Alekseï semblait avoir du mal à se remettre de leur chute. Il était toujours allongé et se frottait les yeux.

— Tu répètes encore une seule fois que tout ceci est de ta faute et que tu ne pourras jamais te le pardonner et je tue, là, maintenant, sur place. Le mensonge, c'est bien la seule chose qui la particularité de me mettre en rogne contre n'importe qui ! Ca veut dire quoi ça que c'est de ta faute ?! T'avais prévu que les séraphins allaient te faire un coup pareil ?! Qu'ils allaient te traîner dans la merde et moi aussi par la même occasion ?! Tu crois que tu aurais pu faire quelque chose pour les en empêcher ?! Certainement pas ! Et même si tu savais tout, ils t'auraient tué directement, sans se soucier de quoi que ce soit et même si tu m'avais tout caché à cet instant, ça aurait été légitime. Ils sont répugnants ... T'as rien à te reprocher, t'as rien fait de mal, t'as fait qu'être toi-même, fidèle, honnête et courageuse, c'est tout. Ils t'ont trahis, comme ils m'ont trahis, et ils le payeront un ces jours. T'as peut-être du sang sur les mains, comme tout le monde malheureusement mais, t'es pas coupable, ce qui n'est pas mon cas ni leur cas.

Il avait réellement l'air en colère, ce qui étonnait la séraphine. Il se mettait vraiment dans tous ses états pour la déculpabiliser. Mais il avait raison. Et il lui ouvrait les yeux par la même occasion sur ce qui germait dans son esprit depuis un moment déjà… mais dans le Vein, cela avait prit une toute autre dimension qu'elle tentait d'atténuer ici. Mais il fallait bien qu'elle se fasse à cette idée : on l'avait trompé. Il lui faudrait tourner la page et continuer sans eux… mais peut-être avec Alekseï, en tout cas l'éspérait-elle. Et c'était encore mieux. Cette simple idée la motivait plus qu'autre chose.

Le visage d'Alekseï inquiéta quelques instants l'ange tant il paraissait vraiment enervé. Mais ce n'était sûrement pas la seule raison. Il lui en voulait certainement de l'avoir entraîné vers de multiples dangers lors de leur confrontation avec leur dragon. Mais jamais elle n'aurait risqué la vie du guerrier sans savoir qu'elle allait réussir. Mais peu importe, il ne lui laissa pas le temps d'y réfléchir davantage puisqu'il la tira vers lui après lui avoir saisi la main.

— Et si j'ai décidé de te rejoindre dans le Vein, de tenter de sauver ta peau avant la mienne, c'est parce que ... Parce que ...

Elle avait l'impression de revivre le moment où il avait failli se faire tuer dans le Vein… Le moment où il s'était interrompu avant de tomber, inconscient.

— Tu sais, parfois, de simples gestes en disent plus que tous les mots de l'univers.

Sur ces mots, il l'attrapa derrière la tête et l'amena à lui pour l'embrasser. Instinctivement, l'ange lui répondit de la même façon. Il l'avait pris par surprise mais cela lui plaisait. Et elle se rendit d'ailleurs compte qu'elle en avait envie depuis un moment déjà. Ces derniers temps sans lui avaient été difficiles et lourds de conséquence. Elle était heureuse de le retrouver. Cela se manifestait pourtant d'une façon dont elle ne s'était pas douté. Après un moment, il s'écarta mais resta assez près d'elle.

— Tu comprend mieux le truc où, il faut quand même que je m'explique ?

