Une histoire de poiscaille [PV Aï-Noh]

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Je me suis toujours demandé qu'est-ce qui valait les a priori. Je sais qu'il y a des esprits malades pour les imaginer et des esprits naïfs pour les croire aveuglément mais, quand est-il du reste ? Dans le tas, il y a aussi une bonne part de paresse intellectuelle, ceux qui ne veulent rien entendre, ni mensonge ni vérité. Quant à ceux qui sont clairvoyants, ils sont tellement peu nombreux qu'ils disparaissent dans la masse. Où se cache la vérité dans tout ce mensonge ? Qui sont les mains, ou plutôt les têtes, qui décident à leur bon gré de ce qui est bon et de ce qui est mauvais ? Ils se satisfassent de leur ignorance et braille leurs ragots à tout va mais, c'est parce que la réalité est bien triste pour eux qu'ils essaient de ramener vers eux ce qu'ils n'atteindront jamais, plutôt que d'essayer de s'élever. Un admirable mélange de paresse, d'envie et d'hypocrisie maladive. J'ai toujours adoré regarder ces gens là, postillonner leur âneries devant leurs semblables et un publique d'imbéciles heureux, cela me fait tellement rire que j'en arrive à avoir des larmes. Ils cherchent à tâcher ceux qu'ils envient mais, en réalité, ils ne font que témoigner de leur bassesse. Par conséquent, quand on me répète sans cesse que les marais sont empoisonnés, qu'il y a des monstres qui se cachent ici et qu'il est dangereux de s'y aventurer ... Eh bien j'y vais et j'emmerde le monde ! ... Bon ... Je devrais réfléchir moins que ça moi ...

Note 138

Une eau stagnante et croupie, une odeur de souffre dans les airs, des bois angoissants et un atmosphère pour le moins pesant, ce silence morbide quoi que quelque peu troublé par les croassements des corbeaux ... On aurait pu croire que les rumeurs étaient fondées et pourtant, en cette belle journée ensoleillée, un homme s'était décidé à venir les braver. Un homme vêtu normalement, portant avec lui un panier en osier, un sac en cuir sur le dos, une chaise pliante sous le bras et une canne à pèche à la main. Tout naturellement, il était partit déposer tout cela près des marais, s'installant sur la rive. Il posa sa chaise sur le sol, trafiqua sa canne, ouvrit son sac et y accrocha un appât ... Une côte de boeuf bien saignante. Quand, même il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin ! Il regarda les alentours, puis le marais. L'eau ne bougeait pas, y avait-il vraiment du poisson ici ? Si c'était le cas, il était curieux de savoir à quoi il ressemblait et quel gout il avait. Il finit par lancer la ligne au loin, au milieu de l'eau, puis attache le manche de la canne au sol. Il soupira, puis ouvrit le panier en osier pour en ressortir de la nourriture, soit du pain et du fromage aux noix.

- Ça c'est bon ça.

Dit-il en l’entamant. Il avait emporté de la viande et de la boisson aussi, de quoi tenir la journée. En effet, il n'avait pas l'intention de repartir avant la tombée de la nuit et ce n'était encore que la matin. Il s'étira un peu, puis attendit patiemment tout en réfléchissant. C'est vrai que c'était bizarre de trouver un homme seul ici, en train de se livrer à une partie de pêche tout en prenant du bon temps. Le cadre n'était vraiment pas approprié mais, qu'importe, il ne fallait jamais se fier aux apparences. De toutes les façons, même si Rytchkine ressemblait à un homme ordinaire, il était loin de l'être, alors partant de ce constat, rien ne pouvait surprendre et surtout, le surprendre !

Le Monstre du Marais ________________ ________________

Aï-noh dormait paisiblement au fond de l’eau d’un des bassins du marais. Ses branchies filtraient le liquide poisseux, silencieusement, lui permettant de respirer. Bien que l’eau fût saturée, Aï-noh, lui, y voyait parfaitement. C’était une partie de plaisir quand on avait l’habitude de se promener dans les confins abyssaux où les grandes bêtes s’amusent à remuer le sable sans cesse. Alors qu’il dormait, les points lumineux de son corps s’étaient éteints, comme mis en veille ; il s’agissait là d’un système de défense propre à son peuple. Et bien oui, pensez vous survivre une seule seconde dans des eaux profondes en piquant un somme alors que des bêtes pourraient apercevoir vos lueurs ? Evidement que non.

Pourtant, son sommeil fut troublé par quelques vibrations inhabituelles, à la surface. Elles créaient des ondes à la surface de l’eau, c’était déplaisant. Ses yeux s’ouvrirent alors, le tirant d’un long sommeil. Ses écailles phosphorescentes s’illuminèrent à nouveau, unes à unes, et ses pupilles se dilatèrent derrière sa troisième paupière. Elles s’illuminèrent alors à leur tour.
Quelqu’un avait pénétré sur son territoire. Les autres bêtes des marais avaient peur de lui, et n’oseraient jamais s’approcher de son point d’eau sans son autorisation. De plus, elles ne se déplaçaient pas sur deux pattes. Mais l’étranger alla encore plus loin en jetant quelque chose dans son bassin. Son territoire. Aï-noh nagea prudemment au fond, à quatre pattes, tapit sur le sol nauséabond de l’étang.

Le nez fin du jeune hybride lui indiqua que du sang avait été versé dans l’eau, et sa faim se réveilla alors. Ce n’était pas la première fois que des humains tentaient de le faire sortir de son trou pour l’attraper. Après tout, il était le Monstre du Marais. Une bête assoiffée de sang qui démembrait quiconque s’approchait de ses terres. Ce qui était faux. Il ne démembrait que ceux qui souillaient ce sol parfait.

