil Noir ________________ ________________

Précédemment

Awena avait quitté le manoir familial et donc le repaire de l’Arcane XIII. Elle n’aimait pas trop s’éloigner de ce périmètre, elle n’était pas forcément en mesure de contrôler la deuxième parcelle de son âme. Et plus elle s’éloignait de l’endroit qui avait été un choc traumatique, plus ça devenait difficile de prendre le dessus sur cette « gourdasse d’Awi ». Cette âme plus pure, qui s’était engagée dans la Rébellion, qui s’était mise en tête de tuer le roi Kaull Hendermark avec ses acolytes… et qui par-dessus tout avait traîné dans cette fameuse ville où elle se dirigeait… Venill ! La ville des Rebelles, là, où quelques mois plutôt avait eu lieu la grande réunion. Pourvu qu’elle ne rencontre aucun d’entre eux là bas.

Awena était emmitouflée dans sa cape, des mitaines réchauffaient ses mains tout en les laissant libre de leur mouvement. Un brouillard épais recouvrait les plateaux de la lune et le froid était pénétrant. Peut-être ferait-il meilleur temps sur la côte ?
Elle s’avança vers la calèche qui l’attendait à l’extérieur de l’enceinte du manoir, devant la grille d’entrée. Awena se hissa à l’intérieur. Elle retira sa large capuche qui cachait son visage et se mit à observer les paysages qui défilaient devant ses yeux.

Pourquoi devait-elle se charger de ce recrutement ? Tout simplement parce que l’Éclaireur n’était toujours pas revenu… mais que faisait-il ? Cela commençait sérieusement à l’inquiéter. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas revu ? Aucune idée mais cela remontait à plusieurs mois. Dire qu’elle pensait avoir effectué son dernier recrutement avec Cathubodua la Sombre, la sorcière… Si même le destin se mettait à déjouer ses plans, elle ne devrait plus lutter contre une personne mais aussi contre un …

La calèche tressauta sur un caillou, Awena secoua la tête et sortit un parchemin contenant la liste des personnes à recruter. Elle posa son doigt dessus et tapota sur le nom de la future recrue. Vaëlk Margym, un demi-syrinx, appartenant à la fameuse confrérie des ombres.
Awena espérait pouvoir le convaincre de rejoindre leur cause et d’abandonner cette espèce de pseudo association de délinquants en chaleur.

Elle avait laissé au manoir la fiche que l’Éclaireur avait rédigée à son sujet, et normalement, elle avait tous les éléments en tête. C’était toujours un peu stressant de rencontrer pour la première fois « un talent » car la première impression était la plus importante. Elle devait se montrer en pleine forme et en pleine capacité de ses moyens. Elle était l’Œil Noir, elle était celle qui dirigeait le troupeau et celle qui les manipulait à leur insu, dans l’ombre, pour les conduire vers un but encore plus noir que leur désirs les plus sombres.
Elle était celle qui choisissait, elle ne pouvait se permettre un seul moment de faiblesses en présence de ses ouailles et encore moins en présence des nouvelles recrues.

Elle venait d’arriver à Venill. A peine les pieds posés sur les pavés du vieux port, que la calèche s’en alla à toute vitesse pour éviter d’attirer trop l’attention. Awena pria tout et n’importe quoi pour garder le contrôle puis se dirigea vers les docks. Elle savait que sa future proie se trouvait dans les environs. Elle repéra un individu étrange avec une bourse bien pleine à peine dissimulée ainsi la transaction s’effectuerait ici ? aux yeux de tous ?

Awena s’appuya contre le mur d’un des hangars et sortit une pièce d’or avec laquelle elle se mit à jouer. Elle comptait le nombre de tours qu’elle arrivait à lui faire faire en la lançant en l’air avant de la rattraper dans sa main.

Un individu d’apparence humaine s’approcha de l’homme en question, il semblait content de lui. Dans les 1m70, ce gars faisait jeune même trop jeune. Peut être s’était-elle trompée ? Il semblait avoir à peine 20 ans voir 25 tout au plus. Dommage, l’Éclaireur n’avait pas eu le temps de lui faire un portrait.

Awena décida quand même de le suivre, elle aviserait par la suite. C’est ainsi qu’elle passa sa journée à le suivre. Elle essayait en même temps de repérer ici ou là, une trace de sang, un signe d’adhésion à la confrérie des ombres … rien à faire le doute subsistait.

Awena se dirigea vers l’arrière cour de la taverne et grimpa au sommet d’un arbre afin d’avoir vue sur la chambre où logeait la cible potentielle. Et c’est au moment précis où elle vu un des rats du messager que le doute disparu. Franchement quel autre rat que ceux du messager, pouvait être de deux couleurs et porter un message ? Le message qu’elle avait soigneusement écrit il y a quelques jours de ça…

Elle allait passer une sale nuit, le jeune homme semblait décidé à rester à l’auberge pour la nuit. Awena ne pouvait se permettre de prendre une chambre, elle ne pourrait surveiller ses mouvements. Allons bon, ça ne serait pas sa première nuit blanche et sûrement pas sa dernière non plus.

Awena commençait sérieusement à s’ennuyer, les derniers habitués de la taverne ayant quitté quelques heures auparavant les lieux. Elle n’avait plus rien à regarder, à analyser ou à commenter en regardant les fenêtres de l’auberge. Elle fixait la fenêtre du demi syrinx en espérant que celui-ci soit un lève tôt car en plus, elle commençait à avoir mal aux fesses. Elle avait besoin de bouger, de s’étirer, de réveiller ses muscles endoloris par une position trop statique.

Awena sauta de son arbre quand elle aperçut du mouvement. Il s’était levé, elle avait aperçut sa tête se diriger vers la porte. Elle attendit au coin du mur en restant attentive au bruit. Décidément, « le talent » avait la bougeotte, il allait la faire marcher encore combien de kilomètres aujourd’hui ?

Avait-il pris en compte les éléments du parchemin, en tout cas, il semblait l’avoir lu… et décida de s’isoler dans un lieu plus que calme… en plein jour du moins. Parfait, un cimetière, elle allait pouvoir l’aborder.

Awena prit un bouquet de fleurs sur une sépulture et cessa de se cacher. Elle avança dans l’allée principale du cimetière et fit mine d’aller déposer des fleurs sur une des tombes situées un peu plus loin de la cible. Elle était passée devant, elle avait croisé son regard, elle voulait en être sûre et certaine qu’il était prêt à l’écouter. Elle déposa les fleurs sur une tombe au hasard, fit mine de prier et se redressa pour se diriger vers l’individu. Elle se stoppa à quelques mètres de lui et inclina la tête pour le saluer.

« - Vous devriez vous méfier cher Vaëlk Margym, les morts enterrés détestent partir en fumée… ou servir de fauteuil.»

Awena resta debout, impassible et attendit sans aucune émotion apparente la réaction du « jeune homme».