Narydia se serait bien passée de cette question qui, à vrai dire, ne venait que rompre le moment. Mais elle en profita pour répondre avec un brin de provocation, afin de le faire marcher un peu. Après tout, il avait posé la carte de l'humour, elle allait donc faire de même. SI seulement il s'était tu au lieu de prononcer ces derniers mots inutiles. Bien évidemment, elle avait compris là où il voulait lui en venir. Il lui avait parlé ouvertement de ce qu'il pensait d'elle et son implication auprès d'elle, sa façon de veiller sur elle, au risque de sa vie… tout cela parlait à sa place. Et Narydia prenait conscience qu'elle ne pouvait plus se passer de sa présence, de ce qui faisait que c'était lui, Alekseï. Il s'était ouvert à elle et cela l'avait touché. Jamais elle n'avait autant accordé à sa confiance à un homme aussi rapidement. Elle s'était rendue compte qu'elle était prête à prendre des risques pour lui, ou bien plus. Mais se dévoiler complètement était encore difficile, même si elle ne voulait rien lui cacher, et même s'il avait déjà dû comprendre que son affection était réciproque.

Le sourire aux lèvres, la séraphine s'écarta un peu et fit mine de ne pas saisir sa question.

— Je suis désolée mais… je pense avoir besoin que tu m'expliques clairement. Parce que tu parles de sacrifices, de me sauver avant toi-même, de me vouloir absolument saine et sauve, d'être ce qu'il t'es arrivé de meilleur et… j'en oublie je crois… ah oui, de mériter mieux que toi mais j'en doute, de ne jamais m'oublier… Je pense que ce n'est pas du tout suffisant comme explications. Et je crois n'avoir pas cité les meilleures. Je ne dois vraiment avoir aucun discernement…

Son sourire s'élargit et elle fit quelques pas tout en lui faisant croire qu'elle réfléchissait. Les actes du guerrier l'avait un peu prise de court, mais la séraphine n'avait pas l'intention de passer à côté de cela. Elle ne voulait pas mettre de mot sur ses sentiments mais elle les connaissait très bien. Finalement elle s'arrêta et décida de faire cesser sa petite scène. Elle se rapprocha d'Alekseï et poursuivit, sans cesser de sourire mais avec beaucoup plus de sérieux :

— Tu aurais pu ne pas ajouter la dernière phrase, cela aurait été d'autant plus clair. Mais je n'avais pas besoin que tu me le dises. Moi, en revanche, il faut que je te le dise.

Elle s'approcha tout près de lui. Une main posée sur son épaule et penchée à son oreille, comme si elle souhaitait lui confier un secret, elle lui confia dans un murmure :

— Je crois que je suis un peu trop attachée à toi, et ça me plait. En réalité, je me demandais si j'allais supporter encore longtemps l'éloignement, les malentendus et les remords. Je veux te rendre la pareille et plus encore de tout ce que tu as fait pour moi et te prouver que tu n'as rien à te reprocher. Et je crois que mon affection pour toi est tout ce qui me motive désormais pour vivre dans ce monde.

L'ange avait réussi à prononcer ses pensées, exactement comme les souhaitait. Elle décida pourtant de le taquiner une dernière fois, en ajoutant :

— Mais si je te dis que j'ai quand même une part de responsabilité, tu vas me tuer ?

Et sur ces mots, elle déposa un baiser chaud dans son cou avant d'esquisser un sourire.

Le rire d'Alekseï était agréable et si rare que la jeune femme se délectait de chacun de ses sons.

— Hummm ... Je ne sais pas, je te couperai peut-être quelque chose, qui sait ? Mais si je devais te tuer, Narydia, je pense que je me tuerai d'abord rien que pour ne pas avoir à commettre ce que je ne voudrais jamais commettre. Après tout ce qu'il s'est passé, après tout ce qu'on a vécu toi et moi et après cet instant là, comment pourrais-je te reprocher quoi que ce soit ?

Narydia répondit à son sourire avant qu'il ne l'embrasse encore, pour son plus grand plaisir. Mais il s'arrêta brusquement.

— J'y pense ! Les assassins ont détruit mon laboratoire et je n'ai plus un sous en poche. Cela dit, j'ai une solution à ce problème et tu pourrais me rendre un fier service. Est-ce que tu étais au courant que le duché de Rochefort s'est lourdement endetté auprès de l'état ? Une somme colossale qui lui a été accordé, ça se chiffre en plusieurs centaines de milliers de pièces d'Or ... Aux dernières nouvelles, la somme était en train d'être réunie, peut-être qu'il ne serait pas encore trop tard pour récupérer une bonne part du gâteau ? J'ai un contact sur Madorass qui doit certainement être sur le coup à l'heure actuelle, c'est un certain Papy Weed. Je pense qu'avec tous les services que je lui ai rendu, il pourrait se montrer très généreux.