Pour faire bisquer un peu ce mauvais plaisantin et du même coup remplir son estomac, il retira avec délicatesse le bout de viande, et accrocha la botte d’un importun à l’hameçon. Il tira alors sur le fil de toutes ses forces avant de lâcher.

Ensuite, il entama le morceau de viande, content de sa farce.

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Alekseï attendait mais, le poisson ne semblait pas venir. Peut-être avait-il prévu un appât trop gros ? Ou peut-être qu'il n'y avait simplement aucune espèce vivante dans ces eaux là. En fait, les possibilités étaient nombreuses et chercher à trouver la bonne, ou tout du moins la plus probable, semblait assez difficile. Rytchkine mangeait son pain tranquillement en observant l'eau, tout en se posant la question. Soudainement, il y eut un remous, enfin ! Il lâcha sa pitance et se dépêcha de récupérer sa canne. Il constata que ça tirait très fort sur l’hameçon, surement une grosse bestiole ! Un large sourire se dessina sur ses lèvres, à quoi pouvait bien ressembler cette prise qui s'annoncer fabuleuse ? Il tira sur la canne pour la faire remonter, avec difficulté cependant. La force de cette chose était vraiment grande. Il finit néanmoins par l'extirper de l'eau et ... Il perdit aussitôt son sourire. Une vieille botte ? Il fronça les sourcils, perplexe.

- Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?

Dit-il sèchement en ramenant sa "fabuleuse" prise à lui. Une vieille botte en cuir, sale et rongée. Mais il ne fallait pas se fier aux apparences ! Si cela se trouvait, cette vieille botte était en fait une sorte de métamorphe aquatique ! C'était dangereux ! Il la jeta aussi vite au loin, avant de se lever pour l'approcher doucement. Il prit un bâton, elle la toucha avec le bout. Elle ne réagissait pas. Faire le mort, une tactique bien connue du monde animal ! Il frappa alors la botte avec, aucune réaction là encore. Il recommença, des fois qu'elle avait simplement encaissé le coup mais, là encore, rien ne se produisit. Cela le frustrait et le laissait dans l'incompréhension. Il avait envoyé dans l'eau un morceau de viande, il se retrouvait avec un vieux morceau de cuir tout décharné. Il manquait un élément, comment cette botte s'était-elle accrochée à l’hameçon et où était passé l'appât ? Si ce n'était pas un métamorphe aquatique, cela signifiait qu'il y avait une autre créature qui avait procédé à l'échange et si échange il y avait, c'est que cette créature était dotée d'une certaine intelligence. Alekseï ramassa la botte et la renvoya dans l'eau, nerveusement. Il revint ensuite s'asseoir à sa place, puis accrocha cette fois-ci un tout autre type d'appât. Un petit cristal qui avait la particularité d’émettre une lumière bleuâtre dans l'eau. Il s'en était servi à l'époque pour illuminer le lac qui bordait l'entrée de son repaire. Il renvoya alors sa ligne dans l'eau, puis attendit patiemment là encore, en reprenant son repas. Il pestait cependant contre la viande qu'il venait de perdre inutilement, ça coûtait cher mine de rien ces choses là !

Le Monstre du Marais ________________ ________________

Aï-noh resta au fond de l’eau, à digérer son repas si gentiment offert par la créature terrestre qui s’amusait avec son crochet et son filament. L’hybride aimait à faire des farces à ceux qui s’aventuraient dans son territoire, mais ils finissaient toujours par s’énerver. Et Aï-noh avait alors droit à un repas plus consistant. Mais son repos fut de bien courte durée, puisque l’Etranger revenait à la charge. La botte avait été retournée à son envoyeur. Mais à nouveau, la ligne était replongée à l’eau.

Mais ce qui s’y trouvait était bien plus intéressant.
Par réflexe, de faibles arcs électriques défensifs émanèrent des écailles lumineuses d’Aï-noh.
Il était prêt à attaquer s’il devait le faire.

Avec prudence, il s’approcha de l’objet luminescent. Doucement. Doucement. Lentement. Du bout de sa griffe, il toucha la pierre, fasciné. Elle émettait le même genre de lumière que lui. Pourtant, elle lui donna une légère décharge, mais il n’en eut cure. Il joua avec un instant, et s’aperçut qu’elle était nouée à la ficelle de la ligne. Peut-être avec ses dents…

Le jeune Un-dine-gan machônna un moment la ligne, tenta de la briser, mais rien n’y fit. Ses puissantes mâchoires ornées de trois rangées de dents n’y vinrent pas à bout. Il désirait garder cette pierre, si semblable à lui, mais il ne pouvait pas. Si l’humain à la surface le voyait, peut-être fuirait-il avec cet objet si particulier. Il tira alors de toutes ses forces sur le fil, tentant d’arracher la perche à la poigne de l’inconnu. De plus en plus fort, de plus en plus loin, il s’éloigna dans les eaux troubles de son marais. Finalement, l’être de surface lâcha, mais la petite pierre n’était toujours pas libérée. Il vit une silhouette se pencher aux dessus de son chez-lui, et décida d’intervenir. Il n’avait pas à penser qu’il était chez lui tout de même. Prenant appuis sur ses jambes, il bondit hors de l’eau et plaqua l’inconnu au sol, grondant.

Il lui fallut un intense effort pour réussir à réveiller ses cordes vocales, lui qui n’avait plus parlé à personne depuis longtemps. Bien d’audible, cela semblait être un grondement guttural plutôt que la sympathique mélodie des mots.

- Toi… Paaas.. C-chez toi.

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