Voilà qui assombrissait l'humeur de la séraphine et lui rappelait cruellement l'attaque des séraphins à son encontre. A ce sujet, Narydia n'avait d'ailleurs aucun détail et se demandait comment il avait pu s'en tirer. Cette pensée était cruelle, et à ce moment, elle haïssait encore plus les séraphins… qu'elle ne comptait désormais plus parmi les siens. Mais elle préféra éviter de questionner Alekseï, ne souhaitant pas encore alourdir la tristesse qui devait être la sienne. Cependant, il ne la montrait pas. Il faisait vraiment tout pour la déculpabiliser, ce qui réchauffait le coeur de la jeune femme tout en l'angoissant. Car si lui ne semblait pas inquiet de sa situation, elle, l'était. Mais il avait du faire preuve d'énormément de courage et ce persévérance pour abattre les quatre séraphins à lui seul. En y pensant, l'idée que le démon dans le Vein ai pu lui donner un coup fatal aussi simplement était insensée.

La jeune femme finit par sortir de ses pensées pour l'observer. Elle réfléchissait à ce que venait d'énoncer son compagnon.

— Très généreux ou très égoïste… et dans ce cas j'imagine que tu as un plan alternatif ? Et quand tu parles de " récupérer une bonne part du gâteau "… ne voudrais pas-tu dire " intercepter une part du gâteau " ?

L'ange eu un rire à cette idée. Elle commençait à connaître les méthodes d'agissement d'Alekseï et cela ne l'aurait pas étonné de sa part. Alors, pour plaisanter, elle répondit :

— Et tu crois qu'une séraphine comme moi commettrait un vol chez un pauvre homme ?

Le terme " séraphine " lui évoquait à présent un tout autre sentiment vis à vis de sa race. La prétention de ce mot la répugnait à présent, et elle ne voulait plus vraiment y être rattachée. Sa race à qui elle ne voulait plus s'adresser ni se comparer. Avec un sourire, elle poursuivit :

—… sauf si c'est justifié, évidemment. Et je te dois bien ça. Après tout, je ne suis plus au service de personne et je n'ai plus de justice — ingrate — à rendre. Par contre, si on pouvait faire ça dans un premier temps disons… pacifiquement ? Je n'ai pas envie d'abîmer un vieil homme pour son argent.

Puis le regard de Narydia se porta sur l'allure d'Alekseï en général puis sur sa propre armure. Ils étaient bien amochés, sales, et absolument pas présentables. Pire, ils risqueraient d'effrayer leur interlocuteur en arrivant à Madorass ou même d'être pris pour des brigands ou autre chose encore… même si la qualité et la finesse des armures qu'avaient forgé Alekseï ne pouvait pas le laisser présager une seule seconde. Sous les tâches de suie, de sang et de poussière, celles-ci étaient presque méconnaissables. Se mettre en route vêtus ainsi n'était réellement pas une bonne idée.

— Par contre… je pense qu'avant de nous mettre en route, il faudrait remédier à cela… dit-elle en désignant leurs armures. Si nous ne voulons pas effrayer ton Papy Weed qui j'espère, ne sera pas aussi secoué que Pépito, ajouta-t-elle avec humour.

— Pour toi, Narydia, le problème n'est pas aussi difficile. Sublime comme tu es, une simple toilette dans le lac te suffira à te faire belle, par contre, pour moi, avec la tête que je me paie dans cette armure, c'est une autre affaire. Papy a beau être une personne très ... Décontractée, je pense que je lui ferais plus peur qu'autre chose s'il me voyait comme ça.

Narysia secoua la tête avec un sourire devant ces commentaires. Il avait beau dire cela, elle n'échapperait pas à la toilette, même si elle n'en avait pas l'air.

— Et je pense surtout que tu te sous-estimes, répondit-elle en souriant une nouvelle fois.

Alekseï s'était relevé.

— Je vais enterrer mon armure ici et je viendrai la chercher plus tard. J'ai des vêtement convenables en dessous de l'acier, mais, cela ne m'épargnera pas du bain ... Hélas. Tu devrais y aller la première, le temps que j'en finisse avec ça ... Ou alors tu préfères que je te rejoigne dans l'eau ?

Narydia ne savait pas si c'était une bonne solution de laisser son équipement là… mais après tout, le guerrier connaissait peut-être mieux l'endroit qu'elle et il était possible que personne ne vienne faire de recherches ici. En fait, c'était même improbable… Elle se faisait des idées et devait cesser de s'inquiéter. Alekseï savait ce qu'il faisait, il reviendrait ici et il la retrouverait, sans aucun doute. La jeune femme allait lui proposer de rester avec lui le temps qu'il enterre son équipement mais il poursuivait déjà :

— Mais non, faut d'abord que je m'occupe de ça.

Narydia avait remarqué le sourire plein de sous-entendus d'Alekseï et aurait aimé lui répondre dans le même sens mais il préférait enterrer l'armure dès maintenant. Il commençait à la retirer lorsqu'elle répondit avec une mine déçue :

— Tant pis ! J'irai me baigner seule dans ce grand lac froid, quitte à m'y perdre ou me faire emporter par une vague, ou me faire enlever par des pirates… me faire attirer dans les profondeurs par un gros poisson… ou peut-être que j'aurai simplement une crise cardiaque ou que mon coeur s'arrêtera de battre au contact de l'eau… Qui sait ! A tout à l'heure.

Elle lui tourna le dos le sourire au lèvres, riant de sa propre comédie. Elle avait essayé de le tenter et de le faire flancher pour qu'il la rejoigne. Mais elle ne l'attendit pas et se dirigea vers le lac plus loin dans les ruines, à quelques mètres d'ici. Le paysage était plutôt triste, mais il avait l'avantage d'être triste et désert. Il faisait plutôt chaud et en jetant un oeil vers le soleil, l'ange constata qu'il devait être à son zénith. Un moment parfait pour faire sa toilette. La jeune femme détacha l'épée de sa ceinture et la posa sur la berge. Puis, elle commença à retirer peu à peu son armure jusqu'à se retrouver avec ses seuls sous-vêtements. Elle rentra dans l'eau qui se réchauffa à son contact et commença à astiquer l'armure qui recommençait à étinceler davantage au fil des secondes. La séraphine en profitait pour examiner de plus près le travail d'Alekseï, qui était exceptionnel. Fin, méticuleux, il avait été fait avec le plus de soins possibles. Une réelle oeuvre d'art à laquelle Narydia comptait faire honneur.

Une fois qu'elle eu terminé, elle la reposa sur le bord et entreprit de faire sa propre toilette. Elle nagea un peu vers un endroit assez profond afin d'être parfaitement immergée et profita de ce moment de sérénité. Enfin, elle pouvait profiter du calme et se détendre après cette longue escapade dans le Vein, qui avait été bouleversante à de nombreux points de vue. Elle ne souhaitait pas penser à Adyril et à ce qu'elle avait perdu… mais plutôt à ce qu'elle avait gagné, à savoir Alekseï. Son appui, sa confiance, son affection… et tant de choses qui la faisaient se sentir bien et rassurée et en fin de compte heureuse. Elle voulait mettre ses problèmes de côté pour le moment et ne penser qu'à ce bien-être. Les choses avaient changé et elle appréciait plus que tout ce lien entre eux, mêlé de respect et de ce sentiment qui ressemblait à de l'amour. C'était ce qu'elle ressentait.

La jeune femme sortit de sa rêverie après quelques minutes et observa le lac. Serein, aucune vague ne venait le troubler, il était parfaitement lisse et clair. Soudain, la séraphine posa ses yeux sur une couleur dorée scintillant sous l'eau. Qu'etait-ce ? Curieuse mais prudente, la jeune femme s'en approcha et plongea la tête sous l'eau après avoir coupé sa respiration, en direction de la petite lumière. L'eau presque transparente lui permettait une parfaite vision et Narydia ne tarda pas à distinguer ce qui ressemblait à une arme. Elle la saisit en main et constata qu'il s'agissait en réalité d'une magnifique dague au pommeau incrusté d'émeraude et de saphirs joints par des dorures. La lame était courbée et ne semblait pas trop érodée par l'eau. Narydia glissa son doigt sur le fer qui trancha son doigt sur un centimètre. C'était étonnant. Elle paraissait pourtant d'un âge très avancé mais le temps ne semblait pas avoir eu d'impact sur son efficacité… une arme magique peut-être ?

La lame était vraiment sublime et Narydia avait du mal à croire qu'elle fut aussi bien conservée. Elle ne pouvait pas précisément la dater mais si elle jonchait le fond du lac depuis que l'ancienne capitale était en ruines, il s'agissait là d'un trésor qu'elle comptait bien préserver. Satisfaite de sa découverte inattendue, la jeune femme frappa le sol de son pied pour remonter à la surface. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle trouva Alekseï non loin d'elle, visiblement affolé et désemparé. Lorsqu'il la vit, le silence retomba et il mit quelques secondes à réaliser qu'elle était devant lui, vu sa mine. Narydia avait haussé les soucrils avec étonnement. Elle n'avait pas plongé plus de 10 secondes. Il s'était rapproché d'elle et ne déguisa pas sa frayeur avec un ton qu'il voulait accusateur mais qui la fit sourire :

— Tu m'as fait peur ! J'ai cru un moment qu'il t'était arrivé malheur !

— Allons, j'ai à peine eu le temps de ramasser ça… rit-elle.

Il avait posé son regard sur la dague qu'elle tenait en main. Elle se rendait compte que sa taille était plutôt impressionnante dans sa main. Elle était plus large que les dagues habituelles et Alekseï le lui fit remarquer :

— Quelle belle dague. Or, pierres précieuses ... En plus elle à l'air en bon état. Ça me rappelle que ce lac était autrefois un lieu d'offrandes, tu as eu de la chance de tomber sur l'une d'elle, ce n'est pas la première fois que quelqu'un cherche à en ramasser. Il doit y avoir beaucoup d'autres ici mais, elles sont bien cachées. Je ne pense malheureusement pas que tu vas avoir le temps de partir à leur recherche dès maintenant.

Partir à la recherches de trésors ? Ce n'était vraiment pas son intention pour le moment. Et visiblement, c'était également l'avis du guerrier qui avait glissé ses mains dans dos. Son contact à même sa peau mouillée la fit frissonner.

— Parce que là, maintenant, on a quelque chose de plus intéressant à faire ... C'est une bien jolie tenue que tu as là, dit-moi ?

L'ange esquissa un sourire en coin et répondit :

— Je dirais plus le strict minimum plutôt qu'une véritable tenue. Pourtant, je te jure que je n'ai pas fait exprès…

A vrai dire, elle n'avait pas vraiment pensé aux conséquences de sa baignade sur le coup, mais elle voyait bien clair dans les yeux d'Alekseï. Et elle y lisait son propre désir qui faisait bouillonner son sang à cet instant. Un feu follet qui grandissait avec les actes de la nature sur sa personne ou sur ses émotions… son feu à elle qu'avait encore une fois titillé le guerrier et qui la plongeait dans un tourbillon de sensations brûlantes et animées par la passion. Car le feu pouvait être aussi destructeur que passionné. Il consumait tout sur son passage et laissait des traces invisibles mais bien réelles. Elle aimait sa proximité et jouait des effets qu'il avait sur elle. Tantôt ardent, la seconde d'après radouci, il prenait plusieurs formes et à cette instant, c'en était l'aspect le plus délicieux. La douceur et la violence, la pudeur et la découverte, de soi et de l'autre, au final une fusion émotionnelle rassurante et paisible qui annonçait de nombreuses promesses. Cette affinité qu'elle avait développé en elle avec cet élément brûlant lui était plus cher que tout et à présent qu'elle était dans les bras d'Alekseï, contre lui, elle souhaitait lui communiquer son amour à travers cette chaleur et ce bien-être. Elle voulait le lui transmettre afin qu'il la comprenne… qu'il comprenne sa façon d'être et qu'il comprenne qu'elle était là, avec lui. Quant à lui, il lui communiquait toute la tendresse et toute la douceur qu'elle aurait pu espérer venant de cet homme qu'elle avait eu du mal à cerner mais de qui elle avait voulu se rapprocher, jusqu'à un point fusionnel, un point où ils se comprenaient et s'acceptaient.

Ils avaient rejoint la berge et la jeune femme s'approcha de son armure.

— Bah tiens, c'est la première fois que je fais aussi ample connaissance avec une séraphine ... Ça me fait bizarre.

Lorsqu'elle eu prit son armure, juste avant de la revêtir, la séraphine qui était un peu dans les nuages déposa un baiser rapide sur les lèvres d'Alekseï.

— Tu parles trop. Mais à vrai dire, il en va de même pour moi avec un Élu… qui s'y connait bien en la matière, de toute évidence, termina-t-elle avec un petit clin d'oeil.

Sur ces mots, elle revêtit son armure et chercha un moyen d'y accrocher la dague. Ce serait rudimentaire pour le moment, mais elle lui achèterait un fourreau une fois en ville. Sa ceinture ne lui permettrait pas de la tenir, aussi la jeune femme la place dans l'une des sangles à l'arrière de sa botte. Elle regarda ensuite à Alekseï et prit la parole :

— As tu bien enterré ton matériel ? Je pense qu'il ne faudrait pas trop s'attarder ici… de toute évidence, 'j'ai entendu dire qu'il était très fréquenté par les brigands qui venaient y chercher des trésors. Non pas que je craigne d'en découdre, mais je suis d'une tout autre humeur, si tu vois ce que je veux dire…

Elle esquissa un sourire. Depuis qu'ils s'étaient échappé du Vein, elle se rendait compte que le lâcher des yeux était de plus en plus difficile. Il l'attirait, de façon chimique mais aussi car elle avait l'impression de vouloir rattraper le temps perdu. Si au début, elle avait pu avoir des incertitudes lorsqu'il lui avait pour la première fois parlé de ses sentiments, à présent c'était tout le contraire et la jeune femme en voulait encore plus. Elle se sentait comme magnétisée par tout ce qu'il manifestait de lui, ses émotions, ses paroles, ses regards et ne voulait pas que cela cesse. Elle se reprit au bout d'un moment en se rendant compte qu'elle s'était complètement perdue dans ses pensées.

— Au fait, je crois que je ne pourrai pas passer inaperçue cette fois-ci… je n'ai plus de cape et mes ailes seront bien visibles. Madorass est la capitale et je crains que nous y fassions de mauvaises rencontres… j'y ai déjà rencontré des démons à plusieurs reprises et mes ailes ne seront qu'un aimant pour les ennuis. Le plus rapidement possible, il me faudra trouver de quoi les recouvrir afin d'éviter les regards indiscrets, à moins que tu préfères prendre les problèmes à bras le corps, ce qui au fond ne me dérange pas, rajouta-t-elle avec un rire.

La séraphine connaissait bien la population de Madorass. On y trouvait absolument de tout et elle savait que cette citée pouvait se révéler un nid à problèmes si jamais on la reconnaissait… Elle n'avait pas mentionné l'éventuelle présence de séraphins qui pourrait la reconnaître et l'emmener en Adyril donner quelques explications sur ses agissements à l'empereur… mais c'était une autre des possibilités.